Carol Reed (1906-1976)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Carol Reed (1906-1976)

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Huit Heures de sursis (1947)

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Johnny McQueen est le dirigeant d'une organisation clandestine irlandaise. Kathleen et sa mère le cachent chez elles. Là, Johnny échafaude un hold-up qui permettra de financer les activités futures de son groupement. Malheureusement, pendant le hold-up, les choses tournent mal : Johnny est blessé et ne peut plus regagner sa cachette. Il disparaît dans les ruelles de Belfast. Immédiatement, une chasse à l'homme de grande envergure est mise en place, et la ville se retrouve quadrillée par la police. Le chef de celle-ci est bien décidé à capturer Johnny et les autres membres du gang. Quant à Kathleen, elle se décide à partir à la recherche de Johnny.

Parmi les réussites majeures de Carol Reed, Odd Man Out est pour le réalisateur et son interprète James Mason le film de la reconnaissance internationale. Il est d'ailleurs curieux qu'un acteur au charisme, à la prestance et à la séduction si marquée à l'écran trouve un de ses rôles majeurs (c'était d'ailleurs de son propre aveux sa meilleure performance) avec un personnage si effacé. Dès l'ouverture, Carol Reed escamote toute les occasion qui lui sont donnée de mettre en valeur sa star. Le film ne débute pas avec lui mais un de ses acolyte rejoignant la réunion secrète de l'organisation et on arrive à la fin du discours où il échafaudait les dernières lignes de leurs prochaine action, un hold up servant à financer leur mouvement. Privé d'affirmer sa position de chef à l'écran, Johnny McQueen (James Mason) se voit même remis en cause en privé au détour d'un dialogue nous révélant qu'en cavale après une évasion, il n'est pas dans les meilleures disposition physique pour mener l'opération. D'emblée se ressent une lassitude mentale chez le personnage qui nous fait douter de lui, ce que confirmera sa faiblesse qui fera du hold up un fiasco.

Huit Heures en Sursis fut à l'époque un film précurseur et risqué au sein du cinéma anglais en adoptant le point de vue d'un rebelle irlandais. Le scénario n'en est pas moins critique envers le choix d'une action armée symbolisée par la lente dérive de James Mason. Celui-ci a en effet franchi la ligne qui sépare l'opposant politique du meurtrier en abattant un homme qu'il n'a su maîtriser lors du vol. La faiblesse mentale cède à une plus physique qui va le ronger pour le reste du film où blessé et mourant il va entamer un véritable chemin de croix à travers un Belfast nocturne et oppressant où il es traqué de toute part. James Mason offre une prestation stupéfiante avec un personnage pourtant totalement inactif, à la présence de plus en plus spectrale qui ne laisse aucun doute sur sa destinée. Tantôt totalement absent, tantôt délirant le temps de surprenantes séquences onirique orchestrée par Carol Reed, c'est une longue et douloureuse odyssée qu'effectue là Johnny McQueen. Reed, grandement inspiré par le réalisme poétique français (l'atmosphère nocturne pesante, la photographie sombre et l'illustration de l'architecture de la ville n'est pas sans rappeler Les Portes de la Nuit ou] Le Jour se lève entre autres) confère une aura hallucinée à cette ville par le regard fiévreux de James Mason. Quant la mise en scène s'abstient de ses effets, c'est la multitude de rencontres du héros qui prolonge le cauchemar partagée entre les quidam près à le livrer pour une récompense, d'autres l'abandonnant à son sort par crainte de la police et ceux l'aidant subrepticement afin de ne pas subir les représailles de ses complices.

