Pietro Germi (1914-1974)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Jeremy Fox »

Jack Carter a écrit : oui, c'etait mon film du mois en septembre 2009, Marcello Mastroianni y est irresistible de drolerie :lol:
S'il est aussi irrésistible de drôlerie que 3 ou 4 des acteurs de Ces messieurs dames ('Barbichu', "l'impuissant", la grande gueule ou le casse-bonbon de service), ça promet. :lol:
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Profondo Rosso
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Profondo Rosso »

Jeremy Fox a écrit :
Jack Carter a écrit : oui, c'etait mon film du mois en septembre 2009, Marcello Mastroianni y est irresistible de drolerie :lol:
S'il est aussi irrésistible de drôlerie que 3 ou 4 des acteurs de Ces messieurs dames ('Barbichu', "l'impuissant", la grande gueule ou le casse-bonbon de service), ça promet. :lol:
Mastroianni est énorme dedans, ah ce petit claquement de bouche de satisfaction me pliais de rire à chaque fois :lol: . Pour Séduite et abandonnée je l'avais dit quelques pages auparavant en attendant un zone 2 français éventuel, l'édition italienne comporte des sous-titres français. Ca forme vraiment un diptyque sicilien avec Divorce à l'italienne autour des même thèmes c'est pas mal de pouvoir s'enchaîner les deux. :wink:
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Jack Carter
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Jack Carter »

Profondo Rosso a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
S'il est aussi irrésistible de drôlerie que 3 ou 4 des acteurs de Ces messieurs dames ('Barbichu', "l'impuissant", la grande gueule ou le casse-bonbon de service), ça promet. :lol:
Mastroianni est énorme dedans, ah ce petit claquement de bouche de satisfaction me pliais de rire à chaque fois :lol:
:lol:
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
popcyril
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par popcyril »

A ceux qui ont acheté Séduite et abandonnée, l'édition italienne avec STF, c'est celle que l'on trouve sur amazon.fr?
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Profondo Rosso
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Profondo Rosso »

popcyril a écrit :A ceux qui ont acheté Séduite et abandonnée, l'édition italienne avec STF, c'est celle que l'on trouve sur amazon.fr?
Je viens de vérifier celle proposée sur amazon la jaquette est la même que mon édition italienne avec STF

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Par contre le descriptif ne correspond pas vu que là il est indiqué sous-titres anglais donc j'ai un petit doute... Peut-être devrais tu plutôt passer par un site de vente italien on en indiquait quelques uns en début de topic.

edit : ceci dit l'éditeur indiqué est le bon aussi donc c'est peut être juste une erreur d'amazon dans le descriptif et c'est probablement la bonne édition en fait...
Dernière modification par Profondo Rosso le 31 oct. 11, 17:12, modifié 1 fois.
popcyril
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par popcyril »

Merci! Direct dans le panier! :twisted:
Alligator
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Alligator »

Amici miei (Mes chers amis) (Mario Monicelli, 1975)

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http://alligatographe.blogspot.com/2011 ... -miei.html

Mon premier de la série de films que je vais aller voir au 33e Cinémed. Cette année est consacrée entre autres à Pietro Germi. Quelle bonne idée! D'autant que le cinéaste n'a pas la place qui lui est due. Un peu trop méconnus, ses films en dvd français sont trop peu nombreux. Aussi, découvrir une plus large palette de ce cinéaste sur grand écran est-il un privilège que je savoure à sa juste valeur et sans sobriété.

Or, pour mon premier Germi de la semaine, je vais voir... un Monicelli! Pas si bizarre bien entendu quand on sait que le film a été écrit en grande partie par Pietro Germi -même si Leonardo Benvenuti, Piero De Bernardi et Tullio Pinelli ont co-signé le scénario- et devait être réalisé par Germi. Mais trop fatigué par la maladie, se sentant incapable, il a demandé à son ami Mario Monicelli de le tourner pour lui. On ne peut se soustraire à cette belle histoire d'amitié car les premières lettres du générique nous la rappellent en indiquant d'abord "Un film di Pietro Germi" et en concluant par "Regia di Mario Monicelli". Voilà tout est dit! Et que le spectacle commence!

