Notez les films : Mars 2013

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Federico
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Re: Notez les films : Mars 2013

Message par Federico »

G.T.O a écrit :The Thing de Matthijs van Heijningen : 2/10

Une préquelle lisse, dépourvue de tension, dont la principale ambition réside dans le fait de croire en l'existence d' un lien de parenté, par la multiplication des emprunts, avec le chef-d'oeuvre de Carpenter.
On dira qu'il s'agit d'un lointain cousin issu de germain. Je l'avais noté beaucoup moins sévèrement, lui attribuant un trop bienveillant 6/10, sans doute influencé par la présence de Mary-Elisabeth Winstead :roll: mais il vaut moins...
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Re: Notez les films : Mars 2013

Message par Flol »

J'en garde pas un souvenir si dégueulasse que ça : déjà, il y a Mary-Elizabeth...et puis les SFX, beau mélange de CGI et de maquillages en dur, étaient tout à fait impressionnants et rendaient un bel hommage au boulot de Bottin.
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hellrick
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Re: Notez les films : Mars 2013

Message par hellrick »

Ratatouille a écrit :J'en garde pas un souvenir si dégueulasse que ça : déjà, il y a Mary-Elizabeth...et puis les SFX, beau mélange de CGI et de maquillages en dur, étaient tout à fait impressionnants et rendaient un bel hommage au boulot de Bottin.
Je trouve aussi qu'il y a eu bien pire comme remake, à commencer par celui de Freddy...Enfin c'est quand même pas terrible mais disons que ça reste moyen avec un peu d'indulgence, je m'attendais à pire tout en espérant quand même mieux :mrgreen:
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Re: Notez les films : Mars 2013

Message par 2501 »

Profondo Rosso a écrit :Lucia et le Sexe de Julio Medem (2000)
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Venue sur une île de la Méditerranée pour se ressourcer, Lucia pleure le décès de son amant et entreprend une quête intime qui va l'emmener au fil de ses rêves, de ses souvenirs et de ses rencontres à lever le voile de ses mystères et à découvrir les aspects troubles de son ancienne relation amoureuse.

Julio Medem signe avec Lucia et le Sexe un film en réaction à son précédent et magnifique Les Amants du Cercle Polaire (1998). Ce dernier partait d'une note romantique innocente avec cette romance enfantine de deux âmes sœurs qui passeraient leur vie à se chercher et se terminerait sur leur réunion aussi poétique que tragique. Medem décide pour son film suivant de fonctionner de manière inverser, de partir du drame et du désespoir le plus total pour faire voguer progressivement sur une atmosphère et un ton plus lumineux. C'est d'ailleurs assez paradoxal, les drames auxquels font face les personnages sont ici bien plus terribles que dans Les Amants du Cercle Polaire mais le film est finalement plus optimiste. La structure narrative reprends d'ailleurs celle des Amants avec ce chapitrage, ces bonds dans le temps du point de vue d'un personnage où d'une thématique mais avec une complexité plus grande.

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Le film s'ouvre sur une discussion téléphonique douloureuse entre Lucia (Paz Vega) et son amant Lorenzo (Tristan Ulloa). Ils se sont quittés sur une dispute et Lucia le sentant au plus mal moralement rentre chez eux avant qu'il ne fasse une bêtise mais trop tard, Lorenzo est mort renversé par une voiture. Folle de douleur elle s'enfuit et décide de se réfugier dans une île de la Méditerranée pour se ressourcer. Cette île rattache le seul souvenir qui lui ait jamais ravit l'amour de Lorenzo, puisque six ans plus tôt il y connu le soir de son anniversaire une torride aventure avec une inconnue qu'il ne revit jamais et qui s'avère être Elena (Najwa Nimri héroïne des Amants du Cercle Polaire ) tenancière de l'auberge où réside Lucia. La narration va ainsi se partager entre les moments solaire et onirique sur l'île où les personnages tentent de se reconstruire et des flashbacks dépeignant les amours et douleurs passés dans un récit choral alors que l'on pensait voir la seule Lucia au centre des évènements.

