Jean-Pierre et Luc Dardenne

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

jacques 2
Régisseur
Messages : 3172
Inscription : 17 mai 10, 17:25
Localisation : Liège (en Wallonie)

Re: Les frères Dardenne

Message par jacques 2 »

Qu'appelles tu la "charge formelle" ? :o

:wink:
Nass'
Assistant(e) machine à café
Messages : 154
Inscription : 2 août 10, 15:46
Last.fm

Re: Les frères Dardenne

Message par Nass' »

Caméra à l'épaule, cadrages tremblotants,... J'aime quand l'optique bouge mais un minimum en fait. Souvent, les frères accompagnent les répliques des acteurs par des mouvements dignes d'un match de tennis. Cette "réalité" prise sur le vif m'énerve... Ca vient de moi c'est sûr mais pour l'instant, j'ai un rapport, une perception du cinéma qui ne corrobore pas les intentions de ces auteurs. Quoi qu'il en soit, je suis fier que la Belgique soit ainsi mise sur le devant de la scène. En espérant que cette réussite importante donnera du souffle à nos futures productions audio-visuelles.

Même The Wrestler, fondé sur cette structure documentaire, ne me pousse pas à le revoir car je sais que je vais rester bloqué par la réalisation.
ImageImage
Some day we’ll fall down and weep and we’ll understand it all. All things.
jacques 2
Régisseur
Messages : 3172
Inscription : 17 mai 10, 17:25
Localisation : Liège (en Wallonie)

Re: Les frères Dardenne

Message par jacques 2 »

Ok je comprends mieux ...

Ceci dit, la forme me semble bien adaptée au fond, en l'occurrence ...
J'ai justement revu "l'enfant" hier et c'est bien ce cinéma vérité qui accroche aux personnages : on ne peut imaginer du cinémascope avec de longs panoramiques pour traiter un tel sujet ...

On est avec les personnages à tel point que, à la fin, j'étais à nouveau profondément ému ...

Comme toi, je suis belge et ... Liégeois !! :wink:
Nass'
Assistant(e) machine à café
Messages : 154
Inscription : 2 août 10, 15:46
Last.fm

Re: Les frères Dardenne

Message par Nass' »

Héhé^^ Disons que j'ai peur aussi de tomber dans les stéréotypes assénés par la vidéo (hilarante je vous le concède), "démontrant" que le cinéma des Dardenne est nul. J'ai toujours pris mes distances par rapport aux critiques et préjugés.

Mais bon, chacun à son avis là-dessus. D'ailleurs ça m'étonne que je sois quasi le seul ici à trouver leur travail trop "cinéma d'auteur à projeter en priorité dans les écoles pour inciter les jeunes à lâcher leurs sales blockbusters US tous crétins". Ben ouais, on me la sortie celle-là au bahut.
ImageImage
Some day we’ll fall down and weep and we’ll understand it all. All things.
jacques 2
Régisseur
Messages : 3172
Inscription : 17 mai 10, 17:25
Localisation : Liège (en Wallonie)

Re: Les frères Dardenne

Message par jacques 2 »

Nass' a écrit : leur travail trop "cinéma d'auteur à projeter en priorité dans les écoles pour inciter les jeunes à lâcher leurs sales blockbusters US tous crétins".
Oui, enfin ...
Personnellement, au risque d'être taxé de simplisme, je n'arrive à classer les films visionnés que dans deux catégories (avec des subdivisions évidemment) : les bons et les mauvais ...
Et je me contrefiche des étiquettes "cinéma d"auteur" ou "blockbuster" ...

Donc, à mes yeux, les films des Dardenne sont très bons mais n'ont pas plus de valeur que les meilleurs de Mc Tiernan, par exemple ...
Pourquoi devrait on préférer Hanneke à Zemeckis ?
J'ai récemment enchaîné "Retour vers le futur" et "Le ruban blanc" : je serais bien incapable de dire avec lequel j'ai ressenti le plus de plaisir ...
Simplement, les plaisirs étaient différents, peu comparables ...

