Le Temps de l'innocence (Martin Scorsese - 1993)
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Je reprends le commentaire que j'avais écrit pour mon top 20 qui avait été publié chez les voisins d'en face.
#7 Le temps de l'innocence :
Comment a-t-on pu dire que Scorsese avait réalisé un film académique en faisant LE TEMPS DE L’INNOCENCE ? Il faut vraiment être aveugle ou alors croire bêtement que le mot « académique » est le synonyme de « films en costumes ». On reconnaît pourtant dans chaque plan le style du metteur en scène, qui nous décrit un monde factice où les deux personnages principaux étouffent et n’arriveront pas à aller contre tous les principes de la riche société new-yorkaise de la fin du XIXème siècle. Ce déploiement de richesses, de beaux objets et décors est totalement justifié puisqu’il traduit visuellement cette prison dans laquelle sont enfermés D. Day Lewis et M. Pfeiffer (d’ailleurs le personnage principal, Newland Archer, n’est pas si différent d’autres héros Scorsesiens comme Henry Hill ou Travis Bickle : il n’est pas fait pour la société dans laquelle il vit ; seulement contrairement aux autres, il n’aura jamais la force d’aller à son encontre et vivre en marge).
Ce film est un modèle d’adaptation littéraire : Scorsese s’approprie complètement le superbe livre d’Edith Warton sans jamais en trahir le style ou le propos. Il réussit aussi son film le plus émouvant : comment ne pas être profondément bouleversé par les scènes où la comtesse Olenska se confie à Archer en lui racontant les subtiles mais fortes humiliations qu’elle subit ? Scorsese a offert à Michelle Pfeiffer plus beau rôle : on peut même dire qu’elle donne l’une des plus grandes compositions féminines des années 90.
#7 Le temps de l'innocence :
Comment a-t-on pu dire que Scorsese avait réalisé un film académique en faisant LE TEMPS DE L’INNOCENCE ? Il faut vraiment être aveugle ou alors croire bêtement que le mot « académique » est le synonyme de « films en costumes ». On reconnaît pourtant dans chaque plan le style du metteur en scène, qui nous décrit un monde factice où les deux personnages principaux étouffent et n’arriveront pas à aller contre tous les principes de la riche société new-yorkaise de la fin du XIXème siècle. Ce déploiement de richesses, de beaux objets et décors est totalement justifié puisqu’il traduit visuellement cette prison dans laquelle sont enfermés D. Day Lewis et M. Pfeiffer (d’ailleurs le personnage principal, Newland Archer, n’est pas si différent d’autres héros Scorsesiens comme Henry Hill ou Travis Bickle : il n’est pas fait pour la société dans laquelle il vit ; seulement contrairement aux autres, il n’aura jamais la force d’aller à son encontre et vivre en marge).
Ce film est un modèle d’adaptation littéraire : Scorsese s’approprie complètement le superbe livre d’Edith Warton sans jamais en trahir le style ou le propos. Il réussit aussi son film le plus émouvant : comment ne pas être profondément bouleversé par les scènes où la comtesse Olenska se confie à Archer en lui racontant les subtiles mais fortes humiliations qu’elle subit ? Scorsese a offert à Michelle Pfeiffer plus beau rôle : on peut même dire qu’elle donne l’une des plus grandes compositions féminines des années 90.
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Voilà bien un Scorsese à réhabiliter, à la fois un somptueux hommage à Visconti et en même temps une transposition convaincante des obsessions thématiques et esthétiques bien Scorsesiennes dans le cadre du film en costumes.odelay a écrit :Comment a-t-on pu dire que Scorsese avait réalisé un film académique en faisant LE TEMPS DE L’INNOCENCE ? Il faut vraiment être aveugle ou alors croire bêtement que le mot « académique » est le synonyme de « films en costumes ». On reconnaît pourtant dans chaque plan le style du metteur en scène, qui nous décrit un monde factice où les deux personnages principaux étouffent et n’arriveront pas à aller contre tous les principes de la riche société new-yorkaise de la fin du XIXème siècle.
A la question "académique ou pas ?", je dirais que formellement le film jouit avant tout du savoir faire de Thelma Schoonmaker en terme de montage, un montage ici quasi expérimental sur les raccords - mais ne reniant pas pour autant une figure de style comme le champ/contrechamp -, alors que les mouvements d'appareil, l'ampleur de la mise en scène de Scorsese évoque naturellement le classicisme. Au passage, je trouve l'usage des fondus enchaînés un poil exagéré notamment dans le premier tiers du film où ça vire au tic (après ça se calme). Par contre, l'usage du montage cut lors d'un climax du film
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Un film de Martin Scorsese qui avait été très injustement descendu par certaines critiques à sa sortie. J'ai même connu des lascars à la culture cinématographique limitée (pour qui Luchino Visconti et Michael Powell & Emeric Pressburger étaient synonymes de hiéroglyphes) qui comparaient The Age Of Innocence à Dangerous Liaisons (1988) de Stephen Frears pour mieux dénigrer le film de Martin Scorsese... Est-ce la présence de Michelle Pfeiffer ou le fait qu'il s'agissait d'un film en costumes qui les conduisaient à une telle comparaison? Je ne veux même pas le savoir... Moi, en tout cas, je me prenais une nouvelle claque cinématographique dans un Gaumont (66, avenue des Champs-Elysées, Paris, 8e) qui depuis une huitaine d'année est devenu un magasin Benetton... A quand le chiche-kebab?
