Frank Borzage (1894-1962)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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someone1600
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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par someone1600 »

Tes chroniques sont passionnantes allen john et donne envie de découvrir ces films, car de Borzage, je n'ai vu que Three comrades et The mortal storm. Deux chef d'oeuvre ceci-dit. :wink:
allen john
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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par allen john »

Today is Allen John day.

The river (1928)

Réalisé peu après Street angel, ce film de Frank Borzage va dans une direction différente des deux précédents films avec Charles Farrell: d'une part, pas de Janet Gaynor ici, l'actrice qui incarne le premier rôle féminin est Mary Duncan, d'un tout autre genre... Sinon, le symbolisme et la stylisation du décor et du travail de caméra disparaissent au profit d'un travail plus réaliste, qui a trompé certains historiens, Kevin Brownlow en tête, sur le lieu de tournage... Le chef-opérateur Ernest Palmer, collaborateur déja sur les deux classiques précédents du metteur en scène, est malgré tout toujours de la partie. Le film n'a pas eu, à sa sortie, le succès des précédents, il faut dire qu'il est resté dans les placards assez longtemps, dans le but d'y ajouter des séquences parlantes (Avec le consentement et la participation de Borzage, contrairement à ce qui s'est passé avec Murnau pour Four devils et City girl, dont les ajouts sonores ont été faits par des tiers.); malgré ces additions, le film était sans doute encore trop muet pour un public qui avait oublié un peu vite les frissons de Street angel. Et puis, le film est sorti en europe sous le titre de La femme au corbeau, ou il a été (dans sa version muette), un gros succès. Les surréalistes s'en sont emparé, le film est ensuite entré dans l'histoire alors que toutes ses copies disparaissaient. Toute? Non, une copie 16 mm contenant 5 des 8 bobines, deux bobines 35 mm, et une séquence 35 mm d'environ 5 mn (Des chutes coupées par la censure suédoise) ont survécu, ainsi que des éléments de la bande-son (de la version intermédiaire: sonore, mais pas parlante). La reconstruction a eu lieu en plusieurs temps, dirigée par Hervé Dumont: avant la découverte déléments coupés un peu partout en Suède, le film totalisait environ 48 minutes, dont de nombreux intertitres qui résument les séquences manquantes; il en fait maintenant 54.

Allen John Pender (Charles Farrell), un jeune voyageur, s'est arrêté sur une ville minière du nord de la Californie. Il se lie d'amitié avec un sourd-muet, Sam (Ivan Linow). un ami de celui-ci est tué par le contremaître Marsdon (Alfred sabato), qui l'avait vu tournenr autour de sa petite amie Rosalee (Mary duncan). au moment de partir en prison, il confie à celle-ci son corbeau, qui va veiller sur la jeune femme... ici, le film tel qu'on le voit aujourd'hui commence.

Rosalee et Allen john se rencontrent à la faveur d'une baignade. le jeune homme se prépare à abandonner sa péniche, et prendre un train pour aller passer l'hiver ailleurs, mais il en est empêché, pris dans sa conversation avec Rosalee. celle-ci s'amuse beaucoup de refaire le coup au jeune homme dont elle cherche bien vite la compagnie. La séduction devient de plus en plus brûlante entre les deux, surtout de la part de Rosalee...

Oui, Il s'appelle Allen John. Aucun rapport, bien sur... C'est hallucinant, et probablement unique dans l'histoire du cinéma, qu'un film évidemment tronqué ait pris autant d'importance. ce qu'on a ici, ce sont les cinq huitièmes d'un film, dont on n'a ni l'exposition, ni l'ensemble de l'évolution des personnages, ni le dénouement (L'amour des deux héros, le retour de Marsdon, et le meurtre de celui-ci par Sam, puis une scène de sauvetage de Rosalee par Allen John largement annoncée par des séquences antérieures, dont la fameuse baignade.). Autant dire qu'on devrait être devant un puzzle impossible à regarder, mais non: le film se voit et se revoit sans problème, et fascine. On peut multiplier les exemples de films incomplets, et constater que c'est irrémédiable: avec Confessions of a queen, de Sjöström, réduit dans des proprtions à peu près similaires, le fait est que c'est juste le fantôme d'un film. Pire, les 10 minutes qui nous restent de The divine woman, du même Sjöström, nous laissent perplexes. Ici, on a presque l'impression de la perfection: tout le film tel qu'il existe est centré sur lé séduction, lyrique, frontale et érotique, d'Allen John par Rosalee. Non que le jeune homme ne fasse rien, mais ses tentatives sont marquées par une certaine gaucherie, il est entendu que des deux, il est celui qui est vierge. Aucune impression salace, pourtant, c'est un rapprochement qui apprait nécessaire, et même si Rosalee au début veut sans doute s'amuser un peu avec celui qu'elle a vu nu (dans une séquence qui joue avec la promiscuité, de façon troublante, comme souvent chez Borzage), elle finira par l'aimer, tout autant que lui l'aime. Les minutes retrouvées en Suède sont fascinantes par leur franchise, et tout ce qui était allusion dans le film tel qu'on le connaissait auparavant devient maintenant d'une sublime impudeur: Rosalee manipule allen john afin qu'il la touche, et leur embrassement est d'une sensualité fabuleuse. Leur rencontre amène les deux êtres à se chercher, même à se battre, surveillés par l'omniprésence d'un corbeau dont l'ombre finit par prendre tellement de place que Rosalee tente de le tuer... Marsdon, le prisonnier qui emprisonne sa petite amie dans une cage virtuelle, n'est jamais très loin.