C'est bien ce qui me dérange dans le principe Cannois : cette volonté de privilégier un cinéma d'auteur (ou présenté comme tel) qui donne, pour beaucoup d'incontestables réussites, aussi pas mal de pensums particulièrement pénibles ...
A mon sens, les Dardenne présentent un excellent cinéma d'auteur, vibrant, profondément ressenti et dépourvu du moindre snobisme ... :wink:
Nass'
Assistant(e) machine à café
Messages : 154
Inscription : 2 août 10, 15:46
Last.fm

Re: Les frères Dardenne

Message par Nass' »

C'est ce que je fais : apprécier des films et quantifier le plaisir qu'ils me procurent. Je fais fi de la nationalité, du budget et de la distribution. Mais j'aimerai tellement faire partie de la manne qui adore les frères et je n'y parviens pas.

Et McTiernan rules 8)
ImageImage
Some day we’ll fall down and weep and we’ll understand it all. All things.
riqueuniee
Producteur
Messages : 9706
Inscription : 15 oct. 10, 21:58

Re: Les frères Dardenne

Message par riqueuniee »

j'ai longtemps été réticente à découvrir le cinéma des Dardenne : sujets pas très gais, naturalisme, et caméra qui a la bougeotte. Puis j'ai découvert La Promesse et l'Enfant, que j'ai beaucoup aimés. Ce qui m'a incitée à aller voir le Silence de Lorna et Le gamin au vélo en salles.
Ils ont un style qu'on peut ne pas aimer, mais particulièrement bien adapté aux sujets qu'ils traitent, et surtout au point de vue qu'ils adoptent sur ceux-ci. Et puis, surtout, ils aiment leurs personnages et ne se sentent pas supérieurs à l'histoire qu'ils racontent.
Je ne les connais pas, mais ils semblent être des gens sympas et chaleureux.
En ce qui concerne le cinéma, je ne fais pas de hiérarchie. Mais il faut bien reconnaître que, comme il y a différents genres de musique, il y a différents styles de cinéma. Certains plus destinés à être présentés à Cannes que d'autres.
Nass'
Assistant(e) machine à café
Messages : 154
Inscription : 2 août 10, 15:46
Last.fm

Re: Les frères Dardenne

Message par Nass' »

Je les ai rencontrés à Liège et ils sont effectivement très chaleureux :wink:
ImageImage
Some day we’ll fall down and weep and we’ll understand it all. All things.
Joe Wilson
Entier manceau
Messages : 5463
Inscription : 7 sept. 05, 13:49
Localisation : Entre Seine et Oise

Re: Les frères Dardenne

Message par Joe Wilson »

Le gamin au vélo

Le "gamin" est un des plus beaux personnages de l'oeuvre des frères Dardenne : ce n'est pas rien, tant leur cinéma est construit à partir de l'individu, qui semble préeexister à la mise en scène. Ils s'attachent à des êtres, à des parcours, des instantanés de vie.
Ce gamin est un bloc bouleversant dans sa combativité, son énergie brute et forcenée, en quête d'affection et d'affirmation. Il donne au film un rythme, un souffle, et pendant un moment la mise en scène n'a qu'à l'accompagner pour trouver une légitimité et une cohérence.
Cependant, je trouve que le récit perd de sa force après son premier tiers. Trop de rebondissements alourdissent un propos qui n'avait pas besoin d'être surligné....les frères Dardenne laissent l'impression de se détourner de l'essentiel, pour suivre une trame qui s'égare en cours de route. Jusqu'à un final très maladroit.
Image
Avatar de l’utilisateur
AtCloseRange
Mémé Lenchon
Messages : 25396
Inscription : 21 nov. 05, 00:41

Re: Les frères Dardenne

Message par AtCloseRange »