A souligner: Un des plus beaux génériques de Saul Bass et une musique magnifique de Elmer Bernstein.
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Et l'utilisation sublime de la voix-off de Joanne Woodward. Et le bruit des sabots de chevaux sur les pavés à la fin du générique final. Et tout le reste... Un des très rares films parfaits.
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Si tu penses que ça surpasse le travail fait sur "Raging Bull", "Goodfellas" et "Casino"... why not, mais perso j'irais pas jusque là.MJ a écrit :Du strict point de vue du découpage, peut-être le meilleur film de Thelma Schoonmaker... non?
Il y a dans "Le temps de l'innocence", des moments de pure grâce à ce niveau, qui cotoient aussi - c'est mon avis - un usage gadget des saccades lorsque la caméra se substitue aux jumelles dans la séquence de l'opéra au début, ainsi que la profusion de fondus enchaînés. D'où un premier tiers du film dont les expérimentations ne me semblent pas toujours pertinentes. D'ailleurs, dans cette partie là du film, c'est plutôt le plan séquence - rappelant "Goodfellas" - ou la présentation des personnages sur fond de voix off et avec les ralentis discrets, qui m'ont le plus enchanté - donc les moments les plus économiques en terme de découpage .
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Dépasser je ne sais pas... mais égaler, en tout cas.Blue a écrit :Si tu penses que ça surpasse le travail fait sur "Raging Bull", "Goodfellas" et "Casino"... why not, mais perso j'irais pas jusque là.
Il y a dans Age of Innocence un nombre incroyable de raccords stupéfiants: la scène de l'opéra (celle avec une iris) où une "nimbe" intime se crée successivement autour des deux personnages, la salle de fête qui s'anime au cours des saisons, les fondus enchaînés sur les cartes de courtoisie, les fleurs et les lettres d'amour. C'est un travail moins évident à la première vision mais tout aussi puissant.
La première déclaration de Newland à la comtesse Olenska, en terme de découpage je pense sincèrement que c'est ce qu'elle a fait de mieux pour Scorsese.
"Personne ici ne prend MJ ou GTO par exemple pour des spectateurs de blockbusters moyennement cultivés." Strum
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Re: Le temps de l'innocence (Martin Scorsese, 1993)
Vérifiant régulièrement la sortie d'un blu ray qui n'en finit pas de se faire attendre (surement en raison du potentiel peu commercial du film.. néanmoins j'ai un petit espoir suite au 3ème Oscar qui se profile pour Daniel Day Lewis en février prochain), je viens de tomber par hasard sur la fiche de ce dvd.
Irene Dunne y tient le rôle d'Ellen Olenska. A découvrir en VO non STF donc, même si on atteint surement pas la perfection du film de Scorcese et son luxe.
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Re: Le temps de l'innocence (Martin Scorsese, 1993)
De toute façon, Schoonmaker a accompli tellement de miracles qu'il difficile de dire quel est son travail le plus achevé... tous ses films sont dignes d'éloges. Sa relation professionnelle avec Scorsese a d'ailleurs ceci de passionnant qu'on peut mesurer dans le temps l'évolution de cet art : c'est toujours plus chirurgical, plus acéré. Cela dit, comme toi je pense personnellement que Le Temps de l'Innocence, conjointement avec Casino, sont les plus beaux travaux de Schoonmaker (et de Scorsese par la même occasion). L'inspiration et la recherche visuelles y sont constantes, sans jamais que ça finisse par tourner à la démonstration poseuse parce que tout est au service de l'émotion. Dans La Couleur de l'argent par exemple, les tours de force sont principalement circonscrits aux affrontements au billard, où aucune partie n'est jamais mise en scène et montée de la même façon. Dans Le Temps de l'innocence, n'importe quelle juxtaposition de deux images devient l'occasion pour le tandem Scorsese/Schoonmaker de repousser l'art du montage, du raccord, dans une effervescence racée et presque expérimentale. Casino est mû de la même frénésie. Une frénésie qui, à mon sens, trouve en permanence l'équilibre entre l'insatiabilité formelle et la fluidité d'un tempo fait pourtant de ruptures (ce panoramique incroyable fait de fondus enchaînés et de rapprochement d'échelle lorsque Newland observe l'assistance à l'opéra avec ses jumelles), de flamboyances (les explosions de couleur à la Powell pour faire la transition entre deux scènes), d'imprévisible.MJ a écrit :Dépasser je ne sais pas... mais égaler, en tout cas.Blue a écrit :Si tu penses que ça surpasse le travail fait sur "Raging Bull", "Goodfellas" et "Casino"... why not, mais perso j'irais pas jusque là.