La rédemption tant attendue (Reed multipliant les analogies religieuse) ne pourra être accordée à Johnny McQueen (si ce n'est via le personnage de Lukey et sa prise de conscience) lors d'une dernière demi heure où le drame atteint des sommets de noirceur tragique, seulement la présence de celle qu'il aime (excellente Kathleen Ryan) dans un intense final sacrificiel. Très beau film. 5,5/6
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Ann Harding
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Ann Harding »

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Girl in the News (1940) de Carol Reed avec Margaret Lockwood, Barry K. Barnes, Emlyn Williams et Roger Livesey

Anne Graham, une infirmière (M. Lockwood) est accusée d'avoir empoisonné sa patiente. Acquittée des charges qui pèsent sur elle grâce à son avocat, Stephen Farringdon (B. K. Barnes), elle ne parvient pas à retrouver un emploi. Finalement, elle utilise un faux nom et se fait embaucher pour soigner Edward Bentley, un invalide. Or celui-ci meurt dans des circonstances suspectes. Anne est à nouveau accusée...

Ce petit film de Carol Reed met en vedette Margaret Lockwood qui était la star N°1 du cinéma anglais de l'époque. Elle joue généralement des créatures amorales aux tendances criminelles comme dans The Wicked Lady (1945, L. Arliss), un des plus gros succès de ces années-là. Ici, elle n'est qu'une ingénue que l'on suspecte, à tord, de meurtre. L'intrigue est assez attendue et réserve assez peu de surprises. L'infirmière Graham se retrouve accusée de meurtre une deuxième fois. Et tout le monde la croit coupable. Il faut dire que les apparences sont contre elle. Son patient invalide a bu une mixture contenant un somnifère à haute dose et en est mort. Lors du procès, son avocat a fort à faire pour confondre le meurtrier véritable. Néanmoins, il va mettre à jour la conspiration diabolique de celui-ci. Ce qui est dommage, c'est que l'on sait rapidement pourquoi et comment l'homme est mort. Malgré de bonnes interprétations d'une pleïade d'excellents acteurs britanniques tels qu'Emlyn Williams et Roger Livesey, le film reste assez mince en intrigues. Un Carol Reed mineur.
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par bruce randylan »

Le deuxième homme (the running man - 1963)

Non, ce n'est pas une prequel au film d'Orson Welles mais un petit thriller anecdotique où un homme se fait passer pour mort suite à un accident d'avion pour toucher son assurance vie. Sous une autre identité, il se rend en Espagne où son épouse le rejoint avec l'argent "gagné". Ils croisent bientôt l'employé de la compagnie d'assurance qui s'est occupé de leur contrat.

Le scénario ne manque pas de charme ni de qualité mais il faut avouer que la mise en scène de Reed peine à lui donner le rythme, l'insécurité, le trouble et la paranoïa nécessaire pour que l'histoire décolle.
La première demi-heure était pourtant prometteuse en plongeant directement le spectateur dans l'enterrement sans explication ni introduction. Les faiblesses, l'humanité et les frustrations des personnages étaient bien mises en places avec un trio d'acteurs convaincant (dont Lee Remick :oops:) et un arrière fond social adroitement esquissé.

La suite en Espagne continue de soigner la psychologie des protagonistes surtout celui féminin, prisonnier entre un mari qu'elle ne reconnait plus (l'argent lui fait tourner la teête) et l'agent d'assurance dont elle ne sait pas s'il lui tourne autour par amour ou pour enquêter sur elle (et la mort de son mari). L'intrigue est assez astucieuse agencée pour donner quelques scènes marquantes qui vont assez loin tout en restant cruellement logique (celle où Remick est surprise dans la chambre d'Alan Bates).

Donc, sur le papier, c'est plutôt réussi mais comme je disais, niveau réalisation, c'est inversement proportionnel au soleil espagnol. Et le film a beau être tourné sur place, c'est très terne sans heureusement trop jouer la carte postale touristique. Sa narration et la mise en scène se traînent en longueur sans parvenir à vraiment mettre en valeur les troubles des personnages et la tension. On regarde le film sans trop se prendre au jeu du chat et de la souris (réelle ou non) avec l'impression que Reed livre le minimum à l'image du flash-back qui montre le faux accident d'avion qui casse la crédibilité des faits (on ne comprend pas comment quelqu'un pourrait mourir et disparaitre après un "choc" si léger).
Assez frustrant donc malgré les acteurs, un scénario intéressant, quelque scènes sortant du lot et la toute dernière partie qui s'accélère enfin avec une conclusion forcément ironique.

