Notez les films naphtas - Novembre 2011

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Rick Blaine »

I Wake Up Screaming (Qui a Tué Vicky Lynn - Bruce Humberstone, 1941)

Superbe film noir que ce I Wake Up Screaming vanté par Daniel Gregg dans le topic des films du mois. Alors que le genre vient à peine de naitre "officiellement" (Le Faucon Maltais est sorti quelques semaine auparavant), I Wake up Screaming s'empare déjà des codes qui feront son succès; C'est évident dès la première scène, l'interrogatoire de Frankie Christopher (Victor Mature) par la police et sa lumière très angoissante, ses policiers laissé dans l'ombre qui effacent, pour le spectateur, le rôle protecteur de la police et qui nous fait entrer dans un monde où les repères moraux sont cassés. Cette impression se maintiendra tout au long du film, portée par la sublime confrontation entre un excellent Victor Mature -je ne comprends pas du tout pourquoi Tavernier/Coursodon qualifient sa prestation de catastrophique dans 50 ans- et le sublime Laird Cregar qui semble presque inventer la figure du policier trouble, qui habitera le genre ensuite.
Étonnamment, le film est copieusement éreintée par Brion dans Le Film Noir, qui regrette la réalisation de Humberstone. je ne comprends pas vraiment cette attaque, le film est tendu, oppressant, et jamais les petites relâches comiques ne cassent la dynamique du film. Au contraire, elles contribuent même à l'atmosphère glauque de cette œuvre, qui culminera dans un somptueux final. Pour ma part, je m'en tiens à l'avis d'Eddie Muller dans le commentaire audio qui y voit un film fondateur du film noir - le simple plan sur Mature dans l'escalier observant le standardiste devrait nous en convaincre - fort réussi par un Humberstone qui ne persévérera pas dans le genre, mais qui en pose un excellent jalon.

Black Hand (La Main Noire - Richard Thorpe, 1950)

Autre film assez fondateur, puisqu'il doit s'agir d'une des premières évocation directe de la mafia et du poids de la Main Noire sur la communauté Italo-Américaine. On note la description quasi documentaire de cette communauté, que le film vise à réhabiliter comme l'annonce le bandeau initial, dans de très beau décors qui font le cadre d'un excellent film à suspense. On peut toutefois reprocher à Black Hand un petit manque de rythme, certaines lenteurs et une réalisation parfois transparente que l'on imputera à Thorpe et qui empêche Black Hand d'être un chef d’œuvre mais soyons juste avec Thorpe, l'ensemble est suffisamment réussi pour nous faire passer un excellent moment, et fait vraisemblablement partie des meilleures réussites de son auteur.
L'excellente surprise du film, c'est évidemment Gene Kelly, incroyablement crédible dans son rôle d'immigré italien en quête de vengeance. Le physique puissant de Kelly lui donne une superbe prestance et il porte le film grâce à son charisme qui évoque, j'ose la comparaison, les meilleurs instant de Marlon Brando. Une belle surprise.
Julien Léonard
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Julien Léonard »

Sorcerer (Le convoi de la peur) - Réalisé par William Friedkin / 1977 :

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Manzon, banquier à Paris, risque la prison pour cause de spéculation. Scanlon, minable escroc new-yorkais, est recherché par des truands, la police est aux trousses de Kassem, terroriste arabe. On les retrouve tous les trois gagnant péniblement leur vie en travaillant comme ouvriers dans une raffinerie de pétrole au fin fond de l'Amérique du Sud. Repaire des damnés de la terre, le petit village où ils vivent est un insalubre et sordide bidonville. Ils ne tardent pas à vouloir quitter cet enfer. Mais une importante somme d'argent, qu'ils ne possèdent naturellement pas, leur est nécessaire pour y parvenir. Une occasion inespérée de la gagner se présente pourtant. Il s'agit de transporter à bord de deux camions de la nitroglycérine à travers la jungle...

