
Frank Borzage (1894-1962)
Moderators: cinephage, Karras, Rockatansky
-
- Régisseur
- Posts: 3131
- Joined: 7 Jun 06, 10:46
- Location: Paname
-
- I want to be alone with Garbo
- Posts: 8948
- Joined: 4 Nov 10, 07:47
- Location: San Galgano
Re: Frank Borzage (1894-1962)
Je croise les doigts pour une sortie en Warner Archive 

-
- Producteur Exécutif
- Posts: 7030
- Joined: 23 Feb 04, 23:31
Re: Frank Borzage (1894-1962)

Lazybones : 1925
Un heureux et sensible compromis en effet entre les tranches d'americana à la Henry King et la sobriété du mélo d'un John Ford.Allen John wrote:Ce film est donc la première réalisation de Frank Borzage pour la Fox. Buck Jones a déjà interprété un rôle similaire à ce Steve "Lazybones" Tuttle dans d'autres films, dont par exemple un beau long métrage de Ford qui était aussi son premier film Fox: Just Pals, en 1920. Le style de ces films est typique de ces petites histoires rurales Américaines, dont Griffith ou Henry King (Tol'able David) ont été un temps les chantres. Borzage va s'approprier ce matériel et en faire un très grand film, qui redistribue les cartes du mélodrame avec talent et souvent avec génie; totalement dans son élément, le cinéaste nous fait partager son émotion, sans aucune retenue...
Buck Jones m'avait déjà bien plu chez Ford mais ici il est d'une grande justesse avec une économie d'artifices en face d'une Madge Bellamy rayonnante de fraîcheur.
Quel beau film !

-
- Howard Hughes
- Posts: 18150
- Joined: 13 Apr 06, 14:56
Re: Frank Borzage (1894-1962)
La Tempête qui tue (1940)

Une famille allemande, unie et heureuse, se trouve divisée à l'avènement du national-socialisme. Le père, professeur de faculté et savant renommé, la mère, et Martin, un jeune paysan ami de la famille, sont pour la paix. Les deux fils et Fritz, le fiancé de Freyda, sont tentés par l'aventure hitlérienne.
Frank Borzage réalise avec The Mortal Storm un des premiers films hollywoodien fustigeant le régime nazi, alors que la guerre fait rage en Europe et que les Etats-Unis ne sont pas encore engagés dans le conflit. L'opinion publique est contre une entrée en guerre, soutenue par la politique isolationniste du gouvernement et dans un premier temps Hollywood suit cette logique malgré quelques tentatives plus timides de film politisée. Les patrons de studios de confession juive comme Louis. B Mayer et les émigrants germaniques ayant fui le nazisme travaillant désormais dans l'industrie vont pourtant peu à peu faire évoluer la tendance. C'est ce contexte plus favorable qui amènera la MGM à adapter le roman de Phyllis Bottome, active militante antinazie aux Etats-Unis. Malgré quelques maigres précaution (le fait une le récit se déroule en Allemagne dit avec parcimonie tout au long du film même si c'est évident pour le spectateur, les protagonistes persécutés par les nazis qualifiés de non-aryens et pas de juifs) le film s'avère puissamment virulent envers le régime hitlérien et entraînera l'interdiction par Goebbels de tous les films MGM en Allemagne. Le film échappe cependant en tout point à l'œuvre de propagande grâce à la sensibilité de Frank Borzage qui inscrit parfaitement ses thèmes à un cadre contemporain, lui qui avait déjà situé certains de ses plus beaux mélodrames en Allemagne avec Et demain ? (1934) et Trois camarades (1936) où l'on retrouve déjà Robert Young et surtout Margaret Sullavan.

Le film s'ouvre sur ce qui sera son seul moment de communion, où tous les personnages partageront bonheur et complicité. La réunion se fait intime mais aussi plus vaste à l'échelle de ce village des Alpes allemandes pour célébrer les soixante ans du Professeur Roth (Frank Morgan), aimé et respecté de tous. Toute cette ouverture chaleureuse évoque un paradis perdu, symboliquement avec visions aériennes du village semblant issues d'une boule à neige et bien sûr l'union de la famille du professeur et l'attachement de ses élèves et collègues lors de l'hommage qu'ils lui rendent au sein de l'école. Ces lieux d'échanges serviront bientôt la division, Borzage amorçant cette séparation lors du dîner d'anniversaire interrompu par l'annonce de l'élection d'Hitler en tant que chancelier. Les garçons de la famille (Robert Stack et William T. Orr) et le fiancé Fritz (Robert Young) se ruent sur le poste de radio pour écouter sa première allocution tandis que Roth, sa femme et sa fille Freyda (Margaret Sullavan) et l'ami de la famille Martin (James Stewart) demeurent à leur place.


