Jacques Tourneur (1904-1977)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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daniel gregg
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par daniel gregg »

De ceux que tu n'as pas encore vu, et Jack ou Jeremy ne me contrediront pas je pense, Way of a gaucho est peut être le plus mineur.
Wichita est un film du mois en puissance dans la case western, Stars in my crown, un petit bijou d'Americana, les productions de Val Lewton sont incontournables.
Il te reste également The fearmakers est un suspense assez réussi avec Dana Andrews, Circle of danger a ses qualités et sinon Anne of the indies est un vigoureux autant que jubilatoire film de pirates. :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

daniel gregg a écrit : les productions de Val Lewton sont incontournables.
J'avoue ne pas trop accrocher à ses films fantastiques, ce pour quoi il est cependant le plus reconnu. Il faut dire que le genre fantastique n'est pas forcément ma tasse de thé non plus.
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Rick Blaine
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Rick Blaine »

daniel gregg a écrit : Il te reste également The fearmakers est un suspense assez réussi avec Dana Andrews, Circle of danger a ses qualités et sinon Anne of the indies est un vigoureux autant que jubilatoire film de pirates. :wink:
Je traque The Fearmakers et Anne of the Indies du côté de l'Espagne où ils sont accessibles, ce sera l'occasion d'une prochaine commande (je me suis intéressé trop tard à Tourneur pour l'édition Carlotta de La Flibustière).
Circle of Danger devrait me plaire, je note!
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :
daniel gregg a écrit : Il te reste également The fearmakers est un suspense assez réussi avec Dana Andrews, Circle of danger a ses qualités et sinon Anne of the indies est un vigoureux autant que jubilatoire film de pirates. :wink:
Je traque The Fearmakers et Anne of the Indies du côté de l'Espagne où ils sont accessibles, ce sera l'occasion d'une prochaine commande (je me suis intéressé trop tard à Tourneur pour l'édition Carlotta de La Flibustière).
Circle of Danger devrait me plaire, je note!
De ses deux films d'aventures, j'ai une nette préférence pour La Flèche et le flambeau mais je reverrais la Flibustière des Antilles un de ces jours pour peut-être le réévaluer.
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Jeremy Fox
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

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L'Or et l'amour (Great Day in the Morning – 1956) de Jacques Tourneur
RKO


Avec Robert Stack, Virginia Mayo, Ruth Roman, Raymond Burr, Leo Gordon
Scénario : Lesser Samuels
Musique : Leith Stevens
Photographie : William E. Snyder (Technicolor Superscope 2.00)
Un film produit par Edmund Grainger pour la RKO


Sortie USA : 16 Mai 1956

Avec Great Day in the Morning, Jacques Tourneur met fin à sa petite carrière 'westernienne' puisque par la suite, que ce soit Frontier Rangers (1959) ou Mission of Danger (1960), ils n'auront initialement pas été tournés pour le cinéma ; ce seront en fait des longs métrages constitués de plusieurs épisodes de la série Northwest Passage (remake du film de King Vidor) et qu'il vaut mieux passer sous silence surtout pour les adorateurs du cinéaste. Si l'on ne prend pas non plus en compte ni Stars in my Crown ni Way of a Gaucho qui ne peuvent être considérés comme des westerns pour diverses raisons (de tonalité pour le premier qui est avant tout une chronique villageoise, une tranche d'Americana comme il est coutume de les nommer ; géographique pour le second dont l'action se déroule loin des USA, dans la pampa argentine), la filmographie de Jacques Tourneur n'aura été constitué que de quatre westerns. Et c'est surtout en comparaison avec deux des précédents que L'or et l'amour pourra légitimement décevoir car il est bien évident que ce dernier n'arrive pas aux chevilles du sublime Canyon Passage (Le Passage du Canyon) ni du superbe Wichita (Un Jeu risqué). Qualitativement parlant, il se situerait plutôt dans la mouvance de Stranger on Horseback ; deux westerns très intéressants et assez originaux mais souffrant de multiples faiblesses, surtout scénaristiques.