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Avec une audace de tous les instants, Medem déploie là le romantisme le plus total, la sensualité la plus torride et laisse éclater son penchant pour les rebondissements et les coïncidences les plus abracadabrantesques, qui seraient ridicule chez tout autre d'une poésie envoutante chez lui. La première rencontre entre Lucia et Lorenzo donne le ton, avec une Lucia abordant de manière totalement décomplexée et naïve l'homme qu'elle aime immédiatement sous le charme. L'étreinte nocturne entre Lorenzo et Elena en mer et sous une pleine lune éclatante donne également participe également à cette tonalité. Chez Medem, le sexe est une fête, une libération s'ouvrant à tous les excès, à l'abandon de soi le plus complet et le réalisateur fait preuve d'une crudité surprenante avec les coïts sauvages, torrides et inventifs entre Lucia et Lorenzo. Paz Vega est à ce titre une sorte d'idéal féminin que Julio Medem n'a de cesse de mettre en valeur. Passionnée, torturée et charnelle, c'est un nid d'émotion à vif dont le bouillonnement constant pousse à se mettre à nu constamment, au propre comme au figuré. L'île constitue un personnage à par entière, où la tristesse se déploie dans ses falaise à perte de vue, où l'on tente de tout oublier en chutant dans ses crevasse, en se noyant dans son sable...

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On avait deviné le goût de Medem pour Douglas Sirk (voir Claude Lelouch peut-être aussi) dans Les Amants du Cercle Polaire, il s'affirme encore ici. Ces hasards et coïncidences ont autant de charmes que d’effets négatifs, le drame naissant ici de la découverte de Lorenzo d'une fille née de son aventure passagère. Poursuivant cette émanation du passé il est entraîné dans une relation étrange avec la baby-sitter Belen (Elena Anaya qui retrouvera Medem dans Room in Rome) et qui débouchera sur un drame traumatisant. Comme le revers d'une même pièce, le sexe devient là tout aussi moite et fantasmatique mais baigné d'une aura trouble avec ces allusions au porno, à des liaisons dérangeante (Belen se partageant son beau-père avec sa mère).

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L'aspect le plus fascinant reste cependant l'ode à l'imagination et au pouvoir du récit que propose Medem. Dans Les Amants du Cercle Polaire, la destinée, le karma semblait guider toutes les actions des héros forcément amenés à se retrouver mais se jouait cruellement de nous dans son tragique mais logique final. Ici ce n'est pas une force supérieure qui guide les héros de Medem, mais leur seule volonté. Le personnage de Lorenzo qui est écrivain est un double du réalisateur et les évènements de sa vie contaminent autant ses ouvrages que l'inverse. Medem nous perd ainsi dans des séquences rêvées (mais pas toujours évidente à deviner) où Lorenzo s'insère dans les histoires qui lui sont rapportées, transforme et invente ses propres souvenirs (les scènes où il imagine avouer le lien à sa fille) dans un jeu narratif ludique jusqu'au traumatisant drame qui se révèlera en fragment et cause du mal-être du début de film.

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Si ce pouvoir du narrateur plonger ses personnages dans le tourment (Lorenzo et les évènements terrible qu'il provoque/ Medem et le final de son film précédent qu'il regrette), il peut aussi guérir leurs maux. Le final accumule ainsi les péripéties et révélations qui vont réunir tout le monde sur l'île, centre de toutes les passions, avec toujours ces transitions inattendues (Elena qui reconnaît son amant d'un soir en un regard). Mais tout cela resterait bien conventionnel sans une dernière idée. Sans trop en dire, Medem et son héros font avec leur stylo et leur imagination ce que Superman faisait pour ressusciter sa Loïs dans le film de Richard Donner, c'est un conte du pardon qui permet de tout recommencer et célèbre la victoire de la fiction sur le réel à la manière de La Maîtresse du lieutenant français ou du Brazil de Terry Gilliam. Que tout cela soit possible ou simplement issue d'une narration maligne (la dernière scène qui joue sur les deux tableaux) n'a que peu d'importance, Medem y croit et nous y a fait croire. 6/6 Bon le film du mois ça va se jouer entre Julio Medem et Julio Medem semble t il encore une claque après Les Amants du Cercle Polaire !
Film absolument sublime.
Beau texte qui analyse bien sa richesse thématique et narrative.

