Jules Dassin (1911-2008)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cathy
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Cathy »

Reunion en France, Réunion in France (1942)

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En France, en 1940, une femme est fiancée à un brillant homme d'affaire. Elle part dans le Sud, quand les allemands envahissent Paris. A son retour dans la capitale, son fiancé est devenu un collaborateur notoire. Elle aide un pilote anglais à se cacher.

Jules Dassin réalise ici un film de guerre mettant en scène la collaboration mais aussi la résistance française et anglaise. Si le sujet était astucieux, il est difficile de croire à la jeune française en la personne de Joan Crawford, trop américaine, trop glamour pour camper ce style d'héroïne. Alors si on arrive à faire abstraction de l'actrice, cela passe mieux, mais comme dans tout film de propagande, on n'évite pas les caricatures entre ces allemandes toutes rondes qui se ruent chez le couturier à la mode pour avoir les derniers modèles à leur taille, mais aussi ces français qui semblent tous plus ou moins résistants et osent répondre sans problème aux soldats allemands ou à leurs femmes sans peur de représailles. Donc si une fois encore, on fait abstraction de ce côté propagande à mort, il reste un fim d'aventures efficace. Naturellement tourné en studio, Paris a une drôle de tête, notamment les Champs Elysées qui sentent le décor. Joan Crawford promène donc sa beauté altière dans ce rôle de femme française résistante naturellement qui se retrouve sans le sou, mais a pu conserver toutes ses tenues et se fait engager comme vendeuse chez sa couturière fétiche, mais aujourd'hui on a du mal à voir dans la star hollywoodienne, le personnage. A ses côtés John Wayne apparaît totalement à l'aise dans le rôle de ce pilote américain engagé par la RAF, le plus intéressant est sans doute Philip Dorn qui campe ce collaborateur pure souche,
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mais évidemment dans la grande scène finale, on apprendra qu'il n'est pas l'horrible collabo que tout le monde croit mais un véritable résistant qui grâce à ses amitiés tisse un véritable réseau de résistance
. Il y a aussi John Carradine qui compose un nazi un peu trop séduisant finalement, Reginald Owen lui aussi prête sa bonhommie à un brave général allemand ! Mais le message est clair surtout dans la dernière scène avec cet avion quelque peu ridicule qui trace un "courage" dans le ciel. On admire quand même la maîtrise de Jules Dassin dans le rythme de l'histoire, mais cela reste un petit film de propagande désuet, mais pas désagréable toutefois, une fois toutes les réserves mises de côté.
jacques 2
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par jacques 2 »

Petite remontée de ce topic : Jules Dassin le vaut bien ...

Ai revu cette semaine "Du rififi chez les hommes" (via le superbe travail éditorial de Gaumont sur le blu ray) et, presque dans la foulée, "Les forbans de la nuit" (que l'on ne présente plus aux gens de goût ...) toujours aussi fascinant °

J'ai donc redécouvert, je pense, ses deux meilleurs films - deux chefs d'oeuvre - et de loin ...

"Dommage que le Maccarthysme lui aie rogné les ailes !", diront certains ...
Mais aurait il produit ces deux perles sans ce contexte ?

:wink:
riqueuniee
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par riqueuniee »

Je ne sais pas. En tout cas, sans le maccarthysme, Dassin n'aurait sans doute pas réalisé ce qui est l'un des meilleurs (sinon le meilleur) film noir à la française des années 50.
Federico
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Federico »

riqueuniee a écrit :Je ne sais pas. En tout cas, sans le maccarthysme, Dassin n'aurait sans doute pas réalisé ce qui est l'un des meilleurs (sinon le meilleur) film noir à la française des années 50.
...et réalisé l'un des plus fabuleux films noirs tous pays confondus avec Les forbans de la nuit.
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Ann Harding
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Ann Harding »

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Nazi Agent (1942, Jules Dassin) avec Conrad Veidt, Ann Ayars, Ivan F. Simpson et Dorothy Tree

Un immigré allemand Otto Becker (C. Veidt) tient une boutique de livres et de timbres à New York. Un jour, il reçoit la visite de son frère jumeau, Hugo (C. Veidt). Celui-ci, qui est consul d'Allemagne, veut qu'il devienne un agent au service des nazis. Otto refuse, mais Hugo menace de le dénoncer au service de l'immigration des Etats-Unis car son passeport est un faux...