Je pensais jusqu'ici que le plus grand film de William Friedkin était To live and die in L.A., à égalité quasi-parfaite avec French connection. Je le pense toujours, excepté le fait que Sorcerer vient égaler ses petits camarades... ce qui en rajoute à l'admiration profonde que je porte à ce cinéaste qui, pour le meilleur et pour le pire, nous a gratifié d'une filmographie passionnante. Il se pourrait même que, vieillissant dans ma tête, il finisse par devenir mon Friedkin préféré. Un film qui se prend tel quel, une claque féroce, et qui ne demande après coup qu'à mûrir dans l'esprit du spectateur... Remake américain du grand classique d'Henri Georges Clouzot, Le salaire de la peur, Sorcerer en maximalise à mon humble avis les effets et l'impact global, et surtout s'émancipe de son modèle pour mieux appartenir totalement à Friedkin. Ainsi les personnages sont-ils typiques de son univers, ainsi contorsionne-t-il les enjeux pour les redéfinir au sein d'une structure dramatique nouvelle, ainsi fait-il un film quasi-surréaliste, presque fantastique, presque diabolique (témoin la scène de traversée du pont en camions, où ceux-ci semblent éructer, s'animer d'eux-mêmes, prendre possession du destin des personnages...).

La présence de la jungle, la musique de Tangerine Dream et la mise en scène tripale (au sens littéral du terme) du réalisateur permettent à Sorcerer d'atteindre une sorte de perfection dans sa structure comme dans ce qu'il dégage (un profond malaise). Le destin de ces hommes réunis dans un véritable enfer ne va que les confronter à l'inéluctable, un voyage sans retour en camion, un purgatoire, avec à la clé pour les survivants une somme d'argent suffisante pour quitter le pays. Le scénario est simple, presque linéaire, mais audacieux, et surtout permet au réalisateur de brosser des portraits ambigus de personnes faces à leurs actes, en pleine destruction mentale. Il n'y a pas de pardon dans Sorcerer, et encore moins de réhabilitation, car voici un film nihiliste, ironique même, et très sombre. Les personnages sont lancés sur les rails de leur destin, accrochés au volant, sur les nerfs, sans lassitude et avec la rage de s'en extirper. Et gare aux chutes de pression, gare aux moments de confiance, car ils seront fatals à ceux qui s'y laisseront aller... Difficile de parler de Sorcerer sans revenir sur l'issue pour chacun des personnages, ou sans revenir sur les toutes dernières minutes du film, dont la fin (abrupte, infernale, cruelle) ne cesse de prolonger le sens de cette odyssée. Et pourtant je ne voudrais surtout pas gâcher le plaisir de la découverte à celles et ceux qui désireraient donner sa chance à ce chef-d'oeuvre absolu au langage universel (on peut honnêtement suivre le film sans faire attention aux dialogues tant les situations sont intelligibles et tant les personnages adoptent des postures leur donnant la pleine mesure de ce qu'ils représentent et affrontent).

Il faut simplement savoir que Sorcerer est une invitation au voyage, un voyage duquel personne ne sortira indemne, y compris le spectateur. Il faut également savoir que Friedkin frappe une fois de plus atrocement fort, règle le destin des personnages avec l'énergie et l'efficacité qui est la sienne (la mort est encore une fois inattendue lorsqu'elle frappe, alors qu'on l'a attendu en de nombreuses occasions auparavant) et offre ni plus ni moins qu'un film d'aventure hors du commun, évitant continuellement le conventionnel, flirtant avec le fantastique et enfin généreux en scènes d'anthologies (le passage du pont en camions en pleine tempête, l'explosion de l'arbre qui barre la route, Roy Scheider transportant à pied une caisse de nitro dans une nuit noire et étouffante...). Un très grand film, tendu comme une corde d'arc, et à consommer sans modération.
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A noter un unique DVD zone 1 pour découvrir ce film. Copie fanée et recadrée (on passe du 1.85 au 1.33), mais sous-titres français pour ceux qui y tiennent absolument. C'est effarant de voir à quel point ce film est tombé dans l'oubli, rejeté du format DVD depuis désormais trop longtemps. Si blu-ray il y a un jour (il en était question à un moment donné), je le demande juste en region free. Le reste sera du bonus (les sous-titres ne sont guère importants, tellement l'image est parlante). Je croise les doigts, Sorcerer est désormais l'un des films que je souhaiterais le plus voir sortir sur ce support (ou au moins dans un DVD correct).

