Master and Commander (Peter Weir - 2003)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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frédéric
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Message par frédéric »

Boubakar a écrit :
Randolph Carter a écrit :Je ne l'ai pas encore visionné,d'ou ma question:pourquoi arnaque??
Cette VL n'est pas un Director's Cut.

Tout simplement. R. Scott a plus ou moins renié ce montage, il me semble, même qui n'est fait que de scènes coupées.
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frédéric
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Message par frédéric »

Je viens de le revoir. Une revision nécessaire, j'étais un peu passé à côté en salles. Finalement, un très beau film de Weir avec une toujours grosse prestation de Russel Crowe et une peinture intéressante du milieu maritime de l'époque sans esbrouffe inutile. Un très bon film.

M'énèrve France 3 avec la suppression des logos au début et la coupure du générique fin, même pas le nom des acteurs... :evil:
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Message par Megalomanu »

Je l'ai découvert personnellement, sur une petite télé (et ça avait l'air un peu recadré ... en plus, VF saoulante), donc pas en conditions idéales mais j'ai tout de même beaucoup apprécié ... En règle générale, je ne décide jamais de regarder un film pour son thème, mais là, comment passer à côté d'un film de pirates quand on a joué des heures et des heures dans sa jeunesse avec un bateau pirates Lego, hein ? :lol:

C'est donc toujours un plaisir de retrouver l'univers fascinant et assez romantique de la piraterie, et puis le plaisir est décuplé quand on voit le soin maniaque apporté à tous les niveaux, que ce soit dans les décors (je viens de réagir que je n'avais jamais vu les Galapagos, même si j'en avais très souvent entendu parler ... les premiers plans qui présentent l'archipel sont à tomber), les costumes, les accessoires, etc.
Evidemment, tout ceci est magnifié par la caméra de Peter Weir, avec d'amples mouvements au rythme des vagues, une photographie sublime et des effets spéciaux invisibles.
Enfin, on sent dès les premiers plans la croyance de Weir en son histoire ... Je n'ai pas envie de rentrer dans les délires poussifs autour de l'âme d'enfant ou je ne sais quoi, mais c'est un peu l'impression que j'ai ressenti, Weir est heureux d'avoir un tel joujou entre ses mains et souhaite vraiment nous le faire partager ... aucune trace de cynisme, vraiment la volonté de réaliser un grand film populaire de luxe.
Ca rend tout de suite l'aventure de Russel Crowe (très bon) et de son équipage assez palpitante.

Un vrai bonheur donc que de voir un film doté d'un gros budget utilisé intelligemment.
Excellent film ... mon préfére de Weir ("Pique-nique à Hanging Rock" m'avait ennuyé) ... et mon deuxième grand film maritime de la semaine après "20 000 lieues sous les mers"... C'est rare des semaines comme ça :lol:
M'énèrve France 3 avec la suppression des logos au début et la coupure du générique fin, même pas le nom des acteurs... :evil:
J'ai même eu l'impression que c'était un générique fait par France 3.
Alcatel
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Message par Alcatel »

Vu ce soir, un grand film. :D Très adulte, très moderne, très attractif. Futur classique.
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Truffaut Chocolat
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Message par Truffaut Chocolat »

Alcatel a écrit :Vu ce soir, un grand film. :D Très adulte, très moderne, très attractif. Futur classique.
et filmé par un grand cinéaste !
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Message par 2501 »

Pas pu m'empêcher de le revoir malgré VF et recadrage :? (qu'est-ce que je regrette de l'avoir loupé au cinéma celui-là...).

Un des derniers blockbusters d'aventures qui ne fait pas "grosse machine à effets spéciaux" mais vraiment film à l'ancienne, privilégiant une représentation naturaliste qui n'empêche pas l'émerveillement, au contraire, et d'excellentes scènes de batailles aux effets invisibles.

