
Je pense que ce réalisateur de studio mérite un topic. Il n'a jamais atteint le statut d'auteur. Mais, il offre généralement des films bien réalisés sous l'égide de la RKO ou de David O. Selznick. Ce natif de l'Ohio a d'abord travaillé à Broadway où il a été repéré au début du parlant. Il a d'abord été embauché comme 'dialogue director' avant de s'élancer seul dans la mise en scène. Il en outre le papa de l'acteur James Cromwell qui fait une belle carrière de character actor de nos jours.
****************


Double Harness (La femme aux gardénias, 1933) de John Cromwell avec Ann Harding, William Powell et Henry Stephenson
A San Francisco, Joan Colby (A. Harding) flirte avec le riche célibataire John Fletcher (W. Powell). Un soir, elle s'arrange pour que son père, le colonel Colby (H. Stephenson), la trouve chez Fletcher en situation compromettante. John Fletcher est alors obligé de l'épouser...
Ce film pre-code disparut de la circulation pendant plus de 70 ans à cause de son scénario qui le rendait inapte à une ressortie. Il y avait de plus des problèmes de droits sur sur ce film RKO produit par Merian C. Cooper. TCM l'a restauré et ressortit en 2006 en DVD. Ce film marie avec bonheur la comédie et le mélodrame. Ann Harding trouve là l'un de ses rôles les plus intéressants face à un partenaire de choix, William Powell. Le film débute comme une comédie. En Joan Colby, Ann Harding nous donne sa philosophie du mariage qui, selon elle, est un contrat commercial où les sentiments n'entrent pour rien. Voyant sa jeune soeur dépensière et frivole convoler en justes noces, elle décide elle aussi de se marier. Pour se faire, elle suit un célibataire endurci, et fort riche, dans son appartement un soir. William Powell est formidable en coureur de jupons qui n'a pas la moindre intention de subir les chaînes conjugales. Leurs premières scènes sont rythmées par un dialogue étincelant, pleins de sous-entendus. Les deux acteurs forment un couple tout à fait crédible où chacun joue sa partie avec finesse et intelligence. La mise en scène de Cromwell est fluide et suit les protagonistes avec intelligence. Obligé d'épouser celle qu'il considérait comme une amie d'un soir, John Fletcher ne se dérobe pas, mais pense divorcer rapidement. Mais, évidemment, les sentiments s'en mêlent des deux côtés. Ann tombe amoureuse de son mari et lui, n'est certainement pas insensible, quoi qu'il en dise. Le film accuse une petite baisse de régime au milieu avant de repartir pour un final comique avec Reginald Owen en maître d'hôtel obséquieux. On ne peut qu'admirer la performance d'Ann qui donne humanité et émotion à son personnage. Lorsqu'elle doit révéler à son mari la machination qu'elle a conçue pour l'épouser, son visage reflète un mélange de soulagement et de désespoir. Un très joli film qui doit beaucoup au couple Powell-Harding.
*****************************
Since You Went Away (Depuis ton départ, 1944) de John Cromwell avec C. Colbert, Jennifer Jones, Shirley Temple, Robert Walker & Joseph Cotten


J'ai recherché sur le forum une trace de ce film et je n'en ai trouvé aucune. Je serais donc la première à parler de ce long film de 177 min produit et écrit par David O. Selznick durant les dernières années de la guerre. Ce film a été pour moi une vraie découverte. C 'est une saga du quotidien d'une famille américaine ordinaire durant les années de guerre qui comme le fera Wyler avec The Best Years of Our Lives (1946) pour l'après-guerre, s'attache aux personnages et nous les fait lentement découvrir dans leurs complexités. Le film bénéficie d'un casting prestigieux, mais, réussit à conserver la simplicité de son propos. Claudette Colbert n'a jamais été aussi vraie et émouvante dans le rôle d'Anne Hilton. Ce qui m'a totalement captivée c'est la justesse de l'atmosphère au sein de cette famille. Le dialogue est un ainsi tour à tour badin, tragique ou humoristique suivant les humeurs des personnages qui déroulent le fil de leurs pensées.




Enfin, je ne peux que vous pousser à découvrir rapidement ce film de John Cromwell, qui porte la patte de son producteur. Il est disponible en Z1 US avec des sous-titres français.
**************************
The Silver Cord (1933, J. Cromwell) avec I. Dunne, Joel McCrea, Laura Hope Crews et Frances Dee

Christina Phelps (I. Dunne), une femme chercheur, suit son époux David (J. McCrea) en Amérique. Ils attérissent chez la mère de David (L. Hope Crews) qui se révèle une mère ultra-possessive et névrosée...
Ce film peu connu dans la carrière d'Irene Dunne lui donne un rôle de femme forte comme celui d'Ann Vickers (1933, J. Cromwell) où elle était directrice d'une prison pour femme. Mais ici, son adversaire est une Laura Hope Crews d'anthologie en mère ultra-possessive. Elle manoeuvre ses deux fils avec un machiavélisme incroyable pour éloigner toutes les femmes qui les entourent. Elle est tout miel avec eux alors qu'elle n'est que fiel et venin pour ses brus. Le film a un côté théâtre filmé qui n'est finalement pas désagréable avec un échange verbal entre Dunne et Crews qui a beaucoup de punch. Le film appelle un chat, un chat et montre les déviances de cette mère odieuse. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Tennessee Williams pour l'atmosphère lourde de ressentiments et de jalousie. Mais, le film est adapté d'une pièce de Sidney Howard qui a écrit plusieurs oeuvres de qualité avant de passer scénariste de cinéma. J'ai passé un très bon moment avec ce petit film pre-code qui méritrait d'être mieux connu.