Pour le coup, un remake ne serait pas superflu.
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Message par Nestor Almendros »

bruce randylan a écrit :Le deuxième homme (the running man - 1963)

Pour le coup, un remake ne serait pas superflu.
C'est indéniable pourtant je n'ai pas passé un si mauvais moment. Derrière ce titre français en forme de clin d'oeil se cache un film hybride, à mi-chemin (théorique) de la comédie et du film à suspense, presque du polar, d'une manière distante et désacralisée, s'éloignant un peu des codes du genre, ce qui lui donne un aspect léger qui dissimule des tensions plus noires. Le décor exotique, le soleil andalou, jouent un rôle déterminant dans ce décalage et cette approche décontractée.
Pourtant il règne un petit suspense pas désagréable, essentiellement grâce à un quiproquo habilement mené, bien interprété (quel parfait choix d'opposer Laurence Harvey à Alan Bates), qui réserve son lot de surprises. Les idées du scénario sont plutôt bonnes et compensent un peu certaines faiblesses formelles handicapantes. Par exemple, il y a effectivement ce flashback qui, non content d'être inutile et donnant une impression très accessoire, brise la cohérence du drame. Certes il y a quelques développements psychologique mais, comme tu le soulignes avec raison, ils concernent essentiellement le personnage féminin. Mais je regrette quand même une certaine paresse, surtout dans le dernier tiers, où les psychologies sont vite résumées, les réactions trop bâclées sans être réellement expliquées ou amenées logiquement, au détriment du naturel et d'une certaine crédibilité qui règnaient au début de l'histoire. Comme Bruce, je trouve que la trame fournit effectivement un potentiel énorme à des personnages qui m'ont finalement paru réduits à de simples figures fictionnelles (le méchant vénal, etc.) là où j'aurais souhaité qu'ils soient davantage creusés dans leur humanité. J'ai été très frustré de ce point de vue, la fin étant reléguée à des scènes-type beaucoup moins ambitieuses que ce qui tourne autour du quiproquo, par exemple.

Je suis cependant indulgent car le résultat est au-delà de mes attentes, ce qui n'est déjà pas si mal. Et puis le charme de Lee Remick n'y est certainement pas étranger...
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Major Tom »

bruce randylan a écrit :Le deuxième homme (the running man - 1963)

Non, ce n'est pas une prequel au film d'Orson Welles mais un petit thriller anecdotique où un homme se fait passer pour mort suite à un accident d'avion pour toucher son assurance vie. Sous une autre identité, il se rend en Espagne où son épouse le rejoint avec l'argent "gagné". Ils croisent bientôt l'employé de la compagnie d'assurance qui s'est occupé de leur contrat.

Le scénario ne manque pas de charme ni de qualité mais il faut avouer que la mise en scène de Reed peine à lui donner le rythme, l'insécurité, le trouble et la paranoïa nécessaire pour que l'histoire décolle.
La première demi-heure était pourtant prometteuse en plongeant directement le spectateur dans l'enterrement sans explication ni introduction. Les faiblesses, l'humanité et les frustrations des personnages étaient bien mises en places avec un trio d'acteurs convaincant (dont Lee Remick :oops:) et un arrière fond social adroitement esquissé.

La suite en Espagne continue de soigner la psychologie des protagonistes surtout celui féminin, prisonnier entre un mari qu'elle ne reconnait plus (l'argent lui fait tourner la teête) et l'agent d'assurance dont elle ne sait pas s'il lui tourne autour par amour ou pour enquêter sur elle (et la mort de son mari). L'intrigue est assez astucieuse agencée pour donner quelques scènes marquantes qui vont assez loin tout en restant cruellement logique (celle où Remick est surprise dans la chambre d'Alan Bates).

