Tod Browning (1880-1962)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Chrislynch
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Re: Tod Browning (1882-1962)

Message par Chrislynch »

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Pendant très longtemps, j'ai été fasciné par "Freaks", puis un jour, le charme s'est rompu. J'essaie de m'expliquer :

Un film, issu du fond des âges cinématographiques, du début du parlant, qu’il faut aborder dans son contexte historique. A l’époque du film, en 1932, la plupart était dans l’ignorance et la peur de cet autre différent engendrait toutes sortes d’amalgames. A cet égard, « Freaks » est un remarquable témoin historique sur l’intolérance qui régnait à l’époque. Aujourd’hui, le regard sur les monstruosités vivantes a beaucoup changé mais à l’époque, tout ce qui était hors norme était considéré comme un mauvais présage ou un signe diabolique. La médecine, depuis ce temps, a également fait son œuvre et a permis de réduire considérablement la naissance de « Freaks » (monstres) tels que ceux de Tod Browning.

Tod Browning connaît bien le milieu qu’il décrit car il a travaillé dans un cirque entre 16 et 30 ans. Ayant donc complètement intégré cette culture spécifique, il y a certainement de l’authenticité dans sa démarche artistique.

Néanmoins, malgré le côté « témoin d’une époque », le film n’échappe pas à un questionnement quant à ses intentions. La course à l’audience était déjà de mise, tout comme une forte propension à vouloir montrer ce qui n’avait jamais encore été montré à l’écran. Or à l’image, Tod Browning nous propose une réalité presque documentaire. Nous nous retrouvons dans les coulisses de la vie d’un cirque, dévoilant non pas des acteurs, mais de véritables « freaks » appartenant au cirque Barnum. On se retrouve face à une galerie de monstres. Le scénario est tellement rudimentaire que c’est à se demander s’il n’est pas un prétexte à cet exhibitionnisme. Le risque de dérapage vers un voyeurisme malsain est évident.

A côté de cette éventualité de voyeurisme dans les intentions, existe également une propension au simplisme, au manichéisme, opposant les « Freaks » non responsables de leur difformité au commun des mortels « normaux », responsables de leur monstruosité morale. Sous couvert d’humanité, le scénario, finalement, oppose deux catégories d’humains bien distincts au sein d’une narration réductrice et dangereuse. Le scénario va même jusqu’à proposer la vengeance d’une communauté sur l’autre, jusqu’à réduire la personne normale et sa « beauté », à une monstruosité. Et encore, s’il n’y avait pas eu la censure à l’époque, le scénario proposait une fin bien plus monstrueuse que celle proposée dans le version que l’on peut voir aujourd’hui, avec Hans le nain, se ruant avec les autres monstres sur la belle Cléopâtre, la réduisant à l’état de poule monstrueuse. Le comparse de Cléopâtre, Hercule, a également été émasculé dans la version d’origine.

Il règne donc dans ce « Freaks » de Tod Browning comme une atmosphère de vengeance de la monstruosité sur la beauté, essayant de se donner bonne conscience, mais qui offre finalement le contraire du but proposé. Mais quel était exactement le but de ce film ?
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Watkinssien
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Re: Tod Browning (1882-1962)

Message par Watkinssien »

Il y a forcément un voyeurisme dans Freaks.

Il y a également un "étalage" de gueules. Reste que ce que le film semble montrer, c'est que cette communauté de personnes est formé par un éclectisme surprenant, plus qu'un défilé pour pousser le spectateur à être attiré par l'intrigue.

Tod Browning a sûrement pensé à mettre en place une réflexion sur ce que voit le spectateur, engoncé dans son regard de ce qui lui diffère, en poussant très loin le processus. Reste que le cinéaste filme ses personnages à hauteur d'hommes, qu'il ne tombe pas dans le piège de l'esthétique autour du personnage. Son approche est suffisamment réaliste, jusqu'à ce qu'il lorgne vers le cinéma de genre le plus total dans la dernière demi-heure.

