La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jeremy Fox
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par Jeremy Fox »

ballantrae a écrit :Pour Polisse, ne t'énerve pas : c'est juste un running gag...qui ne fait sûrement rire que moi, sorry!tu sais des potes me chambrent régulièrement sur Le cheval de Turin (dont ils n'ont vu que la bande annonce , les gros enfoirés!) mais je ne le prends pas mal ou plutôt je m'agace par pure habitude, sachant bien que je ne parviendrai jamais à les convaincre du bien fondé de ma thèse!
Je ne pensais pas devenir l'agaçant "monsieur Ballantrae" désolé!
Sans rancune pour ma part ; juste un peu agacé aussi sur le coup.
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par Ouf Je Respire »

Bon, les z'amours, vous êtes bien mignons, mais où donc sont les avis des forumeurs sur ce film? Parce que je vous signale qu'il est désormais à l'affiche!
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tenia
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par tenia »

J'aimerais bien le voir, mais des horaires de merde couplés à une durée de 3h rendent la chose compliquée, surtout que je ne serai pas là ce week end. :|
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locktal
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par locktal »

Un film intense, poignant, cruel, foudroyant et admirablement dirigé.

Il y a dedans parmi les plus beaux gros plans de visages que j'ai vus de ma vie. Kechiche n'a pas son pareil pour capter l'intensité des regards, le mouvement sensuel des lèvres, les corps qui s'enlacent et se caressent, et bien sûr le flot de paroles qui surgit des protagonistes. Il manie également l'art de l'ellipse avec une déconcertante habileté, n'hésite pas à faire durer les scènes pour en faire ressortir du vivant, et dirige ses actrices d'une main de maître, en particulier la jeune Adèle Exarchopoulos, absolument tétanisante, qui tire le film vers les sommets.

Ce formidable récit d'apprentissage (de la vie, du savoir, de la connaissance, de l'art) est centré sur le magnifique personnage d'Adèle, qui passe par de nombreuses étapes de la vie dans sa relation complexe avec Emma, plus dure, plus mature, pour enfin se révéler à elle-même et aux spectateurs, fonçant vers un futur incertain, mais en étant peut-être mieux armée.

Kechiche livre ici un véritable travail d'orfèvre. On en ressort lessivé, éprouvé mais heureux d'avoir vécu une telle expérience, un peu à l'instar d'Adèle qui apprend à encaisser tout en continuant à tracer son chemin, sa destinée. Sublime...
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Supfiction
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par Supfiction »

La vie d'Adèle, enfin la voilà..
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Depuis le temps qu'on parlait de ce film sans l'avoir vu (et ce n'est pas un soucis pour moi tant que l'on parle de prix supposés, des relations entre les protagonistes du tournage, des acteurs, mais qu'on ne porte pas de jugement à l'avance sur l’œuvre), je peux enfin passer au chapitre 2 et bel et bien parler du film que j'ai donc vu aujourd'hui même après tant d'attente et de mauvaises augures.
Contrairement à ce que l'on pouvait craindre, dès les premières images, les polémiques sont oubliées et l'on a plus d'yeux que pour Adèle, ses chagrins, ses doutes, ses joies et ses douleurs..

Première chose : La vie d'Adèle est bel et bien une œuvre en deux parties, la première beaucoup plus enthousiasmante et prenante que la seconde d'ailleurs, ayant effectivement regardé pour la première fois ma montre au bout de deux heures et quart, ressentant à ce moment là comme un coup de mou, une forte baisse d'intensité, avec des scènes que je ne qualifierai pas d'inutiles mais de non indispensables, en particulier toute la partie "institutrice".
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Ces deux premières heures sont donc très fortes et contiennent des moments très intenses au point que l'on croit éprouver tous les tourments intérieures de cette jeune fille qui se cherche tant émotionnellement que sexuellement.

Je préviens que je continue mon propos avec quelques éléments révélant le récit en italique, même si on est pas dans un thriller à tiroirs, donc je ne révèle rien de transcendant sur l'histoire..