Tout de suite, on est accueilli par le personnage de Philippe Noiret et sa voix italienne en off qui commente sa petite vie, en disant que tout le monde l'appelle "Perozzi" tant et tant de fois qu'il ne se souvient plus de son prénom. Cette astuce narrative est à l'image de tout le film, finement ciselée, aboutie, maligne. Elle représente bien le magnifique travail d'écriture de l'équipe citée plus haut.

Et bien entendu, elle illustre à merveille cet humour mélancolique, désenchanté, quelque peu vindicatif à l'égard de l'absurdité de l'existence. On est loin de l'Italie ensoleillée. L'histoire se déroule essentiellement en hiver, il pleut, il y a du brouillard souvent, on est bien couvert, les villes sont un peu grises. Le sourire est caché, il faut aller le chercher avec conviction.

C'est par Perozzi qu'on rencontre peu à peu les autres personnages, les acolytes, les "amis", les copains de farces-et-attrape, Gastone Moschin, Ugo Tognazzi et Duilio Del Prete. Viendra s'intégrer à la bande de freluquets quinquas Adolfo Celi.
Gastone Moschin a ma préférence. Sa tête d'ahuri amoureux transi rappelle le personnage qu'il interprète déjà dans "Signore & signori", un être malhabile avec ses élans et la sincérité de ses sentiments.
Adolfo Celi en toubib faussement froid, assez autoritaire est formidable de duplicité.

Ces 5 zigotos ont passé l'âge des fariboles et blagues de potache et pourtant ils s'en délectent encore et encore, comme de sales petits morveux, ou plus sûrement comme on s'accroche à une bouée de sauvetage. La vie est triste, morne, suffisamment emmerdante comme ça au naturel pour qu'on s'y construise des îlots de survie, des histoires et des rires pour respirer.

On suit ces aventures où se développe une espèce de philosophie de vie de chandelles brûlées par les deux bouts, malgré tout, malgré la connerie de leurs enfants coincés dans une morale étriquée, des épouses pas toujours consentantes, et malgré surtout les aléas de la vie pas toujours heureux. On rit beaucoup, et puis comme il s'agit d'une comédie italienne, la tristesse n'est jamais très loin et se rappelle aux mauvais souvenirs des personnages. Comme un Monicelli qui se défenestre pour faire la nique à sa maladie et sa vieillesse, les personnages sourient face à la mort, coûte que coûte.
Et nous, spectateurs, sommes obligés d'applaudir.
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Rick Blaine
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Rick Blaine »

A chaque fois que je lis un texte sur ce film, j'ai une furieuse envie de le découvrir. Celui-ci ne déroge pas à la règle.
Amis éditeurs, ne vous gênez surtout pas pour nous le sortir en DVD!
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Profondo Rosso
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Profondo Rosso »

Déjà il ressort en salle la semaine prochaine c'est un bon début. Ca fait des années que je veux le voir et l'avis d'Alligator accentue encore plus l'attente !
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Nestor Almendros »

Tout à fait, Profondo: le film ressort dans quelques jours et je vais y courir!
Pour info: le topic du film
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Rick Blaine »

Nestor Almendros a écrit :Tout à fait, Profondo: le film ressort dans quelques jours et je vais y courir!
Pour info: le topic du film
Je ne savais pas ça, mais je crois que moi aussi je vais y courir!
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Ann Harding »

Amici Miei, je l'ai revu en 2006 lors d'un hommage à Philippe Noiret qui venait de mourir. Le film est vraiment jubilatoire. On est d'abord étonné par la voix profonde de Noiret doublé en italien, puis on l'oublie. Bernard Blier est également formidable en petit vieux qui pique des pâtisseries dans les cafés. 8)
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Alligator »

L'immorale (Beaucoup trop pour un seul homme) (Pietro Germi, 1967)

http://alligatographe.blogspot.com/2011 ... orale.html

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2e film du 33e Cinémed que je vois, un Pietro Germi en noir et blanc, très abimé, raturé, haché.

