SPOILERS. Eh bien, je me joins également au clan des admirateurs de ce film.
Black Christmas m'apparaît comme une grande réussite d'un genre qui, paradoxalement, n'existera définitivement et ostensiblement que quatre ans plus tard, avec le
Halloween de Carpenter. Sans vouloir déprécier ce dernier, qui demeure à mes yeux un chef-d'œuvre de tension et de mise en scène, la découverte de ce film de Bob Clark permet de relativiser le caractère révolutionnaire et novateur de cette Nuit des masques, qui emprunte, en définitive, toutes les grandes lignes directrices du film dont il est question ici : ouverture sur la vision subjective du tueur, jeu pervers du chat et de la souris avec les futures victimes au sein d'un espace confiné où la menace peut potentiellement surgir de toute part, fort sous-texte sexuel, voyeurisme,
final girl, etc. Tout est là. Ce qui n'aurait pu être qu'une formule diablement efficace et originale est, en outre, parfaitement exploitée par Bob Clark, qui propose une mise en scène redoutable et inspirée : les plans subjectifs de l'assassin impressionnent par leur maîtrise, et il y a une gestion de l'espace de la maison, jouant sur les angles, les ombres, les recoins inquiétants, qui force le respect (et préfigure, là encore, Carpenter). Comme le soulignait Nestor, le suspense est immédiat, avec l'entrée en scène du tueur qui hantera les lieux durant tout le film. L'ouverture apparaît ainsi exemplaire, instillant de suite un malaise certain, et jouant déjà avec les nerfs des protagonistes (et du spectateur) via ces coups de fil véritablement angoissants. Je dois d'ailleurs avouer que ces différentes voix, menaçantes puis hystériques, évoquant celles de Regan McNeil dans
L'Exorciste, est ce qui m'a plus mis mal à l'aise depuis bien longtemps dans un film.
Malheureusement, la tension a tendance à décroître durant les scènes diurnes suivantes, qui gagnent en caractérisation des personnages ce qu'elles perdent en suspense. Cela donne notamment des séquences très drôles avec la nympho Margot Kidder (ou encore avec les posters irrévérencieux dans la chambre de la première victime), ou une tonalité un peu décalée avec ces policiers globalement incompétents (l'un ne sait même pas correctement remplir un formulaire, l'autre se fait arroser l'arrière-train de chevrotine par un résident suspicieux), mais on en vient très rapidement à regretter l'ambiance suffocante des veillées de Noël dans la pension estudiantine et à prier pour que le rythme se ressaisisse promptement - ce qui sera le cas dès que la nuit retombe. La mise en évidence d'un coupable tout désigné laisse également perplexe ; j'ai secrètement espéré que l'issue ne soit pas aussi simple que cela. Ce film original de bout en bout méritait mieux qu'un Dave Bowman aux cheveux longs que tout accuse comme fou pervers. Autant dire que la toute fin du film m'a, du coup, complètement soufflé. Extrêmement malaisante, venant conclure un gros quart d'heure de tension rare (ce jeu téléphonique est éreintant pour les nerfs), cette conclusion géniale reste longtemps en mémoire. On pourra objecter qu'il est étrange que la police n'ait pas opéré une fouille intégrale de la maison du crime, d'autant que deux personnes sont toujours portées disparues, mais n'empêche, ce lent travelling arrière sur la pension, avec la sonnerie du téléphone qui se remet à retentir, fait partie de ces moments de cinéma absolument jouissifs, où l'on tremble autant que l'on savoure le génie de l'idée. Pour résumer,
Black Christmas, précurseur angoissant et remarquablement mis en scène, comporte ça et là quelques petites imperfections (lenteur, baisse de tension) qui font, en quelque sorte, que toutes les bases du slasher sont posées (et avec talent !), mais qu'il manque à mon sens quelque chose d'indéfinissable, une sorte d'ingrédient secret que saura ajouter Carpenter à la formule de Clark pour son
Halloween.