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Owen Pentecost (Robert Stack) est sauvé d'une attaque indienne par l'arrivée de Steven Kirby (Alex Nichol) et Zeff Masterson (Leo Gordon), deux hommes qui ont loués leurs services à Ann Alaine (Virginia Mayo) pour la conduire saine et sauve jusqu'à Denver où la jeune femme souhaite ouvrir une boutique de vêtements. Zeff regrette d'avoir porté secours à Owen lorsqu'il s'aperçoit que ce dernier est un Sudiste. En effet, nous sommes en 1861, la Guerre de Sécession est sur le point d'éclater et les tensions à gagner du terrain, hommes du Nord et du Sud se détestant cordialement. Mais le trio étant commandé par la jeune femme, tout le monde de se rendre à Denver sans le moindre soucis. Arrivé en ville, le pasteur (Reegis Toomey) les prient d'oublier le conflit civil qui se prépare. Le Colorado étant un état Nordiste, les quelques confédérés qui s'y trouvent sentent néanmoins que le danger qui pèse sur leur têtes est de plus en plus pressant. Ce sont pourtant eux qui exploitent les mines d'or alentours et ils ont la ferme intention de ne pas garder pour eux le métal précieux mais de le réserver pour la Cause. Plus que de l'ouragan historique qui se prépare, Owen semble plus se préoccuper de faire le joli coeur et de fanfaronner aux tables de jeux ; et d'ailleurs, il gagne aux cartes le saloon tenu par Jumbo (Raymond Burr) non sans avoir triché avec la complicité de Boston Grant (Ruth Roman), entraîneuse et ex-maîtresse de Jumbo qui souhaitait changer de patron. Il va ensuite trouver ses compatriotes et leur propose de les aider à faire sortir l'or de la région grâce aux carrioles qui faisaient partie du saloon et qui lui appartiennent désormais. Cependant, il ne fait pas ça gracieusement pour la cause confédérée mais espère bien récupérer un pourcentage au passage. Ce qui n'est pas du goût de Jack Lawford qu'Owen est obligé de tuer en état de légitime défense. Seulement, cet homme a laissé un fils d'une dizaine d'années qui arrivait justement en ville pour le retrouver ; Owen, avec l'aide de Boston, va se sentir obligé de le prendre sous son aile tout en lui cachant la vérité sur la mort de son père...

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Un curieux western qui débute à l'orée de la Guerre de Sécession et qui décrit les rapports tendus entre les deux futures forces en présence au sein d'une petite ville du Colorado, les deux camps se préparant secrètement mais activement au déclenchement impatiemment attendu des hostilités, avec des espions de part et d'autres jaugeants la situation : en voilà un postulat de départ historiquement alléchant et intéressant, tout comme les multiples idées, situations et personnages mis en scène au sein de cette intrigue assez riche. Seulement le scénariste ne fait qu'effleurer tous ces éléments sans jamais chercher à en approfondir aucun, reste contamment à la surface des choses, ce qui rend son écriture un peu lâche et moyennement captivante alors qu'il y avait matière à ce qu'elle le soit. Si le film est contamment plaisant et jamais ennuyeux (ce qui est déjà beaucoup et qui assure une partie de sa semi-réussite), il ne décolle jamais vraiment non plus faute donc principalement à un scénario explorant d'innombrables pistes sans jamais s'y appesantir. "Je l'ai complètement oublié celui-là. [...] Ce n'était pas très réussi. L'histoire était trop morcelée, trop décousue" disait d'ailleurs Jacques Tourneur en 1966 à propos de son film. Je ne peux que souscrire ce coup-ci à l'avis du cinéaste. Great Day in the Morning ne prend d'ampleur à aucun moment et aucun des comédiens n'arrive vraiment à prendre l'ascendant sur ses partenaires, le spectateur ayant ainsi du mal à éprouver de l'empathie pour qui que ce soit et surtout pas pour Robert Stack qui s'avère finalement assez terne et figé dans un rôle pourtant sur le papier très ambigu et par ce fait passionnant, un anti-héros aux multiples parts d'ombre. Un homme égoïste qui parait ne penser qu'au plaisir et à l'argent : "I don't belong to anyone except myself. Sure, I'm loyal. I've got an undying loyalty to myself and no one else, nothing else" avouera-t-il sans ambage. Autre curiosité que son postulat historique initial et l'ambivalence de son héros, L'or et L'amour, comme son titre français le résume assez bien, nous propose non pas un triangle amoureux mais non moins que trois ; non seulement Robert Stack papillone autour de deux femmes mais ces mêmes femmes ont chaucune deux prétendants.