Cela dit, pour les réfractaires, sachez que la magie déployée par Friedkin est telle que même ce DVD permet de passer un moment unique. L'immersion reste malgré tout totale.
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Demi-Lune
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Demi-Lune »

Un de ces quelques films aux allures d'Arlésienne que je crève d'envie de découvrir, et ce n'est pas ton commentaire qui risque de me refroidir, Julien. C'était la grande époque de Friedkin, plus barge que jamais avec ce tournage apocalyptique, et ce film est souvent présenté comme son chef-d’œuvre (comment dès lors ne pas avoir la langue qui pend au sol ?). Moi aussi je trouve que To Live and Die in L.A. est son plus grand film, mais si tu estimes que Le Convoi de la peur est encore au-dessus... c'est à en avoir des suées d'excitation. La qualité effroyable du dvd zone 1 m'a toujours rebuté car je ne voulais pas le découvrir dans de mauvaises conditions. Mais je crois que ce film, après sa carrière en salles, est décidément maudit et je ne sais pas si on aura un jour un bluray. Du coup, je finirai peut-être un jour par me résoudre à l'achat du triste zone 1...
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Julien Léonard »

Demi-Lune a écrit :Un de ces quelques films aux allures d'Arlésienne que je crève d'envie de découvrir, et ce n'est pas ton commentaire qui risque de me refroidir, Julien. C'était la grande époque de Friedkin, plus barge que jamais avec ce tournage apocalyptique, et ce film est souvent présenté comme son chef-d’œuvre (comment dès lors ne pas avoir la langue qui pend au sol ?). Moi aussi je trouve que To Live and Die in L.A. est son plus grand film, mais si tu estimes que Le Convoi de la peur est encore au-dessus... c'est à en avoir des suées d'excitation. La qualité effroyable du dvd zone 1 m'a toujours rebuté car je ne voulais pas le découvrir dans de mauvaises conditions. Mais je crois que ce film, après sa carrière en salles, est décidément maudit et je ne sais pas si on aura un jour un bluray. Du coup, je finirai peut-être un jour par me résoudre à l'achat du triste zone 1...
J'ai fini par craquer sur ce minable zone 1, car je n'en pouvais plus... Cela dit, c'est le seul moyen de le découvrir actuellement. Pour l'instant, To live and die in L.A. reste mon préféré, je pense. Mais comme les films vieillissent au-delà de leur vision, il faut s'attendre à changer d'opinion bientôt. Sorcerer m'a vraiment fasciné en tout cas, il n'a pas volé sa réputation. Ce n'est absolument pas le film auquel l'on pourrait s'attendre, c'est une expérience particulière et très jusqu'au-boutiste... Quelle fin en plus de cela ! C'est le type même du film qui révèle des tas de trésors cachés au fur et à mesure de son déroulement... Ce qui m'a étonné aussi, c'est l'utilisation finalement très sobre de la musique de Tangerine Dream, sans excès. Le thème (extrêmement réussi et que l'on peut entendre dans la bande-annonce du film elle-même très réussie) n'est en fait entièrement repris que pour le générique de fin.

Roy Scheider a vraiment eu une belle carrière, rien à dire là-dessus. Et Bruno Cremer est formidable lui aussi.
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par daniel gregg »

Rick Blaine a écrit :I Wake Up Screaming (Qui a Tué Vicky Lynn - Bruce Humberstone, 1941)

