Je suis d'accord en tout point avec Nestor.Nestor Almendros a écrit :ESCALIER INTERDIT (UP THE DOWN STAIRCASE) - 1967 - produit par Alan J. Pakula
Gros coup de coeur!
Impossible de ne pas penser, au début, à GRAINE DE VIOLENCE de Richard Brooks. On est dans une thématique très proche (le prof qui débarque dans un lycée difficile). Le spectateur du Brooks peut, en plus, se faire son propre bilan, car l'action se déroule 12 ans plus tard. Il y a bien sûr de nombreux points qui ne varient pas forcément (certains élèves à problème, etc.) mais très vite le scénario s'imprègne fortement d'une réflexion à plusieurs niveaux, tant sur l'appareil éducatif américain que sur le métier de professeur et son rapport avec les élèves. Et finalement, on retrouve ainsi de nombreux parrallèles avec la Palme d'Or de Cantet.
Le premier c'est que le film est raconté du point de vue de l'héroine (la prof). On ne quitte jamais l'enceinte de l'école (tout au plus une rue adjacente). On la suit aussi dans une réunion de profs ou une réunion avec les parents d'élèves. En fait, on découvre avec elle son lieu de travail. Le début du film est assez intéressant, d'ailleurs, puisque parallèlement à son premier cours (forcément bâclé à cause de la turbulence des élèves), le film montre en même temps un constat alarmant du travail de l'Etat sur l'éducation: peu de ménage, livres qui arrivent très en retard, pas de matériel - craies, chaises, etc. - salles endomagées (vitres cassées). C'est la prof qui, le 2e jour apporte une balayette et des craies qu'elle a achetés elle-même! Cette première partie montre aussi le fonctionnement du lycée, ses règles administratives incohérentes (classements abérrants des dossiers de l'éducatrice, ou des cours interchangés de façon incompréhensive), sa presque vie d'usine (les profs qui pointent). L'impression qui ressort n'est pas très positive: manque de moyens, règles inappropriées (l'infirmière qui n'a pas le droit de toucher les élèves), autorité contraignante (le surveillant général qui ne jure que par le répressif). Là aussi l'argument des sanctions est sujet à réflexion. 40 ans plus tard, le constat n'a pas beaucoup varié.
Il y a également une jolie description du travail de professeur, celui d'intéresser les élèves, de les faire participer. Et, plus approfondi, le rapport avec eux, de maitre à élève et de personne à personne. Le casting joue beaucoup là-dessus, grâce à Sandy Dennis au physique frêle et angélique qui, malgré tout, parvient à se faire respecter mais qui subit aussi des tensions (physiques ou sexuelles). On n'oublie pas d'intégrer dans le récit des notions raciales, sociales sur l'environnement de ces élèves (l'un s'est marié, un autre travaille la nuit, etc.).
Globalement, d'ailleurs, j'ai failli oublier d'en parler, le film garde fortement un aspect réaliste et documentaire. A part peut-être quelques scènes de classe tournées en studio (en partie, pour ne pas que ça se sente trop), la majorité du film est tourné dans un vrai lycée. Mulligan choisit une caméra très mobile, parfois à l'épaule, souvent sur dolly. Avec des partis-pris narratifs parfois pertinents: au début, quand la prof arrive dans son lycée, les élèves sont représentés comme une masse grouillante, hurlante, un flot de jeunesse indomptable. Le film, par la suite, d'ailleurs, évitera de montrer en grande partie l'apprivoisement des élèves par la jeune prof (passage attendu, qui ici n'est pas le plus important).
Bref j'ai beaucoup aimé.
Une très jolie réussite et un des meilleurs films sur le sujet de l'éducation (avec le Cantet justement). Mulligan trouve le juste équilibre et évite le manichéisme évitant d'un côté le constat fataliste et de l'autre l'angélisme.
Sandy Dennis y est magnifique. il va falloir que je creuse sa filmo.