Tree of life (Terrence Malick - 2011)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Wagner
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Wagner »

wontolla a écrit :
Wagner a écrit : Pour le coup j'ai un peu l'impression de faire le boulot de notre ami Wontolla :mrgreen:
Wontolla ne se dérobe pas mais pour le moment c'est la gestion de la Pentecôte et de la fin de l'année pastorale (avec pour le moment une poussée de SEP qui rend la marche difficile et douloureuse); je ne remise pas l'échelle et m'attelle à la tâche dès que possible :wink: .
Je plaisantais, bien sûr, et n'insinuais pas que tu entendais te séparer de ta robe (te dé-rober) :oops: :mrgreen:
Rockatansky a écrit :Toujours rien à voir avec la religion donc...
Un film qui s'appelle L'Arbre de vie, qui oserait dire ça? :lol:
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Rockatansky
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Rockatansky »

Pleins de gens dans ce topic en tout cas :mrgreen:
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Colqhoun
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Colqhoun »

Y a quand même un sérieux soucis si c'est le cas.
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wontolla
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par wontolla »

Wagner a écrit : Je plaisantais, bien sûr, et n'insinuais pas que tu entendais te séparer de ta robe (te dé-rober) :oops: :mrgreen:
HS ON
Un lien vers une réponse dans mon fil perso. :wink:

HS OFF
hydrelisk
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par hydrelisk »

Bonjour,
je débarque sur ce forum à l'occasion d'un bon film, 80 pages sur The Tree of Life en avis et en technique (d'où il sort etc.) je lirai ça petit à petit. Mon avis je l'ai donné ailleurs sur le net, ça prend des plombes alors je m'économise un peu d'autant que je l'ai vu qu'une fois. Le film étant manifestement de l'existentialisme chrétien (le niveau de chrétienté est une bonne question, je vois au début du topic que Malick n'a pas hésité à changer plusieurs fois ses conceptions dans sa vie, ça m'étonne pas, et il ne se tient pas à un Canon. Il respecte visiblement la Bible, plus on en sait rien, si?) j'ai dans l'idée que ce film est en "amont de la Bible" et est clairement un chef d'oeuvre (au sens où il présente les questions existentielles qui préexistent à la Bible et explique en quoi la Bible peut émerger comme réponse. Et sans dire que c'est la bonne réponse, ou expliquer que les lieux présentés sont les Limbes ou l'Au-Delà -au sens usuel, i.e. temporisés par la mort physique -, c'est une interprétation très hâtive des choses. Il s'agit selon moi de deux utopies -d'errance et de convergence des errants- qui préexistent aux localisations Bibliques usuelles. L'utopie d'errance - les "Limbes" - est bien connue de quiconque traverse une quête existentielle par exemple, pas besoin d'un coma).

D'aucuns ont signalé que le film respectait un blocage à certains âges, c'est pas faux (peut-être une question d'acteurs, mais la justification de la quête existentielle est bonne aussi, forcément c'est assez localisé autour d'une précédente prise de conscience par exemple), et comme je perds moi-même le fil des événements dans ce film je me demandais si certains y ont repéré des traces manifestes de falsification rétrospective des souvenirs? Là encore c'est une évidence psychologique, puisque tout le film est du point de vue de Sean Penn, mais ça serait intéressant de savoir si Malick a pensé en faire trace.
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Watkinssien
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Watkinssien »

Bienvenue ! :)

Pourrais-tu développer tes interrogations de ton dernier paragraphe ?

Cela m'intéresse, mais j'ai peur de passer à côté de ce que tu demandes... :wink:
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hydrelisk
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par hydrelisk »

Watkinssien a écrit :Bienvenue ! :)

Pourrais-tu développer tes interrogations de ton dernier paragraphe ?