Superbe film noir que ce I Wake Up Screaming vanté par Daniel Gregg dans le topic des films du mois. Alors que le genre vient à peine de naitre "officiellement" (Le Faucon Maltais est sorti quelques semaine auparavant), I Wake up Screaming s'empare déjà des codes qui feront son succès; C'est évident dès la première scène, l'interrogatoire de Frankie Christopher (Victor Mature) par la police et sa lumière très angoissante, ses policiers laissé dans l'ombre qui effacent, pour le spectateur, le rôle protecteur de la police et qui nous fait entrer dans un monde où les repères moraux sont cassés. Cette impression se maintiendra tout au long du film, portée par la sublime confrontation entre un excellent Victor Mature -je ne comprends pas du tout pourquoi Tavernier/Coursodon qualifient sa prestation de catastrophique dans 50 ans- et le sublime Laird Cregar qui semble presque inventer la figure du policier trouble, qui habitera le genre ensuite.
Entièrement d'accord avec toi, concernant cette figure déjà emblématique du film noir incarnée avec talent par Mature, même si le fatalisme inhérent au film noir n'est pas encore une caractéristique absolue de ce personnage, qui semble encore être en mesure d'agir sur son destin, en tout cas manifeste le désir de s'affranchir du sort.
Néanmoins, Tavernier et Coursodon, difficiles à suivre sur ce coup, se rattrapent en pointant à juste titre, la parenté entre la figure tragique incarnée par Laird Cregar avec le Welles de Touch of evil.
Rick Blaine a écrit :Étonnamment, le film est copieusement éreintée par Brion dans Le Film Noir, qui regrette la réalisation de Humberstone. je ne comprends pas vraiment cette attaque, le film est tendu, oppressant, et jamais les petites relâches comiques ne cassent la dynamique du film. Au contraire, elles contribuent même à l'atmosphère glauque de cette œuvre, qui culminera dans un somptueux final. Pour ma part, je m'en tiens à l'avis d'Eddie Muller dans le commentaire audio qui y voit un film fondateur du film noir - le simple plan sur Mature dans l'escalier observant le standardiste devrait nous en convaincre - fort réussi par un Humberstone qui ne persévérera pas dans le genre, mais qui en pose un excellent jalon.
Je ne savais pas à ce propos, Brion semble rapporter au mot près ce que nombre de critiques de l'époque reprochaient à ce réalisateur pour qui, ces ruptures de ton entre deux scènes étaient sans doute davantage des respirations qu'une certaine complaisance à l'égard du spectateur.
Comme toi, j'ai même tendance à penser qu'elles appuient le caractère tragique des évènements à venir.
Après, il faudrait voir d'autres réalisations d'Humberstone pour savoir si, en systématisant ce gimmick, il n'y a pas comme un agacement, à terme.
D'ailleurs, je viens de me rendre compte qu'il avait réalisé un sketch (The forger) de If i had a million.
Je pense me le diffuser dans la semaine pour me faire une idée. :wink:
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Demi-Lune
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Demi-Lune »

Julien Léonard a écrit :
Demi-Lune a écrit :Un de ces quelques films aux allures d'Arlésienne que je crève d'envie de découvrir, et ce n'est pas ton commentaire qui risque de me refroidir, Julien. C'était la grande époque de Friedkin, plus barge que jamais avec ce tournage apocalyptique, et ce film est souvent présenté comme son chef-d’œuvre (comment dès lors ne pas avoir la langue qui pend au sol ?). Moi aussi je trouve que To Live and Die in L.A. est son plus grand film, mais si tu estimes que Le Convoi de la peur est encore au-dessus... c'est à en avoir des suées d'excitation. La qualité effroyable du dvd zone 1 m'a toujours rebuté car je ne voulais pas le découvrir dans de mauvaises conditions. Mais je crois que ce film, après sa carrière en salles, est décidément maudit et je ne sais pas si on aura un jour un bluray. Du coup, je finirai peut-être un jour par me résoudre à l'achat du triste zone 1...
J'ai fini par craquer sur ce minable zone 1, car je n'en pouvais plus... Cela dit, c'est le seul moyen de le découvrir actuellement. Pour l'instant, To live and die in L.A. reste mon préféré, je pense. Mais comme les films vieillissent au-delà de leur vision, il faut s'attendre à changer d'opinion bientôt. Sorcerer m'a vraiment fasciné en tout cas, il n'a pas volé sa réputation. Ce n'est absolument pas le film auquel l'on pourrait s'attendre, c'est une expérience particulière et très jusqu'au-boutiste... Quelle fin en plus de cela ! C'est le type même du film qui révèle des tas de trésors cachés au fur et à mesure de son déroulement... Ce qui m'a étonné aussi, c'est l'utilisation finalement très sobre de la musique de Tangerine Dream, sans excès. Le thème (extrêmement réussi et que l'on peut entendre dans la bande-annonce du film elle-même très réussie) n'est en fait entièrement repris que pour le générique de fin.
Aaaaaah j'en peux plus !! :mrgreen: Il me faut ce film !!!
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Cathy »