Le manichéisme du film est certes présent, mais les humains "normaux" dans le film ne sont pas tous monstrueux, le personnage de Wallace Ford est peut-être celui qui se rapproche le plus de Tod Browning lui-même ou de son idéal. Pareillement, les "freaks" sont en harmonie, mais les rapports des liliputiens sont ambigus dans leurs intentions et se placent entre naïveté confondante et raison pessimiste.

La vengeance du film est pessimiste car il ne la place pas comme une ironie du sort, mais bien comme un constat (très) amer sur la condition humaine.
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Re: Tod Browning (1882-1962)

Message par B. »

En attendant TOUJOURS des sorties dvd pour
Le club des trois
Le Talion (West of Zanzibar)
La Morsure (The Show)
L'Oiseau noir
Road to madalay
The mystic
etc...
Consolons-nous avec ça :
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- DVD 1 : WHITE TIGER (1923)
THE MYSTERY OF THE LEAPING FISH (1916, scénario de Tod Browning)
- DVD 2 : THE WICKED DARLING (1919)
SUNSHINE DAD (1919, scénario de Tod Browning)
- DVD 3 : LES REVOLTES (Outside the Law, 1920)
BILL JOINS THE W.W.W.'S (1914, avec Tod Browning)
-DVD 4 : CHAINED FOR LIFE (1951, Harry L. Fraser, VOST) avec les soeurs Hilton ayant joué dans Freaks
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Re: Tod Browning (1882-1962)

Message par Federico »

Le dernier numéro de l'émission Mauvais Genres est revenu sur le coffret Bach Films en commençant par une mise en bouche signée de l'indispensable Christophe Bier :

http://www.franceculture.com/emission-m ... 12-04.html

(écouter à partir de 28'50
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Joseph L. Mankiewicz
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Re: Tod Browning (1882-1962)

Message par B. »

Et, paraît-il (je ne l'ai pas entre les mains, je ne peux pas vérifier), un dossier sur Tod Browning dans le dernier n° de Brazil...
feb
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Re: Tod Browning (1882-1962)

Message par feb »

L'Inconnu (The Unknown) - Tod Browning (1927)

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Alonzo (Lon Chaney) est un artiste de cirque un peu particulier travaillant sous le nom de "L'Homme sans bras" : ce manchot réalise ses numéros uniquement avec ses pieds. En réalité, il a toujours ses bras mais il les dissimule sous une sorte de camisole pour une bonne raison et seul son assistant Cojo connait ce secret : l'homme est un meurtrier et une de ces mains à 2 pouces est un signe distinctif qui pourrait le trahir. Il est amoureux de sa jolie partenaire Nanon Zanzi (Joan Crawford), qui ne supporte pas les mains des hommes, et ne trouve du réconfort qu'auprès d'Alonzo qui se garde bien de lui révéler son secret. Mais un soir, alors qu'il a libéré ses 2 bras, il tue le propriétaire du cirque et aussi père de Nanon qui viennent de découvrir son secret. Pour échapper à la police et par amour pour la jeune femme, Alonzo décide de se faire réellement amputer des deux bras en menaçant de chantage le chirurgien. Après l'opération, il découvre avec horreur que Nanon est guérie de sa peur et compte se marier avec son rival, Malabar, dont elle est devenue la partenaire...