Seul défaut : encore une fois je me suis fait avoir par cette fin extrêmement frustrante... On a bien envie d'une demi-heure de plus, y'avait de quoi faire un bon climax, mais non, le générique semble sortir de nulle part... dommage.
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Watkinssien
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Message par Watkinssien »

Je considère ce film comme un des tous meilleurs films d'aventures maritimes de l'histoire du cinéma !
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Ben Castellano
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Message par Ben Castellano »

frédéric a écrit :.

M'énèrve France 3 avec la suppression des logos au début
ils font ça maintenant? :shock:
frédéric
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Message par frédéric »

Ben Castellano a écrit :
frédéric a écrit :.

M'énèrve France 3 avec la suppression des logos au début
ils font ça maintenant? :shock:
Ouh là y'a longtemps et y'a pas que France 3, Arte s'y met aussi, je me demande vraiment ce qui les dérangent.
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Ben Castellano
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Message par Ben Castellano »

frédéric a écrit :
Ben Castellano a écrit :
ils font ça maintenant? :shock:
Ouh là y'a longtemps et y'a pas que France 3, Arte s'y met aussi, je me demande vraiment ce qui les dérangent.
je ne regarde plus les films à la tv depuis un bail mais je pense que c'est toujours la même idée de flux de programmes, ce qui est fixe doit faire craindre la peur de la zapette.
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Thaddeus
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Re: Master and Commander (Peter Weir, 2003)

Message par Thaddeus »

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Vaisseau sanguin


À vos ordres, maître et commandant ! Sous le coup de la vigueur martiale du titre, on est déjà au garde-à-vous. L’injonction est trompeuse : il s’agit plutôt de se laisser embarquer, de s’abandonner à la délicatesse d’une œuvre à la fois massive et effilée, dépaysante et contemplative. S’il y a bien des vagues secouantes, il se manifeste d’abord et surtout une âme dans cette fresque superbe où le tumulte, le souffle, l’impression que le temps des horloges s’est arrêté figurent une transcendance spirituelle, un élan vers l’au-delà. La séquence introductive montre la voie. Le petit matin est brumeux au large de l’Équateur. Sur la Surprise, les marins dorment encore, bercés par les grincements fibreux du gréement, les gémissements secs de la coque, le roulis tranquille qui semble marquer la respiration du navire. L’officier de quart, lui, se demande si ses yeux ne le trompent pas : dans le nuage blanc qui bouche l’horizon à quelques encablures de la proue, a-t-il perçu ou non les formes d’un vaisseau en embuscade ? Appelé par les percussions du branle-bas, le capitaine scrute à son tour les nappes opaques du brouillard. Voilà soudain qu’un bateau en jaillit et pointe son étrave en tonnant. L’attaque est fulgurante. À travers l’oculaire de la longue-vue, un nom gravé sur la poupe : Achéron. L’équipage court dans les tous les sens. La coque gémit. Les voiles claquent. Les canonniers enfournent la poudre. Un boulet éventre le parquet, des hommes tombent, les autres dérapent dans une flaque de sang. La fumée est épaisse et suffocante, les commandements fusent dans un vacarme dantesque. Une nouvelle salve brise le mât de misaine qui s’effondre sur le pont en écrasant les matelots… Voici pour les impressionnantes premières minutes. Mais le plus fort n’est pas ce rugissant morceau de bravoure. Il réside dans le calme qui précède la tempête, la menace qui se mêle à la contemplation de l’océan, ce quelque chose d’imminent s’apprêtant à surgir et qui a trait au mystère obscur de la mer. Un magnifique moment de flottement. On peut dire sans exagérer que le long-métrage lui-même en est un. Le sabre d’abordage, la blancheur des voiles, l’infini des vagues : tous nos rêves d’enfant s’y concrétisent à la frange de la ligne d’ombre, là-bas.