Cette rencontre, qui commence lors d'une baignade, culmine dans des scènes ou Allen John, désireux de s'imposer à rosalee, fait montre de sa force physique, et va trop loin: frigorifié, il s'évanouit, et est retrouvé le lendemain à l'article de la mort par Sam. Celui-ci ramène le jeune home à Rosalee, et le reste est dans les histoires du cinéma: le jeune femme le déshabille sans hésitation, et s'allonge sur lui pour le faire revenir à la vie. Et ça marche... La puissance des deux acteurs est évidemment une source de réussite ici, Farrell face à Mary Duncan, dont l'érotisme franc est pour le moins bien éloigné du style de Janet Gaynor, joue à merveille la fragilité, ce mélange de déraison et de force mal contrôlée qui manque de perdre son personnage.

Il n'empêche, l'une des grandes originalités de ce film hors-normes, c'est de reposer sur une situation érotique inversée: les baignades prétextes à nudité d'actrices sont légion dans l'histoire du cinéma, de Dolores Del Rio à Catherine Rouvel, en passant par Jennifer Jones. Mais ici, la première séquence complète du film permet de montrer de quelle façon Borzage évite les pièges de la concupiscence, en commençant par exposer l'acteur et non la jeune femme. Dans un premier temps, Rosalee est interloquée par la vision. Elle ne détourne pourtant pas son regard, attend de voir le moment ou le jeune homme va découvrir qu'il n'est pas seul. Finalement, devant le calme de la jeune femme, Allen John au départ effarouché va se laisser aller, et parler avec elle. une scène touchante (la naïveté du jeune homme), troublante (La jeune femme ne le lâchera plus), et pour tout dire comique (Le jeu de Farrell, tout en gaucherie, en particulier lorsqu'il se cache, laissant juste voir ses yeux.).

Ainsi réduit, le film nous apparait malgré tout glorieux et inépuisable. Ce n'est pourtant pas la Vénus de Milo: si on peut un jour le compléter avec ce qui manque, on se jettera sur le résultat avec gourmandise, et si c'est un film dont les séquences ajoutées sont moindres, on se réjouira de retrouver la cohésion des intentions de Borzage. De fait, le soin apporté au décor, ici visible dans un court fragment de séquence au début, la relation entre les scènes du début, avec sa rivière pleine de tourbillons, et la séquence de sauvetage à la fin, le meurtre froidement assumé de Marsdon par Sam, et l'amour pleinement assumé de Rosalee et Allen John, tout ça on voudrait le voir un jour. que la transformation, la sublimation d'Allen John par Rosalee et son contraire soient enfin révélés à leur juste mesure, et qu'on puisse remplacer ces séquences bouillonnnates de vie dans un écrin restauré. C'est tout ce que je demande, en tant qu'admirateur inconditionnel de ces 5/8e de film.

http://allenjohn.over-blog.com/article- ... 73709.html
Julien Léonard
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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par Julien Léonard »

Je ne connais qu'assez peu Borzage en fin de compte. Du coup, je profite pas mal de tes écrits. Bravo pour tes avis passionnants et argumentés, c'est un régal ! :wink:
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allen john
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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par allen john »

Julien Léonard a écrit :Je ne connais qu'assez peu Borzage en fin de compte. Du coup, je profite pas mal de tes écrits. Bravo pour tes avis passionnants et argumentés, c'est un régal ! :wink:
Cest gentil! mais cette fois, ne me remercie pas, remercie Allen John.
:mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :roll:
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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par allen john »

Lucky star (Frank Borzage, 1929) Quitter le muet: aujourd'hui, on a une idée tellement simple de cette période, qu'on oublie qu'il a été long pour le muet de mourir. Il y a eu un "interrègne", pour reprendre le mot de Michel Chion, entre le muet et le parlant. Borzage, qui a participé à la refonte parlante de son film précédent (The river), a donc tourné avec Lucky star un film parlant, dont comme souvent à l'époque une version muette a été établie. il y a fort à parier que les scènes dominées par les dialogues ont été tournées avec un plan fixe, sur lequel la scène s'ancrait. Ici, si le style de Borzage est moins baroque que dans Street Angel (Ce qui était déja le cas avec The river), on constate que le metteur en scène a imprimé son style à cette "version muette". ce n'est en aucun cas un pis-aller, mais bien un grand film muet, comme City Girl de Murnau, dont la version parlante a été de plus supervisée par un autre metteur en scène... Que ce dernier film muet soit une fois de plus un rendez-vous entre Frank Borzage et le couple fétiche de la Fox, Janet Gaynor et Charles Farrell, fait que l'on ne peut que se précipiter sur ce film, avec gourmandise et émotion.