Cela m'intéresse, mais j'ai peur de passer à côté de ce que tu demandes... :wink:
C'est très simple, je connais d'expérience ce genre de questionnement (donc je vais pas trop développer non plus hein :wink: ) mais si ça n'est pas vraiment montré dans le film ça passe par confronter un peu ses souvenirs avec la réalité. Et on se rend assez vite compte que dans beaucoup de détails (jour de la semaine, endroit, personnes présentes...), voir pas des détails (no comment, mais je peux dire que même les éléments les plus cruciaux, les plus inoubliables peuvent être oubliés ou reconstruits. Avec des faits d'enfance/adolescence c'est possible en tout cas. Donc dans les scènes marquantes il peut y avoir une 'erreur' majeure : période mal située, personne qui ne peut pas être là etc. etc. ) sont juste faux ou inaccessibles (perdus dans le temps).
Alors c'est plutôt des détails qui seraient repérables (saison illogique etc.), sans importance mais qui donnent au questionnement son doute permanent. Ca ou carrément des reconstructions ou mélanges de séquences, mais j'y crois moins (enfin, là encore ça arrive :| ).

Mais comme justement on voit tout à travers Sean Penn il n'y a pas d'autre chose à quoi confronter. Peut-être l'allure, les vêtements, il est fort probable que ce soit souvent les mêmes. Ca explique le même âge à toutes les époques aussi. (en un certain sens c'est mettre une "autre" personne dans un souvenir)
waylander
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par waylander »

" Il pensait que dans la beauté du monde il y avait un secret qui était caché. Il pensait que pour que batte le cœur du monde il y avait un prix terrible à payer et que la souffrance du monde et sa beauté évoluaient l'une par rapport à l'autre selon des principes de justice divergents et que dans l'abyssal déficit le sang des multitudes pourrait être le prix finalement exigé pour la vision d'une seule fleur." Cormac McCarthy "De si jolis chevaux"

Voilà ce qui résume le mieux (encore une fois de mon pont de vue) une partie du fond des films de Malick (surtout les trois derniers qui sont les plus explicites de sa (courte) filmographie).
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Nass'
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Nass' »

Ce qu'expose hydrelisk est ma foi une pensée troublante et intéressante. Je n'avais pas vu le film sous la focale de vagues réminiscences de Jack adulte mais effectivement, cette lecture pourrait alimenter la narration très sensitive du cinéaste, elle même qui ne peut agir que lorsque l'on arrive à la connecter à notre conscience. Je me souviens précisément des mouvements de caméra, notamment dans la séquence "moderne" sur les lieux du travail de Jack. Toute la charge formelle concourait à l'envisager en une totalité onirique, déphasée et méditative. Elle-même lacérée par des inserts furtifs tels des flashs soudains de vaporeuses sensations cognitives. Le film n'est-il pas une plongée dans les souvenirs de Jack ? Sous-entendu que la mémoire imparfaite par essence peut mentir sur l'existence qu'elle a vécue ? Peut-être que le film montrait des archétypes que se façonnait Jack dans sa tête : un père dur, une mère solaire emplie de grâce jusqu'à flotter dans les airs, une idéalisation du petit frère en exagérant ses traits artistiques,... La psyché enjolive le monde (ou l'aggrave exagérément). Pas possible, Malick ne serait pas allé aussi loin tout de même :shock:

J'ai remarqué sur la toile que beaucoup font l'analogie entre les captations modernes de Malick avec des publicités de parfumerie. J'en ai visionnés certaines et personnellement, la majorité ridiculise en terme de réalisation ce qui sort au cinéma.
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waylander
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par waylander »

Qui nous dit que tout le film est du point de vue de Sean Penn?
Il dit lui-même qu'il revoit l'enfant qu'il a été. Ça concentre donc ses souvenirs sur cette partie de la Vie où un homme se construit. L’enfance c'est certainement la parie la plus décisive de notre vie. Pas besoin pour Jack de se remémorer le reste : l'adolescence, jeune adulte et adulte puisque ces passages sont souvent moins marquants (pas toujours) et les liens familiaux moins solides.
D'ailleurs c'est une récurrente : à une certain âge on repense bien plus à son enfance qu'au reste.