Donc, sur le papier, c'est plutôt réussi mais comme je disais, niveau réalisation, c'est inversement proportionnel au soleil espagnol. Et le film a beau être tourné sur place, c'est très terne sans heureusement trop jouer la carte postale touristique. Sa narration et la mise en scène se traînent en longueur sans parvenir à vraiment mettre en valeur les troubles des personnages et la tension. On regarde le film sans trop se prendre au jeu du chat et de la souris (réelle ou non) avec l'impression que Reed livre le minimum à l'image du flash-back qui montre le faux accident d'avion qui casse la crédibilité des faits (on ne comprend pas comment quelqu'un pourrait mourir et disparaitre après un "choc" si léger).
Assez frustrant donc malgré les acteurs, un scénario intéressant, quelque scènes sortant du lot et la toute dernière partie qui s'accélère enfin avec une conclusion forcément ironique.

Pour le coup, un remake ne serait pas superflu.
Et où peut-on le voir ce film?
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Nestor Almendros »

Il passe actuellement sur TCM.
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Major Tom »

Ah oui, enfin après vérification c'est en février qu'il va passer. Merci ! ;)
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Jack Carter »

Major Tom a écrit :Ah oui, enfin après vérification c'est en février qu'il va passer. Merci ! ;)
plutot, c'est en fevier qu'il va etre rediffusé apres etre passé un paquet de fois en decembre...
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Major Tom »

Jack Carter a écrit :
Major Tom a écrit :Ah oui, enfin après vérification c'est en février qu'il va passer. Merci ! ;)
plutot, c'est en fevier qu'il va etre rediffusé apres etre passé un paquet de fois en decembre...
Oui mais comme tout le monde, en décembre, je suis en famille et je n'ai pas le temps de regarder TCM. :fiou: :mrgreen:

Bon ben vivement février alors. J'aime beaucoup Carol Reed et je suis très curieux de découvrir celui-là.
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Jack Carter »

Major Tom a écrit :
Jack Carter a écrit :
plutot, c'est en fevier qu'il va etre rediffusé apres etre passé un paquet de fois en decembre...
Oui mais comme tout le monde, en décembre, je suis en famille et je n'ai pas le temps de regarder TCM. :fiou: :mrgreen:
c'etait une "pique" à l'egard de la chaine, tu n'as rien à y voir :wink:
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Major Tom »

Jack Carter a écrit :
Major Tom a écrit : Oui mais comme tout le monde, en décembre, je suis en famille et je n'ai pas le temps de regarder TCM. :fiou: :mrgreen:
c'etait une "pique" à l'egard de la chaine, tu n'as rien à y voir :wink:
Moi c'était plutôt une fausse excuse car je ne fête pas Noël pendant un mois. :mrgreen:
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Nestor Almendros »

Major Tom a écrit :Bon ben vivement février alors. J'aime beaucoup Carol Reed et je suis très curieux de découvrir celui-là.
En ce moment TCM diffuse aussi L'HEROIQUE PARADE dont je parlerai peut-être dans quelques jours...
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Major Tom »

Major Tom a écrit :Ah oui, enfin après vérification c'est en février qu'il va passer. Merci ! ;)
J'avais failli l'oublier.
bruce randylan a écrit :Le deuxième homme (the running man - 1963)

Non, ce n'est pas une prequel au film d'Orson Welles mais un petit thriller anecdotique où un homme se fait passer pour mort suite à un accident d'avion pour toucher son assurance vie. Sous une autre identité, il se rend en Espagne où son épouse le rejoint avec l'argent "gagné". Ils croisent bientôt l'employé de la compagnie d'assurance qui s'est occupé de leur contrat.

Le scénario ne manque pas de charme ni de qualité mais il faut avouer que la mise en scène de Reed peine à lui donner le rythme, l'insécurité, le trouble et la paranoïa nécessaire pour que l'histoire décolle.
La première demi-heure était pourtant prometteuse en plongeant directement le spectateur dans l'enterrement sans explication ni introduction. Les faiblesses, l'humanité et les frustrations des personnages étaient bien mises en places avec un trio d'acteurs convaincant (dont Lee Remick :oops:) et un arrière fond social adroitement esquissé.