Tim Osborn revient de la guerre avec les jambes paralysées, et il se lie d'amitié avec une jeune fille, Mary Tucker, qui est la seule à lui rendre visite; il s'amuse à la changer, lui apprend à se mettre en valeur, à mieux se tenir. La sympathie entre les deux tourne vite à l'amour, mais la mère qui est méfiante de Tim (Un éclopé, dit-elle) lui préfère l'uniforme de Wrenn, un bon à rien qui prétend vouloir la main de Mary, mais qui a d'autres idées en tête. Il faudrait que tim réussisse à trouver un moyen de renverser la situation...

L'intrigue de ce nouveau film s'inspire de nouveau, après The river, du romancier Tristram Tupper, dont on reconnait l'univers rural et le coté "amérique de toujours", si bien incarné par le village de rondins du film précédent, et les maisons de bois dans un décor tout en collines et en vagues de ce film. On reconnait dans le décor la singulière touche Fox, celle qui a donné Sunrise et Seventh Heaven, et qui continue à se distinguer en construisant des univers cohérents en studio dans les films de Borzage (The river), Ford (Four sons) et bien sur Murnau (Four devils). Harry Oliver n'est pas Rochus Gliese (le génie amené par Murnau dans ses bagages, pour Sunrise), mais son village est très remarquable, par l'enchevêtrement de chemins, de collines, de ponts et de barrières. On y a froid (Les hommes dans la scène d'ouverture ont une haleine visible...), et il y neige merveilleusement. Le même décor semble être utlilsé pour figurer le front, lors des séquences de guerre, toujours aussi stylisées chez Borzage.

La guerre, comme toujours, joue les trouble-fêtes, l'incorporation de Tim est la fin d'un monde, comme dans Lazybones et Seventh Heaven. C'est surtout un dommage qui arrête nette l'ascension de Tim Osborn, dont le travail était de vérifier les lignes télégraphiques et téléphoniques: à ce titre, on le voit faire l'ascension d'un poteau, et rester là-haut. Toujours cette irrésistible attraction du ciel chez les héros Borzagiens. cette fois, pourtant, contrairement à Street Angel, c'est Charles Farrell qui va être cloué au sol par le biais de sa paralysie. Mais la guerre aura d'autres conséquences pour un autre personnage: Wrenn, qui est sergent durant les hostilités, va profiter de son uniforme, et propager des mensonges sur sa réussite.

Du ciel vers le sol, Tim s'adapte très bien à son sort, et bricole des objets pour l'aider dans sa vie quotidienne. Il semble ne regretter que sa solitude, mais d'une certaine façon cette acceptation est une mauvaise idée. Il lui faudra une vraie motivation, à travers l'amour de Mary, pour tenter de remarcher... On retrouve Cendrillon, ici, avec la complicité grandissante entre la souillon Mary Tucker, encore un rôle superbe pour Janet Gaynor, et la "bonne fée" interprété par tim, qui lui apprend à se moucher, l'encourage à bien se tenir, et lui apprend l'hygiène, tout en révélant sa beauté. Cendrillon est prète à aller au bal (avec des chaussures neuves, mises en valeur par un intertitre), mais elle revient avec Wrenn, en prince charmant auto-proclamé... La métamorphose orchestrée sur Mary ne suffit pas à Tim, il s'en rend compte, et il va lui falloir admettre qu'il lui est nécessaire de changer lui aussi, s'il veut la sauver, et aussi la mériter.

Si la mise en scène est plus simple que dans Street Angel, qui représente pour l'instant le degré de sophistication le plus important des films de Borzage, on constate d'une part une utilisation exceptionnelle de l'espace, ces décors dont il était question plus haut. Cela nous permet des scènes comme celle du bain: Tim s'apprète à donner un bain à Mary, et la déshabille. Il lui demande son age, elle répond qu'elle a presque dix-huit ans, et embarrassé, il lui suggère de se laver elle-même: elle prend sa carriole et quitte la ferme de Tim, pour aller à la rivière plus loin, mais elle est toujours à portée de regard de la ferme de Tim. celui-ci jette un regard, puis gêné regarde ailleurs. C'est tout un univers esthétiquement superbe, qui renvoie visuellement tant à l'expressionisme (un film comme Der Schatz, le Trésor de Pabst, se joue sur le même type de terrain en perspective faussée) qu'à des estampes japonaises (les nuances de gris utilisées)...

Les conditions météorologiques sont intéressantes. le film commence sur un matin, et se clot dans une lumière renfiorcée par la neige. Celle-ci accompagne le miracle du film, en même temps que le blanc omniprésent accentue la luminosité du cadre, signé par Chester A. Lyons et William Cooper Smith... Miracle, donc: Tim se bat contre sa paralysie, à l'écart du monde, et la vaincra en une seule nuit... La motivation, c'est d'empêcher Wrenn de lui voler Mary, pour laquelle il est décidé à se battre, après avoir réalisé lors d'une très belle scène son amour pour elle: elle a acheté une belle robe, et vient la lui montrer, et elle le remercie pour tout, en l'enlaçant. le regard de Farrell dira tout ce qu'il y a à dire. Le miracle à beau être moins spectcaulaire que celui de Seventh Heaven, il n'en est pas moins à la base d'une scène magnifique, durant laquelle tim se traine vers le village, marchant de plus en plus. pour finir, il se bat contre Wrenn, et les gens du village l'aident à s'en débarrasser. il n'a plus qu'à reconnaitre la vérité: tout ce temps, dit-il à Mary, je croyais que c'est moi qui te transformais... Le miracle ici est important d'autant plus que c'est une fois de plus l'accomplissement d'un homme, Tim Osborn. Lui qui croyait devoir utiliser sa créativité pour améliorer son quotidien d'infirme, avait mieux à faire en triomphant de son infirmité...