Le film m'a surpris dans la mesure où je m'attendais aux passages inévitables jusqu'à présent dans tous les films traitant au premier plan de l'homosexualité : le coming out, le rejet (ou non) par les proches, les réactions des parents etc. Il y a bien sur la scène très forte de la cour de récréation (en partie vue et re-revue dans la bande-annonce d'ailleurs ce qui est un peu dommage), mais finalement Kechiche décide de s'arrêter là et de ne pas creuser dans ces sillons vus et revus. On ne verra donc plus les "faux amis" homophobes. C'est dit, c'est fait, on passe à autre chose.
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Et c'est là l'une des grandes forces du film justement, de traiter cette histoire d'amour homosexuelle presque comme une histoire d'amour classique. Du coup, je vois bien les reproches de certains qui diront que cette histoire somme toute banale, traitée avec un couple hétérosexuel, n'aurait eu aucun intérêt. Mais le fait est que oui, c'est une histoire d'amour homosexuelle et que lui enlever ça lui enlèverait toute sa substance.

Dans cette première partie, Adèle ado se cherche, se révèle a elle-même puis passe par l'initiation et la découverte.
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Adèle Exarchopoulos crève l'écran.
C'est LA révélation de l'année et la fille la plus sensuelle que j'ai vu dans le cinéma français depuis des lustres (avec également Déborah François dans un tout autre genre, plus subtile mais certainement moins nature). Je lui prédit une grande carrière si d'autres réalisateurs lui offre à terme autant d'attention et l'occasion d'élargir son répertoire dans des rôles de femme plus mûre ou plus éloignée de sa personnalité.
Pourtant une certaine vulgarité lors de ces interviews m'avait fait un peu peur, mais cet aspect apparaît nettement moins dans le film et passe quoiqu'il en soit au second plan derrière son jeu plein de nuances. D'aucuns pourront trouver qu'elle pleure beaucoup. Il suffit pourtant d'avoir un peu d'empathie et quelques souvenirs des tourments de la vie adolescente pour le comprendre. Et puis il n'y a pas que cela, loin de là. Le désir féminin exprimé comme rarement, la colère, la timidité, l'innocence, l'hésitation, la tristesse, tout y passe filmé en gros plan par un Kechiche amoureux.
Face à ce festival de sentiments exacerbés, Léa Seydoux tient une partition moins étendue mais compose tout de même un caractère intéressant de pygmalion plus sûr d'elle-même et de ce qu'elle veut, et plus mature. C'est aussi sur elle tout entière que repose le postulat d'homosexualité.

Je poursuit par l'évocation des scènes chez les parents d'Adèle dans lesquelles j'ai ressenti beaucoup d'ironie de la part de Kechiche sur cette famille de français moyens quelque-peu conservateurs. En outre, la scène de repas familial filmée en gros plan est assez déconcertante au premier abord, faisant par moments ressembler Adèle à Jacquouille la Fripouille, léchant son couteau, mâchant les spaghettis, s'essuyant la bouche avec les mains ... ces spaghettis qui reviennent d'ailleurs un peu plus tard, lorsqu'Adèle reçoit dans son propre appartement, comme pour mieux évoquer le poids de l'éducation familiale.
Adèle a beau s'élever par ses lectures et ses rencontres, elle n'en reste pas moins marquée par son milieu d'origine et ses mauvaises manières..

Puis vient la séquence de présentation d'Emma aux parents d'Adèle qui ne voient pas ce qu'ils ne veulent pas voir. Très réussie et plutôt réaliste, cette description féroce manque un peu de la tendresse que l'on peut trouver chez d'autres cinéastes (chez Michel Leclerc ou Anne Le Ny par exemple). Kechiche est parfois sans pitié. Cette fameuse scène de présentation répond à la même scène, étonnante, chez les parents d'Emma où la "situation" est gérée à l'opposé, avec un naturel confondant.
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Il y a aussi les scènes de sexe.
Trois et demie (en tout je dirai) et je me suis interrogé sur l’intérêt de leur longueur et surtout de leur répétition. Bien sûr, ce n'est pas désagréable à regarder, les corps sont beaux et rien n'est "trash" bien au contraire donc je ne vais pas me plaindre.. Des scènes où l'on entend plus aucun bruit dans la salle, que les cris de gémissement d'Adèle et de Léa (pardon d'Emma), et où l'on se sent un peu comme dans une salle de cinéma porno (enfin, j'imagine!) au point d'avoir un peu envie de rire de cette situation.
Cette répétition n'apporte rien au récit sinon une impression de continuité, la vie passant, les années mêmes, ponctuées par des nuits d'amour, des manifs étudiantes (ironie de nouveau ?) et de jours d'école (volontairement étonnants par leur normalité)..
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A la fin de la projection, j'ai tendue l'oreille et trois femmes d'âge moyen évoquaient ces scènes de sexe en disant que c'est la première fois qu'elles voyaient des scènes de sexe féminin. Étonnant d'entendre ça en 2013 finalement et du coup je comprends mieux l'intérêt de ces scènes très crues.
Filmé sans érotisme exacerbé mais absolument sans rien nous cacher (nous épargner diront les puritains), elles banalisent totalement l'acte homosexuel en question, stoppant tout fantasme de perversité. En cela La vie d'Adèle est un film d'utilité publique.
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Loin de m'avoir submergé d'émotion comme on peut le lire ici ou là, je suis donc très content d'avoir vu ce film, d'avoir découvert une superbe actrice en devenir, encore juvénile mais belle et sensuelle comme on aimerait en voir bien plus dans le cinéma français. Un peu long (3h) peut-être, au regard de ce qu'il raconte, mais cette longueur est surement partie prenante du naturalisme essentiel au propos et à la force d'une œuvre marquante.
Dernière modification par Supfiction le 11 oct. 13, 01:48, modifié 4 fois.
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par locktal »

