Lune a moitié a écrit :
En même temps, le rôle n'exigeait pas non plus une prestation phénoménale, non ? Ce n'est pas comme si elle devait refaire
Never Let Me Go à chaque nouveau film. L'histoire d'amour de
Drive fonctionne sur le mutisme et sur l'échange de regards. En outre, son physique un peu quelconque (à mon avis
) renforce le réalisme d'une romance de palier. En ce sens, je ne suis pas vraiment d'accord quand tu dis que n'importe qui aurait pu faire l'affaire... une actrice trop jolie aurait, je crois, nuit à la pertinence et à la justesse de cette rencontre amoureuse. On y aurait vu un énième truc hollywoodien formaté et insipide, alors que, dans sa manière d'intervenir doucement, et dans le jeu très intériorisé de Gosling et Mulligan qui n'est pas une gravure de mode mais qui a quelque chose de la femme-enfant vulnérable et paumée, on assiste à quelque chose de très subtil, assez surprenant, même, dirais-je.
Certes il y a un mutisme et échange de regards mais encore faut il filmer tout en ayant un propos. Si Refn a le talent il lui manque encore pour moi la maturité. Quand Kubrick filme un échange de regards sans qu'il n'y ait de parole, ça passe tout autant par la direction d'acteur, la gestuelle que la maîtrise du cadre et la création d'une ambiance propice à relayer l'empathie tant pour les personnage que la temporalité de l'instant : Pourquoi
Barry Lyndon est-il constamment évoqué par la fameuse scène des bougies ? Evidemment il y a l'aspect technique de la chose qu'on sait depuis longtemps (la fameuse pellicule ultra sensible) mais là c'est une donnée qui ne marche bien souvent que sur les cinéphiles. Si ma mère qui n'est nullement cinéphile marche si bien alors qu'elle n'en rien à foutre de la performance technique (j'ai dû lui expliquer récemment ce qu'étaient des plans-séquences tiens
) comme pas mal de gens basiques mais dotés d'un bagage culturel (je le dis sans être spécialement péjoratif mais je doute qu'une personne des cités ait envie de regarder
Barry Lyndon du jour au lendemain. Par contre
Scarface (et on peut voir comment il reste encore pas mal interpreté de travers aujourd'hui) ou
Drive oui (j'avais deux cruches derrière moi qui ont commenté tout le film. J'étais heureux qu'elles la bouclent quand la cervelle de la rousse de
Mad Men vole en éclat
)), c'est aussi grâce à la poésie de l'ambiance de séduction qui y est retranscrite et sur laquelle pas mal d'autres cinéastes se casseraient la dentition.
Dans
Drive, si l'échange de regards arrive à me convaincre, le mutisme beaucoup moins. Parce qu'il est fondé sur une durée du plan qui me semble artificielle : il n'y a qu'a voir le plan final où la durée est circonscrite à juste ce plan de Ryan la carpe la tête relevée. Il respire ? Oui ? Non ? Il est mort ? ...... eh bien non ! Il est encore vivant mes zamis, (malgré l'ambiguïté du plan qui fait qu'on aurait pu couper le film justement à ce moment là pour créer un effet de chute surprenant juste au moment où les yeux se rouvrent. Moi j'aurais coupé là et hop, générique de fin mais bon). Joie, fête, turlutu, soleil couchant et justicier qui s'en va après la perte de son innocence mais pissant le sang dans la joie et la bonne humeur...
INSERT IRREALISTIC BULLSHIT HERE.
Non mais faut pas trop nous prendre pour des cons non plus. Heu Pardon.
Voilà un des nombreux reproches que je formule sur Drive par exemple. Autant quand le plan dure sur le visage d'un Gosling éberlué par le sang, tâché de partout, respirant, reprenant ses forces, j'applaudis, c'est presque sensitif là (et on entend que son souffle si je me souviens bien, pas de musique, rien). C'est le réel dans ce qu'il a de plus cru qui s'introduit avec une rare puissance dans la fiction. Autant les échanges de regards sans paroles et qui durent un peu trop ça ne passe pas (et j'ai longtemps été d'une rare timidité maladive avec les filles alors je peux comprendre ça mais même là perso, ça en fait trop). J'en reste avec la sensation que Refn essaie constamment de poser, impression renforcée par les autres films que j'ai vu de lui et qui font que je reste fâché avec le monsieur.
Je ne sais plus qui qui disait (ici ou ailleurs) qu'il était pas étonnant que son cinéma plaise aux cinéphiles. Mais oui mais ça pète à la gueule sans que les références ne soient digérées et comprises. Je discutais hier soir de
Valhalla rising avec un pote du lycée que j'avais pas vu depuis 10 ans et que depuis peu j'ai recontacté et il a rien compris au film. Ni à
Drive d'ailleurs. Et même si je lui sortais les noms de Tarkovski, Oshii, Friedkin ou Mann ("mais si, le mec qu'a fait
Heat et
Miami Vice, tu vois pas ? Bon, tant pis"), ça ne menait à rien. Donc...