Miracle, Cendrillon, l'amour fou qui donne tous les pouvoirs, promiscuité tendre, un univers d'Amérique profonde qui sied bien à la simplicité des personnages: aucun doute, on est chez Borzage, pour un dernier film muet en forme de bouquet final. Un autre miracle, c'est finalement que ce film ait survécu dans sa version muette... Compte tenu de l'état du parlant en 1929, une copie parlante n'aurait pas été aussi passionnante, et ce ne serait pas mon Borzage préféré.

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Jeremy Fox
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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par Jeremy Fox »

Ca me rappelle que je n'ai toujours pas décellophané mon coffret ; peut-être parce que je tiens déjà un film du mois qui me convient bien et qu'au vu de ton avis (au moins déjà la conclusion), si je veux qu'il tienne jusqu'au bout.... :fiou: :mrgreen:
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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par allen john »

Jeremy Fox a écrit :Ca me rappelle que je n'ai toujours pas décellophané mon coffret ; peut-être parce que je tiens déjà un film du mois qui me convient bien et qu'au vu de ton avis (au moins déjà la conclusion), si je veux qu'il tienne jusqu'au bout.... :fiou: :mrgreen:
Courage, encore quelques jours... :mrgreen:
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Message par someone1600 »

Ca donne envie encore une fois... faudra bien que je trouve un jour un moyen de me procuré ces films un jour. :wink:
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Message par allen john »

They had to see Paris (Frank Borzage, 1929)

La famille Peters, des habitants de l'Oklahoma qui viennent de décrocher la timbale avec un puits de pétrole qui donne beaucoup de revenus, partent pour l'Europe: Mrs Peters entend se cultiver, et entrainer son mari dans cette aventure. Leurs grands enfants les suivent, et vont vivre des aventures plus ou moins profitables, l'un avec une jeune modèle, l'autre avec un marquis désargenté à l'affut d'une dot. seule personne à résister à l'attrait de la fausseté, le père s'ennuie ferme loin de ses copains... Et la désapprobation grandissante de son épouse vis-à-vis de ses manières ne lui convient guère.

They had to see Paris est la premier des films parlants de Borzage à avoir survécu, après The river et Lucky star. Tournée juste après ce dernier, cette petite comédie nous permet de retrouver le grand Will Rogers. Rappel: Borzage, en contrat à la Fox, doit aussi faire des films qui ne lui ressemblent pas, et si son nom reste bien visible sur les affiches, c'est Rogers la véritable attraction de cette comédie à propos de nouveaux riches Américains qui quittent leur Oklahoma pour s'installer à Paris.

Comme d'habitude avec les films parlants de 1929, ça se traine un peu, et c'est souvent maladroit. Sauf Will Rogers, bien sur, mais on est quand même loin de Steamboat round the bend. Disons que si le personnage d'Américain moyen sympathique et lent recueille toute la tendresse du metteur en scène, et renvoie à l'Amérique profonde de Lazybones et Lucky star, que si la façon dont Will Rogers est un marginal dans sa propre demeure (Le chateau ridicule acheté sur l'insistance de Mrs Peters), on a l'impression d'être plus chez Will Rogers que chez Borzage... le film reste de toute façon plus intéressant que le suivant, heureusement.

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Song o' my heart (Frank Borzage, 1930)

Ce film très fade partage avec They had to see Paris d'avoir été confié à Frank Borzage afin d'assurer le plus grand confort à sa vedette au moment d'aborder un premier film parlant: Will Rogers dans le précédent, et le ténor d'origine Irlandaise John Mc Cormack dans ce film, sont tous les deux la principale raison d'être des deux films.

En 1930, la MGM prépare The Rogue Song, de Lionel Barrymore, sensé mettre en valeur le talent de Lawrence Tibbett, un baryton dont la poopularité n'aura qu'un temps. the Rogue Song est célèbre aujourd'hui pour la contribution de laurel & Hardy, dans un long métrage en couleurs, aujourd'hui quasiment totalement perdu. Ce film est un peu différent: Song o' my heart, film musical et sentimental, présente donc le ténor (qui n'a sans doute pas fait une grande carrière au cinéma, il a autant de charisme qu'un topinambour oublié dans une brouette) au milieu d'une histoire qui se traine, malgré la présence de J. Farrell McDonald et Maureen O'Sullivan.