Ce Nazi Agent est le premier long métrage de Jules Dassin. Conrad Veidt y joue un double rôle. D'un côté, il est le gentil et farouchement anti-nazi, Otto avec une barbe, de l'autre, il est le dangereux et menaçant Hugo qui un nazi pur jus. L'intrigue est assez typique des films américains de l'époque qui étaient réalisés pour faire prendre conscience aux américains du danger nazi. Comme toujours, ce sont des agents infiltrés aux Etats-Unis qui menacent le monde. On donne même à Conrad Veidt l'occasion de dire tout haut probablement ce qu'il pensait tout bas. Il dit à un des nazis que les 130 millions d'américains arriveront à détruire la pieuvre nazie. Contrairement à d'autres films de la période, Veidt a la chance de pouvoir interpréter un personnage sympathique. C'est d'ailleurs un film qui repose entièrement sur ses épaules. Otto réussit à empêcher son frère de l'assassiner froidement et c'est Hugo qui est tué. Otto réalise alors qu'il doit remplacer son frère auprès des autres espions de son réseau. Il prétend donc être son frère pour mieux les démasquer et les donner à la police. Le film se termine sur une note sombre car Otto décide de donner sa vie délibérément pour sauver une femme. Il retourne en Allemagne sachant qu'il mourra à l'arrivée. La dernière image réussit à être émouvante grâce au jeu subtil de Veidt. Sur la bateau, qui l'emmène vers la mort, il regarde pour la dernière fois la Statue de la Liberté. On est dans une vision de l'émigration à rebours finalement assez finaude pour faire réaliser aux américains leur chance d'être libres. Un film sympathique, qui se laisse voir grâce à la performance remarquable de Veidt.
feb
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par feb »

Reunion in France - Jules Dassin (1942)
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Mai 1940 à Paris. Michèle de La Becque (Joan Crawford), française fortunée, et Robert Cortot (Philip Dorn), riche industriel français, vivent une vie luxueuse malgré la progression et la proximité des troupes allemandes. Après un séjour à Biarritz, la jeune femme revient à Paris, désormais occupée, et découvre que son fiancé s'est allié aux officiers nazis et fait fonctionner ses usines pour l'Allemagne. Outrée de le voir pactiser avec l'occupant, elle ne veut plus vivre avec lui et se voit contrainte de trouver du travail pour survivre. Un soir elle accueille chez elle un américain membre de la RAF, Pat Talbot (John Wayne), dont l'avion a été abattu et qui doit retourner au plus vite à Londres...
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Reunion in France est un film de propagande réalisé en 1942 à la gloire de la Résistance française et mélangé à un (gros) soupçon de Women's picture comme la MGM a su en faire dans les années 1930. Basé sur un casting vendeur et sur lequel on pense que le film repose (Joan Crawford et John Wayne), le film souffre néanmoins de plusieurs défauts qui l'empêchent d'être vu comme un film de propagande solide mais plutôt comme un triangle amoureux prenant pour cadre un Paris occupé.
- Tout d'abord, Reunion in France souffre de la comparaison avec le petit bijou de Michael Curtiz qu'est Casablanca. Même si le film de Dassin, qui prend place dans la vie parisienne pendant l'Occupation, est difficile à opposer au film de la Warner, on ne peut s'empêcher de les comparer et de se rendre compte à quel point le film de Curtiz lui est supérieur dans bien des domaines : histoire, mise en scène et même casting. Sorti peu de temps après le film de la MGM, Casablanca a su se bonifier avec le temps à la différence de Reunion in France.