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On est en 1805. L’hégémonie de l’hyperpuissance napoléonienne s’impose à tous sauf à la vaillante Angleterre, que protège la seule flotte de Nelson. La guerre franco-britannique fait rage. Commandée par Jack Aubrey, dit Jack la Chance, la frégate an-glaise Surprise — trois mâts, 28 canons, 197 âmes — reçoit l’ordre de capturer ou de détruire le corsaire français Achéron. Ainsi s’engage une lutte inégale entre les deux bâtiments, le second étant plus lourd mais plus rapide, mieux protégé, mieux doté en artillerie et en combattants. Après cette première escarmouche dévastatrice, la Surprise calfate sur des hauts fonds puis rejoint la côte brésilienne. Le duel se poursuit dans l’Atlantique Sud, avant que les antagonistes franchissent le Cap Horn et remontent le Pacifique jusqu’à l’archipel des Galápagos. Expert dans l’art de serrer le vent, Aubrey s’est taillé une solide réputation de conquérant au service de sa Majesté. Il s’est emparé de navires marchands adverses, a capturé galions espagnols et vaisseaux des Indes. Il pourchasse désormais son ennemi sur toutes les mers, mais ce pistage acharné ressemble à une errance autant qu’à une obsession. Pour Stephen Maturin, le chirurgien de bord, tout a un sens : soigner et donc sauver, observer de nouvelles espèces animales et donc les nommer, les inventorier. Rétif à l’autorité, épris de philosophie et de sciences naturelles, il cristallise dans l’exploration des îles vierges sa foi dans le progrès et son espoir de retrouver un paradis après guerre. Pour Aubrey au contraire, la seule logique qui vaille et de changer de cap, encore et toujours. Ce qui est visualisé dans un halo par l’avant tribord, ce qui fait résonner le tambour à l’écoutille et déclenche la cavalcade vers les postes de combat, ce qui le transforme en perpétuel pèlerin, son navire en bateau ivre et son terrain de chasse en mer promise, c’est une certaine idée de la quête, de la mission. La traque d’une chimère. L’impalpable voilier français prend donc le relais d’une fameuse baleine blanche, cette bête que l’on n’est jamais sûr d’avoir tuée avant qu’elle soit pelée, mise en baril et en cave. On trouve même un fils symbolique d’Achab en la personne d’un tout jeune aspirant non doté d’une jambe de bois mais amputé du bras.

Loin des conventions pompières, Peter Weir manœuvre son cap-hornier avec l’élégance d’une goélette. Le film joue respectueusement le jeu du genre, des récits de Stevenson ou de Conrad : pas de personnages féminins (excepté le médaillon d’une épouse chérie et restée au pays, des Brésiliennes aux seins nus, et la figure de proue de Britannia), un dialogue saturé de ce vocabulaire technique des plus abscons mais qui participe à l’effet du réel — du grand hunier au sextant, de la balistique aux doubles rations de tafia. Nombre de situations font affluer les souvenirs littéraires : la descente vers le Cap Horn, c’est Edgar Poe et Arthur Gordon Pym ; le marin qui tire sur l’albatros, La Complainte du Vieux Marin de Coleridge. Le spectre de Melville est partout, dans la hantise de la mutinerie (Billy Budd), dans la peinture du baleinier comme usine à huile (Moby Dick), dans l’étude naturaliste des Galapágos, ces îles Encantadas (non pas enchanteresses, mais ensorcelées) que l’écrivain a visitées six après Darwin et auxquelles il a consacré un de ses textes les plus énigmatiques. D’où la diversité des figures historiques que l’œuvre évoque en filigrane, comme la sorcière d’Endor faisait surgir l’esprit de Samuel : les navigateurs des mers du Sud, Cook et le Bligh du Bounty. Ainsi ensemencé, le romanesque s’épanouit avec un bonheur proprement ébouriffant. On rencontre des officiers timorés, des lords blondinets de huit ans aux joues roses, des barbons et des grandes gueules qui parlent de Dieu et du mauvais œil dans des relents de misère, de rhum et de sueur. On voit le chirurgien opérer une trépanation à ciel ouvert devant tout l’équipage ébahi, réuni pour la circonstance. Pas de maisons, pas de crinolines, pas de phaétons : la mer, rien que la mer. Explorant la Surprise avec une attention minutieuse, le cinéaste éclaire ce qui soude les marins : le respect de certaines règles, la croyance en des histoires qu’ils sont les seuls à connaître. Dans ce microcosme rude et superstitieux, chacun hérite d’un rôle. Quand Aubrey a la réputation d’attirer la chance, un aspirant est désigné comme le Jonas, celui qui porte malheur. La vérité n’a rien à voir avec cela. Mais le premier ira toujours de l’avant, tandis que le second choisira de rejoindre la mort.


