Olivier Assayas

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Gustave
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Re: Olivier Assayas

Message par Gustave »

Ratatouille a écrit :
Gustave a écrit :Je trouve personnellement que la fadeur du jeu des comédiens (Lola Créton mise à part, qui portait déjà Un Amour de Jeunesse de la compagne d'Assayas, Mia Hansen-Love) est un problème qui handicape le film entier...
Je me suis dit la même chose en voyant la bande-annonce : ça a l'air extrêmement mal joué, et j'ai trouvé cette BA parfaitement atroce.
Le film ne l'est pas selon moi. Assayas a quand même signé des oeuvres d'une belle ampleur humaine (L'Heure d'Eté) et historique (Carlos) ces dernières années et Après mai en hérite : les scènes de groupe nous prennent vraiment dans leur atmosphère et la reconstitution n'est jamais trop pesante, elle fleure bon le vécu (+ mêmes chefs costumier et décorateur que pour Carlos) !
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Flol
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Re: Olivier Assayas

Message par Flol »

Comme je l'ai dit précédemment dans ce topic, je n'ai encore vu aucun film de ce Monsieur Assayas...mais ce n'est pas la douche froide prise face à cette BA ratée de son dernier opus qui va me refroidir. Et je me dis que le mec ne doit pas être dénué de talent.
Mais vraiment, en voyant cette BA, ça m'a un peu donné l'impression qu'il avait peut-être des lacunes dans la direction d'acteurs...
Gustave
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Re: Olivier Assayas

Message par Gustave »

Ratatouille a écrit :En voyant cette BA, ça m'a un peu donné l'impression qu'il avait peut-être des lacunes dans la direction d'acteurs...
En fait, il est connu pour diriger très peu ses acteurs, pour leur faire confiance ! Comme il le disait à Lyon (voir la retranscription de ses propos que j'ai linkée), il s'attachait surtout, sur le tournage d'Après mai à élaborer un cadre (reconstitution historique, justesse des décors, des costumes, de l'atmosphère) dans lequel les comédiens amateurs puissent au mieux donner vie à leurs personnages. Sauf que, tout bêtement, aucun n'est professionnel en dehors de Lola Créton et franchement... ça se voit !
Je crois que sur ce coup-là, Assayas s'est laissé avoir en croyant que sa méthode de direction passerait aussi bien pour ces amateurs que pour les derniers acteurs avec lesquels il a tournés : l'incroyable Edgar Ramirez (Carlos, 2010), Juliette Binoche, Charles Berling, Jérémie Rénier, Dominique Reymond, Edith Scob (L'Heure d'Eté, 2008), Michael Madsen, Asia Argento (Boarding Gate, 2006), etc. Excusez du peu !
mannhunter
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Re: Olivier Assayas

Message par mannhunter »

Gustave a écrit :Sinon, voilà l'affiche d'Après Mai, un film qui sera lui aussi très personnel, en partie autobiographique, et qui a remporté le Prix du Scénario à la dernière Mostra de Venise. Sortie le 14 novembre :

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Des avis sur le film? :oops:
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ed
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Message par ed »

