LES FILLES DU SCORPION
La saga du « Zodiaque » consiste en une série de six comédies érotiques danoises (dont cinq furent tournées par Werner Hedman) datant de la seconde moitié des années ’70. La particularité de ces films est de combiner, de manière réussie et naturelle, humour et érotisme (lequel comprend d’ailleurs des passages hardcore) sur des scénarios développés et toujours plaisants à suivre. Témoignage charmant d’une époque révolue, les « films du Zodiaque » sont, en réalité, de véritables long-métrages, pensés, écrits, joués et réalisés avec soin, à la manière d’œuvres « traditionnelles », puis épicés de scènes chaudes justifiées par l’intrigue. Ce cinquième épisode, un poil moins convaincant que les précédents, abandonne le cadre historique de l’entre-deux guerres pour une histoire alors contemporaine, située dans le Danemark de la fin des seventies, qui parodie joyeusement l’espionite à la James Bond.
Tout va mal au Danemark ! Une organisation criminelle dirigée par l’infâme Scorpion menace la paix mondiale et tente de s’emparer d’une formule révolutionnaire capable de changer l’eau en pétrole. Heureusement, les services secrets danois ont rassemblés tous les documents dans un microfilm, lui-même dissimulé dans un petit pain, qu’ils veulent offrir à la CIA. Un code est établi pour la transaction mais, par erreur, l’incapable Jense, alias Agent 69, remet le précieux microfilm à Arnold, un baba cool pacifiste désireux d’assister à un séminaire de relaxation. L’agent 69, escorté de la sublime espionne Penny, tente de récupérer le microfilm avant qu’il ne tombe entre les mains des agents ennemis. Pendant ce-temps, le fourbe Scorpion négocie la vente du microfilm à un Emir très chaud lapin qui parle impeccablement le français…
LES FILLES DU SCORPION a été produit par la firme « Happy Films » et cet intitulé donne immédiatement le ton employé, à savoir une volonté de proposer un spectacle joyeux, sans vulgarité ni passages vraiment hard, contrairement à la majorité de la production pornographique (ni cumshot, ni sodomie, ni SM,…). Si la saga du Zodiaque, débutée par Finn Karlsson en 1973 avec LES BELLES DEMOISELLES D’ANTAN (alias "I Jomfruens Tegn" ou encore "In the sign of the Virgin"), comprend six films, ceux-si sont, pour la plupart, indépendants. Seuls les deux derniers épisodes sont, en effet, liés et situés dans un cadre contemporain, reprenant les mêmes personnages dans des intrigues parodiant les super-espions à la James Bond. Toutefois, le personnage d’Ole Soltoft, acteur cabotin et déjanté, rapproche davantage ces FILLES DU SCORPION de la PANTHERE ROSE, en particuliers lors d’une scène où notre gaffeur se promène dans un beau château avec un fléau médiéval capable de gros dégâts.
Venu du cinéma classique, Ole Soltoft, né en 1941 et décédé en 1999, apporte son jeu outré mais très drôle à la saga, aux côtés de Poul Bundgaard, autre routinier du « Zodiaque ». Dans le rôle de la peu farouche espionne Penny, le cinéphile aura la surprise de découvrir la plastique avantageuse d’Anna Bergman, fille du cinéaste Ingmar Bergman. Apparemment doublée pour les scènes hardcore, la belle apporte toutefois un charme et un naturel réjouissant à ces FILLES DU SCORPION. Enfin, dans le rôle de l’Emir bien membré et adepte des polissonneries acrobatiques, nous retrouvons le français André Chazel, lequel alterna apparition dans des films classiques (LE COUP DU PARAPLUIE, L’ETUDIANTE), des téléfilms de prestige (« les rois maudits », « Maigret ») et des rôles dans le X. Parmi les hommes de main du Scorpion, on remarque également l’inévitable nain adepte des arts martiaux, ici joué par Torben Bille, vu dans le « culte » THE SINFUL DWARF.
Pas toujours très finaude, la comédie rappelle parfois Benny Hill, dont ce long-métrage constitue, en quelque sorte, une version plus leste. L’humour ne vole, par conséquent, pas très haut et une bonne partie des gags tombent lamentablement à plat même si d’autres s’avèrent réussis et décrocheront sans problème un sourire aux plus réticents.
Moins convaincant que LES BELLES DAMES DU TEMPS JADIS ou SPECIALITES DANOISES, cet épisode reste, cependant, largement au-dessus du tout-venant érotico-pornographique. Le spectateur contemporain, habitué aux gonzo alignant les scènes X toutes les dix minutes sera d’ailleurs surpris du soin apporté à l’ambiance, aux décors et à l’intrigue, les passages hard, souvent brefs, n’intervenant que par intermittence sans jamais parasiter inutilement le scénario, simple mais cohérent et plaisant. Peu nombreuses durant la première heure (où on dénombre surtout de l’érotisme soft et de rares plans explicites), les scènes chaudes se multiplient néanmoins dans la dernière demi-heure ou André Chazel se livre à quelques acrobaties sensuelles, aidé par ses gardes du corps qui positionne adroitement son ardente partenaire.
La version jadis éditée en vidéo par Alpha France avait, en outre, été littéralement massacrée, omettant le prologue de six minutes (pourtant essentiel à la compréhension de l’intrigue !), divers passages humoristiques et toute la scène finale pour y adjoindre dix minutes supplémentaires de scènes porno. La version danoise originale est autrement plus convaincante et divertissante : d’une durée de 89 minutes, elle mêle érotisme, hardcore et humour avec beaucoup plus de finesse et d’à-propos.
Aujourd’hui impensable, LES FILLES DU SCORPION témoigne d’une époque pas si lointaine où certains cinéastes parvenaient à faire cohabiter comédie burlesque, érotisme joyeux et pornographie bon enfant avec un certain talent et un réel sens de la mise en scène. L’intrigue, minimaliste mais sympathique est, pour sa part, bien servie par une distribution solide qui comprend des comédiens traditionnels crédibles (lesquels ne participent pas aux moments chauds) et des nymphettes sublimes au corps parfaitement naturel.
Le résultat, pas très subtil, n’en est pas moins amusant, sexy, excitant et jamais ennuyeux, ce qui, dans le X, relève quasiment de l’exploit puisque, à aucun moment, le spectateur n’est tenté d’user de l’avance rapide. Une certaine idée du bonheur, à découvrir avec le sourire.