Lors du générique, mon sang ne fait qu'un tour : il annonce des acteurs de la Comédie Française! Un doublage, quelle horreur! Hé bien, coup de chatte, c'est assez rare pour le signaler : le doublage a été remarquablement joué! C'est passé en douceur, comme une lettre à la poste et j'ai pu oublier la VF.

On ne va pas faire la fine bouche, le film étant ce qu'on doit appeler une rareté, c'est déjà un grand privilège de pouvoir le voir sur grand écran. D'autant que c'est un bon film.

Prenons garde, il ne s'agit pas d'une comédie à proprement parler. Des aspects sont comiques, certes, mais le film est bel et bien plutôt une comédie de mœurs qui se penche sur quelque chose de très compliqué à définir. L'amour peut-il être partagé? Peut-on sincèrement aimer plusieurs femmes, avoir plusieurs foyers?

Alors bien sûr, le titre italien ("L'immorale") interpelle sur cette notion si changeante, la morale. Pour moi, le personnage joué par Ugo Tognazzi n'a strictement rien d'immoral, peut-être à la limite peut-on lui concéder quelque amoralité. Mais je ne suis pas du tout sûr.

Il est honnêtement et profondément amoureux de ses trois femmes, chérit réellement toute sa progéniture et c'est bien là son problème, cette incapacité à choisir. Il ne peut pas choisir ; il voudrait les réunir tous ; il ne le peut pas, bien entendu. C'est un homme compressé, par tout cet amour qui ne peut s'empêcher de donner jusqu'au bout.

Et à part la discussion à bâtons rompus avec le curé Gigi Ballista, éberlué mais somme toute oreille attentive et concernée et qui aboutit à quelques scènes souriantes, le film laisse apparaitre une profonde tristesse, légitime, née de la course folle que le pauvre homme mène pour satisfaire toutes ses familles. Conscient de faire souffrir l'amour propre de certaines de ses compagnes, il ne parvient jamais à se résoudre à les quitter. Cette impossibilité fige Ugo Tognazzi dans cette fuite en avant et le transforme en grosse boule de neige dévalant la montagne. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner l'issue fatale.

Quoiqu'il en soit, la performance d'Ugo Tognazzi est époustouflante. Je pèse mes mots. Habitué à le voir jouer les fantasques, les vulgaires ou les cyniques, je découvre là une autre facette du comédien, dans un rôle peut-être plus profond que coutume.

Stefania Sandrelli, toute jeune mais déjà aguerrie, notamment dans le cinéma de Germi, est splendide, toute douceur, toute pureté, toute grâce.

Et je rencontre pour la première fois le magnifique visage de Renée Longarini, merveilleuse à tomber amoureux.

Le film de Pietro Germi est une belle invitation à la réflexion sur l'amour, l'investissement affectif. L'amour se partage-t-il? Voyez, rien d'immoral, mais un voyager introspectif très émouvant.
Alligator
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

Message par Alligator »

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Sedotta e abbandonata (Séduite et abandonnée) (Pietro Germi, 1964)

http://alligatographe.blogspot.com/2011 ... onata.html

De tous les films que j'ai vus avec Stefania Sandrelli, celui-ci est certainement où elle est la plus belle, la plus sensuelle.

Pourtant, le sujet et le cadre ne se prêtent guère à cet aspect. Elle joue une jeune fille séduite par le fiancé de sa sœur. Mais l'histoire se déroule dans une ville sicilienne et cela change tout. A cette époque et dans ce pays la question de l'honneur est centrale, plus importante que tout. L'individu y est écrasé par cette donnée fondamentale qui s'impose à tous.