Thaddeus a écrit :Après mai (Olivier Assayas, 2012)
Il existe dans le cinéma français une forme de complaisance très égocentrique vis-à-vis de l’héritage de mai 68 et de son action, que ce film traduit de façon symptomatique. Le décorum convoqué (de la manifestation réprimée de 1971 à la formation des groupes Medvedkine) ne carbure au fond qu'à l’image d’Epinal, en l’enduisant d’une bonne couche de caution intello-culturelle. Il vise à l’autocélébration nombriliste de celui qu’Assayas était, et de tous les étudiants bourgeois à baffer, enfermés dans leur petit microcosme ultra-politisé, qui jouaient aux révolutionnaires et aux artistes bohèmes (de façon très sérieuse, attention : tout est compassé, douloureux, chargé jusqu'à la garde de suffisance). Tout cela est toujours moins chiant que chez Garrel, mais peut-être aussi agaçant. 3/6
magobei a écrit :Après mai (Olivier Assayas, 2012)
De par l'énergie, la gourmandise de sa mise en scène, cela m'a fait penser à un film aux antipodes, Summer Palace de Lou Ye. Et le propos est aussi pertinent, récit choral d'une jeunesse qui se cherche, tentée à la fois par l'idéologie (et le grégarisme qui va avec) et la trajectoire individualiste. Il y a une parenté avec le Péril jeune, mais l'ironie ravageuse en moins, le côté tripal en plus.
Quel est alors le vrai moteur de cette jeunesse ? La conviction de la lutte, la recherche esthétique, la quête de la réalisation personnelle? Assayas propose une autre réponse, peut-être la plus cliché qui soit, mais la fait passer avec maestria et évidence: l'amour. Pas celui, global, de Gaïa ou du camarade travailleur, mais celui d'un homme/d'une femme.
8.5/10
locktal a écrit :Après mai (Olivier Assayas) : 8/10.
Une fresque mélancolique et désabusée sur la perte des illusions, qui s'interroge avec sensibilité sur la notion d'engagement, qu'il soit politique, artistique ou personnel. Le film, mêlant intime et faits historiques dans un même mouvement, dispose d'un rythme effréné qui emmène le spectateur dans les tourments et les questionnements des différents protagonistes, au son d'une excellente BO. Jamais idéaliste, Après mai suit finalement le cheminement d'un personnage qui cherche tout simplement sa place, en multipliant les expériences, qu'elles soient collectives ou individuelles, au gré de relations qui se nouent et se dénouent, mais qui finissent par forger progressivement sa personnalité.
Gustave a écrit :APRES MAI : Le cinéma d’Assayas, admirable depuis 12 ans, brille toujours par sa hauteur vis-à-vis de ses sujets : ampleur visuelle et refus de l’émotion trop facile. Sauf qu’il lui manque ici un fondamental : de bons acteurs et des personnages intéressants. L’édifice s’en trouve bien bancal, quand bien même l’évocation des seventies, trop rare au sein du cinéma français, mérite à elle seule le déplacement. 5/10
Ou, seulement pour des notes, ligne 556 ici : https://docs.google.com/spreadsheet/ccc ... HT2c#gid=8
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Message par mannhunter »

merci :wink:
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Message par Federico »

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Re: Olivier Assayas

Message par Supfiction »

Olivier Assayas a écrit :Ce film existera dans le monde entier avec pour seule condition qu'il passe en trois épisodes sur une chaîne cryptée française ? OK, tant pis pour la France !
http://www.telerama.fr/cinema/olivier-a ... a-20150630
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Message par mannhunter »

Les conseils Criterion d'Olivier Assayas;

http://www.criterion.com/explore/237-ol ... s-s-top-10
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Message par Rockatansky »

Supfiction a écrit :
Olivier Assayas a écrit :Ce film existera dans le monde entier avec pour seule condition qu'il passe en trois épisodes sur une chaîne cryptée française ? OK, tant pis pour la France !
http://www.telerama.fr/cinema/olivier-a ... a-20150630
Un peu prétentieux, mais il ne dit pas que des bêtises.
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Re: Olivier Assayas

Message par Supfiction »

Si par hasard, vous avez l'impression de ne pas être réveillés demain en prenant le métro (pour les parisiens)..


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Ce jeudi matin, Kristen Stewart a emprunté la ligne 14 du métro parisien. Sommes-nous donc en mesure de croiser – enfin – une actrice hollywoodienne en se rendant au travail ? Forcément, si ça semble trop beau pour être vrai, c'est sans doute le cas. Effectivement, la comédienne a emprunté le métro de la capitale française dans le cadre du tournage de «Personal Shopper», un film réalisé par Olivier Assayas. Pour pouvoir filmer sans encombre, toute une rame de métro avait été privatisée, le temps de faire un aller-retour sur la ligne.

A VOIR: Sur le tournage du prochain Woody Allen - Kristen Stewart amoureuse de Jesse Eisenberg

Hier matin, la star de la saga «Twilight» s’était rendue au nord du 18ème arrondissement de Paris, rue Championnet, pour tourner une scène à bord d’un scooter flambant neuf. Son casque de moto vissé sur la tête, l’actrice n’a pas lésiné sur la sécurité. Quelques heures plus tard, l’équipe de tournage investit la Place de la République pour tourner une autre scène. Mardi dernier, les passants avaient déjà pu observer la comédienne américaine en train de visiter des boutiques de luxe avec des sacs de shopping plein les bras, tout près de la place Vendôme ; les traits tirés, Kristen Stewart n’aurait pas voulu être maquillée afin de donner une apparence fatiguée à son personnage.