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Robert Stack est donc courtisé par deux femmes : la pionnière commerçante qui, tout en lui trouvant beaucoup de charme, ne supporte pas son égoïsme, son cynisme et sa froideur, ainsi que la Saloon Gal qui, moins regardante, est prête à tout pour s'en faire aimer. Lors de la fameuse et superbe séquence de partie de cartes au cours de laquelle se joue l'établissement de jeu/saloon, alors qu'Owen doute de la probité de son adversaire, il demande à ce que les cartes soient battues et distribuées par une tierce personne. Boston, la chanteuse/entraîneuse, est choisie. Jumbo, le propriétaire actuel, se met alors d'accord avec elle pour qu'elle triche en sa faveur ; sûr de sa victoire, quelle n'est pas sa surprise quand il perd sur une carte tout ce qu'il avait ! Nous apprenons immédiatement après que non seulement Owen a gagné le tout (y compris la femme qui 'faisait partie des meubles' comme elle le dira elle-même) mais que ce n'était pas un hasard ; il est devenu propriétaire de l'établissement le plus juteux de la ville grâce à Boston qui avait 'renversé la triche' en sa faveur pour enfin se retrouver avec un nouvel amant/patron ! On devine bien à cette séquence (qui donne son titre original au film puisque c'est en une matinée qu'Owen aura fait fortune) l'ambiguïté et la modernité des personnages principaux surtout qu'Owen apprend cette tromperie sans jamais s'en offusquer ni la remettre en question. Ce n'est pas un personnage noble mais un profiteur qui est également prêt à aider ses 'compatriotes' sudistes mais à la condition de 'palper' au passage. Dommage que l'acteur (pourtant superbe tout de noir vêtu), possède aussi peu de charisme. On savait les talents dramatiques de Virginia Mayo assez limités mais que dire ici de sa prestation : l'actrice semble totalement éteinte et pas du tout convaincue par ce qu'on lui a donné à jouer ! Elle devait regretter de ne pas avoir accepté le personnage de Boston qui lui avait été initialement proposé et qu'elle avoua plus tard avoir trouvé bien plus intéressant que le sien qui, il est vrai, ne sert pas à grand chose et qui aurait pu être coupé au montage sans que ça n'ait de conséquences puisque dans le film de Tourneur, sa romance avec Alex Nichol (bien meilleur en shérif avec pour partenaire Maureen O'Hara dans Redhead of Wyoming de Lee Sholem) n'a guère plus d'intérêt que ses relations avec Robert Stack.