Et le film décrit de manière très précise cette question d'honneur, cet enfermement social par lequel tous les membres d'une famille sont liés sans qu'ils aient la moindre possibilité de s'en défaire.

Police et Justice montrent leur impuissance, témoins de cet ordre des choses et incapables d'y donner une quelconque réponse. Les femmes sont les premières victimes de cette absurdité. Les enjeux de représentation font peser sur elles la plus grande part de culpabilité. C'est toujours d'elles que vient le déshonneur. Certes, parfois les hommes prennent un peu de leur part, mais quand ils sont jugés crétins ou cocus, les femmes finissent toujours pas être traitées de putains.

Germi décompose magnifiquement ces processus mentaux grâce à un scénario d'une rare lisibilité, d'une logique imparable. On est au bord de l'effet documentaire. Tous les éléments sont présents, clairs et nets, réalistes. Son art de la mise en scène est de très haute volée.

La direction d'acteurs permet à toute la troupe de créer des personnages crédibles. Si bien que la démarche des auteurs (Germi, Age & Scarpelli, etc.) est toujours parfaitement compréhensible. J'ai souvent cette image de l'artisan penché sur son minutieux labeur pour illustrer le sentiment d'avoir à faire avec un ouvrage finement exécuté, après un travail méticuleux par un professionnel compétent, rigoureux et sûr. C'est nettement le cas à la sortie de la salle.

Je loue les organisateurs d'ailleurs pour avoir proposé ce samedi matin la projection de ce film juste avant "Divorce à l'italienne", les deux films évoquant exactement le même problème sous deux angles totalement contraires.

Mais revenons à la troupe de comédiens que s'est adjoint Pietro Germi car ils offrent des prestations tellement remarquables!

Saro Urzi est un comédien dont la tête ne peut pas vous être inconnue, vous l'avez vu dans maints films ; les Français le connaissent au moins pour l'avoir vu aux côtés de Peppone dans les Don Camillo. On le retrouve souvent dans les films de Germi. Mais c'est dans ce film que l'on peut mesurer l'étendue de son talent. Un comédien qui a du coffre et une réjouissante sureté dans les effets. Toujours très juste, il avait pourtant de nombreux écueils à surmonter en jouant ce père sicilien prompt à la colère et à l'emportement. Mais jamais il n'en fait trop. Funambule formidable!

Face à lui, celle qui m'a immédiatement poussé à évoquer son irradiante beauté d'entrée de jeu en entamant cette chronique : Stefania Sandrelli est tout bonnement sublissime. Alors qu'elle porte les vêtements noirs et sévères d'une jeune sicilienne, sa démarche, son déhanchement, la finesse de ses jambes, la courbe de sa nuque, la douceur de son regard timide ou fiévreux sont incendiaires. Bomba. Ahurissante de sexualité, on peine à croire les réticences d'Aldo Puglisi à vouloir l'épouser. Ce dernier a également un visage connu ("La ragazza con la pistola", "Signore & signori", "Divorce à l'italienne", etc.). Il excelle ici à jouer le salopard fini.
On peut saluer aussi la présence de Leopoldo Trieste qu'on voit encore dans "Divorce à l'italienne", un gars que j'aime beaucoup depuis que je l'ai découvert dans "Le Sheik blanc" de Fellini.

Pour connaitre la culture sociale sicilienne, pour rencontrer d'excellents comédiens, pour prendre plaisir à "lire" cette histoire, pour Stefania Sandrelli, je vous recommande "Séduite et abandonnée".
Alligator
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Re: Pietro Germi (1914-1974)

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Divorzio all'italiana (Divorce à l'italienne) Pietro Germi, 1961)

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Après être sorti de la salle Rabelais à Montpellier où l'on donnait "Séduite et abandonnée" à 10h dans le cadre du 33e Cinémed consacré à Pietro Germi, j'ai fait la queue pour retourner dans cette même salle pour ce "Divorce à l'italienne" dont la projection commençait à midi. Et c'est ainsi que j'en finis avec la rétrospective d'un cinéaste pour qui je me découvre peu à peu une profonde admiration.