Voila ce que je disais d'I Wake up screaming découvert, il y a quelques mois. J'avais d'ailleurs comparé la première version et son remake !

I Wake up screaming (1941) et Vicki (1953) - réalisés respectivement par Bruce Humberstone et Harry Horner

ImageImage

Une mannequin est retrouvée assassinée à son domicile. Tous les soupçons se portent sur celui qui a lancé sa carrière, un policier s'acharne à prouver sa culpabilité.

Attention spoilers un peu partout

12 ans avant Vicki, Bruce Humberstone réalise une première adaptation du roman de Steve Fisher. Si les grandes lignes du roman sont illustrées sensiblement de la même manière dans les deux films, l'ambiance est radicalement différente dans les deux films. Si la seconde version est résolument noire, la première montrait aussi les relations qui se nouaient entre la soeur de la victime et le producteur de celle-ci. L'importance du policier n'est pas tout à fait traitée de la même manière. Dans la seconde version, c'est lui, en quelque sorte la vedette du film, on le voit interrompre ses vacances pour aller résoudre le crime de Vicki et sa fin n'est pas la même, plus dramatique et plus logique dans la première version, plus dans une tendance psychanalytique dans la seconde version. La grande différence est aussi dans les deux milieux différents dans lesquels évoluent les personnages. Si dans la seconde version, on a l'impression de deux soeurs vivant dans un appartement plus que modeste, ce n'est pas la même sensation que l'on a en voyant le premier film, appartement plus "cossu", même si les deux jeunes femmes n'apparaissent pas fortunés. L'ambiance est aussi plus légère, le policier est beaucoup moins angoissant dans la première version, alors que dans la seconde, il paraît un coupable tout à fait possible. L'utilisation des flashbacks est moins présente dans cette première version et la personnalité de Vicki moins omniprésente, alors que dans le second, les rues sont couvertes d'affiches représentant Vicki dans toute sa gloire. On comprend d'ailleurs mieux que le second film s'intitule Vicki, car le film tourne beaucoup plus autour de la personnalité de la victime. il y a aussi la révélation du coupable qui est présentée légèrement différemment, avec cet appel dont on entend juste la voix dans la seconde version appuyant le côté "surnaturel" de la scène, contrairement au premier où on sait ce qui va se passer.

Il y a aussi le traitement du producteur, sans doute présence de Victor Mature oblige, Christopher est beaucoup plus chaleureux dans la première version, et tout de suite on voit qu'il tombe sous le charme de la soeur de Vicky. Il y a aussi une grosse différence avec sa "cavale". Si dans le premier, les deux "amoureux" s'enfuient ensemble, c'est même la soeur de Vicki qui scie les menottes, dans le second, le caractère "coupable" potentiel est plus accentué avec une cavale plus solitaire. La scène du cinéma figure dans les deux films, mais si elle n'est que le prétexte de leurs retrouvailles et d'un clin d'oeil à Laura dans le second, dans le premier, le cinéma est un endroit plus intime. On voit aussi se nouer réellement les relations entre la soeur de Vicki et Christopher, Betty Grable oblige, il fallait la montrer en pin up, du coup, une scène à la piscine totalement absente du second film permet de la montrer brièvement en maillot de bain. La personnalité de Vicki est aussi moins "présente" dans la première version, dans la seconde, les flashbacks sont sans doute plus forts, et les liens entre les différents suspects sont plus confus, alors que dans la première version, on les voit se saoûler ensemble montrant leur amitié. Par contre le personnage de l'acteur est plus important dans la seconde version.