- Ensuite le casting n'est pas à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer :
Joan Crawford est difficilement crédible en bourgeoise française qui se transforme petit à petit en modeste résistance. Toujours aussi belle et superbement habillée par Adri....Irene, l'actrice est loin d'être mauvaise dans son personnage mais on a du mal à y croire surtout qu'elle donne parfois l'impression de participer à un défilé de mode quand on regarde les tenues :mrgreen:
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John Wayne apparait quant à lui au bout de 40 minutes dans un personnage plus proche du second rôle que du premier. Ses apparitions sont assez limitées, surtout vis-à-vis de la présence de Crawford à l'écran, et on ne peut pas dire qu'il soit spécialement à l'aise dans ce rôle de pilote américain, intégré à la RAF, qui doit rejoindre l'autre rive de la Manche. Le couple ne fonctionne pas aussi bien que le classique Gable-Crawford et on sent parfois que les 2 interprètes ne sont pas à l'aise avec le scénario. Pour rebondir sur la comparaison entre Casablanca et ce film, on pourra dire que Michael Curtiz sera bien meilleur pour diriger Joan Crawford dans Mildred Pierce et John Wayne dans le méconnu Trouble along the way (et si il y a un film véhiculant un message de propagande à voir avec John Wayne, il suffit de jeter un oeil au pur chef d'oeuvre qu'est They were expendable de John Ford :wink: ).
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- Comme beaucoup de film de propagande, Reunion in France souffre des classiques défauts liés à ce type de film (Casablanca ou Passage to Marseille également) : les allemandes bien rondouillardes se ruent dans les boutiques de luxe pour être habillées à la mode de Paris, la France a été envahie non pas à cause de sa gestion militaire ou politique mais simplement parce qu'elle a été trahie, tous les français semblent être des résistants, ils tiennent tête aux allemands comme si de rien n'était et enfin tout le monde parle en anglais et aucun acteur ne fait d'efforts pour parler français (les officiers allemands parlent anglais entre eux, Joan Crawford doit aligner 3 mots en français sur les 1H40 du film, Robert Cortot, industriel français, est interprété par l'acteur d'origine néerlandaise Philip Dorn et parle anglais avec un accent germanique bien présent). En fait le film baigne dans un mélange d'accents anglais, américaine et européens mais jamais français.
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En résumé on est face à un film de propagande assez mineur, vraiment dispensable au regard de la filmographie de Joan Crawford(*) et de John Wayne, au scénario assez faible et qui ne fait clairement pas le poids face à Casablanca. Si a réalisation de Jules Dassin n'a rien d'exceptionnelle (sans doute justifiée par le fait que c'est un de ses premiers films), la photo de Robert Planck, certes loin d'égaler celle de William H. Daniels à la MGM ou celle de Arthur Edeson à la Warner (Each Dawn I die, They drive by Night, Le Faucon maltais ou Casablanca), sauve un peu la donne (surtout dans la seconde partie du film) avec quelques plans intéressants...
(*) Joan Crawford qui a avoué quelques années plus tard lors d'une interview : "Si il y a une vie après la mort et que je dois être punie pour mes péchés, c'est un des films que je serai obligée de regarder pour l'éternité"... :mrgreen:
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...et quelques beaux close-up sur le visage de Crawford.
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Reunion in France est l'avant dernier film de Crawford pour la MGM (le dernier étant Above Suspicion de Richard Thorpe) avant qu'elle ne la quitte et on sent réellement que la major n'est plus aussi amoureuse de son actrice comme ce fut le cas dans le milieu des années 20 et durant les années 30 (rupture du contrat en 1943 pour rejoindre la Warner Bros. et remporter un oscar en 1945 grace au Mildred Pierce de Curtiz). La major ne lui offre pas les rôles qu'elle souhaite (le genre de rôles offerts à Shearer et à Garbo dans la décennie précédente) et la magie du couple MGM/Crawford a pris fin en 1941 avec le très bon A Woman's Face...