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Russell Crowe échafaude des plans machiavéliques, hurle des choses à base de beaupré et d’artimon, traverse des canicules infernales, affronte des ouragans homériques. Il sent la saumure et la poudre à canon, il est rugueux, impérieux mais sensible, d’un charisme royal. Face à lui, Paul Bettany interprète avec subtilité le rôle du médecin pondéré, pragmatique, promoteur d’un humanisme hostile à toute forme de fanatisme ou d’idéologie aveugle. Deux êtres antithétiques et complémentaires, liés par un profond respect mutuel, une indéfectible camaraderie. Entre le tacticien et le scientifique, le meneur et l’intellectuel, l’homme de guerre et l’homme de paix, la circulation des idées électrise de passionnantes confrontations de points de vue. La finesse du dialogue rend toute leur complexité aux questions de la liberté et de la discipline, de l’orgueil et de l’ambition, à la cornélienne tension entre devoir et sentiment. Le paradoxe veut que ce soit Maturin qui, conformément à une longue tradition (d’Archimède à Oppenheimer), fournisse à Aubrey le moyen d’appâter et de piéger le prédateur de baleiniers. Il s’inspire d’un exemple emprunté à la nature, le camouflage du phasme, insecte qui se protège en imitant la forme discrète d’une brindille. L’Achéron est quant à lui un avatar du Vaisseau fantôme : insaisissable, surgissant de nulle part et on ne sait comment, émergeant parfois de la ligne d’horizon tel un mirage, il porte le nom du fleuve des Enfers et est commandé par un mort. Ses apparitions spectrales rappellent l’argument de Pique-nique à Hanging Rock, auquel renvoient aussi les digressions botaniques et zoologiques (Maturin émerveillé par la découverte d’iguanes amphibiens, de tortues géantes, d’oiseaux inconnus et autres scarabées rares), tout comme la peinture d’un monde clos, avec ses codes et ses lois, répond aux préoccupations de Witness.

Weir traite avec la même inspiration les scènes obligées que sont la canonnade, l’abordage et le combat au sabre, le démâtage et l’homme à la mer, et les ponctuations intimistes où Aubrey et Maturin jouent en mélomanes des duos auxquels ils confèrent des accents romantiques : image d’une amitié harmonieuse, parfaitement accordée entre légèreté et gravité, note haute et tessiture basse. L’aspect historique est abordé avec un souci d’épure totalement inhabituel, les épisodes les plus spectaculaires nourris de peinture (La Bataille de La Hougue, La Mort de Nelson, Le Siège de Gibraltar, La Clinique du Docteur Gross), parfois accompagnées d’une ample musique de requiem. Et lorsque la Surprise aborde les Galapágos au son d’une suite pour violoncelle de Bach, le raffinement de cette entreprise hollywoodienne paraît définitivement exotique. La narration atteint un degré idéal de force et de limpidité : les garçons estropiés au combat, les doutes déchirants du capitaine seul dans sa cabine, la décision impossible, perdre un homme dans un maelström pour sauver le bateau, se faire respecter de l’équipage à coups de chat à neuf queues, maîtriser les perroquets qui permettent au navire de ne plonger que de deux virures sans border les cacatois ni lofer, tout se tenant près de l’apôtre de tribord, avant de faire amener les bonnettes... Comprenne qui pourra. Ivres d’un rêve héroïque et brutal, les personnages de Master and Commander sont d’une pâte exceptionnelle. Leur vie n’est ni absurde ni cohérente, ni clémente ni dure, elle est simplement la seule possible : celle qui s’inscrit dans un destin collectif. Jack Aubrey, Stephen Maturin, les petits midships sous la grand-voile, tous font vibrer de chair et d’émotions cette épopée baignée d’écume et de fureur, odyssée humaine et initiatique écrite à la plume d’oie sur la toile d’un royaume de bois. Merci Peter.