J'en reviens pas que Julio Medem soit toujours aussi peu reconnu. Je faisais le constat en 2000, notamment par rapport à un Almodovar en "arbre qui cache la forêt", rien n'a changé aujourd'hui. C'est même pire, son dernier film Room in Rome - qui n'est pourtant pas bien difficile à vendre avec de la nudité pendant 80% du film - n'est même pas sorti en salles chez nous...
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locktal
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Re: Notez les films : Mars 2013

Message par locktal »

2501 a écrit : Film absolument sublime.
Beau texte qui analyse bien sa richesse thématique et narrative.

J'en reviens pas que Julio Medem soit toujours aussi peu reconnu. Je faisais le constat en 2000, notamment par rapport à un Almodovar en "arbre qui cache la forêt", rien n'a changé aujourd'hui. C'est même pire, son dernier film Room in Rome - qui n'est pourtant pas bien difficile à vendre avec de la nudité pendant 80% du film - n'est même pas sorti en salles chez nous...
Je suis assez d'accord : Lucia et le sexe est un film sublime ! Et le texte de Profondo Rosso est une belle analyse.

J'en profite pour coller un texte que j'avais écrit il y a quelque temps sur le film.

Ce texte contient des spoilers : il est donc conseillé d'avoir vu le film avant d'en entreprendre la lecture.

Le cinéaste espagnol basque Julio Medem, révélé en 1993 avec le splendide L’écureuil rouge, possède une imagination débordante, entre naturalisme et symbolisme, qui lui a permis de créer un univers extrêmement personnel.

Cinquième film du réalisateur après Vacas, Tierra, L’écureuil rouge et le formidable Les amants du cercle polaire, Lucia et le sexe est assurément l’un de ses films les plus riches et les plus réussis, tout à fait représentatif de son style.

Scindé en deux parties d’inégales durées intitulées Lucia pour la première, très courte, et Le sexe pour la seconde beaucoup plus longue, Lucia et le sexe, comme tous les autres films de Medem, finit par s’affranchir de la notion de récit pour créer un film purement sensoriel, évoluant au gré du comportement changeant de l’héroïne.

Le film s’intéresse à la relation amoureuse et physique qui lie la belle Lucia, magnifiquement interprétée par la lumineuse Paz Vega (vue aussi chez Pedro Almodovar dans le superbe Parle avec elle et chez Jean-Pierre Limosin dans l’intriguant Novo), à l’écrivain Lorenzo (Tristan Ulloa, fiévreux), qui a sombré petit à petit dans la mélancolie et la dépression, entraînant la dégradation du couple.

La première partie du film narre la fuite de Lucia, après qu’elle ait appris que Lorenzo a été percuté par une voiture. Cette fuite brutale n’est pas expliquée sur le coup, Medem dévoilant progressivement des indices sur cette fuite, tout en laissant volontairement des zones d’ombre, par le biais de savants flashbacks remontant à la rencontre de Lucia et Lorenzo et permettant au passé de refaire surface, donc de redevenir présent dans l'esprit de Lucia (et pour le spectateur). Par cette construction, Medem crée un véritable suspense, où le spectateur doit chercher lui-même les raisons du comportement de Lucia dans ce qu’il voit.

La deuxième partie du film, le sexe, s’inscrit en fait dans la continuité de la première qui s’est limitée à présenter le personnage fantasque et impulsif de Lucia, se terminant sur une énigme à laquelle Medem ne répond pas, la fuite sur l’île. Une île totalement isolée, à la lumière surexposée, presque fantasmatique, en fait l’île dont parlait Lorenzo à Lucia. Dans cette seconde partie, Medem imbrique les flashbacks de manière totalement éclatée, faisant écho à la relation tumultueuse qui unit Lucia et Lorenzo, tout en observant le comportement présent de Lucia au gré de ses rencontres, notamment celle avec Héléna (incarnée toute en finesse par Najwa Nimri, héroïne du précédent film de Medem, Les amants du cercle polaire, et vue dans l’excellent Ouvre les yeux d’Alejandro Amenabar).