NB : à noter le minuscule rôle d'une toute jeune Ava Gardner dont le seul texte est "Guten Tag" :mrgreen:
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daniel gregg
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par daniel gregg »

Tu l'as vu sur Géants ?
Sinon, comme d'habitude, texte solide et soigné jusque dans les détails, bravo !
Surtout pour un film que tu estimes dispensable. :wink:
feb
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par feb »

daniel gregg a écrit :Tu l'as vu sur Géants ?
Non je l'ai enregistré sur TCM lors de l'intégrale John Wayne (cherchez l'erreur :mrgreen: ) en novembre/décembre 2010.
Sinon, comme d'habitude, texte solide et soigné jusque dans les détails, bravo !
Surtout pour un film que tu estimes dispensable. :wink:
Merci beaucoup M. gregg :D
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Jeremy Fox
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Jeremy Fox »

feb a écrit :
daniel gregg a écrit :Tu l'as vu sur Géants ?
Non je l'ai enregistré sur TCM lors de l'intégrale John Wayne (cherchez l'erreur :mrgreen: )
C'aurait pu être dans l'intégrale Ava Gardner :lol: Sinon oui, agréable de lire tout ça :wink:
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Alphonse Tram »

feb a écrit :Image
Ils ont même réussi à angliciser à moitié le titre du journal :uhuh:
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- « Il y aura toujours de la souffrance humaine… mais pour moi, il est impossible de continuer avec cette richesse et cette pauvreté ». - Louis ‘Studs’ Terkel (1912-2008) -
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par feb »

Vous l'avez demandé, la MGM l'a fait :mrgreen:
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Cathy
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Cathy »

daniel gregg a écrit :Tu l'as vu sur Géants ?
Sinon, comme d'habitude, texte solide et soigné jusque dans les détails, bravo !
Surtout pour un film que tu estimes dispensable. :wink:
Il existe aussi en coffret John Wayne avec le fameux trouble along the Way et plusieurs autres films dont le plus mauvais John Wayne, même Julien n'arrive à le sauver :D

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feb
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par feb »

Cathy a écrit :...dont le plus mauvais John Wayne, même Julien n'arrive à le sauver :D
Le fameux Big Jim McLain :mrgreen:
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par monk »

Les bas fonds de Frisco (Thieves' Highway)

On savourait une glace tranquillement devant le retour festif de Nick chez lui. Bonne ambiance. Jusqu'à ce qu'il donne à son père des chaussons de Chine. Ça a jeté un froid inattendu. On s'est arrêté net pour écouter l'histoire, complètement concerné parce qu'il se passait à l'écran. Outch.
L'empathie a parfaitement fonctionné tout au long du film et c'est en grande partie ce qui fait sa force: les personnages sont attachants, et révèlent plusieurs niveaux, hormis le héros pur mais trop naïf, mais qui connait le sens du mot "brutal" et sait le traduire avec les mains; et le malhonnête machiavélique. Entre les deux, on a une belle brochette de personnages (mention spéciale à Rica, touchante et moderne) qui essayent de s'en sortir et de continuer, même si ce n'est pas toujours honnête, mais la fin justifie les moyens. Le film propose un sous texte social intéressant.
L'histoire en elle même n'est pas plus originale que ça (la vengeance, l'amour, la fraternité), mais la placer dans les halles de San Francisco lui donne un cachet particulier, d'autant que l'ambiance est très bien rendue, à la fois moite, tendue, électrique mais avec un esprit de bonne camaraderie entre les ouvriers (voir la scène où Nick appelle Polly).
Le film est efficassement mis en scène, avec de belles scènes de nuit aux halles, et une tension constante et un rythme maintenu sans temps mort. Il y a une très forte tension sexuelle entre Nick et Rica et une brutalité assez surprenante par moment. A aucun moment j'ai eu envie, même par simple curiosité, de regarder le compteur. Ça avance sans traîner, mais sans précipitation. Tout est parfaitement à sa place.
Sans surpasser ce monument qu'est Les forbans de la nuit, Ce dernier film américain de Dassin est une belle réussite ! Je garde.
daniel gregg
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par daniel gregg »

Si c'est pour te faire pardonner Man hunt, alors çà va. :mrgreen:
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