Le principal intérêt, finalement, est historique: en plus de la version parlante régulière, le film a existé dans une version d'exportation, muette à la façon du Chanteur de jazz: les dialogues y sont repris par des intertitres, mais la bande sonore restitue la voix du chanteur pour les chansons larmoyantes qu'il interprète. Quelques chansons inédites, d'une part, et quelques séquences au découpage franchement différent (C'est à dire qui ne se contentent pas d'être des plans-séquences poussifs) nous permettent de mesurer la difficulté à juger des films de l'interrègne, ce moment ou on pouvait voir les films aussi bien muets que parlants. La Fox, en ce domaine, distribuait jusqu'à trois versions de ses films: parlante, muette, et muette avec des effets sonores afin de distribuer des films sonores aux pays étrangers, avant que l'habitude ne soit prise de confectionner une version spécifique. Enfin, toujours pour la pédagogie, le film Song o' my heart a été tourné en une version 70 mm, jamais distribuée, et qui aurait disparu.

Ca reste un film sans grand intérêt, mais qui par endroits permet à Borzage d'exprimer son sens de la sacralisation de l'amour: le film est centré autour de l'amour passé du ténor pour une femme qui a été obligée de se marier avec un autre. Le film fait la part belle à l'évocation des regrets et de la frustration de deux personnages qui s'aiment de loin et habitent l'unh en face de l'autre. Il nous montre aussi un amour en danger, entre Maureen O'Sullivan et un bellâtre, et les efforts de Sean, le ténor, pour les sauver. Enfin, le film fait partie d'un cycle initié par Ford à la fox avec The Shamrock handicap, en 1926, autour de ses chers acteurs Irlandais, J. Farrell Mc Donald en étant le principal représentant. Pour le reste, ce film dont la Fox a souhaité qu'il soit partiellement tourné en Irlande, afin de soigner sa publicité, est un épisode mineur dans la carrière de Frank Borzage.

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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par allen john »

Liliom (Frank Borzage, 1930)

Liliom ou comment Frank Borzage prend le cinéma parlant à bras le corps et retrouve une partie de sa verve des années 27/28, avec Charles Farrell mais sans Janet Gaynor. Bien que Liliom, de Ferenc Molnar, soit une pièce de théâtre très à la mode (Voir l'acoutrement de John Gilbert dans The show de Tod Browning en 1926), Borzage comme Lang quatre ans plus tard en fait une oeuvre très personnelle, magnifiant des décors totalement faux, et livrant une fois de plus sa propre lecture de l'amour fou, tout en sacrifiant à sa thématique religieuse et à ses obsessions visuelles (Partout ou il va, quoi qu'il fasse, c'est toujours vers le haut que Liliom regarde avec envie ou avec crainte).

Liliom (Charles Farrell) est un aboyeur de foire, qui a pour habitude de porter une attention toute particulière aux jolies filles; il est l'objet de l'idôlatrie de Julie (Rose Hobart), une jeune femme qui va tout sacrifier pour être avec lui; pourtant Liliom, licencié le soir de sa rencontre avec la jeune femme, ne va rien faire pour se faire aimer: fainéant, raleur, il n'hésite pas à porter la main sur la jeune femme. Mais le jour ou celle-ci lui annonce qu'elle est enceinte, Liliom décide de faire un geste, et accepte de participer à un cambriolage, dans le but d'avoir de l'argent pour emmener Julie et son enfant aux Etats-Unis. Le vol tourne mal, et Liliom se poignarde pour échapper à la police... Avant de mourir, il recueille l'aveu d'amour de Julie... et se retrouve dans un étrange train, en attente de son châtiment suprême. alors commence un bien curieux voyage...

Julie n'avoue son amour à Liliom que lorsque celui-ci est à l'article de la mort, mais ses sentiments ne font aucun doute. Elle n'a d'yeux que pour lui, et son dévouement est absolu. De son côté, Liliom se poignarde en disant le nom de la jeune femme, et son sacrifice certes bien maladroit tend à prouver ses sentiments. cette tendance à l'absolu souligné est la marque de Borzage, qui profite de l'étrange climat Mitteleuropa de la pièce pour reprendre le fil de ses obsessions interrompues avec le réalisme du parlant. Si le rythme manque encore un peu d'allant, comme beaucoup de films de 1930, la stylisation des décors nous rappelle qu'on est face à un film Fox, mais le cinéaste ne fait aucun effort pour en cacher la fausseté: trompe-l'oeil, fausse perspectives, miniatures, tout est souligné. Cela rend l'arrivée du train-Paradis plus acceptable, et ça renvoie aussi à la pièce de théâtre initiale, beaucoup plus que ne le fera le film de Lang. Si Rose Hobart, un peu lente, déçoit dans le rôle monolithique de la jeune femme qui aime sans aucune conditions, Farrell est plutôt bon en éternel mauvais garçon, et on se fait assez vite à sa voix un peu acide. Le film nous permet aussi de revoir Lee Tracy, en tentateur fatal, H.B. Warner en "St-Pierre", en redingote, et assis dans un compartiment de train, et l'ineffable Bert Roach, l'un de ces seconds rôles dont le Hollywood de l'époque avait le secret. Il interprète le fiancé de Marie, l'amie de Julie; il s'appelle Wolf.

Liliom meurt, mais son amour pour Julie, et l'amour de Julie pour lui, lui survivront. C'est la leçon de ce film, dont la fin baroque reste à ce jour l'une des plus bizarres intrusions d'un film Américain dans le fantastique. Je ne sais pas dans quelle mesure le film est fidèle à Molnar, sans doute moins que le film de Lang, qui a la réputation d'avoir été un peu vite fait. Mais si l'un des deux est inoubliable, c'est bien celui-ci...