Sinon, encore une fois le film peut avoir plusieurs significations (le message reste le même) sur la chronologie, le montage, et surtout la fameuse réaction de Penn à la fin. Sort-il de ses propres pensées subitement o a t-il vraiment eu une sorte de révélation (et les plans de la Lumia ne sont pas anodins surtout que le film commence par cela et termine aussi par cette fameuse lumière "divine"?)

Malgré tout, la première scène c'est celle de la mère (?) très jeune, chtiote môme entrain de contempler des vaches. Je dirais surtout que Tree of Life est comme un poème. Il y a toute la partie principale du film qui sont formés des souvenirs de Jack et quelques plans métaphoriques issus soit de lui soit ...d'ailleurs et d'autres encore ne rentrent pas dans la logique du film. est-ce que c’est lui qui "imagine" se souvenir d son père sur son lieu de travail et qui s'imagine donc aussi ce qu'il pensait ou est-ce que Penn n'a pas tout simplement reçu un message lui révélant justement tout pour qu'il comprenne enfin qui étaient ses proches (surtout ses parents). Ou bien tout est imaginé afin de partir en paix, de tout pardonner dans une sorte d'ultime idéalisation des proches et des liens qui les unissent.

Je trouverai ça beau que même Malick soit perdu entre ses deux visions. Perso j'aime les deux et j'en choisis aucune. tout comme la Bible : il y a pleins de détails et de détails que les exégètes veulent à tout prix expliquer, interpréter etc..alors que l'important reste le message et celui-ci peut être capté sans tout expliqué, sans tout détaillé, sans tout explorer. Le reste n'est là que pour imager et rendre la lecture plus simple.
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Demi-Lune
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Demi-Lune »

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Attention, ce texte est nul. Merci de votre clémence. :mrgreen:
Tree of Life est un film paradoxal.
A la fois impénétrable et accessible.
Mu d'une ambition monumentale, cosmique, mais qui est pourtant soumise à un fil directeur narratif extrêmement intimiste.
Des défauts ou faiblesses : voix-offs s'écoutant complaisamment parler (pitié, Terrence, arrête avec ça), scènes éventuellement casse-gueule (l'expérience de la pitié par un dinosaure, par exemple), morcellement qui peut mettre la patience à rude épreuve, un gros coup de mou aux 2/3 du film (20 minutes en moins à cet endroit n'auraient peut-être pas été de refus), un final laissant un goût légèrement insatisfaisant. Il y en a d'autres, si on veut vraiment en trouver.
Mais aussi beaucoup, beaucoup de moments de pure grâce, dans lesquels s'expriment sans contraintes les visions fascinantes, métaphoriques, tout simplement belles, d'un grand artiste. Un cercueil en verre dans une forêt ; une mère qui flotte juste parce qu'elle ressent, en racontant une histoire à ses enfants, l'ivresse d'un vol en avion imaginaire ; les premiers pas d'un enfant. Il y en a d'autres, qu'on peut aisément trouver.
Un aboutissement intimidant et un renouveau délicat à l'échelle de son réalisateur, qui livre ici ce qui est, à mes yeux, le travail cinématographique le plus total depuis Eyes Wide Shut et Intelligence Artificielle.

Je crois que j'ai commis une erreur en voulant laisser décanter le film dans ma mémoire. Je pensais que j'allais pouvoir acquérir rétrospectivement une vue d'ensemble claire sur cette œuvre-monstre, que la maturation allait me permettre d'appréhender le résultat et les choix de Malick comme des évidences, alors que je me rends compte, les jours passant, que Tree of Life agit plus en moi par la puissante persistance de très nombreux moments isolés, que par la progressive acquisition d'une clarté globale. Ce dont je suis sûr, en ce moment tout comme à l'issue de la projection, c'est que de certitudes et d'évidences à l'égard de ce film, je n'en ai guère... si ce n'est celle d'avoir assisté à une expérience hors normes, qui me laisse encore maintenant exsangue, incapable de rassembler mes souvenirs pour commenter pertinemment cette odyssée filmique. Je suis sincèrement admiratif de la capacité de tous ceux qui ont alimenté cette remarquable discussion, à mettre des mots, rationalisants, sur l'extrême sensorialité érigée sur ce film comme règle directrice.