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Ruth Roman en revanche, dans la peau d'un personnage ayant beaucoup de points communs avec celui qu'elle tenait dans Je suis un aventurier (The Far Country) d'Anthony Mann, s'en sort bien mieux, énergique et pétillante à souhait ; il faut dire aussi que Boston est beaucoup mieux écrit qu'Ann et que son autre prétendant dans le film n'est autre que le 'Bad guy' principal, à savoir l'imposant Raymond Burr qui arrive lui aussi à tirer son épingle du jeu ainsi que le toujours mémorable Leo Gordon (avec ses inquiétants petits yeux bleus électriques) dans un rôle de second plan. C'est lui qui attise la haine de ses concitoyens envers les 'Rebs' et qui frappe même presque à mort l'un des siens pour avoir osé dire que Nordistes et Sudistes étaient frères. A noter que les auteurs ne prennent faits et causes pour aucun des deux camps, traitres et nobles héros se comptant dans chacun d'eux. Et même si certains pensent que la balance penche plutôt du côté des Confédérés (ce qui n'est pas faux), ça n'en est pas pour autant d'une grande originalité puisque des films autrement plus réussis tels Virginia City de Michael Curtiz, Fort Bravo de John Sturges ou The Raid de Hugo Fregonese étaient déjà passés par là. L'or et l'amour fait d'ailleurs parfois grandement penser au film de Michael Curtiz au travers des séquences de fuite de la ville avec les chariots remplis d'or ainsi qu'à un autre western signé John Farrow, Hondo. En effet, comme dans ce dernier, l'un des ressorts dramatiques de son intrigue est la prise sous son aile par le personnage principal d'un enfant dont il a dû tuer le père sans lui avouer de suite. L'enfant, c'est Donald MacDonald, assez bon comédien ; il nous l'avait déjà prouvé l'année précédente lorsqu'il jouait le fils de Burt Lancaster dans la première réalisation de ce dernier, L'Homme du Kentucky (The Kentuckian). Si l'interprétation déçoit en son ensemble par le fait que les seconds rôles s'avèrent dans l'ensemble plus convaincants que les têtes d'affiches, si le scénario paraît trop décousu et plein de trous, la réalisation en revanche emporte l'adhésion ; et ce, dès la première séquence de l'attaque de Robert Stack par les Indiens et jusqu'au final montrant la fuite des chariots transportant l'or destiné aux Sudistes, sans oublier la très efficace et tragique scène de la tuerie dans le saloon, l'homme d'église en faisant les frais. Tourné au sein de très beaux extérieurs bien mis en valeur, le film s'avère esthétiquement très plaisant à regarder.

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Des américains n'attendant qu'une seule chose, le déclenchement de la Guerre Civile ("The North and South are natural enemies - like husband and wife") ; des héros complexes mais pas forcément sympathiques ni très nets et qui garderont leur mystère jusqu'au bout ; des rapports assez ambigus entre chacun d'entre eux ; une fin inhabituelle, abrupte et innatendue d'autant que beaucoup de questions restent en suspens (est-ce un fait exprès ou les producteurs ont-ils effectués de sombres coupes au sein du montage initial ? Quoiqu'il en soit le résultat provoque son effet de surprise au risque d'en décontenancer ou d'en décevoir plus d'un alors que d'autres y verront un bien bel hymne à l'amitié par dessus les divergences politiques) ; des décors cocasses (le Saloon Jumbo entièrement décoré d'éléphants)... Dommage qu'avec de tels éléments ambitieux et à priori passionnants le scénario n'ait pas été mieux écrit, trop confus et trop riche pour sa durée, manquant de développement dans le caractère de ses personnages. On se consolera en regardant sans aucun ennui cette petite réussite signée Jacques Tourneur, le cinéaste ayant cependant mérité d'être un peu mieux entouré, même la musique ne présentant aucun intérêt, incapable que nous sommes de n'en retenir ne serait-ce qu'un seul thème. Comme ils avaient un temps été envisagés, Richard Burton ou Robert Mitchum en lieu et place de Robert Stack auraient peut-être fait la différence et permis au film d'être plus mémorable ?! En l'état, néanmoins loin d'être désagréable !

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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :Te reste aussi à trouver l'excellent L'or et l'amour (Great Day in the Morning) qui existe peut-être en Espagne ?
Apparemment pas, mais comme Amazon.es est un peu jeune, on voit parfois des titres apparaitre (c'est hors sujet, mais un jour il faudra que l'on m'explique un jour pourquoi la politique des majors a été si atypique en Espagne...)
Je note.
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par daniel gregg »

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Un américain arrive en Angleterre pour tenter de connaître les circonstances exactes de la mort de son frère pendant la guerre. Il était membre des commandos spéciaux et ne semble pas avoir été tué par l’ennemi.
Pour la bonne cause, redécouvert cet après midi ce Circle of danger ("L'enquête est close") de Jacques Tourneur, réalisé en 1951.
Une enquête qui, par l'opacité entourant le déroulement de l'intrigue jusqu'à l'extrême fin du film, préfigure de façon relative, le mystérieux et fascinant Night of the demon.
Très beaux extérieurs de la lande écossaise, que n'aurait pas renié Michael Powell, et dans lequel Ray Milland, d'origine galloise, se fond à merveille, comme attiré de manière troublante par ses racines, thème familier chez Tourneur.
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Rick Blaine »