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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par allen john »

Doctors' wives (Frank Borzage, 1931)

Peu connu, Doctors' wives est un petit mélodrame quotidien qui par certains cotés renvoie parfois au canon Borzagien de fort belle façon, tout en étant un brin suranné... Pour commencer, le titre, comme le film, renvoient à cette époque durant laquelle il n'y avait pas vraiment de femmes médecins. Warner Baxter est un docteur très couru, en particulier par les dames, qui se marie avec une charmante jeune femme (Joan Bennett) mais celle-ci va très vite découvrir que l'emploi du temps de son mari n'a que très peu de place pour elle, et la jalousie va s'installer, et faire son oeuvre, surtout lorsqu'une femme va jeter son dévolu sur le beau docteur sans aucune retenue. cette dernière ne parviendra à détourner le bon docteur du droit chemin que dans l'imagination de l'épouse, mais cela précipitera quand même la séparation...

Inspiré d'un roman de l'époque, le film a donc bien vieilli, mais on en retiendra beaucoup de menues qualités. Le metteur en scène commence son film en s'intéressant au docteur Penning, pour mieux passer à son épouse, dont le point de vue va dominer le film: son amour frustré, ses tentatives pour faire en sorte que le médecin lui consacre plus de temps, sa rencontre avec un médecin encore plus absorbé dans son travail que son mari (Victor Varconi, plus histrion encore qu'à l'habitude)... Nina est un personnage dont l'amour inconditionnel peine à trouver le renoncement de soi qui sauve le couple à la fin. Bien sur, des petits indices ça et là pourraient faire glisser le film vers une certaine forme de féminisme: le fait que Nina souhaite 'travailler' avec le docteur avant qu'ils ne se courtisent, par exemple, ou encore le fait qu'ils ne se retrouvent après leur séparation que dans un milieu professionnel, lui en médecin et elle en infirmière. Mais non: l'idée, c'est de les réconcilier en tant que mari et femme, et donc elle doit rester à la maison, et lui travailler... le mariage des deux, soudain et précéipité, obéit à l'inévitable loi des mariages Borzagiens: à partir du moment ou baxter et bennett se sont retrouvés au restaurant face à face, il devient inéluctable qu'ils ne peuvent plus se quitter. La jeune femme est particulièrement mutine: lorsqu'il veut la raccompagner à son taxi, il lui dit en blaguant que le chemin ne comporte aucun danger, et elle semble déçue. C'est elle qui insiste pour que le mariage ait lieu le soir même si possible, et bien sur un objet symbole de leur amour, plus que du mariage va servir de fil rouge à leur union: une guirlande de fleurs portée par le jeune femme à sa robe lors de leur premier rendez-vous est déposée sur un fauteuil juste avant le départ de la jeune femme, comme pour symboliser la rupture du lien.

Le personnage de Kane Ruyter, le scientifique obsédé par son travail, est un type Borzagien qui reviendra, notamment dans Green light. Il fait preuve d'un sens du sacrifice très important: non content de vivre tout entier pour son oeuvre (Il travaille sur le cancer), il est manifestement amoureux de Nina, et le personnage agit à la fin du film d'une façon extrême: il a un accident grave, ce qui va ensuite provoquer la rencontre entre les époux séparés: elle comme infirmière, lui comme chirurgien. Bien sur, qu'il ait un accident dans sses expériences ou qu'il ait décidé d'attenter à sa vie, il n'aurait absolument pas pu prévoir la suite des évènements, mais on n'en a cure. de fait, le sacrifice symbolique auquel il consent ou dont il est la victime innocente est la seule façon de concilier l'inconciliable, de faire en sorte que Nina vive l'abnégation de son mari de l'intérieur (D'autant que la jeune femme n'est pas exempte de contradictions, puisque Nina en veut à son mari de ne pas lui consacrer assez de temps, mais admire cette même abnégation chez Ruyter), et consente enfin à passer parfois après le métier de son mari...

L'absence de commentaires et d'études de ce film s'explique sans doute par le fait qu'il soit peu vu, peu disponible, et que d'après la copie que j'ai visionné, il est en très mauvais état, contrairement à la plupart des films mis à disposition par la Fox dans le fameux coffret de 2008 (Dont il était mis à l'écart). C'est dommage, car si le film est avant tout une petite chose mineure, les connaisseurs et admirateurs de Borzage y trouveront toujours leur compte, que ce soit dans les parcours de certains personnages, ou tout simplement dans une mise en scène qui épouse un rythme plus vivant que dans ses précédents efforts, et construit à l'occasion une tension palpable, comme dans les nombreuses scènes situées dans la salle d'attente (Ou les conversations sont lourdes de sous-entendus): comme souvent chez Borzage, les coulisses sont un endroit autrement plus intéressant que la scène elle-même. Toutefois un très beau plan résume à la fin le point de vue de Nina et sa réalisation de l'importance du travail de son mari, alors qu'elle assiste celui-ci sur l'opération visant à sauver le docteur Ruyter: elle lève la tête et aperçoit, assemblés dans un silence admiratif, un groupe de médecins venus assister à l'opération. devant leur admiration, elle baisse les armes, et se dévouera enfin de nouveau à l'homme qu'elle aime. Pas très féministe, tout ça...