Sans doute faut-il que je rappelle que je restais, jusqu'ici, plutôt fermé au cinéma de Terrence Malick. Et je le dis sans condescendance ni animosité, puisque, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'exprimer, je reconnais volontiers l'importance de ce cinéaste, ses immenses talents formels, l'unicité et la cohérence de sa courte œuvre au sein du paysage cinématographique américain, une personnalité artistique et des thématiques identifiables, même si dans mon cas, ces dernières me laissent souvent désintéressé voire circonspect. Pourtant, avec Tree of Life, Malick s'est enfin ouvert à moi. Il ne s'agit pas d'une ouverture dans le sens où tout devenait soudainement clair, et que mes réserves précédentes, à la fois sur les caractéristiques stylistiques et sur les propos philosophiques que je trouve personnellement naïfs, étaient balayées. J'ai encore des réserves, même sur Tree of Life, même si je considère qu'il s'agit là d'une œuvre immense, vouée à perdurer dans les mémoires. Ce qu'il y a, c'est que pour une fois, le cinéma de Malick m'a permis une profonde adhésion émotionnelle. L'absence de cette adhésion émotionnelle dans les travaux précédents du cinéaste était, à mes yeux, l'un des facteurs expliquant partiellement l'ennui à profondeur variable que je ressentais. Le fait est que la découverte de ce film s'est apparentée à l'expérience d'une offrande, que j'ai acceptée, dans ses faiblesses comme dans ses incroyables fulgurances. Aux innombrables pages consacrées en ces lieux à tenter de comprendre le moindre sens, la moindre symbolique, derrière les plans fugaces et évanescents de Malick, je préfère, pour le moment en tout cas, me conforter dans ce plaisir béat qu'a été ma réception purement émotionnelle de Tree of Life. Tout, dans ce film, invite certes à une démarche personnelle d'interprétation et par là de compréhension, mais j'appréhende d'abord cette œuvre par le cœur, avant de la considérer avec l'esprit (ce que j'aurais sans doute l'occasion de faire lors de la révision).

Réception émotionnelle, donc. Émotion face au lyrisme exacerbé de certaines séquences, comme celle de la création de l'univers, moment de cinéma où Malick touche du doigt quelque chose de sidérant, dans l'alliance musicale et picturale. Émotion devant la maîtrise visuelle terrassante dont fait preuve le cinéaste, qui parvient ici à un niveau d'accomplissement cinématographique étourdissant. Si certains trouvent qu'il sombre ici dans le gâtisme et la répétition stérile, je vois pour ma part en ce maelström permanent d'images, de textures, d'impressions éphémères, de rémanences mémorielles cotonneuses ou douloureuses, la chose la plus stimulante qu'ait offerte le réalisateur. Lequel radicalise et interroge effectivement les fondements de son style, mais pour aboutir à une forme d'ébullition constante, de fougue impressionnante, débordante d'idées, et marquant une nette rupture avec ses inclinations contemplatives précédentes. Malick malmène la matière concrète, les repères sur lesquels on peut confortablement se reposer, et lui préfère une invitation sensitive, une main tendue au spectateur pour le plonger dans un flot de ressentis littéraux : pour reprendre Jérôme Momcilovic qui l'exprime mieux, Malick donne « à sentir des idées », permet par la force de sa seule mise en scène de transmettre « quelque chose comme l'idée d'une naissance, l'idée d'une famille, l'idée de l'enfance ». C'est en cela que mon adhésion émotionnelle fut notamment si importante : c'est parce que je trouve qu'il y a quelque chose de bouleversant, de remuant, dans cette authenticité des caractères, des petits moments anodins et joyeux de la vie qui paraissent ici tellement vrais. Les acrobaties techniques de cette réalisation éthérée, qui semble comme flotter dans les airs pendant la majeure partie de l'action, permettent cette transmission sensorielle, en ce sens où la caméra se meut dans le quotidien de cette famille texane sans restriction aucune, se posant ainsi directement comme un véritable personnage omniscient, quasiment un sixième membre de la famille, une présence invisible capable de se rapprocher au plus près de ces instants éphémères et permet d'en conserver la saveur. Regard de Dieu ? Difficile à dire, je penche nettement plus pour une restitution mentale de Jack adulte, qui se souvient de ces instants de son enfance avec un regard différent, extériorisé, puisqu'il reconsidère justement cette époque alors qu'il piétine, malheureux et hagard, dans son âge adulte.