Beau texte, Supfiction, pour ce très beau film !

Par contre, je ne suis pas en accord avec toi concernant la partie "institutrice". Car le film parle en effet surtout d'apprentissage, de transmission. On voit d'abord Adèle en tant qu'élève, au lycée, en train d'apprendre de ses profs (d'ailleurs, elle dit elle-même que ce n'est pas la matière enseignée qui compte mais le prof qui enseigne qui compte pour elle). Mais Adèle apprend aussi d'Emma (au point qu'Emma finit par lui mettre une note sur ses prouesses sexuelles), au lit et même dans la vie (les huîtres, la philosophie).

Puis on voit ensuite Adèle en train d'enseigner aux enfants, sa diction change, se fait plus lente. Elle cherche alors à transmettre un savoir, elle se sent donc utile, ce qui n'est pas le cas lorsqu'elle est dans l'entourage d'Emma, où les discussions sur l'art (Egon Schiele, Klimt) ou sur les mythes (Tirésias, hermaphrodite bien évidemment) semblent la laisser à l'extérieur du cercle.

C'est seulement à l'école, lorsqu'elle enseigne, qu'elle se sent bien, notamment lorsque sa relation avec Emma se délite. C'est l'école et son statut d'institutrice qui lui donnent la force de continuer, d'encaisser, qui la révèle aussi à elle-même.

Ces scènes me semblent donc particulièrement importantes. D'ailleurs, chez Kechiche, l'école était déjà au centre de sa thématique lors de ses précédents films.

La 2ème partie, plus sombre, où Adèle devient plus mature, est nécessaire. Elle fait contrepoids à l'insouciance et la découverte du désir, du savoir, de la première partie, pour finir par permettre à Adèle de tracer sa voie et de faire face avec plus de force aux adversités de la vie.
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par Jeremy Fox »

Vous savez transmettre votre ressenti et votre enthousiasme en tout cas ; je sens que je vais aimer :wink:
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Thaddeus
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par Thaddeus »

*Mode Karras On*
Goran a écrit :La vie d'Adèle, Abdellatif Kechiche (2013) :
Incompréhension totale concernant l'unanimité critique dans la mesure où chacun des partis pris me paraît au mieux anecdotique, au pire laborieux ou grossier.
1/10 : Impossible de mettre plus, j'attends avec impatience les avis des forumeurs.
Gustave a écrit :LA VIE D'ADELE - CHAPITRE 1 & 2 : Le film est à la hauteur de son titre : il fait croire dur comme fer qu’on vit un âge d’or où le cinéma peut tout transcender. Tout. La vie. 10/10
Nestor Almendros a écrit :LA VIE D'ADELE: 8/10

J'ai littéralement adoré le premier acte (intense, poignant, etc.). Quel dommage que le reste ne m'ait pas procuré (sauf dans quelques moments) les mêmes frissons et larmes, même si cela reste du haut niveau. Et la petite Adèle (l'actrice) est époustouflante (et magnifiquement dirigée).
Frances a écrit :La vie d'Adèle - Chapitres 1 & 2 (Abdellatif Kechiche) : 10/10.