daniel gregg a écrit : Un américain arrive en Angleterre pour tenter de connaître les circonstances exactes de la mort de son frère pendant la guerre. Il était membre des commandos spéciaux et ne semble pas avoir été tué par l’ennemi.
Pour la bonne cause, redécouvert cet après midi ce Circle of danger ("L'enquête est close") de Jacques Tourneur, réalisé en 1951.
Une enquête qui, par l'opacité entourant le déroulement de l'intrigue jusqu'à l'extrême fin du film, préfigure de façon relative, le mystérieux et fascinant Night of the demon.
Très beaux extérieurs de la lande écossaise, que n'aurait pas renié Michael Powell, et dans lequel Ray Milland, d'origine galloise, se fond à merveille, comme attiré de manière troublante par ses racines, thème familier chez Tourneur.
Là, ça fait vraiment envie! :D
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par magobei »

Canyon Passage (1946)

Après le visionnage de ce Canyon Passage, je ne sais pas sur quel pied danser: c'est un peu l'anti-Boetticher ce film. Autant des films comme Comanche Station ou Ride Lonesome sont tenus, tendus vers leur conclusion, autant le western de Tourneur multiplie les digressions avec son scénario en zigzag: comme le dit si bien Tavernier dans les bonus (on devrait IMPOSER Tavernier dans les bonus), cela génère un sentiment d'incertitude, de malaise, de menace planante. Et en effet, alors que la 1ère demi-heure construit une espèce d'image d'Epinal de la vie de cette petite communauté minière, les fêlures sont déjà présentes:

- à travers le personnage de Bragg, brute épaisse, élément perturbateur et en même temps personnage éminemment pathétique: la scène de la bagarre dans le saloon avec Logan, sous la huée du public, est assez édifiante. "Vous êtes des lâches!" hurle Bragg, sonné. Et je trouve que cette scène fait penser aux foules grégaires de High Noon ou de Silver Lode, même si le modèle est inversé, le salaud étant cette fois au coeur de la vindicte. En gros, sous la normalité, la bonhomie d'une petite ville du Far West, se cachent des trucs pas beaux à voir...
- à travers le personnage de Camrose, banquier ruiné qui joue l'or de ses clients pour se refaire, et creuse sa tombe
- à travers les deux couples, dont on sent dès le départ qu'ils ne sont pas construits pour durer
- à travers la menace plus tangible - plus "classique" - des Indiens, à l'orée du bois...

Bref, Tourneur instille dès le début le doute dans son tableau, qu'il finit par faire voler en éclats. Au final, cette construction un peu kaléidoscopique fait de Canyon Passage une oeuvre certes d'une grande modernité, très riche, mais aussi un film qui pêche un peu par sa dynamique, par manque de colonne vertébrale. Sauf que... en me relisant et en y repensant, je me rends compte que j'ai quand même trouvé ça plutôt bon.
"In a sense, making movies is itself a quest. A quest for an alternative world, a world that is more satisfactory than the one we live in. That's what first appealed to me about making films. It seemed to me a wonderful idea that you could remake the world, hopefully a bit better, braver, and more beautiful than it was presented to us." John Boorman
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Sybille »

Découvert il y a quelques jours Way of a gaucho.

Les images sont de toute beauté, certains plans stupéfiants (paysages argentins parfaitement utilisés), les acteurs jouent très correctement (Rory Calhoun et Gene Tierney).
Problème, l'histoire laisse quand même fortement à désirer. Si j'étais prête dans les premières minutes à suivre ce récit d'honneur et de liberté, la fuite incessante du personnage principal finit par tourner en rond et donc lasser.

Un bon Tourneur quand même.
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Sybille a écrit :Découvert il y a quelques jours Way of a gaucho.

Les images sont de toute beauté, certains plans stupéfiants (paysages argentins parfaitement utilisés), les acteurs jouent très correctement (Rory Calhoun et Gene Tierney).
Problème, l'histoire laisse quand même fortement à désirer. Si j'étais prête dans les premières minutes à suivre ce récit d'honneur et de liberté, la fuite incessante du personnage principal finit par tourner en rond et donc lasser.