La mise en scène de Malick embrasse un mouvement perpétuel, comme si elle tentait d'épouser un rythme indicible et fondamental, tel que le pouls d'une vie ou le cycle gravitationnel de notre système. Je sais que cela paraît très excentrique, mais j'observe à ce titre que le film paraît être régi par le motif de la boucle, ou, plus exactement, de la spirale. L'image de la spirale de vitraux dans la coupole, en contre-plongée, synthétise quasiment pour moi la structure et l'objet du film : celui d'un ruban partant d'un point donné (me semblant être la perte d'un frère, d'un fils, sur laquelle le film débute) et tournant continuellement autour (souvenir de l'enfance vécue – de la mère, je suppose, et du frère Jack – pour enrichir et mettre en perspective la douleur de cette perte, la fragilité de la vie et la beauté des jours vécus ; création de l'univers tel que les parents créent la vie, donnent la vie, puis font ensuite l'expérience de l'injustice de l'enlèvement de cette vie). Dans ce ruban en spirale, la narration fait se confondre et se chevaucher les temporalités, pour traduire l'idée de recommencement et de création, d'élévation et de descente selon la perspective.

Tree of Life me semble en outre fonctionner sur un principe, volontaire ou involontaire, de dualité, de compensation. On le remarque dans la caractérisation parentale et fraternelle : ainsi les deux parents, dans la perception de l'enfant aîné, sont soumis à un manichéisme affectif (la mère protectrice et le père castrateur), de la même manière que Jack et son frère cadet développent une relation mêlée de tendresse et de rabaissement. On peut aussi le voir dans ces fameuses interrogations croyantes et, à mon sens, non dogmatiques et prosélytes – entre la crise de foi profonde sur l'injustice voire l'inexistence d'une transcendance éprouvée par Jack (toute considération d'âge mise à part puisque la temporalité du film est complexe à établir), et le message d'amour, d'espoir, de foi – n'ayons pas peur d'employer le mot – véhiculé par le personnage de la mère.

Comme si, dans cette opposition constante, s'articulait un équilibre, une évidence, une vérité universelle que Malick chercherait à capter. Peut-être le sens ou la valeur de la vie, ici-bas.

P.S. : la bande sonore est magnifique. Maintenant, j'écoute en boucle le Cantique funèbre de Tavener, chose la plus magnifique que j'ai entendue depuis longtemps.
hydrelisk
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par hydrelisk »

Demi-Lune a écrit :
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Attention, ce texte est nul. Merci de votre clémence. :mrgreen:
Tree of Life est un film paradoxal.
A la fois impénétrable et accessible.
Tout à fait d'accord, et le spoiler est ce qui me trouble à chaque fois que je m'exprime à propos de ce film.
Pour preuve j'avais écrit un petit brouillon en réponse à la question du "point de vue" et je l'ai pas publié. C'est la force de Malick : il a compris que quand il s'agissait de Ce qui Est (après on peut philosopher pendant des heures sur les détails et sur les mots et les points de vue qu'on adopte. Ce qui Est est intrinsèquement subjectif et pourtant pareil pour tous, apparaît paradoxal etc. car les mots cernent mal Ce qui Est. Rien que "Ce qui Est" selon les termes qu'on prend fait passer du théïsme au sollipsisme, en passant par le panthéïsme : "Dieu et le Monde","YHVH","l'Univers où je suis", "ce que je suis et perçois". Je prends des termes qui semble correspondre au plus proche de la philosophie de Malick -panthéïsme, avec démonstration de comment YHVH s'exprime, cf. les versets en préambule-, sachant que bien évidemment la vraie philosophie de Malick c'est de pas répondre par des mots, mais par ce film. Il a été prof de philo, et finit par réaliser des films plutôt que d'écrire des livres, ce n'est pas un hasard) les mots ne marchent pas trop. Ils en font partie (les mots qui sont dits pour réconforter par exemple: ils ont un effet, mais lequel? C'est sur l'effet qu'on ne peut pas mettre de mots.) mais viennent après.