Entre le présent, sur l’île, et le passé qui refait surface et qui redevient présent, Medem crée un espace autonome purement cinématographique, entre-deux, où présent et passé redevenu présent finissent par se confondre et interagir, permettant de mettre en lumière tous les liens qui unissent les protagonistes.

L’érotisme promis par le titre du film est évidemment très présent, mais Medem n’en fait pas la même utilisation racoleuse qu’un Zalman King, spécialiste de l’érotisme chic et toc, auteur de Women of night ou A fleur de peau / Two moon junction. Dans Lucia et le sexe, l’érotisme n’est jamais instrumentalisé. Certes frontal (mais finalement très naturel), il évolue au fil du film. Vu du point de vue Lucia, le sexe est gai, franc, ludique, voire naïf, et s’exprime pleinement dans les très belles scènes érotiques entre Lucia et Lorenzo : en fait, il ressemble à Lucia, qui est elle-même naturelle, franche, gaie et un peu naïve aussi.

Cependant, plus le film avance, plus cet érotisme devient sombre et incontrôlable. Si la relation entre Lorenzo et Lucia semble à première vue simple, il n’en est rien. Au fur et à mesure de la progression du récit, il apparaît que le personnage de Lorenzo, bien qu’amoureux de Lucia, est hanté par un souvenir douloureux qui resurgit par bribes, au gré des retours dans le passé et qui complexifie sa relation avec Lucia.

Par ailleurs, cette résurgence se traduit par la difficulté de plus en plus grande qu’il a à écrire son second roman, inspiré de ses rapports avec Lucia mais aussi avec son trouble passé. L’écriture de ce roman va servir de révélateur quant à la personnalité tourmentée de Lorenzo, tout en permettant à Medem de jouer sur la mise en abyme de son récit. En effet, la progression du film est fortement liée à l’écriture du roman autobiographique de Lorenzo, finissant par effacer complètement la frontière entre l’écriture, la fiction et le récit, débouchant sur un nouvel espace cinématographique où le spectateur peut voyager librement dans le temps, la mémoire, les rêves et l’esprit des personnages. Une boucle temporelle est ainsi créée, emprisonnant les personnages jusqu’à ce qu’ils trouvent une porte de sortie, donc la clé de l’énigme.

L’érotisme est toujours présent mais se dédouble : le sexe avec Lucia demeure une source de joie pour le couple mais s’étiole avec la dépression de Lorenzo qui devient de plus en plus pesante, tandis que la relation purement physique que Lorenzo noue avec une jeune fille mystérieuse prénommée Belen (interprétée par la charmante Elena Anaya) s’exprime dans un érotisme sauvage, beaucoup plus ténébreux et inconfortable, traduisant à merveille l’état d’esprit tourmenté de l’écrivain.

Belen, clé de l’affreux souvenir qui ronge Lorenzo, fait basculer le film, jusqu’ici plutôt léger et déluré, vers la tragédie. Elle reste un personnage énigmatique, échappant à toute classification. Prise dans une relation à trois entre sa mère, ex-actrice porno et l’amant de celle-ci, Belen ne semble agir que par instinct ou pulsion, la conduisant elle aussi vers la souffrance et la dépression. Ses rapports avec Lorenzo ne font que mettre à jour un assouvissement mécanique de son désir sexuel, alimenté par le fait que Belen ne cesse de se comparer à sa mère, modèle et repoussoir, allant même jusqu’à mimer ses positions sexuelles lorsqu’elle visionne les films pornographiques de celle-ci. La narration jusqu’ici morcelée, éclatée, naviguant constamment entre présent et passé, atteint alors un point de rupture qui va permettre à Medem de redéployer son récit avec de nouvelles cartes.