Je suis sortie littéralement sonnée de la séance. Un très grand film ! Adèle Exarchopoulos est exceptionnelle.
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par poet77 »

Le voilà donc enfin sur nos écrans, ce film qui a déjà fait couler beaucoup d'encre et de salive : célébré au festival de Cannes, encensé par tous les critiques au point qu'on ne peut aller le voir sans être quasi certain d'avoir affaire à un chef d'oeuvre. Les polémiques qui ont agité le petit monde de la cinéphilie n'y changent rien, on nous a dit et répété que « La Vie d'Adèle » est un chef d'oeuvre et nous n'avons donc plus qu'à acquiescer !
Je prendrai donc le risque d'aller à contre-courant (ou à contre-opinion ou à contre-critique) car je n'ai pas du tout le sentiment d'avoir vu un chef d'oeuvre. J'ai vu un film qui certes ne manque pas de qualités (quelques moments ou quelques scènes d'une fulgurante beauté, des actrices d'exception), je ne le nie pas, mais qui, pris dans son ensemble, éreinte, fatigue, annihile le spectateur ! Je suis sorti de la salle saturé et n'en pouvant plus !
Au début du film, avant qu'Adèle ne rencontre Emma, elle essaie de vivre une histoire d'amour avec un garçon, histoire éphémère mais qui donne lieu à quelques dialogues. Ainsi Adèle raconte-t-elle à ce garçon sa passion pour la littérature : « je n'aime pas, précise-t-elle, les professeurs qui se croient tenus de tout expliquer, d'entrer dans tous les détails, car cela bloque l'imagination ! » Or c'est exactement le piège dans lequel est tombé Abdellatif Kechiche : son film est tellement surchargé qu'il bloque l'imagination !
Il y trop de tout dans « La Vie d'Adèle » : le film est beaucoup trop long, les scènes sont beaucoup trop longues, il y a trop de gros plans, trop de réalisme, trop de crudité, trop d'explications, trop de démonstrations... Et, du coup, il n'y a plus de place pour le spectateur ! Quand on voit un tel film, on est sommé de n'être rien d'autre précisément qu'un spectateur, un être passif qui doit assimiler sagement et bêtement tout ce qu'on lui montre. Il n'y a plus de place ni pour l'imagination ni pour l'intelligence du spectateur : tout lui est dit, tout lui est montré, jusqu'à la morve qui souille le beau visage peiné d'Adèle !
Les polémiques qui ont opposé les actrices et le réalisateur ces dernières semaines nous ont tout appris sur le comment. Mais ce qui m'intéresse, ce n'est nullement de savoir comment s'est déroulé le tournage. Je ne tiens pas particulièrement à connaître les secrets de fabrication d'un film. Ce qui m'intéresse beaucoup, par contre, ce sont les questions du pourquoi (en un mot) et du pour quoi (en deux mots). Or plus d'une fois pendant la durée du film je me suis posé ces questions : pourquoi Abdellatif Kechiche a-t-il tourné telle scène et dans quel but ? Les scènes d'étreinte torride, par exemple, apportent-elles quelque chose au film ? A cela je réponds clairement non ! Non seulement ces scènes n'apportent rien, mais en les imposant aux spectateurs, le réalisateur prend le risque d'en faire des voyeurs ! Et ce ne sont pas seulement les scènes de sexe que j'incrimine. Bien d'autres scènes invitent également à quelque chose qui ressemble à du voyeurisme. Pourquoi tant de gros plans sur le visage d'Adèle ? Est-ce nécessaire ? Il y avait tant de manières de raconter cette histoire ; la manière choisie par le réalisateur me laisse très insatisfait.
Dès lors qu'il est question de sexe ou de violence, le mieux est toujours, à mon avis, de suggérer plus que de montrer. Est-ce donc si difficile de miser sur l'intelligence, la sensibilité et l'imagination du spectateur ? A-t-on besoin de tout détailler ? Les grands réalisateurs classiques (les Ernst Lubitsch, John Ford, Billy Wilder, etc.) savaient bien comment s'y prendre pour tout suggérer sans rien montrer. On me dira qu'à cette époque-là sévissait la censure. Certes, mais aujourd'hui encore, il est des réalisateurs, comme les frères Dardenne, qui savent faire place aux spectateurs, qui savent les rendre en quelque sorte participants de leurs films.
Tel n'est pas le cas avec ce film d'Adbellatif Kechiche, tellement surchargé qu'il en devient fatigant ! Pour bien faire, il faudrait réduire sa durée de moitié ! D'autant plus que le scénario en somme n'a rien que de très banal, sa seule originalité étant qu'il s'agit d'une histoire d'amour lesbienne (mais traitée, il faut le dire, intelligemment, comme une histoire d'amour qui touche à l'universel!). Il faut aussi, malheureusement, déplorer les dialogues : la plupart du temps ils sont d'une grande pauvreté et, quand ils essaient d'échapper à la banalité, c'est pour tomber dans la pédanterie et donc dans une autre forme d'insignifiance (c'est le cas chaque fois que les personnages parlent de littérature, de philosophie ou de peinture!). On n'échappera pas non plus à certains clichés, Adèle et Emma étant issues de deux milieux sociaux opposés : chez la première on mange des spaghettis tandis que chez la deuxième on se régale avec des huîtres !
Je ne veux pas accabler davantage ce film qui offre néanmoins quelques beaux moments de cinéma. Mais, on l'aura compris, quand je me rends dans une salle obscure c'est pour y trouver autre chose que ce que ce film m'a offert. Tout à l'heure j'entendais à la radio l'annonce du prix Nobel de littérature accordé à Alice Munro. Et le commentateur ajoutait : Alice Munro, qui écrit essentiellement des nouvelles, possède l'art de mettre tout un monde dans une forme restreinte. Le film d'Abdellatif Kechiche, c'est un peu le contraire : c'est un tout petit monde qui remplit une forme très ample (le film ayant une durée de trois heures)  jusqu'à saturation ! 5/10
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par Thaddeus »