The Unknown est avant tout un film qui colle parfaitement aux thèmes de prédilection de Tod Browning. Dans ce film, le réalisateur s'applique à mettre en image la souffrance qu'elle soit physique : Alonzo devant porter cet attirail pour cacher son secret, ou psychologique : Malabar qui ne peut être aimé par Nanon à cause de sa peur des mains d'hommes, et parvient néanmoins à insuffler une touche d'humanité dans ce monde avec cet amour sincère que portent Alonzo et Malabar pour Nanon.
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The Unknown est ensuite un film qui repose sur les épaules du monstre Lon Chaney. Dans des films comme The Hunchback of Notre Dame ou The Phantom of the Opera, il fait preuve d'une faculté impressionnante à se fondre dans le personnage (maquillage, costume) et se donne physiquement pour le rôle. Dans un film comme He Who Gets Slapped, l'acteur, une fois de plus grimé, montre sa faculté à transmettre les émotions par le simple travail de son visage : il incarne complètement ce clown qui se sacrifie pour les beaux yeux de Norma Shearer et son visage est un livre ouvert sur sa souffrance.
Ici Lon Chaney est une fois de plus incroyable car il mélange le travail sur le corps et sur le visage et semble réellement avoir été amputé pour le film :shock: La prestation de l'acteur est incroyable de réalisme, il est à la fois un homme qui souffre, un amoureux, un meurtrier et un menteur et surtout il parvient à retranscrire à l'écran toutes les émotions possibles simplement avec son visage : joie d'être enlacé par la très jolie Nanon, amour qu'il porte pour la jeune femme, haine envers son rival, colère qui dérive en folie passagère lorsqu'il comprend que son "sacrifice" ne sert à rien...Lon Chaney forme avec Tod Browning un duo parfaitement complémentaire car le réalisateur trouve en cet acteur un formidable outil de travail, Chaney offre une telle palette d'émotions, une telle richesse de jeu que Browning n'a plus qu'à "se servir" pour composer sa scène.
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A ses cotés, la toute jeune et superbe Joan Crawford se révèle être une parfaite assistante et son rapport avec le personnage de Alonzo est particulièrement touchant car la jeune femme, qui ne supporte pas les mains d'hommes, trouve son bonheur auprès de l'artiste et de son infirmité. Cet amour a sens unique (Alonzo est amoureux de la jeune femme mais la réciproque n'est pas vraie), contrarié (Nanon ne peut se donner à Malabar à cause de sa peur) et malsain (Alonzo se fait amputer pour ne pas être arrêté et par amour pour Nanon) est clairement une marque de fabrique de Tod Browning qui semble prendre plaisir à jouer sur les amours impossibles où la souffrance physique et/ou mentale tient une part importante. Joan Crawford semble être l'actrice idéale pour ce rôle car elle offre elle aussi un visage très expressif où transparaissent ses émotions - elle avouera plus tard qu'elle a plus appris en le regardant jouer qu'avec n'importe qui d'autre - et forme avec Lon Chaney un couple réellement atypique mais presque "romantique".
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En seulement 55 minutes, Browning tire de cette histoire invraisemblable un film à l'atmosphère incroyable et qui se contente du minimum - peu nous importe de savoir qui est Alonzo, quels ont été ses crimes, quel lien unie l'homme au chirurgien. Le réalisateur s'appuie non pas sur la maitrise technique (la mise en scène est vraiment simple et ne cherche pas les effets) mais uniquement sur la maitrise du potentiel offert par Lon Chaney : Browning exploite tout ce qui fait la force de l'acteur pour porter cette histoire où se mêle amour, haine et sacrifice et pour créer un personnage rongé par la bonté et la cruauté.
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Dernière modification par feb le 13 août 12, 08:25, modifié 2 fois.
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Re: Tod Browning (1882-1962)

Message par someone1600 »

Un excellent film celui-la en effet. Et qui demontre tout le talent de Lon Chaney.
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Re: Tod Browning (1882-1962)

Message par allen john »

Freaks (Tod Browning, 1932)

Qui est Tod Browning? On est parfois surpris d'apprendre que le réalisateur de London after Midnight, Dracula et Mark of the vampire était un homme installé, respecté dans le Hollywood du début des années 20, miné par un alcoolisme qui lui jouera des tours assez souvent. Enfin, il était un réalisateur à l'aise dans le monde des studios, qui y finira tranquillement sa carière dans les années 30, avant de prendre un retraite bien méritée en 1939... Il est pourtant responsable d'un grand nombre de productions à la réputation sulfureuse, qui lui ont donné une réputation de pervers pourvoyeur de plaisirs inavouables... Ca se discute.