Si le début du film pouvait paraître confus, tortueux et déconcertant, un peu à l’instar de l’état d’esprit de Lucia, qui cherche désespérément à comprendre les raisons du comportement de Lorenzo, les différents lignes narratives se raccordent avec la révélation du nœud dramatique expliquant les comportements des protagonistes, Lucia exceptée puisqu’extérieure au nœud : la mort de la petite fille prénommée Luna de Lorenzo et d’Héléna provoquée par la découverte par Luna de la relation sexuelle entre son père et Belen, qui se révèle être sa baby-sitter.

Lucia et le sexe devient alors une variation sur le jeu des hasards et des coïncidences, mais avec une approche d’une grande sensibilité, très différente de Krzysztof Kieslowski et Jacques Demy (pour le meilleur chez ces deux immenses auteurs) ou encore Claude Lelouch (souvent pour le pire), cinéastes abordant également cette thématique. L’île vers laquelle s’est enfuie Lucia sera le lieu de ralliement et de dénouement, l’espace de plénitude où tendent tous les protagonistes brisés du film et où un nouveau départ sera peut-être possible, l’endroit où les larmes si longtemps retenues pourront enfin couler, comme celles d’Héléna.

D’ailleurs, Medem fait de cette île un lieu ensoleillé qui semble hors du temps, aux couleurs chaudes et surexposées, lumineux, mystérieux aussi, dont le sol creux peut parfois s’ouvrir sur des trous profonds et inquiétants, accentuant le côté onirique du métrage, encore renforcé par des décors ou des visions insolites, comme la forme phallique du phare à côté d’un trou immense, dans lequel les personnages peuvent disparaître ou réapparaître.

La figure du trou est essentielle, puisqu’elle concerne non seulement le récit (qui est en effet troué de toutes parts), mais elle évoque aussi le trou noir de la mémoire, la disparition (la mort de la petite fille Luna) et la naissance (d’ailleurs, l’accouchement d’Héléna est filmé en gros plan, où le spectateur voit Luna sortir du « trou » de sa mère) ou la renaissance. Le trou permet aussi d’explorer les cavités sombres et inquiétantes de l’esprit, il facilite l’oubli mais aussi la résurgence. Il sert de raccordement entre tous les personnages ; relie le passé et le présent. Enfin, il peut ouvrir sur un monde parallèle, onirique, où il est possible de se réfugier.

En outre, le cinéaste basque inscrit ses protagonistes dans les éléments naturels, insistant sur des plans somptueux de terres, eau ou ciel, sur le vent qui balaie doucement la végétation, sur le soleil écrasant ou la lune brillante. Il crée ainsi un souffle cosmique qui submerge les individus et exacerbe leurs sensations. Ciel et terre, eau et air, soleil et lune font partie du même ensemble, ensemble dans lequel les hommes vont et viennent. Chez Medem, et cela dès ses premiers films, l’importance des astres est considérable et influe sur le comportement de ses personnages. Dans Lucia et le sexe, la lumineuse Lucia est affiliée clairement au soleil tandis que la petite fille morte, évidemment prénommée Luna, est affiliée à la lune, astre nocturne mais brillant, ce qui est logique puisque même morte, Luna doit continuer à briller pour que ses malheureux parents puissent se remettre à vivre. Si le symbolisme peut être trop appuyé dans certains films, il n’en est rien chez Medem : au contraire ce symbolisme est visuel, léger, dénué d’explication logique, jamais démonstratif et débouche souvent sur des scènes d’une grande poésie, à la grâce miraculeuse.

L’omniprésence des éléments qui semblent influer par des forces obscures et inexplicables sur le comportement des hommes fait évidemment penser au cinéma de Dario Argento, dont Medem est un grand fan. Mais contrairement à Argento, la force de ces éléments cosmiques n’est pas forcément mauvaise ou malfaisante.