C’est la deuxième fois que l’actrice de 25 ans travaille avec le réalisateur français ; Kristen Stewart avait déjà joué dans «Sils Maria» en 2014. L’année suivante, elle devient la première Américaine à remporter le César de la meilleure actrice dans un second rôle grâce à ce film. Cet après-midi, l’équipe de «Personal Shopper» tourne dans le centre de Paris.
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Thaddeus
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Re: Olivier Assayas

Message par Thaddeus »

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Désordre
À partir d’un casse minable soldé par un meurtre imbécile, Assayas analyse l’agonie solitaire d’êtres traumatisés, satellisés dans une irréalité impalpable, un enfer ouaté. Les couples se défont, les alliances éclatent, la vie est comme rongée par un poison lent. Ces jeunes rockeurs complices du même secret maudit qui les englue sont plongés malgré eux dans un bain de nuit, au propre comme au figuré : l’image est sombre, toute en contrejours, et la mise en scène épouse les ténèbres intérieures des personnages. On n’a aucune difficulté à reconnaître ici l’inspiration tourmentée de Téchiné, pour lequel le cinéaste fut scénariste. Aucun mal non plus à inventorier tous les écueils et clichés de ce jeune cinéma français, maussade, geignard, doloriste, qui se complaît dans le désarroi d’une génération déchirée. 3/6

Paris s’éveille
Une histoire de jeunes Parisiens sans le sou, errant de laveries en squats sordides, tourmentés par les égarements du cœur et l’impossibilité d’échapper au sentiment de solitude. Il fuit un fait divers louche et retrouve un père immature et fantasque. Elle se veut toujours en représentation et vit enchifrenée de rêves et de fausses espérances. Écorchés dans un monde peuplé d’ombres et de fantômes, leur désir n’entre jamais en harmonie avec le réel qui les entoure. Il en va ainsi de cette chronique du mal-être contemporain, qui aimerait faire respirer l’air du temps mais achoppe sur des simagrées spécieuses (Godrèche et son jeu bien crispant), qui voudrait se hisser à la hauteur des plus grands (la caméra danse et virevolte sans timidité) mais peine à dépasser les limites d’un romanesque passablement affecté. 3/6

L’eau froide
Assayas apporte sa voix à la série de téléfilms sur l’adolescence commandée par Arte (dont participent notamment les beaux Roseaux Sauvages de Téchiné). Elle est séduisante mais agaçante, à l’image de son héroïne revêche et rebelle, mal dans sa peau, les cheveux constamment dans les yeux. Tous les lieux communs sont dans la place (famille en crise, mal-être, rupture, fuite vers un idéal illusoire), nourrissant de leur humeur hivernale une réflexion sur la difficulté de quitter l’enfance et d’accepter la dureté du monde. Cette course initiatique vers l’âge adulte est interrompue par des haltes étranges, une fête en pleine forêt où Janis Joplin entonne son Bobby McGee, les Creedence leur Up around the bend : ça décolle un moment, avant de retomber dans le train-train un peu futile du cinéma-d’auteur-français. 3/6

Irma Vep
Jean-Pierre Léaud, metteur en scène limite nervous breakdown, engage Maggie Cheung pour remaker Feuillade. Assayas aligne ce genre de collisions culturelles avec le même ton désinvolte, incongru, facétieux. Les nuits de Paris sont baignées des airs de Sonic Youth ou d’Ali Farka, un journaliste branché John Woo conchie le cinéma intellectuel, un réalisateur un peu décalqué accepte de reprendre le projet parce qu’il arrive en bout d’Assedic (sic). Narcissisme des uns, mesquinerie des autres, douce et succulente folie d’une ruche bourdonnante observée avec tendresse, à la solde du cinéma et de sa singulière magie : du directeur de production sur les dents (coucou Alex Descas) à la costumière enhardie (salut Nathalie Richard) qui en pince pour la superbe, la divine, la gracieuse Maggie. 5/6

Fin août, début septembre
Après son détour vers la fantaisie sophistiquée, Assayas semble vouloir faire un grand saut dans l’âge adulte, conjuguer pudeur et franchise, émotion et drôlerie. Cela ne va pas sans accrocs ou affectations – telle cette caméra portée toujours fébrile, effet de signature un peu trop voyant. Pourtant, entre volonté d’arrachement et rêve romanesque qui ne veut pas mourir, le film fonctionne, dépasse le catalogue de clichés, de représentations, d’idées toutes faites qui traversent un moment de la société française. À égale distance de Desplechin, Chéreau et Téchiné, le cinéaste problématise dans une forme syncopée l’amour et l’amitié, les expériences du deuil, de la séparation, de l’engagement difficile, tout un feuilleté sentimental auquel les acteurs, excellents, apportent un atout décisif. 4/6