Tu exprimes très bien l'un des principaux reproches formulés par les détracteurs de Kechiche, qui le qualifient de cinéma au forcing, bourrin, de type rouleau compresseur. C'est un cinéma qui pratique l'épuisement. D'une certaine manière et sur ce point précis, la méthode de Kechiche n'est pas si éloignée de celle d'un Lars Von Trier. C'est curieux car autant j'ai souvent beaucoup de mal avec ce type de cinéma, autant je suis totalement emporté par celui du bonhomme.

Tu as pensé quoi des précédents films de Kechiche ? Car ce que tu regrettes ici figurait déjà dans tous ses autres opus, et tout particulièrement dans son précédent Vénus Noire.
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par Flol »

locktal a écrit :Un film intense, poignant, cruel, foudroyant et admirablement dirigé.

Il y a dedans parmi les plus beaux gros plans de visages que j'ai vus de ma vie. Kechiche n'a pas son pareil pour capter l'intensité des regards, le mouvement sensuel des lèvres, les corps qui s'enlacent et se caressent, et bien sûr le flot de paroles qui surgit des protagonistes. Il manie également l'art de l'ellipse avec une déconcertante habileté, n'hésite pas à faire durer les scènes pour en faire ressortir du vivant, et dirige ses actrices d'une main de maître, en particulier la jeune Adèle Exarchopoulos, absolument tétanisante, qui tire le film vers les sommets.

Ce formidable récit d'apprentissage (de la vie, du savoir, de la connaissance, de l'art) est centré sur le magnifique personnage d'Adèle, qui passe par de nombreuses étapes de la vie dans sa relation complexe avec Emma, plus dure, plus mature, pour enfin se révéler à elle-même et aux spectateurs, fonçant vers un futur incertain, mais en étant peut-être mieux armée.

Kechiche livre ici un véritable travail d'orfèvre. On en ressort lessivé, éprouvé mais heureux d'avoir vécu une telle expérience, un peu à l'instar d'Adèle qui apprend à encaisser tout en continuant à tracer son chemin, sa destinée. Sublime...
Je sens que je vais avoir beaucoup de mal à écrire sur ce film (hormis pour dire tout le bien que je pense d'Adèle Exarchopoulos), donc merci locktal pour ta critique, je la signe des 2 mains, ça m'évitera de me faire chier à écrire la mienne. :D
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par locktal »

:D

Et tu as raison : Adèle Exarchopoulos est vraiment exceptionnelle ! J'espère qu'elle saura négocier la suite de sa carrière !
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par Flol »

Je ne sais pas si elle sera capable de jouer dans d'autres registres, elle est encore jeune et "brute" (et Kechiche est un immense directeur d'acteurs) ; mais en tout cas, dans celui-là, elle a clairement quelque chose de particulier.
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par Supfiction »

locktal a écrit :Beau texte, Supfiction, pour ce très beau film !