La suite en Espagne continue de soigner la psychologie des protagonistes surtout celui féminin, prisonnier entre un mari qu'elle ne reconnait plus (l'argent lui fait tourner la teête) et l'agent d'assurance dont elle ne sait pas s'il lui tourne autour par amour ou pour enquêter sur elle (et la mort de son mari). L'intrigue est assez astucieuse agencée pour donner quelques scènes marquantes qui vont assez loin tout en restant cruellement logique (celle où Remick est surprise dans la chambre d'Alan Bates).

Donc, sur le papier, c'est plutôt réussi mais comme je disais, niveau réalisation, c'est inversement proportionnel au soleil espagnol. Et le film a beau être tourné sur place, c'est très terne sans heureusement trop jouer la carte postale touristique. Sa narration et la mise en scène se traînent en longueur sans parvenir à vraiment mettre en valeur les troubles des personnages et la tension. On regarde le film sans trop se prendre au jeu du chat et de la souris (réelle ou non) avec l'impression que Reed livre le minimum à l'image du flash-back qui montre le faux accident d'avion qui casse la crédibilité des faits (on ne comprend pas comment quelqu'un pourrait mourir et disparaitre après un "choc" si léger).
Assez frustrant donc malgré les acteurs, un scénario intéressant, quelque scènes sortant du lot et la toute dernière partie qui s'accélère enfin avec une conclusion forcément ironique.

Pour le coup, un remake ne serait pas superflu.
Ma première déception au niveau de la mise en scène de Reed, ici très molle, très plate. Difficile de croire que c'est le même qui a réalisé Huit heures de sursis et Le Troisième homme des années auparavant. Je suis d'accord avec Bruce, le scénario aurait même pu donner quelque chose de meilleur que Mr Ripley (aussi bien le livre, que les adaptations, le trop long Plein Soleil comme le film de Minghella). Le flash-back foireux, le manque de moyens pour représenter les accidents auxquels on ne croit pas... Alors qu'il y avait d'autres atouts, notamment le générique de Maurice Binder, et la distribution (Lee Remick... :oops:). Non, franchement, je ne comprends pas ce qui a pu clocher, mais quel dommage, ça aurait pu être un grand film. Je lui mets quand même une bonne note car je l'ai beaucoup aimé malgré tout, grâce à son scénario. 8/10.
J'ai donc vu Le Deuxième homme, le Troisième homme, les deux Quatrième homme... est-ce qu'il y a un Cinquième homme? :arrow:
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Lord Henry »

The Running Man (1963) - Carol Reed

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Pilote professionnel, Rex Black (Laurence Harvey) simule son décès dans un accident d'avion afin d'escroquer son assurance. Son épouse (Lee Remick) – et complice – le rejoint en Espagne où il s'est réfugié sous une fausse identité. Là, leur route va croiser celle de l'enquêteur (Alan Bates) chargé du dossier.


Le Deuxième Homme (!) a le mérite d'être plus profond que ne le laissait craindre les apparences, mais le défaut de l'être moins que ne le laissait espérer son intrigue. Sous les images soyeuses de Robert Krasker, se devinent les thèmes de l'identité et de l'apparence, familiers à la filmographie du réalisateur. Mais à trop cultiver l'ambiguïté, les personnages en perdent toute substance et les enjeux dramatiques se dissipent sous le soleil de l'Andalousie. Certes, Carol Reed parvient à donner corps à son sujet au détour de certaines scènes; mais, trop souvent, l'absence de point de vue se traduit par un sentiment d'indécision. Et si la mise en image, par sa sobriété et sa fluidité, garde le spectateur de l'ennui, elle lui interdit néanmoins de se passionner.

Impeccables, Lee Remick et Alan Bates insufflent ce qu'il faut de supplément d'âme à leurs rôles pour en souligner le trait; Laurence Harvey, quant à lui, peine à accomplir le même dépassement.
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Re: Carol Reed (1906-1976)

Message par Profondo Rosso »

Bank Holiday (1938)

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Une jeune nurse qui s'évade pour un week-end avec un son amant. Sa patiente délaissée mourant en accouchant, la jeune femme sera bouleversée par le désarroi du mari.