Cette réaction différente face à la nouvelle va ainsi laisser éclater à cette échelle modeste les futurs conflits du film. Par son attitude mesurée, James Stewart tranche immédiatement avec un enthousiasme qui se fait accusateur chez les convaincus et exprime d'emblée l'adhésion extrémiste exigée par le parti nazi où tout opinion divergentes est une trahison. On assiste ainsi progressivement à la mise en place de ce régime, par détails qui se font de plus en plus envahissant (le heil Hitler pour se saluer en tous lieux) et les lieux vus en début de films devenant soudain irrespirables pour nos héros. L'université voit son rôle bafoué par l'idéologie nazie reniant la science si elle contredit la supériorité génétique aryenne, le foyer est abrite désormais les nouveaux "amis" des fils et l'uniforme nazi se fond dans le quotidien.
Borzage par cette intrusion exprime à l'échelle du village le basculement tragique que vit l'Allemagne, les comportements les plus abjects étant désormais la norme (terrible passage à tabac de l'instituteur). Le drame et la mise au banc des personnages peuvent ainsi se dévoiler dans ce contexte brillamment introduit. Nos héros sont toujours présentés dans leurs individualités quand les nazis ne semble qu'une entité collective opaque suivant l'idéologie comme des automates. Le procédé se répète sans cesse, le professeur Roth assumant ses idées face à sa classe en uniforme, Martin attendu par la milice après avoir accompagné Freya et ce glaçant moment où il se sent isolé avec elle dans la taverne lorsqu'ils sont les seuls à ne pas entonner le bras levé le nouvel hymne allemand avec ferveur.


Les personnages paraissent toujours être de frêles silhouette face à un mur froid et intolérant qui les domine (l'entrevue de Roth et son épouse dans une salle d'interrogatoire sombre) et ce n'est que lorsqu'ils sont isolés que les nazis retrouve un semblant de conscience comme Fritz se déridant pour aider Freya à voir son père emprisonné où le final où Robert Stack ouvre enfin les yeux. Seuls étincelles d'humanité dans ce cauchemar, le couple James Stewart/Margaret Sullavan (réunit cette même année dans The Shop Around the Corner plus apaisé mais pas si éloigné sous sa légèreté) est magnifique d'alchimie et d'émotion contenue, laissant enfin s'exprimer leur sentiments alors tous leurs amis s'endurcissent dans un fanatisme sans attache. La passion que sait si bien exprimer Borzage offre ainsi de superbes moments où les détails et objets sont plus évocateurs que les mots d'amour (le verre des mariés) coupés court au service des images si ce n'est dans les instants où le drame explose. Le premier "Je t'aime" se dit ainsi avant l'ultime départ et les amoureux n'auront réellement le temps de se regarder et d'échanger qu'au moment d'une terrible séparation. La caméra retraverse la demeure familiale en conclusion avec les échanges des jours heureux en échos pour bien nous signifier que tous ces rires ne pourront rester qu'à l'état de souvenirs pour le pays si rien change. Borzage alerte sur le drame en marche dans cette œuvre somptueuse par l'humain plus que par le message lourdement appuyé. 6/6


Une famille allemande, unie et heureuse, se trouve divisée à l'avènement du national-socialisme. Le père, professeur de faculté et savant renommé, la mère, et Martin, un jeune paysan ami de la famille, sont pour la paix. Les deux fils et Fritz, le fiancé de Freyda, sont tentés par l'aventure hitlérienne.
Frank Borzage réalise avec The Mortal Storm un des premiers films hollywoodien fustigeant le régime nazi, alors que la guerre fait rage en Europe et que les Etats-Unis ne sont pas encore engagés dans le conflit. L'opinion publique est contre une entrée en guerre, soutenue par la politique isolationniste du gouvernement et dans un premier temps Hollywood suit cette logique malgré quelques tentatives plus timides de film politisée. Les patrons de studios de confession juive comme Louis. B Mayer et les émigrants germaniques ayant fui le nazisme travaillant désormais dans l'industrie vont pourtant peu à peu faire évoluer la tendance. C'est ce contexte plus favorable qui amènera la MGM à adapter le roman de Phyllis Bottome, active militante antinazie aux Etats-Unis. Malgré quelques maigres précaution (le fait une le récit se déroule en Allemagne dit avec parcimonie tout au long du film même si c'est évident pour le spectateur, les protagonistes persécutés par les nazis qualifiés de non-aryens et pas de juifs) le film s'avère puissamment virulent envers le régime hitlérien et entraînera l'interdiction par Goebbels de tous les films MGM en Allemagne. Le film échappe cependant en tout point à l'œuvre de propagande grâce à la sensibilité de Frank Borzage qui inscrit parfaitement ses thèmes à un cadre contemporain, lui qui avait déjà situé certains de ses plus beaux mélodrames en Allemagne avec Et demain ? (1934) et Trois camarades (1936) où l'on retrouve déjà Robert Young et surtout Margaret Sullavan.