Je maintiens quand même qu'au niveau 'construction' du film la structuration autour du subjectivisme de Sean Penn est très forte et centrale. La réalité qui va avec (les utopies par exemple) est en tout cas contenue dans le film (mais il contient beaucoup de choses ce film ;) ), au sens large de "réalité de Sean Penn" (qui contient toute sa perception, conscientisée ou non des choses du monde. Même ce qu'il sait parce qu'il le sait, et où il n'est pas. Enfin bref la réalité quoi, sans perte parce que c'est celle de Sean Penn. C'est pas un film de psychologie, mais elle est contenue dedans. Dans d'autres réalités les dates différeraient, certains éléments seraient oubliés ou plus présents - par exemple le mec en convulsion qui ici n'est pas la question, le serait peut-être d'un autre point de vue-. Enfin demandez à des flics qui recueillent des témoignages ce qu'est la "réalité" objective pour les besoins de la justice...). Et le rythme structurant le film est la présentation d'un fait (comportement etc., avec déjà la nuance qui va avec, jamais de manichéïsme par exemple, toujours de la Grâce) puis du questionnement qui va avec, et qui a appelé le rappel du fait, et fait prise de conscience. Résultat souvent on attend même plus les mots, ils sont évidents d'ailleurs! Ils sont juste là pour dire que ces mots qu'on entend si souvent, et pourtant n'aident en rien, émergent de quelque chose. Enfin le rythme est précisément celui du questionnement de Sean Penn, simplifié mais précis au millimètre. Avec notamment à la fin l'arrêt des questions en boucle et le temps des impératifs.

Mais oui, les mots décrivent les fils et la construction de ce film très complexe, mais comme la vraie existence c'est soumis à tous les points de vue. Et il vaut mieux être parcimonieux avant de croire arriver à décrire (comme si un tour de magie se décrivait!). La Grâce s'impose en tout cas.
Nass'
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Nass' »

Instant de suce boules ON : Demi-Lune, ta critique est pétrie d'une richesse de vocabulaire sidérante. Bravo à toi. Je te rejoins complètement dans ce ressenti qui fut, pour ma part, une porte ouverte vers une stature hagarde sans saisir la moindre tentacule évocatrice qui sous-tend cette oeuvre fleuve.

Sinon question : que symbolise pour vous cette "flamme??" qui ponctue des moments précis du film ? Je me rappelle bien que Malick effectue une traduction de cette dernière en filmant des nuées d'oiseaux qui s'embrassent dans le ciel. Centralité de la vie qui offre et reprend son dû ? Cette flamme me laisse circonspect tout en entretenant un pouvoir de fascination vertigineux.

"P.S. : la bande sonore est magnifique. Maintenant, j'écoute en boucle le Cantique funèbre de Tavener, chose la plus magnifique que j'ai entendue depuis longtemps."
Bienvenue au club :wink:
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par hydrelisk »

Je suis circonspect sur l'usage de la flamme, il montre justement ce qu'à mon avis il ne veut pas montrer (une vision mystique, explicite). Alors qu'il consacre tant d'efforts à la Grâce et au panthéïsme, le mysticisme implicite quoi.