En outre pourtant je suis d'accord avec toi sur ce que tu dis vis à vis de Mulligan. C'est justement pour son physique que n'importe qui peut s'identifier à ce type de romance. Sauf que la mise en scène de Refn a chez moi pas mal dévalué le potentiel de l'actrice. Les choses en ont entraînées d'autres et du coup, voilà ce que ça donne...
J'aurais tellement voulu poser mon cerveau au vestiaire et apprécier le film comme j'ai adoré Tintin sans réserves mais là non, désolé, c'est juste bien, sans plus pour moi. J'ai trop tardé, trop lu dessus, trop attendu sans doute, trop écouté (la B.O), bref je me suis laissé prendre à mon propre piège de ce que je ne fais généralement pas : concevoir des attentes. Mais 'un autre côté comme dit, trop de choses me gênent un peu dans Drive.
meuh non je suis gentil au fond :D a écrit :Le monsieur tout sévère au sujet de Drive, ce pauvre petit film qui ne mérite pas tant de courroux a écrit :Bon après, "totalement à poil", je demande quand même à voir, ça pourrait rallumer des braises, qui sait ?
T'as pas une petite image alléchante en spoiler ?
Bé non, désolé.
Faut que tu ailles le voir.
Et là, vu le rôle, à mon avis tu vas instantanément redevenir fan.
Beh je ne suis pas sévère mais exigeant. Tu le sais depuis le temps.
Mais si je voulais être méchant, je ferais une vraie critique sur
Drive avec captures et tout, comme pour
Buried (chronique que je trouve trop courte à mon goût d'ailleurs) que j'avais descendu. En l'état j'ai aimé Drive. Cela peut paraître surprenant vis à vis de l'image que je donne de vouloir taper dessus au détour d'un post.
Mais tu sais que chez moi le cinéma forme un tout. C'est autant quelque chose que j'apprécie d'un point de vue technique qu'émotionnel et surtout moral. De nos jours, j'ai de plus en plus l'impression que n'importe qui peut (et de plus en plus avec le numérique) prendre une caméra et hop, vouloir mettre le monde à genoux. Et le recul dans tout ça ? La distance vis à vis de la fiction ? Du réel ? De l'imbrication des deux ? C'est bien beau de savoir contrôler une forme, encore faut-il avoir réfléchi au fond. Ce sont des questions et réflexions qui me tiennent à coeur depuis longtemps. Refn a du talent et je l'apprécie pour ça. Pourtant après trois films de lui vu, je constate que le monsieur reste dans ses tics. Et c'est lourd quand il n'y a pas un vrai style qui émerge selon moi (exemple d'Argento qui a développé ses tics et obsessions avant de s'y perdre un peu avec
Trauma quand il a changé de pays). Enfin bon, là ça reste très subjectif évidemment.
Sinon pour
Shame j'espère que ça me rendra fan de Carey, oui.
Tu sais, j'étais un peu fâché vis à vis de
Hunger son précédent film au McQueen. Parce que là, tout comme chez Refn, on en revient à une manière de filmer qui frôle une certaine pose "regardez moi, j'ai du talent, je suis cinéphile, je sais filmer, youhouuu", ça risque de se passer moyennement.
Dans
Hunger, on voulait filmer austèrement (sans visiblement comprendre que l'austérité peut être le résultat d'un mélange de techniques propres au cinéma, exemple du cinéma de Bresson que j'adore).
Et hop regarde un plan fixe sur Fassbender et le prêtre qui l'interroge. Hop, un plan fixe de 10 minutes sans champ-contrechamp ni insert de plongée ou contreplongée, ni musique, ni rien. Ha, ha, tu souffres hein petit cinéphile ? T'en chie ta race hein ? Et en plus t'en chie tellement que le plan ne vit pas. Eh oui, je vais pas te faire une variation chromatique ni un travelling ou un changement dans le plan même qui apporterait la richesse à chaque visionnage comme chez Tarkovski (exemple Stalker et l'un des plans finaux sur la chambre des voeux), oh que non. Ce sera plan fixe et barre, faut que tu comprenne la souffrance de Fassbender, que tu la ressente dans ta chair et pour cela je vais te faire morfler.
Ou alors l'exemple de cet autre plan (je sais plus si il est fixe ou non) sur des cellules où l'eau s'échappe de dessous la porte et qu'un gardien nettoie négligeamment. Sans se presser. Et le plan ne bouge pas. ça dure. Il y a bien 10 portes de chaque côté du couloir. Faut bien nettoyer et frotter tout le long. Faut bien qu'on comprenne que les prisonnier sont solidaires et morflent aussi, qu'ils arrêtent de se sustenter
Pitiéééé. Stop, ça suffit le massacre là.
Dis moi que dans
Shame McQueen s'est calmé, please. Parce que le film me tente pas mal.