Et puis il y a Freaks... La genèse du film est embrouillée, contradictoire même: On crédite souvent Lon Chaney (Décédé en 1930, mais collaborateur fréquent de Browning, dont il existe des photos présentant l'acteur essayant un costume emblématique de Freaks) d'une association avec le film, alors que la nouvelle qui sert de base à Freaks aurait été signalée à Thalberg et Browning par Harry Earles, le nain, qui voyait en cette histoire de vengeance des "monstres" de cirque un véhicule idéal pour lui. Thalberg, quant à lui, aurait vu en cette histoire une sorte de film d'horreur idéal pour la MGM, en guise de réponse à la vague venue de la Universal: Freaks était une intrigue située dans le quotidien d'une corporation, dont l'horreur des péripéties ne se déroulait jamais dans un cadre surnaturel...

Dans le petit cirque de madame Tetrallini, en France, le nain Hans tombe fou amoureux de la belle écuyère Cleo. Mais si elle l'épouse, c'est plus pour son héritage fabuleux que pour ses beaux yeux. elle tente ensuite de l'empoisonner mais les camarades de la victime vont apporter à Cleo la preuve de la solidarité des gens du cirque...
Cette intrigue est d'une grande simplicité et permet à Browning d'installer ses caméras dans les coulisses du cirque, dont on ne voit quasiment jamais la piste: on découvre ainsi les soucis quotidiens, les amours, les peines et les joies de tous ces gens, femmes à barbe, "squelettes humains", soeurs siamoises, nains, et d'autres personnages, tous des célébrités en leur genre. La différence entre Olga Baclanova (Cleo), Henry Victor (Hercule, l'amant et complice de Cleo), Wallace Ford (Phroso le clown), Leila Hyams (Venus, montreuse de phoques) et Rose Dione (Madame Tetrallini) d'un coté, et les "freaks" de l'autre, fait tout le sel du film. Encore aujourd'hui il y a un débat houleux entre les héritiers des traditions représentées dans le film, tous les artistes qui exploitent de fait leur propre "différence", pour déterminer si le film de Browning n'était qu'une exploitation éhontée, ou un reagrd direct et sans concessions sur un univers peint dans sa réalité à peine déformée.

L'intention de la MGM était quand même un peu louche à la base, assimilant de fait les artistes, nains, personnes handicapées (les "pinheads", Prince Randian le torse vivant ou Johnny Eck dépourvu de toutes les parties du corps situées en dessous du nombril) aux monstres de la concurrence, Dr Jekyll ou la crétaure de Frankenstein... Mais entre les mains de Browning, le seul réalisateur capable de faire ce film, on échappe à mon sens à cette lecture. Phroso et venus ont beau être des gens dépourvus de ces particularismes, ils sont aussi des gens de cirques, et la solidarité des "monstres" de foire est aussi complétée par une sorte de fraternité des gens du spectacle qui est magnifiquement montrée dans le film, et que Browning avait déja mis en scène dans d'autres films, notamment The unholy three, The Show, The Unknown. Et comment faire l'impasse sur la mutilation ce thème troublant, qui revient sans cesse dans l'oeuvre de Browing? Des créations de Chaney à ces authentiques "monstres", il n'y a qu'un pas, franchi sans hésitation par Browning qui sait filmer aussi directement que possible, nous laissant gérer le malaise éventuel, un homme sans bras qui joue de la guitare avec ses pieds (The unknown) ou un homme privé de tous ses membres et qui roule une cigarette avec la bouche (Freaks). dans son oeuvre, ce qui fait le prix de Freaks, c'est que le film est une immersion complète dans la différence...

Il y a un aspect d'exploitation aussi, dans le fait de prendre appui sur cette réalité que nous ne pouvons nous empêcher de considérer comme parallèle, afin d'examiner l'homme à l'intérieur, et de n'en tirer que noirceur et désepoir. L'image ainsi obtenue d'une belle femme devenir une poule humaine, qui devait dans la continuité originale du film (Selon la légende, et elle est soumise à caution...) être complétée par l'apparition d'un ex-Hercule émasculé par la vengeance des "freaks", nous renvoie à notre propre laideur, nos tares que nous soyons "complets" ou non, grands ou petits, victimes ou criminels. Comment s'étonner alors que le film ait eu une réponse si négative de la part des décideurs du cinéma, mais aussi du public? Mais contrairement à la légende, le film n'a pas été mutilé au dela de toute ressemblance par "la censure", dont il faut rappeler qu'elle était peu active en cette époque sinon, il n'en resterait probablement que quelques minutes, voire rien du tout.

