Fitzcarraldo (1982)
Des visions impressionnantes et folles pour un tournage mythique. Werner Herzog, à l'instar du personnage qu'il met en scène, paraît mû d'une ambition monumentale et insensée. On pense forcément au cauchemardesque
Apocalypse Now (et à la soif auto-destructrice de démesure de Coppola), où fiction et réalité se confondent et accouchent d'une fresque hallucinée au goût d'enfer tropical. Avec son style naturaliste et sobre, Herzog plonge dans les méandres amazoniens à hauteur d'homme et si
Fitzcarraldo prend des dimensions extrêmes, pharaoniques, c'est parce que la manière dont il filme la nature traduit majestueusement la puissance de la pression que cette même nature exerce sur l'individu. Verra-t-on encore un jour une œuvre aussi ouvertement démente ? J'en doute. L'incroyable séquence des préparatifs et du hissage du bateau sur la colline au son de la voix de Caruso est un grand morceau de bravoure, qui mérite à lui seul la vision du film et résume sa folie moite. A ce stade, ce n'est même plus du cinéma. On est dans une autre dimension, tout bonnement. Pour autant, mon sentiment se doit hélas d'être tempéré par la lenteur du rythme. La fatigue m'a vite gagné et m'a pas mal gâché la découverte. La première partie, notamment, m'a paru terriblement longuette malgré la présence de Claudia Cardinale. Il faudrait que je lui redonne sa chance dans de meilleures dispositions. Il n'en reste pas moins que cet Herzog offre une expérience naturelle fascinante et fiévreuse - c'est marrant mais il y a plusieurs mois, je regrettais que
Mosquito Coast ne transpire pas assez la
folie ; j'y ai parfois pensé (les pains de glace, les constructions titanesques avec l'aide de tribus locales, l'utopiste qui défie les dieux) et
Fitzcarraldo à ce titre offre à mes yeux une proposition bien plus jusqu’au-boutiste et marquante que celle de Weir. Klaus Kinski, enfin, est toujours aussi cinglé et effrayant.