Ce ne sont sans doute que des détails, mais les deux films bien que très semblables montrent des différences très notables surtout dans cette ambiance plus "romantique" du premier film et plus "psychanalytique" du second. La personnalité de Laird Cregard est moins impressionnante, plus bonhomme, moins inquiétant que celle de Richard Boone en policier obsédé par ce meurtre. Betty Grable est excellente dans le rôle de la soeur tout comme Jeanne Crain, mais la personnalité de la seconde montre une soeur plus "froide", moins sympathique. Quant à Victor Mature, il campe un producteur plus humain, plus sympathique, plus "vivant" et surtout à l'innocence totalement évidente alors que Elliott Reid joue un rôle plus victimisé. Des doutes persistent sur sa culpabilité tout le long du film, même si on sait pertinement qu'il ne peut être le coupable. Carole Landis est la première Vicki plus coquette que celle de Jean Peters, plus glamour.
Les deux versions sont donc assez intéressantes à comparer par cette ambiance finalement très différente, angoissante dans le second, plus légère dans le premier sans doute aussi par l'utilisation régulière d'Over the Rainbow comme thème musical ou une musique jazz plus gaie, plus proche d'un univers à la Gershwin, que d'un univers stressant. En tout cas deux versions intéressantes du même thème.
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Profondo Rosso »

Celui là j'ai eu la chance de pouvoir le découvrir lors de la rétro Friedkin à la Cinémathèque il y a quelques années (et Friedkin qui avait donné une passionnante Masterclass à l'occasion) et en salle c'est une sacré expérience ! La scène de la traversée du pont en camion on est juste agrippé à son siège les maints moite de tension, grandiose ! Comme Julien au coudes à coudes avec French Connection et To live and die in LA (le pire restant bien sûr La Nurse :mrgreen: ) !
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Père Jules »

Julien Léonard a écrit :Sorcerer (Le convoi de la peur) - Réalisé par William Friedkin / 1977 :

Cela dit, pour les réfractaires, sachez que la magie déployée par Friedkin est telle que même ce DVD permet de passer un moment unique. L'immersion reste malgré tout totale.
Je m'étais laissé dire (va savoir pourquoi) que ce n'était qu'une médiocre resucée du film de Clouzot. Tu attises ma curiosité du coup.
Ce qui est enquiquinant, c'est ce dvd tout pourri. Même si, comme tu dis, la maîtrise de Friedkin permet de faire passer la pilule, ça me fait mal de mettre quelques dollars pour ça. :|
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Demi-Lune »

Père Jules a écrit :
Julien Léonard a écrit :Sorcerer (Le convoi de la peur) - Réalisé par William Friedkin / 1977 :

Cela dit, pour les réfractaires, sachez que la magie déployée par Friedkin est telle que même ce DVD permet de passer un moment unique. L'immersion reste malgré tout totale.
Je m'étais laissé dire (va savoir pourquoi) que ce n'était qu'une médiocre resucée du film de Clouzot. Tu attises ma curiosité du coup.
Sorcerer est régulièrement présenté comme un des meilleurs remakes jamais tournés, avec The Thing ou Scarface. Il est généralement mis au même niveau que le Clouzot, quand certains critiques ne le trouvent carrément pas meilleur.
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Père Jules »

J'adore The Thing et je n'aime pas Scarface :mrgreen:
Du coup, je ne sais plus où j'en suis :fiou:
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Demi-Lune »

Père Jules a écrit :J'adore The Thing et je n'aime pas Scarface :mrgreen:
Du coup, je ne sais plus où j'en suis :fiou:
:mrgreen:
Au-delà du j'aime ou j'aime pas, ce qui est sans doute le plus important, c'est que pour ces remakes traditionnellement considérés comme étant de grandes réussites, ce ne sont pas des photocopies, mais des films très personnels, porteur d'une vraie vision d'auteur. On peut considérer qu'ils égalent voire transcendent leur modèle, notamment parce que leur géniteur est un véritable artiste imprimant ses propres obsessions sous l'enrobage du film de commande au canevas préexistant : ça donne La Mouche version Cronenberg, ça donne Nosferatu version Herzog, ça donne La Féline version Schrader, etc. Je ne connais évidemment de Sorcerer que sa réputation et ce que j'ai pu lire à son sujet, mais tout indique qu'il s'agit bien d'un film de William Friedkin, avec une approche très singulière du matériau.
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Anorya »