Le film est pour finir le testament d'un cinéaste inégal, capable du meilleur comme du pire (L'abominable Dracula, plombé par une absence totale de rythme), qui fit l'essentiel de sa réputation sur une série de films répétitifs dédiés à l'art de Lon Chaney, mais dont les meilleurs films restent bien les oeuvre fantastiques étranges réalisées pour la MGM, et inaugurées par ce gros coup de poing dans la figure qu'est le film maudit Freaks, du à la conjonction de talents de Browning, de tous ses "monstres" professionnels, de Harry Earles, acteur de petite taille, et du soutien inattendu mais inconditionnel de Irving Thalberg au projet. Un film qui nous rappelle à toutes les facettes de l'humanité... Un film aux destinées présidées par un réalisateur obsédé par la mutilation depuis un accident de voiture qui l'a éloigné des studios pendant un an tout en coutant la vie à un de ses meilleurs amis, l'acteur Elmer Clifton, et par un producteur génial miné par la maladie depuis son plus jeune age... Pas un hasard non plus.

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Re: Tod Browning (1882-1962)

Message par Federico »

allen john a écrit :Freaks (Tod Browning, 1932)

Johnny Eck dépourvu de toutes les parties du corps situées en dessous du nombril
Plus précisément, Eck naquit avec une atrophie extrême des jambes et des pieds. Donc peut-être pas dépourvu de toutes les parties. :wink:
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Re: Tod Browning (1882-1962)

Message par allen john »

Federico a écrit :
allen john a écrit :Freaks (Tod Browning, 1932)

Johnny Eck dépourvu de toutes les parties du corps situées en dessous du nombril
Plus précisément, Eck naquit avec une atrophie extrême des jambes et des pieds. Donc peut-être pas dépourvu de toutes les parties. :wink:
C'est mieux, et on n'entrera pas dans les détails! Sinon, comme toujours avec Freaks on voit que les légendes ont la peau dure...
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par Federico »

Dans le passionnant docu proposé dans la belle édition DVD Warner et qui évoque un par un les différents acteurs du film, un intervenant remarque judicieusement que Johnny Eck avait une telle présence qu'il aurait sans problème pu présenter un programme télévisé "assis" sans qu'aucun spectateur ne se doute de son infirmité (même si son cas est moins dramatique, ce fut celui d'un excellent journaliste sportif français des années 80-90 qui était unijambiste). Ce qui fait écho de façon amusante à l'appellation "homme-tronc" associée aux présentateurs des débuts de la télé.
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par Frances »

Les poupées du diable (The Devil-Doll) - Tod Browning (1935) avec Lionel Barrymore, Maureen O'sullivan, Frank Lawton.
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:arrow: Un peu d'histoire :
Tod Browning nait en 1880 à Louisville dans la Kentucky. Après avoir évolué dans le monde du cirque il rencontre D.W. Griffith à New York et fait ses premiers pas au cinéma dans deux comédies. En 1913 D.W. Griffith part pour la Californie suivit de Ted Browning et de Lionel Barrymore. C’est là qu’il réalise son premier film The Lucky Transfer. Suivront deux mélodrames : The Living Death (1915) et The Burned Hand (1915) qui abordent deux thèmes récurrents de l’œuvre de Browning : Les mutilations physiques et les rapports incestueux père-fille. Sa carrière va se poursuivre à l’Universal grâce à deux rencontres essentielles, celle d’Irving Thalberg et de Lon Chaney. Browning va explorer le monde interlope et les univers macabres. La première collaboration de Browning/Chaney s’intitule : The Wicked Darling (1919). Suivront The Unholy Three qui remporta un grand succès, The Blackbird (1926), The Road to Mandalay (1926), L'Inconnu (1927) Londres après minuit (1927), The Big City (1928), À l'ouest de Zanzibar (1928), Loin vers l'est (1929). Leur collaboration symbiotique continuera jusqu’à la mort de Lon Chaney en 1930.
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Il doit alors trouver d’autres acteurs pour porter ses œuvres. Ce sera Edward G. Robinson dans Outside the Law, 1930, Bela Lugosi auquel il confiera le rôle du Conte Dracula (Dracula en 1931 et Mark of the vampire en 1935) et Lionel Barrymore (Mark of the Vampire, Les Poupées du diable- 1936).