Il y a dans Age of Innocence un nombre incroyable de raccords stupéfiants: la scène de l'opéra (celle avec une iris) où une "nimbe" intime se crée successivement autour des deux personnages, la salle de fête qui s'anime au cours des saisons, les fondus enchaînés sur les cartes de courtoisie, les fleurs et les lettres d'amour. C'est un travail moins évident à la première vision mais tout aussi puissant.
La première déclaration de Newland à la comtesse Olenska, en terme de découpage je pense sincèrement que c'est ce qu'elle a fait de mieux pour Scorsese.
Le Temps de l'innocence est de ces quelques films qui, perso, me font chialer par la maestria émotionnelle d'une simple coupe, d'un ballet d'images fondues les unes aux autres. On pourrait égrener les exemples, le premier qui me vient en tête est cette scène où la comtesse Olenska tend à Archer le télégramme de May. Un réalisateur banal aurait montré Day-Lewis lire le télégramme, et on aurait entendu par-dessus la voix-off de Ryder expliciter le contenu de ce billet tandis que l'acteur aurait froncé des sourcils pour bien montrer ses émotions par rapport à sa lecture intérieure. Là non, coupe, on quitte le salon pour se retrouver le temps d'un plan devant un mur de fleurs avec Winona Ryder qui récite gaiement son télégramme à voix haute en regardant la caméra qui s'avance inexorablement pour cadrer ses yeux. Et seulement là on revient au salon entre Pfeiffer et Day-Lewis, la coupe faisant la jonction sur le télégramme lu et tenu d'une main abattue par l'acteur. Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve ça extraordinaire. A ce titre, je le rapprocherais d'ailleurs volontiers de son contemporain Dracula.
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Re: Le temps de l'innocence (Martin Scorsese - 1993)
C'est vrai que le film recèle de nombreuses subtilités comme cet exemple souligné par Demi-Lune.
Un beau film, d'une élégance revendiquée et jamais en porte-à-faux, des comédiens exceptionnels, une maîtrise cinématographique évidente. Il faut que je le revoies maintenant pour confirmer mon souvenir solide mais lointain...
Un beau film, d'une élégance revendiquée et jamais en porte-à-faux, des comédiens exceptionnels, une maîtrise cinématographique évidente. Il faut que je le revoies maintenant pour confirmer mon souvenir solide mais lointain...
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Re: Le temps de l'innocence (Martin Scorsese - 1993)
Dans Le temps de l'innocence, une grande dame a obligatoirement son portrait pour assoir son statut social dans la bonne société ..
Regina Beaufort
Mrs. Mingott
Louisa Van Der Luyden (j'en profite pour préciser que ce personnage est joué par Alexis Smith..)
Hélène Olenska ? Une femme sans visage car sans statut social. Quand Archer la voit lors de son passage à Boston, assise sur un banc, il la découvre au préalable dans le tableau d'un peintre impressionniste peignant les gens assis dans le parc. Encore une fois, elle est sans visage, floue.
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Dernière modification par Supfiction le 5 sept. 13, 15:43, modifié 1 fois.
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Re: Le temps de l'innocence (Martin Scorsese - 1993)
Ce n'est donc pas un hasard si Scorsese apparaît en photographe dans ce film, il nous dit combien les peintures (et bientôt les photographies) ont d'importance dans le film..
Scorsese dans Le temps de l'innocence :
Caméo clin d’œil à son propre caméo, Scorsese dans Hugo Cabret :
Autre clin d’œil du cinéaste, Newland Archer/Daniel Day Lewis regardant au début du film cette peinture du Dernier des Mohicans, film qu'il vient de tourner en 1992.. Une manière aussi de revenir à son thème de prédilection, la violence partie prenante de l'Histoire de l'Amérique et la violence cachée sous les apparences convenables de la bonne société new-yorkaise.
Scorsese dans Le temps de l'innocence :
Caméo clin d’œil à son propre caméo, Scorsese dans Hugo Cabret :
Autre clin d’œil du cinéaste, Newland Archer/Daniel Day Lewis regardant au début du film cette peinture du Dernier des Mohicans, film qu'il vient de tourner en 1992.. Une manière aussi de revenir à son thème de prédilection, la violence partie prenante de l'Histoire de l'Amérique et la violence cachée sous les apparences convenables de la bonne société new-yorkaise.
Dernière modification par Supfiction le 24 oct. 15, 12:32, modifié 2 fois.