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Flesh and the devil La chair et le diable - 1926 - Clarence Brown - Greta Garbo, John Gilbert, Lars Hanson, Barbara Kent, George Fawcett.
Clarence Brown suit le schéma conventionnel du mélodrame mais force est de reconnaitre que sa réalisation est très inspirée. Le film bénéficie d’un esthétisme de qualité et de très belles idées de mise en scène. Une fois encore on est en présence d’un triangle amoureux (qui prend par instant des la forme d’un quatuor) doublé d’une amitié fraternelle qui intensifie d’autant plus le scénario.
Plot : Une femme séduit deux hommes amis d'enfance.
Je me demande si à l’époque cela a frappé les foules mais le traitement imposé à l’héroïne - Felicitas /Greta Garbo - est terrible. La figure féminine est littéralement accablée, coupable de tous les maux. Faisant chuter les hommes, mentant, les manipulant et brisant les liens d’amitié scellés depuis l’enfance. A y bien regarder ses actions ne bénéficient d’aucune excuse. Elle sème la destruction et une fois encore la rédemption sera synonyme de mort. Si cette « configuration » a déjà été explorée dans d’autres films (The tempress par exemple) ici elle est accrue par le poids de la religion particulièrement présent.
- Le thème du jardin d’Eden (lieu de la tentation et du pêché qui revient à trois reprises dans trois scènes clé.)
Au cours du bal Felicitas ouvre le passage qui conduit vers le lieu de pêché.

On la retrouve avec Leo sur l'ïle de l'amitié ou elle lui avoue son désir de le revoir.

Felicitas convainc Leo de leur impossibilité à vivre l'un sans l'autre et le fait à nouveau succomber. (Feuillage en arrière plan)
- L’omniprésence du pasteur qui veille, met en garde, tente d’éveiller la conscience de Leo, condamne.
- La demeure de Leo présentée comme une église, les femmes s’éclipsent, libérant l’espace pour les deux amis et le prêtre. Figure du prêtre qui accable. « Aren’t you afraid of what she can do to you a second time ?”. “Yes pastor, I am afraid.”

Plus tard à l’église faisant un sermon. Avec Dieu pour témoin.
- Felicitas apparaissant dans une lumière quasi divine.
- L’église lieu du sermon et des interdits où Felicitas et Leo s’affichent cependant côte à côte à leur arrivée. Provocation / transgression ?

Transgression encore. Felicitas déplaçant le calice pour poser ses lèvres sur l'empreinte de celles de Leo.
- Enfin des mains jointes pour la prière... et la supplication.
Les symboles sont forts, appuyés, récurrents. Le scénario s'efforce de nous faire entendre que Felicitas est une figure négative séduisant les hommes pour mieux leur faire endurer les affres du désir. Sa noiceur est renforcée par le côté positif dont bénéficie tous les autres protagonistes. Leo et Ulrich protégés par leur amitié indéfectible, Hertha qui incarne la pureté du coeur et la beauté de l'âme. La mère de Leo bonne et aimante. Ce traitement trop manichéen nuit un peu au film qui aurait gagné à montrer des personnages plus complexes. Cette réserve mise à part "Flesh and devil" demeure une belle réussite selon l’archétype du mélodrame hollywoodien.

Anecdotes – Autour de
Flesh and the devil - Source : commentaire audio du dvd.
Lars Hanson (qui interprète le rôle d’Ulrich – ami d’enfance de Leo et second mari de Felicitas) était suédois comme Greta Garbo. Ils avaient déjà joué ensemble dans « La légende de Gosta Berling » et furent très heureux de se retrouver sur le tournage.
John Gilbert rejoint la MGM en 1924. Il touchait alors 10 000 € / semaine.
Greta Garbo ne souhaitait pas enchaîner « Flesh and the devil » après « The tempress » (rôle trop similaire) mais L.B. Mayer insista et menaça de rompre son contrat si elle ne cédait pas.
A l’époque il existait différents type d’héroïnes à Hollywood répondant à des stéréotypes. On trouve ainsi :
- La vierge pure et innocente (Lilian Gish, Mary Pickford)
- Les femmes vertueuses (Florence Vidor), trop matures et ennuyeuses pour passionner le public.
- Les vamps (Thera Bara, Pola Negri, Gloria Swanson)
- 1918 verra la disparition des vamps sur les écrans. Le monde change, les femmes sont désormais plus libérées.
- 1926 Il faut trouver un nouveau genre de femmes.
La MGM voit en Greta Garbo une Sarah Bernard, une séductrice à la fois forte et vulnérable.
Un collaborateur raconte à propos de Gilbert et Garbo : « On a assisté sur le plateau à la naissance de leur histoire d’amour. Les deux acteurs les plus séduisants d’Hollywood tombaient amoureux sous nos yeux. »
Pour la première fois Gilbert n’était pas le séducteur mais celui qui était séduit.
W.H. Daniels filme ici le premier baiser le plus passionné du cinéma. Des scènes d’amour d’une telle intensité n’avait encore jamais été tournées.
On rapporte que Greta Garbo aurait dit : « Si je n’avais pas rencontré John Gilbert à ce moment là, j’aurais sans doute mis un terme à ma carrière pour rentrer en Suède. Grâce à lui j’ai établi mon premier vrai contact avec cette Amérique qui me semblait si étrange. »