A mon avis elle est là pour faire comprendre et pour suggérer l'idée du mysticisme, sûrement pas pour y répondre. C'est ce que cherche constamment les personnages (ou le spectateur embarqué là-dedans) en regardant le soleil ou les nuées d'oiseaux. Et c'est ce qu'ils voient, en un certain sens, dans chaque chose de temps en temps. Il faut que je revoie le film, mais ça me conforte dans l'idée d'un point de vue rythmé par le questionnement de Sean Penn, et cette flamme rythme les moments où Sean Penn accède ou est frappé par le mystique lié à l'existence (qui sinon reste rien de plus que toutes les autres scènes, je crois pas qu'il a voulu faire un côté hallucinatoire trop marqué, mais s'est contenté de prendre un stéréotype du mysticisme -effectivement envoutant- pour montrer les moments où ça y est, derrière le soleil, derrière les oiseaux etc. il ne reste plus que cette dynamique et cette Grâce muette et irrépressible). Et évidemment le début et la fin du film, cadre temporel d'une expérience mystique. (Du coup c'est le spectateur qui s'est fait rythmé l'expérience sans qu'on lui demande son avis, plus vraiment Sean Penn. Mise et levée d'hypnose, en quelque sorte.)
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Colqhoun
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Colqhoun »

Cela fait une semaine que j'ai envie de parler de ce film sans savoir par quel bout le prendre, comment me lancer dans un avis qui ait un tant soit peu de sens, sans pour autant laisser de côté l'une ou l'autre séquence importante.

Je commencerais donc en disant que, pour moi, The Tree of Life est un film sur le choix et l'importance de ses conséquences. Tout comme Adam et Eve choisirent de goûter du fruit de l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, au lieu de s'en tenir à celui de l'Arbre de Vie. Un acte qui généra le péché sur Terre et le bannissement du couple originel du Jardin d'Eden.
The Tree of Life, ou la nécessité de remonter aux origines de la Vie pour comprendre le chagrin d'une mère qui pleure le décès de l'un de ses fils et qui ne comprend pas pourquoi le Dieu qu'elle aime, celui qui aurait créé toute chose, puisse rester indifférent face à ce drame. Voilà, pour moi, la grande idée qui sous-tend tout le film et qui permet à Malick de construire son oeuvre en amenant par la suite tout un tas de réflexion et d'interrogations voisines ou directement liées à cette idée première.

Et là où je vois à la fois une force et une faiblesse, c'est dans cette manière d'amener plein de chemins de questionnement, de s'interroger sur tout un tas de chose tout en cherchant à comprendre la raison de ce qui arrive à chacun. Perte d'un fils, perte d'un emploi, décès d'un autre enfant, attirance pour cette voisine mystérieuse, etc... le film m'ayant quelque peu glissé entre les doigts après l'avoir découvert, je peine à me remémorer correctement tout ce qui s'y passe. Mais j'ai souvent pensé, comme d'autres, au Miroir de Tarkovski, pour cet aspect fragmentaire, sans ligne temporelle claire, où les associations d'idées et d'images importent plus qu'un réel sens intellectuel où tout devrait être décoder. Cela dit, je vois tout de même quelques pistes intéressantes à explorer.

Les dinosaures par exemple. Au delà d'une découverte de la pitié, je crois qu'il faut surtout associer leur comportement à la séquence qui suit: une météorite s'écrase sur terre entraînant la probable disparition de ces créatures. Dès lors ne faut-il pas y voir un "acte de Dieu" qui se décide à exterminer une race ayant trop évoluée, pour remettre les compteurs à zéro et laisser alors le champ libre à sa création la plus importante: l'être humain (puisque la scène de la naissance vient tout de suite après) ? Je n'ai pas de réponse précise, mais s'en tenir au seul fait que les dinosaures éprouvent de la pitié (et donc un sentiment qui n'a rien à faire dans le règne animal), c'est certes une constatation intéressante, mais je suis convaincu que cela doit amener d'autres interrogations.