En 1932 il réalise Freaks, un film au ton particulier qui met en scène de véritables « phénomènes de foire ». Mais le public ne le suit pas et le film fait un flop. Thalberg met un terme à leur collaboration et meurt peu après. C’est Browning qui produira lui même ces quatre dernières réalisations : Fast Workers, la marque du vampire, les poupées du diable et Miracles à vendre (parodie sur les médiums) respectivement en 1933, 1935, 1936 et 1939.

La deuxième guerre mondiale arrive et son cinéma passe de mode. Il vivra les dix huit dernières années de sa vie en reclus avant de mourir en 1962 des suites d’un cancer.

:arrow: La petite histoire. Celle du film.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Lavond (Lionel Barrymore), un banquier victime de la cupidité de ses associés et condamné à tort s’évade en compagnie de Marcel, un vieux scientifique qui a découvert comment réduire la taille des êtres vivants. Lavond voit là une occasion inespérée d’exercer sa vengeance et d’être réhabilité. Il part alors pour Paris où se sont réfugiés ses ex-associés, en compagnie de Malita la veuve de Marcel dans l’espoir de revoir sa vieille mère, sa fille et de mettre sur pied un plan pour se venger. Sur place, Lavond et Malita ouvrent une boutique de jouets. Malita poursuit ses expériences dans le sous-sol alors que Lavond se déguise en vieille femme dans le but de sortir à sa guise sans être repéré par la police qui surveille le domicile de sa mère.
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Les êtres miniatures issus de leurs expériences sont privés de volonté propre et répondent désormais à celle de Malita et de Lavond. Il approche le premier de ses ex-associés sous l’angle professionnel et lui demande de financer la production de ses extraordinaires jouets. Le rendez-vous est pris et le banquier accepte de passer à la boutique dont il ne ressortira jamais. Lavond souffre de la séparation avec sa fille Lorraine (Maureen O’Sullivan) et c’est sous le déguisement de la vieille madame Mandelip qu’il lui rend visite à la laverie qui l’emploie. Lorraine qui ne se doute de rien éprouve de la sympathie pour celle qu’elle croit être une amie de sa grand-mère et lui présente son fiancé, Toto (Frank Lawton) chauffeur de taxi depuis peu. Lavond se concentre sur sa seconde victime Emil Coulvet (Robert Greig) et lui vend une de ces créatures. La nuit venue commandée par l’esprit de Lavond celle-ci vole les bijoux de son épouse avant de planter un stylet dans le cou du mari endormi pour le paralyser. Se jouant de la police madame Mandelip rend visite à sa mère.
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Lorraine les rejoint et parle de la haine qu’elle éprouve pour son père, cet homme méprisable qui par sa conduite à causer le malheur de sa mère et le sien. Lavond envoie une lettre à son troisième associé pour le prévenir de sa fin imminente et lance une nouvelle créature munie d’un stylet à son domicile. Rongé par l’angoisse de finir comme ses collègues il passe aux aveux et innocente Lavond aux yeux du monde. Sa vengeance assouvie Lavond veut mettre un terme aux expériences de Malita. Une dispute éclate et le laboratoire explose. Elle périra dans les flammes qui ravageront le magasin de jouets. Désormais libre et lavé de tout soupçon Lavond fait appel à Toto pour rencontrer sa fille. Au dernier étage de la tour Eiffel celle-ci exprime le souhait de revoir son père et de lui pardonner mais Lavond se fait passer pour un ami de celui-ci et c’est les larmes aux yeux qu’il recueille son pardon avant de disparaitre pour toujours.
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:arrow: Quelques pistes de réflexion.