Par contre, je ne suis pas en accord avec toi concernant la partie "institutrice". Car le film parle en effet surtout d'apprentissage, de transmission.
Je suis tout à fait d'accord avec toi sur le fait que le film parle beaucoup d'éducation et de transmission. Il n'en reste pas moins que cette seconde partie est moins forte que la première et que l'attention du spectateur baisse aux 3/4 du film après plusieurs pics d'intensité, et c'est normal. Cela brouille peut-être un peu la lisibilité du film du coup, le public s'attendant à voir un film sur l'homosexualité féminine, or non il ne s'agit pas que de ça.

Mon texte complété à ce sujet :
Je poursuit par l'évocation des scènes chez les parents d'Adèle dans lesquelles j'ai ressenti beaucoup d'ironie de la part de Kechiche sur cette famille de français moyens quelque-peu conservateurs. En outre, la scène de repas familial filmée en gros plan est assez déconcertante au premier abord, faisant par moments ressembler Adèle à Jacquouille la Fripouille, léchant son couteau, mâchant les spaghettis, s'essuyant la bouche avec les mains ... ces spaghettis qui reviennent d'ailleurs un peu plus tard, lorsqu'Adèle reçoit dans son propre appartement, comme pour mieux évoquer le poids de l'éducation familiale.
Adèle a beau s'élever par ses lectures et ses rencontres, elle n'en reste pas moins marquée par son milieu d'origine et ses mauvaises manières..

Puis vient la séquence de présentation d'Emma aux parents d'Adèle qui ne voient pas ce qu'ils ne veulent pas voir. Très réussie et plutôt réaliste, cette description féroce manque un peu de la tendresse que l'on peut trouver chez d'autres cinéastes (chez Michel Leclerc ou Anne Le Ny par exemple). Kechiche est parfois sans pitié. Cette fameuse scène de présentation répond à la même scène, étonnante, chez les parents d'Emma où la "situation" est gérée à l'opposé, avec un naturel confondant.
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Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)

Message par coldlab »

J'aurais tant aimé ressentir l'émotion perçue par de nombreux critiques et spectateurs.
Hélas!
Quelle déception! Je suis bien loin de partager l'enthousiasme général.
Ce film m'a été survendu !
Truffé de clichés : les prolo forcement ça mange des spaghetti bolo, ca regarde la télé (des chiffres et des lettres) en mangeant et ca rote après le repas. Les classes moyennes ben oui ca mange des huitres et ça boit du grand cru: c'est plus raffiné. Non, non pitié svp !. Je pense aussi aux dialogues sur Klimt et Schiele, etc.
Ah les scènes de cul ! Très réalistes! Ah bon !. Beaucoup de sons de râles, de succion, de claquement de fessiers post-synchro : des scènes belles certes dans les rapprochement des corps et des peaux mais bien trop trop longues, étirées à l'extrême,. Ne comprends pas l'intérêt.
Ne comprends pas toutes ces critiques dithyrambiques.
Heureusement que l'amour décrit ici est celui entre 2 femmes. Le même film avec un couple homme/femme serait d'une telle banalité.
Plus Kechiche observe en filmant au plus près jusqu'à vouloir rentrer, chez ses héroïnes, dans leur derme, bouche, nez, yeux, nous tartinant de toutes leurs secrétions et humeurs, humidifié de larmes, morve et salive, je me détache du film et reste en retrait.

Adèle Exarchopoulos y est par contre extraordinaire. Comme l'évoquent Locktal et Ratatouille faut espérer qu'elle ne soit pas trop marquée au fer rouge et qu'elle pourra rebondir. Elle écrase ici par son jeu Léa Seydoux.
Une belle scène: les cheveux étalées d'Adèle dans l'eau (Supfiction a repris un extrait ci-avant).
J'aime chez Kechiche:
-son utilisation du temps (scène diluée de repas vs sauts temporels dans la vie des héroïnes.
– le fait qu’il va directement « à la scène » sans préliminaires. Rien de superflu.
Donc pour moi au bilan: film moyen (qu’il faut aller voir !)
Décidément 2 cinéastes montrent coup sur coup, encore une fois, à quel point il est bien difficile de s'extraire de son milieu social :
  • - Chez Kechiche, Adèle subira l’immense chagrin de sa vie.
    - Woody Allen (plus méchant cinéaste !) rend Jasmine folle.
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