Ce film traite exactement du même problème que dans "Séduite et abandonnée". On est encore une fois dans la Sicile de l'après guerre, il est encore question de l'honneur de la famille, de l'enfermement des hommes et des femmes dans un contrat social et religieux qui lie le couple, la famille à toute la société, système indéboulonnable dont l'indéfectibilité ne se résout que par la mort.

Pourtant on ne pourra trouver films plus différents. Autant le traitement de "Séduite et abandonnée" était très classique, une étude de mœurs qui suivait les déboires d'un père pour sauver l'honneur de la famille après que sa fille fût déshonorée par un malotru, autant ce "Divorce à l'italienne" est une comédie très ironique, molto corrosive qui cherche à montrer par l'absurde ce que ce système est capable de sécréter d'immoral, voire de criminel, chez des individus qui ne sont que des êtres humains tout à fait normaux, faits de désirs et de contradictions. C'est donc l'aliénation à l'image sociale de la famille qui pervertit les comportements et aboutit à pareille souffrance.

En dépit d'un sujet douloureux, Pietro Germi adopte là un ton résolument moqueur, plein de cet humour noir que la comédie italienne a su utiliser tant et tant de fois à bon escient pour critiquer les lamentables prisons mentales qui barraient l'horizon des italiens avant la libération des mœurs. Dieu que c'était dur! Et ces deux films, dans une large tessiture du plus aigu au plus grave, parviennent à rendre compte de réalités qui paraissent totalement crétines aujourd'hui et sans doute déjà à l'époque pour le Génois Germi.

Au delà de son sujet pittoresque et effrayant à la fois, ce film est une somptueuse composition scénaristique. Le narrateur est interprété de manière extraordinaire par Marcello Mastroianni. Je peux même dire que cela fait partie de ses plus épatantes performances d'acteur. Il se trouve confronté à un amour puissant et sincère alors qu'il vit maritalement avec une femme qu'il n'aime plus. Comme le divorce est inenvisageable, il projette de tuer son épouse de la seule manière pour laquelle la société -et donc la Justice sicilienne- lui trouvera des circonstances atténuantes : en la prenant en flagrant délit d'adultère.

L'on suit donc les manigances de cet homme aveuglé par ses penchants pour la sublime Stefania Sandrelli. Elle participe assez peu au film, mais sa beauté lumineuse suffit à comprendre le sort de Marcello Mastroianni et par conséquent à compatir. L'horrible projet de cet homme apparait comme salutaire. Quand il lit une lettre de sa dulcinée qu'elle lui a adressé par inadvertance et qui était en fait destinée à ses parents, on ne peut s'empêcher de craindre le pire. Effectivement, le père de la jeune femme lit dans le même temps la lettre passionnée de sa fille pour un homme marié et l'on prend fait et cause pour le couple.

Sans doute l'incarnation ronde, plutôt comique de Mastroianni peut expliquer cette sympathie naturelle pour le personnage. Les traits tirés, la moue boudeuse, les petits tics nerveux et la voix-off de l'acteur sont si charmants, le séducteur italien dans toute sa splendeur fait mouche dans le public. Gagné!

Il faut signaler encore une fois la très belle réalisation de Pietro Germi, les première scènes entre les deux tourtereaux sont magnifiques : Adam et Eve dans le jardin d'Eden. Décors et lumières donnent un spectacle d'une tendresse ravissante.

Au final, entre les acteurs, la mise en scène et la finesse d'écriture, on se retrouve avec un très beau film, un des meilleurs films de Germi. Pas étonnant qu'il reçut l'oscar du meilleur scénario et le Golden Globe du meilleur film!
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