Demi-Lune a écrit :
Julien Léonard a écrit :
J'ai fini par craquer sur ce minable zone 1, car je n'en pouvais plus... Cela dit, c'est le seul moyen de le découvrir actuellement. Pour l'instant, To live and die in L.A. reste mon préféré, je pense. Mais comme les films vieillissent au-delà de leur vision, il faut s'attendre à changer d'opinion bientôt. Sorcerer m'a vraiment fasciné en tout cas, il n'a pas volé sa réputation. Ce n'est absolument pas le film auquel l'on pourrait s'attendre, c'est une expérience particulière et très jusqu'au-boutiste... Quelle fin en plus de cela ! C'est le type même du film qui révèle des tas de trésors cachés au fur et à mesure de son déroulement... Ce qui m'a étonné aussi, c'est l'utilisation finalement très sobre de la musique de Tangerine Dream, sans excès. Le thème (extrêmement réussi et que l'on peut entendre dans la bande-annonce du film elle-même très réussie) n'est en fait entièrement repris que pour le générique de fin.
Aaaaaah j'en peux plus !! :mrgreen: Il me faut ce film !!!
Immense film que je considère même supérieur à To live and die in L.A (pourtant fabuleux) pour ma part. :wink:
Comme Julien, j'avais fini par craquer aussi sur le zone 1. Unique passage pour voir le film hélas. Et je confirme là aussi comme msieur Julien que le DVD pourtant largement traité sous la jambe par Universal ne gâche pas finalement le pouvoir de ce film tellement sa puissance d'immersion est forte. Et la musique de Tangerine Dream, je ne peux qu'en dire du bien... ;)
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Père Jules
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par Père Jules »

Demi-Lune a écrit :
Père Jules a écrit :J'adore The Thing et je n'aime pas Scarface :mrgreen:
Du coup, je ne sais plus où j'en suis :fiou:
:mrgreen:
Au-delà du j'aime ou j'aime pas, ce qui est sans doute le plus important, c'est que pour ces remakes traditionnellement considérés comme étant de grandes réussites, ce ne sont pas des photocopies, mais des films très personnels, porteur d'une vraie vision d'auteur. On peut considérer qu'ils égalent voire transcendent leur modèle, notamment parce que leur géniteur est un véritable artiste imprimant ses propres obsessions sous l'enrobage du film de commande au canevas préexistant : ça donne La Mouche version Cronenberg, ça donne Nosferatu version Herzog, ça donne La Féline version Schrader, etc. Je ne connais évidemment de Sorcerer que sa réputation et ce que j'ai pu lire à son sujet, mais tout indique qu'il s'agit bien d'un film de William Friedkin, avec une approche très singulière du matériau.

Je plussoie évidemment. Que je n'aime pas De Palma ne change rien au fait que je lui reconnais un style propre, une qualité d'auteur (bien que ce terme soit sujet à multiples définitions) et un indéniable talent.

Julien a aiguisé ma curiosité avec ce film de Friedkin. Je vais en sorte de me le procurer. ;)
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manuma
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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Message par manuma »

Le premier film de Friedkin que j'ai vu, à la télé en 1985, peut-être fin juin ou au début des vacances scolaires, je crois, parce que mes parents m'avait autorisé à le regarder ... enfin, bref, quelle claque ! Je ne l'ai jamais revu depuis - en fait, j'attends patiemment la sortie d'un DVD digne de ce nom - mais la scène de la traversée du pont et celle
Spoiler (cliquez pour afficher)
de la mort de Cremer
sont des séquences qui me filent encore le frisson rien qu'en y repensant.
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