Tod Browning réalise ici son avant dernier film. Après la mort de Thalberg et l’échec de Freaks il est en perte de vitesse et doit composer avec de nouveaux producteurs à la dent dure. Pour le scénario des poupées du diable il collabore avec Erich Von Stroheim. La musique est composée par Franz Waxman qui avait déjà œuvré entre autre sur « Liliom », « La fiancée de Frankenstein » et « Le secret magnifique » (1935). Browning revisite et explore le thème du savant fou porté par le désir irrépressible d’intervenir sur la nature des choses, bouleversant les lois qui régissent l’univers, proposant une vision du monde qui lui apparait plus appropriée. Ici dans le but de limiter la consommation des ressources naturelles. Mais ces bonnes intentions si l’on peut dire sont perverties par le résultat de ses expériences. Si la réduction des êtres vivants est effective elle crée aussi des créatures décérébrées que seule la volonté d’êtres supérieurs par la taille (et l’esprit ?) peut contrôler. Le créateur devient usurpateur et se substitue à Dieu.

L’usurpation est l’autre grand thème des poupées du diable. Celle des associés de Lavond qui s’approprient son argent en le faisant accuser à tort. Lavond qui s’attribue par deux fois des identités qui ne sont pas siennes. D’abord sous les traits de madame Mandelip puis en se faisant passer pour un ami de son père dans la scène finale avec Lorraine. Troisième thème du film et fil conducteur : la vengeance. Elle est au cœur de l’intrigue et justifie tous les moyens mis en œuvre pour l’assouvir. Si on s’émeut de l’injustice dont Lavond a été victime. Ce même Lavond se moque du sort des êtres humains réduits à l’état de zombies miniatures. Browning suggère t’il par là qu’il existe une échelle dans la compassion et que tout le monde n’en est pas digne ? Quatrième thème celui de la famille et de la force des liens. Schéma nécessaire à chacun. Lavond pour achever sa rédemption avec le pardon de sa fille. Lorraine pour se libérer du passé et construire son avenir avec Toto.

Le film de Browning est multiple et tutoie plusieurs genres, le policier dès la première séquence quand la police recherche les deux fugitifs dans les marais, le vol de bijoux. Fantastique pour l’ambiance dans les mêmes marécages et dans la maison d’Albert et de Malita. D’horreur quand il s’agit d’expériences sur les êtres vivants et leurs conséquences. Enfin il flirte aussi avec la romance par l’histoire d’amour un peu convenue et sans doute nécessaire pour plaire au public entre Maureen O’Sullivan et Frank Lawton. « Les poupées du diable » ne souffre d’aucun temps mort, les séquences sont intelligemment orchestrées avec ce qu’il faut de suspense pour nous tenir en haleine. Les scènes de trucages sont fort réussies et n’ont pas à rougir malgré les décennies écoulées. Enfin le film repose sur les épaules de Lionel Barrymore qui fait ici une formidable prestation. Impossible de l’oublier sous les traits de madame Mandelip.
"Il faut vouloir saisir plus qu'on ne peut étreindre." Robert Browning.
" - De mon temps, on pouvait cracher où on voulait. On n'avait pas encore inventé les microbes." Goupi
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

Suite à une commande des DVD Warner Archives, je revisite les grands muets de Browning.

The Unholly Three (Le club des trois) 1925
Justement celebre, The Unholly Three est le premier des grands films du duo Chaney/Browning.
Suite à une bagarre au cirque, un ventriloque Echo, un nain et un hercule decide de s'associer pour poursuivre leurs crimes. Ils ont pour couverture un commerce d'oiseaux tenue par une vieille dame qui n'est autre qu'Echo deguisé, Le nain joue quant à lui les bébés.
L'affaire se complique quand ils embauchent un jeune homme comme commis dont la fiancé de Chaney tombe amoureuse et que le dernier vol se conclut par un meutre. Le quatuor va devoir prendre le large et finira par se dechirer.