Les destinées sentimentales
Trente ans de la vie d’un couple, tandis qu’autour de lui le monde tremble, que les esprits changent, que les familles industrielles du cognac et de la porcelaine s’effondrent. Entre étude psychologique et chronique historique, Assayas tente de saisir dans sa durée toute une évolution dynastique, de la défaite d’une union mal assortie à l’aventure d’un autre amour sur fond d’engagement social. Il structure son récit autour de trois parties distinctes, déjouant bien des pièges inhérents au film à costumes sans pour autant refuser du s’y confronter. Si le tempo ralenti parvient à restituer une certaine grandeur mélancolique et provinciale, si l’analyse du milieu protestant, charentais et austère du début du XXème siècle ne manque pas d’acuité, l’ensemble frise un académisme qualité France qui me laisse assez froid. 3/6

Demonlover
Bienvenue dans le cybermonde. S’inspirant vaguement de Videodrome (un site Internet qui propose de la torture live), Assayas prouve une nouvelle fois qu’il ne tient pas à se cantonner à un genre et plonge dans les méandres noirs et complexes d’un thriller d’espionnage anticipatif en eaux troubles, dont le nœud de l’action outrepasse sans doute toute crédibilité. L’univers high-tech des nouveaux vampires de l’industrie du fantasme y génère des luttes d’argent et de sexe passant prioritairement par les femmes. Le goût du pouvoir et de la manipulation gouverne une réflexion assez captivante sur les ambigüités de l’image, la confusion du réel et du virtuel et la déshumanisation de l’entreprise moderne, mais les expérimentations alambiquées du cinéaste se perdent un peu trop souvent dans la confusion. 3/6

Clean
Portrait poignant d’une chanteuse à la dérive, luttant contre ses vieux démons, cherchant à prouver sa volonté de s’amender, de gagner sa vie sans plus la gâcher, de reconquérir l’amour de son petit garçon. À travers elle, le cinéaste raconte une quête de rédemption à la fois chaotique, lumineuse et douloureuse, qui refuse toute sensiblerie au profit d’une proximité âpre, brute, à fleur de peau. S’il filme le monde du rock branché avec une sensorialité toute musicale, captant silhouettes fatiguées, néons blafards et nuits électriques avec une très belle expressivité poétique, c’est à son héroïne en reconstruction que l’il accorde toute son attention, figure écorchée à laquelle Maggie Cheung prête sa sensibilité fragile, superbement entourée par quelques seconds rôles vibrants d’humanité (Nick Nolte, Béatrice Dalle). 5/6

L’heure d’été
La carrière d’Assayas balance entre des films de genre réfléchissant les mutations de la modernité mondialisée et des œuvres plus classiques où il se fait comme le dépositaire d’un art de vivre attaché à la valeur du passé. Ainsi de cette chronique excellemment interprétée, à la fois sereine et inquiète, chaleureuse et mélancolique, qui croque une famille d’exilés réunis un dernier été autour d’une aïeule soucieuse de transmettre la mémoire de son oncle peintre. Méditation sur le deuil, les héritages à porter et à partager, la contradiction entre la valeur marchande et le poids sentimental, elle se défait avec une certaine grâce d’un genre difficile et contraignant. Mais la conclusion artificielle prouve à nouveau que le cinéaste, malgré les efforts qu’il se donne, est infichu de filmer correctement la jeunesse. 4/6

Carlos
On croit connaître par cœur les fresques biographiques consacrées à des personnages bigger than life. Mais Assayas orchestre avec une urgence fiévreuse et la souplesse d’un félin cette épopée saisissante dont le récit passe en un souffle tout en saisissant deux décennies de géopolitique mondiale. S’y dessine le portrait fascinant et contrasté d’un idéologue ambigu, insaisissable, qui évolue en épave sans idéaux, sans patrie et sans avenir à mesure qu’il devient une vedette du terrorisme. Tourmenté tant par ses ennemis que par ses pulsions, il est coupable et victime d’un système qui dévore les utopies tout en les exploitant. Le film explose frontières géographiques, genres et temporalités avec une maîtrise assez phénoménale de la narration et le concours flamboyant d’un acteur monstrueux de présence. 5/6
Top 10 Année 2010

Après mai
Il existe dans le cinéma français une forme de complaisance très égocentrique vis-à-vis de l’héritage de mai 68, que cet autoportrait périodique qui se voudrait roman des origines traduit de façon symptomatique. Le décorum convoqué (de la manifestation réprimée de 1971 à la formation des groupes Medvedkine) ne carbure au fond qu'à l’image d’Épinal, en l’enduisant d’une bonne couche de caution intello-culturelle. Il vise à l’autocélébration nombriliste de celui qu’Assayas était, et de tous les étudiants bourgeois à baffer, enfermés dans leur petit microcosme ultra-politisé, qui jouaient aux révolutionnaires et aux artistes bohèmes (mais de façon très sérieuse : à aucun moment on ne s’amuse ni même ne sourit). Tout cela est toujours moins chiant que chez Garrel, mais peut-être aussi agaçant. 3/6