Le film s'ouvre sur ce qui sera son seul moment de communion, où tous les personnages partageront bonheur et complicité. La réunion se fait intime mais aussi plus vaste à l'échelle de ce village des Alpes allemandes pour célébrer les soixante ans du Professeur Roth (Frank Morgan), aimé et respecté de tous. Toute cette ouverture chaleureuse évoque un paradis perdu, symboliquement avec visions aériennes du village semblant issues d'une boule à neige et bien sûr l'union de la famille du professeur et l'attachement de ses élèves et collègues lors de l'hommage qu'ils lui rendent au sein de l'école. Ces lieux d'échanges serviront bientôt la division, Borzage amorçant cette séparation lors du dîner d'anniversaire interrompu par l'annonce de l'élection d'Hitler en tant que chancelier. Les garçons de la famille (Robert Stack et William T. Orr) et le fiancé Fritz (Robert Young) se ruent sur le poste de radio pour écouter sa première allocution tandis que Roth, sa femme et sa fille Freyda (Margaret Sullavan) et l'ami de la famille Martin (James Stewart) demeurent à leur place.


Cette réaction différente face à la nouvelle va ainsi laisser éclater à cette échelle modeste les futurs conflits du film. Par son attitude mesurée, James Stewart tranche immédiatement avec un enthousiasme qui se fait accusateur chez les convaincus et exprime d'emblée l'adhésion extrémiste exigée par le parti nazi où tout opinion divergentes est une trahison. On assiste ainsi progressivement à la mise en place de ce régime, par détails qui se font de plus en plus envahissant (le heil Hitler pour se saluer en tous lieux) et les lieux vus en début de films devenant soudain irrespirables pour nos héros. L'université voit son rôle bafoué par l'idéologie nazie reniant la science si elle contredit la supériorité génétique aryenne, le foyer est abrite désormais les nouveaux "amis" des fils et l'uniforme nazi se fond dans le quotidien.
Borzage par cette intrusion exprime à l'échelle du village le basculement tragique que vit l'Allemagne, les comportements les plus abjects étant désormais la norme (terrible passage à tabac de l'instituteur). Le drame et la mise au banc des personnages peuvent ainsi se dévoiler dans ce contexte brillamment introduit. Nos héros sont toujours présentés dans leurs individualités quand les nazis ne semble qu'une entité collective opaque suivant l'idéologie comme des automates. Le procédé se répète sans cesse, le professeur Roth assumant ses idées face à sa classe en uniforme, Martin attendu par la milice après avoir accompagné Freya et ce glaçant moment où il se sent isolé avec elle dans la taverne lorsqu'ils sont les seuls à ne pas entonner le bras levé le nouvel hymne allemand avec ferveur.


Les personnages paraissent toujours être de frêles silhouette face à un mur froid et intolérant qui les domine (l'entrevue de Roth et son épouse dans une salle d'interrogatoire sombre) et ce n'est que lorsqu'ils sont isolés que les nazis retrouve un semblant de conscience comme Fritz se déridant pour aider Freya à voir son père emprisonné où le final où Robert Stack ouvre enfin les yeux. Seuls étincelles d'humanité dans ce cauchemar, le couple James Stewart/Margaret Sullavan (réunit cette même année dans The Shop Around the Corner plus apaisé mais pas si éloigné sous sa légèreté) est magnifique d'alchimie et d'émotion contenue, laissant enfin s'exprimer leur sentiments alors tous leurs amis s'endurcissent dans un fanatisme sans attache. La passion que sait si bien exprimer Borzage offre ainsi de superbes moments où les détails et objets sont plus évocateurs que les mots d'amour (le verre des mariés) coupés court au service des images si ce n'est dans les instants où le drame explose. Le premier "Je t'aime" se dit ainsi avant l'ultime départ et les amoureux n'auront réellement le temps de se regarder et d'échanger qu'au moment d'une terrible séparation. La caméra retraverse la demeure familiale en conclusion avec les échanges des jours heureux en échos pour bien nous signifier que tous ces rires ne pourront rester qu'à l'état de souvenirs pour le pays si rien change. Borzage alerte sur le drame en marche dans cette œuvre somptueuse par l'humain plus que par le message lourdement appuyé. 6/6

-
- Shérif adjoint
- Posts: 98161
- Joined: 12 Apr 03, 22:22
- Location: Contrebandier à Moonfleet
Re: Frank Borzage (1894-1962)
A quand un DVD correct de cette merveille que je puise enfin la revoir.
-
- Howard Hughes
- Posts: 18150
- Joined: 13 Apr 06, 14:56
Re: Frank Borzage (1894-1962)
Oui la copie Warner est regardable mais pas top non plus...
-
- Réalisateur
- Posts: 6526
- Joined: 25 Feb 04, 10:14
Re: Frank Borzage (1894-1962)
Profondo Rosso wrote:Oui la copie Warner est regardable mais pas top non plus...
On est loin d'une édition catastrophique.