Sorti la même année que Lady Vanishes, Bank Holiday contribue avec le film de Hitchcock à asseoir la notoriété de celle qui sera la plus grande star anglaise de la décennie suivante, Margaret Lockwood. A la mise en scène on trouve un tout jeune Carol Reed (32 ans à l'époque) qui se situe ici aux antipodes des thrillers qui feront plus tard sa réputation. Le film est en effet un curieux mélange de mélodrame et de comédie, de gravité et de légèreté. Le Bank Holiday en titre désigne la tradition des quatre jours fériés en Angleterre (à l'époque du film en tout cas aujourd'hui ils sont plus nombreux) et le film s'ouvre sur l'imminence de l'un d'entre eux (le 1er mai on suppose vu l'ambiance estivale) à travers différente saynètes comiques en ouverture où les ouvriers jettent soudain leur pelles au loin, les secrétaires tapent frénétiquement à la machine en surveillant l'horloge ou encore les maçon abandonne sac de ciment dès que la cloche retentit...

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L'intrigue adopte ainsi un ton contrasté en voguant d'un groupe à l'autre de personnages au destin léger ou dramatique, de leur départ de Londres en train jusqu'à leur séjour au bord de la mer. Pour les plus anodins mais amusant on a un deux jeunes écervelées qui vont participer à un concours de beauté (René Ray et Merle Tottenham délicieusement jolies et superficielles) ou encore une mère de famille (très attachante Kathleen Harrison) qui a bien du mal à gérer sa marmaille turbulente puisque son rustre de mari goute aux divers plaisir locaux plutôt que de l'aider.

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La facette dramatique sera évidemment la plus intéressante. On y voit Margaret Lockwood, jeune infirmière assister impuissante à la morte d'une patiente en couche. Touchée par la détresse de l'époux (John Lodge), elle le quitte la mort dans l'âme et il ne quittera plus ses pensées durant son weekend de vacances. Loin des rôles de garces magnifique à venir de The Wicked Lady ou The Man in Grey, Margaret Lockwood est ici très touchante en infirmière compatissante et amoureuse. Reed amène avec brio les sentiments naissant de cette jeune femme pour cet homme anxieux puis accablé par la perte de son épouse. Le dialogue entre eux avant le drame noue superbement le lien en captant l'étincelle dans le regard d'une Margaret Lockwood surprise d'être si troublée et John Lodge est l'homme idéal et passionné incarné avec sa prestation tout en fragilité. C'est par leur relation que le film trouve tout son intérêt.

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En vacances avec son pressant et immature petit ami (Hugh Williams sorte de sosie de Kyle MacLachlan) elle ne songe qu'à cette homme qu'elle a laissé à Londres seul en détresse tout comme ce dernier se partage entre mélancolie et pensée pour celle qui sut si bien le réconforter de à sa perte. Carol Reed use de belles idées visuelles pour tisser ce lien fragile. Parmi les plus beaux on retiendra ce fondu au noir où le regard de Margaret Lockwood se perd dans les eaux de la Manche pour remonter les eaux de la Tamise dans la scène suivante et capturer le visage tout aussi abattu de John Lodge, illustrant magnifiquement leur pensée commune l'un pour l'autre. Il y a aussi les déambulations de John Lodge dans un Londres vidé de sa population le renvoyant à sa solitude, les souvenirs affluant en flashback refaisant apparaître les mêmes rues grouillantes d'une vie symbolisée par sa compagne encore à ses côtés.

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Le film aurait vraiment dû s'axer essentiellement sur cette facette dramatique et approfondir. Les apartés comiques sur les autres personnages sans être raté font au mieux sourire mais on attend constamment de revenir à Margaret Lockwood et John Lodge malgré les interactions que le script tente entre les personnages secondaires. Du coup c'est assez inégal avec pas mal de péripéties inutiles et une fin un peu expédiée alors qu'il y avait mieux à faire. Cependant le beau spleen qui souffle sur le film retient vraiment l'attention grâce à la maîtrise de Carol Reed et Margaret Lockwood irradie l'écran de sa jeunesse, de sa beauté et fragilité. Un joli moment tout de même malgré les défauts.4/6
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