Dans Lucia et le sexe, toute la mise en scène de Medem tend vers le raccordement. En premier lieu, il faut raccorder le récit, ce que fait Medem puisque la structure du film, au début déroutante et imprévisible, se resserre autour des personnages et révèle les liens qui les unissent. Mais cela ne suffit pas : pour se retrouver, redémarrer dans la vie après des événements tragiques, il faut aussi raccorder le passé et le présent, l’homme et la femme, la terre et le ciel, le soleil et la lune, bref il faut raccorder tous les éléments dans le grand ensemble cosmique. Faire le deuil, ne jamais oublier mais toujours aller de l’avant, fuir pour mieux se retrouver, disparaître pour mieux renaître. La figure du trou, commentée précédemment, peut aussi permettre le raccordement de tous les éléments. Comme il est dit dans le film, « C’est un conte plein d’atouts car à la fin il y a un trou pour revenir en son milieu et en changer le cours, si on le lui permet, si on lui laisse le temps ».

Profondément optimiste et généreux, Medem donne ainsi une nouvelle chance à ses personnages. Même s’il faut pour cela faire intervenir le fantastique. Même s’il faut disloquer le récit pour mieux le reconstruire.

D’une sensibilité à fleur de peau, Lucia et le sexe est une expérience fascinante, purement sensorielle. Le film a un rythme qui peut dérouter, alternant passé et présent, comédie et tragédie, vie et mort, rêve et réalité, avec une liberté de ton incroyable. Au son d’une bande-son envoûtante composée par Alberto Iglesias (le compositeur habituel de Medem), Lucia et le sexe ne peut laisser indifférent, invitant le spectateur dans des contrées troublantes et inconnues. C’est un film d’amour fou, qui inscrit ses personnages au sein du grand ensemble cosmique, dans un lieu où tous les éléments peuvent se rejoindre. Inventif, hypnotisant et captivant, doté d’un suspense constant, Lucia et le sexe est une des œuvres les plus abouties de Julio Medem et le film idéal pour pénétrer dans l’univers si particulier du cinéaste basque. A découvrir de toute urgence !
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Re: Notez les films : Mars 2013

Message par Profondo Rosso »

Magnifique texte Locktal (et tu me rappelle comme j'ai sué pour ne pas spoiler dans le mien :mrgreen: ) mon film du mois d'ailleurs Lucia et le Sexe, ma grosse découverte du moment Julio Medem j'ai enchaîné Room in Rome, Les Amants du Cercle Polaire et celui là récemment. Bien d'accord avec 2501 c'est étrange cette faible notoriété de Medem par rapport à Almodovar en France (même j'ai l'impression qu'à l'international il est plus reconnu) j'adhère plus que Almodovar sur ce que j'ai vu en tout cas. Bien vu sur la figure du trou d'ailleurs Locktal, pour le côté cosmique que tu souligne je le trouve moins appuyé que dans Les Amants du Cercle Polaire qui reposait entièrement dessus là c'est vraiment bien vu de renouveler ça avec la réflexion sur les liens poreux entre la fiction et le réel. Allez les gars on lui ouvre son topic ? :mrgreen: En plus j'ai reçu L'écureuil rouge ce matin 8)
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Re: Notez les films : Mars 2013

Message par locktal »

Merci, Profondo Rosso !

J'ai également beaucoup aimé ton texte, et je te félicite d'avoir réussi à ne pas spoiler, car je n'y suis pas arrivé :wink: !

Tu as raison, le côté cosmique est plus appuyé dans Les amants du cercle polaire !

Je ne comprends effectivement pas pourquoi Medem reste si méconnu en France ! C'est assez incompréhensible...

Medem mériterait en effet d'avoir un topic à lui !

Je pense que L'écureuil rouge devrait te plaire, même si je le trouve moins abouti que Les amants du cercle polaire et Lucia et le sexe.
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Re: Notez les films : Mars 2013

Message par monfilm »

Revu Pardonnez-moi de Maïwenn avec une amie qui a vécu comme la réalisatrice la maltraitance pendant l'enfance. Elle a aimé et moi aussi pour la deuxième fois, si on met de coté une analyse de cinéphile, apprenti réalisateur virtuel, qui trouvera sans peine des erreurs de débutante.

6/10

Mais... on est le 8 avril.
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Tout le reste est dérisoire.
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