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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par allen john »

Bad girl (Frank Borzage, 1931)

Après Liliom, on peut dire que Borzage a fini de refaire ses preuves: il a assez confortablement passé la rampe du parlant. Son style de film distinctif de la fin du muet ne refait pas surface, mais il a un style bien à lui, qui se retrouve en particulier à la Fox avec ses trois dernières productions pour le studio, et surtout avec ce film. En racontant ici les aventures quotidiennes de Ed et Dot Collins, il se veut le peintre d'une Amérique simple, sans tambour ni trompette, et on a le sentiment qu'il rejoint un peu le Vidor de The Crowd, la dimension essentiellement dramatique en moins. Ici, tout finit par tourner à la comédie... Ce film est adapté d'une pièce, qui était nettement plus scandaleuse que ne peut l'être le film, et dans ce qui reste de l'histoire originale, on peut légitimement se demander ce qui motive le titre Bad girl...

Dot Haley et Ed Collins se rencontrent, s'aiment, et à la faveur d'une soirée qu'ils ont passé ensemble jusqu'à quatre heures du matin, prenent la résolution de se marier. ils s'installent ensemble, mais leur bonheur est entaché par des petits tracas, liés au fait que chacun d'entre eux se sent incapable de dire la vérité à l'autre: Dot n'ose pas dire à ed qu'elle attend un bébé, et Ed n'ose pas avouer son bonheur. Pire: il est résolument incapable de lui avouer son amour... ce ne sont pourtant pas les preuves qui manquent.

Il n'y a pas un grand enjeu ici, si ce n'est d'attendre que ces deux tourtereaux cessent de se raconter des bêtises, et regartdent leur bonheur en face. Bien sur, ils sont très touchants, et Borzage s'est amusé à faire d'Ed un petit frère de Chico de Seventh Heaven (Il fait visiter à Dot une maison ou ils vont vivre, en n'oubliant pas de lui montrer l'accès au tout) et de Liliom (Il prend tout de haut, et fait le matamore en permanence, plutot que d'avouer ses sentiments. Mais Ed est fragile, et le dialogue l'aide à faire passer quelques fragments de ses émotions, en particulier quand il s'effondre en larmes devant un médecin auquel il vient delander à genoux de s'occuper de son épouse. Dot, elle, est une jeune femme qui côtoie la misère, dans une scène traitée depuis une cage d'escalier: ed l'a raccompagnée chez elle mais elle ne veut pas rentrer, tant elle est bien avec lui. Tous les voisins passent et repassent dans l'escalier, les uns se disputant, les autres souffrant, et la vie dans toute sa simplicité apparait sans qu'on s'introduise chez les gens: on reconnait le talent de Borzage pour nous faire voir l'humanité par ses arrière-cuisines...

A noter, au début, une scène qui surprend par l'humour qui s'en dégage: on croit que Dot va effectivement se marier; elle est en costume, prête à se jeter à l'eau, fait part de sa nervosité à sa copine Edna, elle-même habillée en demoiselle d'honneur. Elle va ensuite, au son de la marche nuptiale, avec les autres demoiselles d'honneur... dans un défilé de prêt à porter, dont elle est le nouveau modèle. Borzage, très attaché au mariage fut-il de contrebande, nous a bien eu avec le début de son film. Il obtiendra pour ce travail excellement mené, même si mineur dans son oeuvre, l'Oscar du meilleur metteur en scène pour 1931...

Ce film se regarde comme un rien, malgré l'évidente émasculation due à un scénario aseptisé autant que possible. La comédie un peu triste basée sur l'accumulation de gentils mensonges d'Ed à la fin, finit par alourdir un peu le dénouement, mais tout s'arrange pour le mieux... Borzage est de toutes façons à l'aise face à ces petites gens (Sally Eilers, James Dunn) qui se marient presque par hasard, avec une demande faite entre deux portes, presque comme on se gratte le nez, par un gaillard incapable d'avouer son amour. Le thème de Cendrillon est bien présent, et l'ensemble est une charmante comédie; mais à voir ce film qui en préfigure certains aspects, sans jamais s'attacher au sacré, il nous tarde d'arriver à A man's castle...

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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par allen john »

After Tomorrow (Frank Borzage, 1932)

Tout en étant un film très mineur dans la carrière de Borzage, cette dernière collaboration du cinéaste avec Charles farrell est marqué par un certain nombre d'aspects qui ne trompent pas. au-delà du caractère théâtral de ce film, il est situé dans l'Amérique de 1932 marquée par la crise, et son titre renvoie à la situation des deux héros: Pete (Farrell) et Sidney (Marian Nixon), finacés depuis une éternité, vont devoir constamment reposusser leur mariage par la faute des circonstances: leur modestie économique, d'abord, qui les oblige à la prudence; leurs parents, la mère de Pete qui est une insupportable mégère (Josephine Hull) et qui vit aux crochets de son fils, les parents de Sidney qui vont se séparer durant le film (la mère, interprétée par Minna Gombel, ayant décidé de fuir son mariage avec leur locataire); la santé fragile du père de Sidney interprété par William Collier, exacerbée par le départ de sa femme... Ils trouvent, comme souvent les jeunes Américains dans ces films, refuge dans une chanson, After tomorrow, qui devient presque leur hymne d'espoir: demain, ils se marieront, et après tout deviendra possible.