Sils Maria
Les femmes, le théâtre, le cinéma, les actrices… et la tranquillité grandiose des paysages suisses alpins, comme pour se démarquer des grandes œuvres qu’Assayas a dans sa ligne de mire, à commencer par l’inégalable Opening Night. Car il est bien question ici de la remise en question d’une comédienne, de son vacillement face à ce que la pièce renvoie d’un vécu fait de recherche, de création et d’incertitudes. Les jeux de miroir entre fiction et réalité, entre la génération vieillissante et la nouvelle, entre la star et son assistante, entre la frénésie contemporaine du gossip et de la célébrité éphémère et la permanence des vallées où se glisse le serpent du temps qui passe semblent presque trop évidents, mais indiscutablement le film accorde avec harmonie la limpidité de sa forme et la richesse de son sujet. 4/6

Personal shopper
Le passage est souvent vite franchi entre la mansuétude accordée à un cinéaste désireux de faire bouger les lignes et la perplexité un peu navrée devant la pauvreté des moyens mis en œuvre pour y parvenir. Et la frontière bien mince entre l’attention captivée par une mise en scène élégante et sans artifices et l’embarras provoqué par la vacuité du propos qu’elle peine à dissimuler. Tel est le régime permanent de ce film pas honteux mais globalement inodore, souvent aussi ectoplasmique que son sujet, où Assayas s’obstine à ne jamais lâcher le wagon de l’hypermodernité (communications, réseaux et medias high tech en continu) tout s’abreuvant à la source d’un fantastique assez ringard qu’il cherche en vain à dynamiser. La conclusion, tentative artificielle de noyer le poisson, ne relève pas la barre. 3/6


Mon top :

1. Carlos (2010)
2. Irma Vep (1996)
3. Clean (2004)
4. Sils Maria (2014)
5. Fin août, début septembre (1998)

Réalisateur doué et imprévisible, qui aime à se frotter à des genres différents tout en expérimentant chaque fois un style adapté à son sujet, Assayas est de ces personnalités riches et stimulantes qui comptent dans le cinéma français. Je n’aime pas tout mais ses films sont souvent au moins intéressants.
Dernière modification par Thaddeus le 3 déc. 23, 18:57, modifié 6 fois.
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Re: Olivier Assayas

Message par Supfiction »

Thaddeus a écrit : Les destinées sentimentales
Trente ans de la vie d’un couple, tandis qu’autour de lui le monde tremble, les esprits changent, les familles industrielles du cognac et de la porcelaine s’effondrent. Entre l’étude psychologique et la chronique historique, Assayas s’essaie à la fresque en costumes et tente de saisir dans sa durée toute une évolution dynastique, de la défaite d’une union mal assortie à l’aventure d’un autre amour sur fond d’engagement social. Si le tempo ralenti parvient à restituer une certaine grandeur mélancolique et provinciale, si l’analyse du milieu protestant, charentais et austère du début du XXè siècle ne manque pas d’acuité, l’ensemble frise un académisme qualité France qui a tendance à me laisser froid. 3/6
L'un des plus beaux films qu'il m’ait été donné de voir. Froid sans doute mais d'une beauté et d'une poésie rares et intenses, qui situe Les destinées sentimentales quelque-part entre le Truffaut des Deux Anglaises et du Visconti aux racines profondément françaises.
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Message par Commissaire Juve »

Je me range parmi ceux qui ont apprécié. D'ailleurs... une réédition HD... je ne cracherais pas dessus.
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Message par Kevin95 »

DÉSORDRE (Olivier Assayas, 1986) découverte

Le meurtre en intro est un leurre, pas de french polar ici mais un drame psychologique réalisé par un ancien des Cahiers (funky !). Assayas pour son premier film, portraitise une jeunesse en déroute, une génération qui fonce dans le mur. Pas n'importe laquelle, celle des fils à papa, des argents de poche à faire rêver un smicard et des groupes de rock pour faire chier l'institution. Un Clara et les Chics Types sous Prozac, sordide mais pas trop, tristoune car plombé d'avance (cf. le cadavre dans le placard en intro). Les comédiens en font trois tonnes et s'adonne au "non mais tu ne peux pas comprendre" cher à (un certain) ciné d'auteur français. Heureusement, le réalisateur contre-balance ce trop plein de gel dans les cheveux par un amour sensible pour la musique pop-rock middle 80's et par son désir de réalisme. Résultat, si le film peine à toucher il constitue en revanche une intéressante photographie des jeunes bourges un poil loulou de l'époque. A éviter un samedi soir ou n'importe quel jour ensoleillé.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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