-
- Shérif adjoint
- Posts: 98161
- Joined: 12 Apr 03, 22:22
- Location: Contrebandier à Moonfleet
Re: Frank Borzage (1894-1962)
Désormais le gris et gris sans définition ne me donne plus du tout envie d'entamer la vision d'un film.bogart wrote:Profondo Rosso wrote:Oui la copie Warner est regardable mais pas top non plus...
On est loin d'une édition catastrophique.

-
- Howard Hughes
- Posts: 18150
- Joined: 13 Apr 06, 14:56
Re: Frank Borzage (1894-1962)
bogart wrote:Profondo Rosso wrote:Oui la copie Warner est regardable mais pas top non plus...
On est loin d'une édition catastrophique.
Je ne dis pas le contraire mais on a déjà eu des meilleurs copies parfois pour des films plus anciens (les pré codes) dans cette collection. Mais c'est largement regardable, le test classik le confirme aussi http://www.dvdclassik.com/test/dvd-la-t ... ors-warner
Jeremy sur la télé ça passe bien mieux que sur les captures

-
- Duke forever
- Posts: 11824
- Joined: 29 Nov 03, 21:18
- Location: Hollywood
Re: Frank Borzage (1894-1962)
De toute façon, on n'aura pas mieux, il ne faut pas rêver...
Déjà, le film sort en Trésor Warner à la demande... Alors un blu-ray, pensez donc !


-
- Shérif adjoint
- Posts: 98161
- Joined: 12 Apr 03, 22:22
- Location: Contrebandier à Moonfleet
Re: Frank Borzage (1894-1962)
Profondo Rosso wrote: Jeremy sur la télé ça passe bien mieux que sur les captures
Oui, j'espère bien ; malgré tout je pense ne le prendre qu'en cas de très bonne occasion (Noz Style) car le test parle quand même de fade et de peu défini, ce que confirment parfaitement les captures. Et franchement, à ce niveau là, je deviens de plus en plus difficile.
-
- I want to be alone with Garbo
- Posts: 8948
- Joined: 4 Nov 10, 07:47
- Location: San Galgano
Re: Frank Borzage (1894-1962)
Je te trouve bien gentil avec ce DVD ProfondoProfondo Rosso wrote:Jeremy sur la télé ça passe bien mieux que sur les captures

La plus mauvaise copie de la 1ère salve de Trésors Warner malheureusement.
-
- Assistant opérateur
- Posts: 2226
- Joined: 13 Apr 13, 09:09
Re: Frank Borzage (1894-1962)
Je confirme. Le plus déplorable c'est qu'il existe du meilleur matériel puisque ma copie tv pourtant ancienne est meilleure que le dvd Warner. Une fois, pas deux. Maintenant, je n'ouvre plus mon portefeuille avant d'avoir jeté un oeil à la rubrique "capture" du forum ou alors il fait vraiment que la copie en ma possession soit vraiment mauvaise.feb wrote:Je te trouve bien gentil avec ce DVD ProfondoProfondo Rosso wrote:Jeremy sur la télé ça passe bien mieux que sur les capturesJuste bon pour être regardé sur un ordi (comme un gros paquet de films disponibles en Warner Archive).
La plus mauvaise copie de la 1ère salve de Trésors Warner malheureusement.
-
- Réalisateur
- Posts: 6526
- Joined: 25 Feb 04, 10:14
Re: Frank Borzage (1894-1962)
Julien Léonard wrote:De toute façon, on n'aura pas mieux, il ne faut pas rêver...Déjà, le film sort en Trésor Warner à la demande... Alors un blu-ray, pensez donc !
Et puis soyons réaliste ce film en Blu-ray n'est pas porteur en terme de vente. Déjà que le marché se porte mal...

-
- Assistant opérateur
- Posts: 2819
- Joined: 3 Oct 12, 20:24
Re: Frank Borzage (1894-1962)
Merci pour ta belle chronique Profondo RossoProfondo Rosso wrote:La Tempête qui tue (1940)

"Il faut vouloir saisir plus qu'on ne peut étreindre." Robert Browning.
" - De mon temps, on pouvait cracher où on voulait. On n'avait pas encore inventé les microbes." Goupi
Mains Rouges.
Mes films du mois :
" - De mon temps, on pouvait cracher où on voulait. On n'avait pas encore inventé les microbes." Goupi
Mains Rouges.
Mes films du mois :
- Spoiler (cliquez pour afficher)