Autre piste qui m'a interpellé, les rôles respectifs du père et de la mère. J'y ai vu ici une sorte d'allégorie de l'ancien et du nouveau testament. Le père, autoritaire, adepte de violence, de quête de perfection, de lois à suivre et détenteur d'une foi rigide, mais qui manque d'une réelle liberté d'action tant il pris au piège par ses convictions. En parallèle, la mère, elle, rayonne de vie, d'amour inconditionnel et fait constamment preuve de pardon, de patience, de joie et vit ses émotions sans frein. Deux conceptions de la vie parfaitement contradictoires et qui pourtant se retrouvent sous le même toit et -encore plus fort- croient au même Dieu puis en viennent à avoir des enfants et à les élever. L'aîné se retrouve alors tiraillé entre ses deux parents, perdu entre ces deux sensibilités et ne saura plus vers qui se tourner. Peut-être que mes cours de catéchisme font des siennes et que je peine à voir le film sous un autre angle, mais il me semble évident qu'il y a derrière ces images une vision du monde directement inspirée du message biblique, sans que cela ne tienne pour autant du prosélytisme. Cela dit, je choisis aussi cet angle de réflexion car mes connaissances philosophiques tiennent plus de références de bistrot que d'autre chose et je serais bien mal avisé de vouloir creuser cette piste.

Il y a bien sur aussi ces séquences avec Sean Penn, que je peine (!) à savoir comment prendre. Voyage mental, une vie qui équivaut à une traversée du désert, puis le choix de passer cette porte, d'aller de l'avant, de rejoindre les siens sur cette plage, lieu d'un éternel recommencement, scène des origines de la vie (cette créature, plus tôt dans le film, lors des séquences de création, qui se tient sur la plage), où la famille humaine et ses semblables peut reprendre son histoire là où elle s'était arrêtée. En l'état, même si certains éléments restent encore obscures dans mon esprit, sur un plan purement cinématographique, j'y ai vu la partie la plus faible du film. Une esthétique capillotractée, du contemplatif fatigant et un acteur (Penn) qui rappelle d'abord Droopy plutôt qu'un type en proie à des questionnements intenses sur son passé. L'idée est casse-gueule, le résultat fait peine à voir, mais les idées que Malick y insuffle ne sont pas forcément à balayer d'un revers de main.

Comme d'autre, c'est principalement la chronique familiale qui m'aura marqué. Pour l'énergie improbable de sa mise en scène (ces travelling ultra rapides qui suivent les moindres faits et gestes des personnages), pour l'extraordinaire qualité de jeu des acteurs (les enfants ! Brad Pitt ! Jessica Chastain !), l'élégance de la photographie, qui fait souffler le chaud et le froid parfois dans les mêmes images. Il faudrait aussi probablement un article complet pour parler correctement des choix musicaux de Malick. Certains sentent la facilité (musique sacrée sur la création du monde... qui relève d'une vision où créationisme et théorie de l'évolution se confrontent dans un maelstrom d'idées et de concepts), d'autres sont d'une acuité remarquable.

Et je retire de ce film le sentiment que Malick a peut-être trouvé ici les limites de son cinéma. Une oeuvre-somme où la grâce tutoie le ridicule. Où sa vision du monde, son propre passé et sa capacité à retranscrire cinématographiquement des questionnements sur les relation entre la terre, la foi, l'humanité et le divin peinent à prendre une forme réellement homogène. D'autant plus qu'en substance, je garde l'impression que tout était déjà dit -et de bien plus belle manière- dans son chef d'oeuvre, The Thin Red Line.

The Tree of Life est un film intrigant, plein de belles images, de passages réellement émouvants (le moment où le père demande pardon à son fils) et, en parallèle, de moments embarrassants, où le réalisateur peine à équilibrer le trop-plein d'informations qu'il veut offrir au spectateur. Son film déborde alors et le savant équilibre qu'il maintenait jusque là s'effondre. Mais le jusqu'au boutisme de l'oeuvre, la radicalité de la forme et la sincérité totale de son réalisateur rendent le projet fascinant. De loin pas totalement réussi, mais fascinant. Rendant, de ce fait, le film essentiel.
"Give me all the bacon and eggs you have."
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