Un bon Tourneur quand même.
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Flol »

magobei a écrit :Canyon Passage (1946)

Après le visionnage de ce Canyon Passage, je ne sais pas sur quel pied danser: c'est un peu l'anti-Boetticher ce film. Autant des films comme Comanche Station ou Ride Lonesome sont tenus, tendus vers leur conclusion, autant le western de Tourneur multiplie les digressions avec son scénario en zigzag: comme le dit si bien Tavernier dans les bonus (on devrait IMPOSER Tavernier dans les bonus), cela génère un sentiment d'incertitude, de malaise, de menace planante. Et en effet, alors que la 1ère demi-heure construit une espèce d'image d'Epinal de la vie de cette petite communauté minière, les fêlures sont déjà présentes:

- à travers le personnage de Bragg, brute épaisse, élément perturbateur et en même temps personnage éminemment pathétique: la scène de la bagarre dans le saloon avec Logan, sous la huée du public, est assez édifiante. "Vous êtes des lâches!" hurle Bragg, sonné. Et je trouve que cette scène fait penser aux foules grégaires de High Noon ou de Silver Lode, même si le modèle est inversé, le salaud étant cette fois au coeur de la vindicte. En gros, sous la normalité, la bonhomie d'une petite ville du Far West, se cachent des trucs pas beaux à voir...
- à travers le personnage de Camrose, banquier ruiné qui joue l'or de ses clients pour se refaire, et creuse sa tombe
- à travers les deux couples, dont on sent dès le départ qu'ils ne sont pas construits pour durer
- à travers la menace plus tangible - plus "classique" - des Indiens, à l'orée du bois...

Bref, Tourneur instille dès le début le doute dans son tableau, qu'il finit par faire voler en éclats. Au final, cette construction un peu kaléidoscopique fait de Canyon Passage une oeuvre certes d'une grande modernité, très riche, mais aussi un film qui pêche un peu par sa dynamique, par manque de colonne vertébrale. Sauf que... en me relisant et en y repensant, je me rends compte que j'ai quand même trouvé ça plutôt bon.
Découvert hier soir, et j'en pense la même chose que toi : un drôle de western qui n'en est finalement pas vraiment un.
Ça manque de colonne vertébrale, mais c'est aussi selon moi ce qui fait la force de ce film, le rythme y est décontracté, limite champêtre dans sa 1ère partie (avec la séquence de la construction de la cabane, qui m'a de suite fait penser à celle de Witness...le film de Weir partageant d'ailleurs avec le Tourneur cette même description de la vie d'une communauté).
Le dernier tiers, un peu plus orienté action, nous rappelle que l'on est tout de même un peu face à un western et ses éternels méchants indiens...mais la conclusion mêlant à la fois la mélancolie et l'espoir (avec une très belle chanson de Hoagy Carmichael) m'a confirmé que ce Canyon Passage est un film particulier, et que Jacques Tourneur était décidément l'un des réalisateurs les plus passionnants de l'époque.
Et Ward Bond, c'était quand même une sacrée gueule (même si je ne peux pas le voir sans penser à ce qu'il était réellement...).
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par magobei »

Ratatouille a écrit : Et Ward Bond, c'était quand même une sacrée gueule (même si je ne peux pas le voir sans penser à ce qu'il était réellement...).
:?: Please, enlighten me
"In a sense, making movies is itself a quest. A quest for an alternative world, a world that is more satisfactory than the one we live in. That's what first appealed to me about making films. It seemed to me a wonderful idea that you could remake the world, hopefully a bit better, braver, and more beautiful than it was presented to us." John Boorman
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

magobei a écrit :
Ratatouille a écrit : Et Ward Bond, c'était quand même une sacrée gueule (même si je ne peux pas le voir sans penser à ce qu'il était réellement...).
:?: Please, enlighten me

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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par magobei »

Jeremy Fox a écrit :
magobei a écrit : :?: Please, enlighten me

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Ah ok. Forcément, ça calme :?
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