Si on attendrait de la photo, signée du grand James Wong Howe, qu'elle fasse preuve de plus d'originalité, le style frontal choisi (Et largement dicté par le fait qu'il s'agit d'une adaptation théâtrale) sied assez bien à cette chronique douce-amère de la dépression. Et le film se distingue (Y compris de certains films assez prudes de Borzage, dont Bad girl) par une tendance à la franchise. on n'est bien sur pas devant un film paramount, mais il est souvent question de sexe, depuis le gag d'une conversation cauchemardesque entre la mère fofolle et son fils ("Un homme est parfois une bête...") jusqu'à une scène de chamailleire tendre entre les deux amoureux qui se transforme en une câlinerie horizontale un peu désordonnée entre Farrell et Nixon. Bien sur, Farrell est comme souvent un grand dadais optimiste, purement adorable, et Nixon est charmante...

Sinon, le mariage, Mac Guffin du film, est l'objet de toutes les conversations, et tous les aspects en sont abordés. L'ironie à l'oeuvre (Un voisin se remet vite de l'enterrement de son épouse, et a l'air comme ragailllardi, les époux Taylor qui ne se comprenent plus, ne s'aiment plus, se séparent, la mère et sa conversation décalée sur a sexualité comme un cauchemar...), n'empêche pas le mariage d'être cette finalité sacro-sainte, cette officialisation de l'amour tendre qui unit les deux héros. Et on sait que chez Borzage, ce n'est pas rien...

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Re: Frank Borzage (1894-1962)

Message par allen john »

Young America (Frank Borzage, 1932)

Le dernier film à la Fox de Frank Borzage, qui va devenier un réalisateur "freelance" avant de signer un petit contrat à la Warner, fait justement un peu penser aux films qui sortent à la même époque grâce à ce studio: les films "sociaux", de Wellman (Wild Boys of the road) ou Le Roy (I'm a fugitive from a chain gang) étaient sans doute vus et étudiés à la loupe par les autres studios. Mais ce film reste assez typique de la manière de Frank Borzage, avec une tendresse particulière pour les personnages qui n'apparait pas aussi clairement dans les autres films cités.

Borzage prend son temps pour installer un contexte très particulier, avec une scène de jugement routinier à une Juvenile Court présidée par le très débonnaire Ralph Bellamy, qui reçoit une jeune femme (Doris Kenyon) venue faire une sorte de reportage (Pour le club des épouses de la ville), et lui montre le mécanisme de la justice face aux délinquants adolescents. un cas retient l'attention, celui de Artie (Jimmy Conlon): la ville entière lui dit qu'il ne vaut rien, ce qui est faux. Il a juste une trop grande imagination, ce qui va l'amener à de gros ennuis: il veut défendre l'hionneur d'une camarade de classe, Mabel (Dawn O'Day), contre un voyou de l'école, et ça lui vaudra une correction en bonne et due forme. Il veut aider la grand mère (Josephine Hull) de son meilleur ami (Raymond Borzage, le neveu) en lui trouvant un médicament en pleine nuit, mais ça l'oblige à cambrioler une pharmacie. Le couple de pharmaciens (Spencer Tracy et Doris Kenyon) va justement être chargé de le remettre dans le droit chemin...

Le film est construit dsur une pente dramatique, parfois un peu exagérée (Un jeune homme de 10 ans y arrête les deux bandits qui ont commis un cambriolage), mais dont son optimisme et sa foi en l'homme nous prennent facilement par les sentiments. le film est en plus relativement court, et dotés de figures qu'on a déja vues, notamment un ensemble de "bonnes fées", comme dans l'incontournable Cendrillon, qui vont orienter les persnnages dans le bon sens. le juge, pour commencer, dont la bienveillance permet à des jeunes de s'en sortir. Doris Kenyon, qui va permettre au jeune homme de trouver un échappatoire à la délinquance. Mais Art lui-même fait le bien autour de lui, allant jusqu'à s'accuser d'un crime pour faciliter la bonne entante des pharmaciens qui se disputent par rapport à leur interprétation du personnage d'Artie. En prétendant être aussi filou que le spuçonne les pharmacien, il favorise leur réconciliation... Spencer Tracy a un rôle qu'on ne lui donnera plus très souvent, surtout une fois passé à la MGM: il est un antipathique commerçant sur de son bon droit qui prend la justice de haut, et pour lequel une porte est soit ouverte, soit fermée: un délinquant est et restera un délinquant. Le film est l'histoire de son éducation avant tout...

Si on est loin des chefs d'oeuvre de Borzage, ce film tend à démontrer que le réalisateur s'intéresse, sans pour autant retourner systématiquement à sa thématique de l'amour sublime, à des petites gens coincés dans des vies ou il fauit se battre. A man's castle couve déja, on y viendra bien vite...

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