On demeure fasciné par le malaise provoqué par la métamorphose des personnages, passant de l’innocence de l’extrême jeunesse ou la vieillesse au vice le plus repoussant en un regard ou un geste. Browning fait ici preuve d’une incroyable force de transgression qui annonce bien sur Freaks.
Chaney compose un de ses personnages type, celui du méchant amoureux qui finira par se sacrifier et connaîtra ainsi la redemption. Une fois encore son visage est un effet special à lui seul. On y lit la violence des émotions et leurs évolution.
Browning est avant tout un cinéaste de mélodrames dont il maîtrise parfaitement les ressorts et qui avec la complicité de Chaney fait des miracles.
Essentiel.



The Show (La morsure) 1927
Un spectacle forain et un triangle tragique : le bonimenteur Cock Robin bourreau des cœurs, égoïste et peu scrupuleux, une danseuse jouant Salomé amoureuse du bonimenteur, le patron de l'attraction foraine dit Le Grec ex amant de la danseuse, voleur, meutrier et d'une jalousie criminelle.
Quant à la morsure c'est celle fatale d'un gros varan venimeux.

Réalisé entre London After Midnight et West Of Zanzibar, The Show est un des rares film de Browning de cette période sans Lon Chaney. Pas d'info sur les raisons de cette infidélité.
C'est John Gilbert au sommet de sa gloire qui prête son physique avantageux et sa taille de guêpe à Browning pour dessiner une personnage antipathique et imbu de soi. Rénée Adorée joue la danseuse alanguie et Lionel Barrymore le patron demoniaque.

On retrouve ici tous l'univers de Browning :
  • le cirque, ses mises en scènes et ses trucs (ici la décapitation de Jean Baptiste à la demande de Salomé représentée sur scene pour l"effroi des spectateurs)
    le mix d'intrigue criminelle et mélodramatique
    le macabre et la mort violente
Si le film déroule d'abord une intrigue bien menée mais plutot prévisible (dont se rappelleront les auteurs des EC comics), c'est franchement dans sa dernière partie ouvertement mélodramatique que Browning donne le meilleur. L'irruption du vieux militaire aveugle attendant son fils parti à la guerre est incroyable de densité. L'intrigue melo est invraisemblable comme il se doit dans tout les grands mélo muets mais ce coté outrancier est porté par la mise en scene habile de Browning (passage de la porte ouverte, dévoilement graduel de la situation des protagonistes). Browning se montre ici l’égal d'un Borzage.
J'ai trouvé Gilbert, qui je decouvrais ici, parfait. S'il n'a pas l'incroyable plasticité de visage de Chaney, il est tout à fait convainquant dans le parcours interne le menant à la rédemption. Cela ma donné envie de voir d'autres de ces films, avec Garbo par exemple. Quant à Barrymore, qui sera le complice régulier de Browning, il a un role plus monolithique, assumé avec vigueur.

The Show est donc un grand film de Browning à decouvrir dans une copie tout à fait correcte.


A suivre avec West of Zanzibar et Black Bird.
feb
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par feb »

The Eye Of Doom a écrit :Cela ma donné envie de voir d'autres de ces films, avec Garbo par exemple.
Bonne idée ça mais attention car Gilbert face à GG, ce n'est plus le même style de jeu :wink:
A suivre avec West of Zanzibar et Black Bird.
Ca c'est du lourd dans la catégorie "Lon Chaney donne vie au personnage" car, dans les 2 cas, il joue un infirme et on sent qu'il se donne à fond. Ce sont 2 très bons Browning/Chaney :wink:
Sinon je ne sais pas si tu l'as déjà vu mais il te faut absolument découvrir The Unknown, ça c'est un Browning/Chaney de 1ère classe et impossible de ne pas craquer pour Nanon...
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Re: Tod Browning (1880-1962)

Message par The Eye Of Doom »

feb a écrit : Bonne idée ça mais attention car Gilbert face à GG, ce n'est plus le même style de jeu :wink:
Bonsoir feb. Si tu as un titre particulier dispo en DVD à me conseiller je suis preneur

feb a écrit :Sinon je ne sais pas si tu l'as déjà vu mais il te faut absolument découvrir The Unknown, ça c'est un Browning/Chaney de 1ère classe et impossible de ne pas craquer pour Nanon...
Je t'invite à lire mon post en haut de la page 3, écrit il y a déjà quelques temps... :wink:
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