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Dernière modification par Thaddeus le 9 avr. 23, 10:02, modifié 4 fois.
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Re: Master and Commander (Peter Weir, 2003)

Message par Demi-Lune »

:lol: Pas mieux, ton lyrisme fait chaud au cœur. Je l'ai également revu l'autre soir, alors que je le connais presque par cœur. A chaque fois, l'impression frustrante que le film ne dure qu'une heure. C'est un idéal de film d'aventures, puissant et captivant, galvanisé par le contexte napoléonien et la précision effarante de la reconstitution de la vie sur un navire de guerre à l'extrême fin du XVIIIe siècle. Franchement ce film est un tour de force, j'en suis raide dingue... je l'ai rêvé et Weir l'a fait. Il parvient à donner chair à l'imaginaire des toiles de batailles navales, crépusculaires et dramatiques, tout en portant son regard d’entomologiste sur les différentes "strates" du bateau, des matelots superstitieux et fidèles au grand Jack la Chance en passant par tous les gradés, y compris les plus jeunes aspirants (ah ce petit blondinet amputé, quel personnage formidable). Ce faisant, il parvient à formaliser l'esprit des Lumières sur les mers, dans une ode à la vaillance technique et au progrès de la connaissance : la rencontre géniale entre l'art naval et Buffon, Nelson et La Pérouse, bercée au son des arpèges pour violoncelle de Bach. Master and Commander, c'est la robustesse d'un navire que l'on découvre comme un chef-d’œuvre du savoir-faire humain ("une jeune demoiselle" qui s'anime grâce à l'équipage), c'est l'infini de la mer, le génie de la tactique qui transcende les animosités franco-anglaises, l'odeur de sel, l'excitation et la crainte du combat, tous ces moments de flottement... l'Achéron surgissant du brouillard, l'escapade aux Galapagos, le sourire d'une métisse inconnue, une épée donnée au vainqueur... tout est gravé dans ma mémoire. Weir réalise un film authentiquement spectaculaire, mais sans emphase (Ridley Scott si tu m'entends) : le souffle qui traverse le film est celui de la pure exaltation, de la découverte au sens le plus pur. Weir restitue l'incroyable aventure au quotidien, dans ses dangers comme dans ses émerveillements, que d'être marin du Roi. Inutile de dire que Russell Crowe y est un monstre de charisme.
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Re: Master and Commander (Peter Weir - 2003)

Message par Jeremy Fox »

A vous deux, vous avez tout dit :D
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Thaddeus
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Re: Master and Commander (Peter Weir, 2003)

Message par Thaddeus »

Demi-Lune a écrit :je l'ai rêvé et Weir l'a fait.
C'est exactement ça : un rêve devenu réalité. Merci Peter. J'aurais pu écrire tout ce que tu dis évidemment, on a vu le même film. C'est extrêmement rare de voir autant de raffinement, d'intelligence, de richesse conciliés dans une production d'une telle ampleur.

Trois captures "longue-vue" pour le plaisir.

Image

Le nom du vaisseau français qui apparaît, sorti des nappes spectrales comme un envoyé des Enfers.

Image

Rebelote, lorsqu'au petit matin l'équipage se fait surprendre par l'ennemi.

Image

Jack La Chance observe le capitaine français... qui l'observe lui-même à la longue-vue.
"Pourquoi cet homme me harcèle ? Aurais-je tué quelqu'un de sa famille dans une bataille ? Son fils, Dieu m'en garde ?
- Il fait la guerre comme vous, Jack.
"
Ces images me foutent des frissons partout.
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Re: Master and Commander (Peter Weir, 2003)

Message par Demi-Lune »

Thaddeus a écrit :Image
Ce plan est formidable parce que le bateau émerge de la ligne d'horizon tel un mirage, comme s'il était recraché par la mer et venait tout droit de l'enfer.
"C'est la deuxième et dernière fois que tu me prends par surprise !"
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