Joe Wilson a écrit :Le gamin au vélo

Le "gamin" est un des plus beaux personnages de l'oeuvre des frères Dardenne : ce n'est pas rien, tant leur cinéma est construit à partir de l'individu, qui semble préeexister à la mise en scène. Ils s'attachent à des êtres, à des parcours, des instantanés de vie.
Ce gamin est un bloc bouleversant dans sa combativité, son énergie brute et forcenée, en quête d'affection et d'affirmation. Il donne au film un rythme, un souffle, et pendant un moment la mise en scène n'a qu'à l'accompagner pour trouver une légitimité et une cohérence.
Cependant, je trouve que le récit perd de sa force après son premier tiers. Trop de rebondissements alourdissent un propos qui n'avait pas besoin d'être surligné....les frères Dardenne laissent l'impression de se détourner de l'essentiel, pour suivre une trame qui s'égare en cours de route. Jusqu'à un final très maladroit.
Je rejoins globalement les premières lignes de cet avis mais je suis beaucoup moins réservé pour la suite.

Les Dardenne restent vraiment mes cinéastes contemporains préférés.
Quelle finesse dans la descritpion des personnages. Tout est suggéré par les comportements, on est jamais dans la psychologie simpliste. Ce gamin, boule d'énergie, est toujours en mouvement en digne héritier de Rosetta. Simon Choule parlait quelque pages plus haut de film d'action pour le cinéma des 2 frères et c'est une fois de plus de quoi il s'agit. Il y a un élan, un mouvement entraînant. En plus de ça, ils ne succombent jamais au schématisme (idéologique et démagogque) tant pratiqué dans ce genre de cinéma social.
Pour amener un bémol, la bifurcation à mi parcours n'est pas tout à fait au niveau du début
Spoiler (cliquez pour afficher)
la scène chez le dealer est sans doute la plus faible du film
et la fin m'a fait un peu peur même si les Dardenne rattrapent le coup
Spoiler (cliquez pour afficher)
avec la "résurrection" finale ramenant au mysticisme si souvent présent chez eux
Je n'oublie évidemment pas la prestation magnifique du gamin. Cécile de France est très très bien également.

Les Dardenne sont tellement habitué à l'excellence qu'on finit par prendre ça pour acquis mais même dans leur filmographie, c'est un très beau film (un poil plus réussi que le Silence de Lorna).
MrDeeds
Assistant(e) machine à café
Messages : 221
Inscription : 31 janv. 09, 15:21
Localisation : Mandrake Falls - Vermont

Re: Les frères Dardenne

Message par MrDeeds »

Je suis un grand admirateur du cinéma des Dardenne et je viens enfin de voir le gamin au vélo . Je suis partagé.

Le film offre son lot de beaux moments (le travelling accompagnant le vélo dans la nuit) et quelques scènes, comme toujours chez les Dardenne, sont très fortes (la rencontre avec le père, l'accès de rage dans la voiture...). Pourtant, je suis sorti du film avec l'impression un peu gênante que les Dardenne se sont enfermés dans une sorte de mécanique et que, du coup, le film avait tendance à se désincarner. Leur façon d'organiser les rencontres entre les personnages ou la manière qu'ils ont d'insérer une intrigue de film noir (avec son lot de suspens, de tensions dramatiques) au coeur d'un cinéma réaliste m'ont paru, cette fois, un peu artificiels, peut-être parce que ça fait la cinquième ou sixième fois qu'ils nous font le coup.
On a beaucoup parlé, à propos de ce film, de nouveauté à cause d'une scène ensoleillée, de l'utilisation (parcimonieuse et très pertinente) de la musique, et de l'intrusion d'une "star" dans leur famille d'acteurs. Or, ces éléments m'apparaissent assez anecdotiques et j'ai même tendance à penser qu'ils masquent une inspiration qui peine à se renouveler. Le silence de Lorna, leur film précédent, était, à mes yeux, beaucoup plus original et brillant parce que le personnage principal était très intrigant et apportait une touche onirique au cinéma des Dardenne.

Le film reste cependant très au dessus de la moyenne grâce à deux points essentiels :
- L'interprétation du gamin, proprement hallucinante (aussi intense que le gamin du Tree of Life avec qui il a d'ailleurs de nombreux points communs)
- La mise en scène pure : les Dardenne demeurent des maîtres de l'utilisation, ou plutôt de l'occupation des espaces. Je pense notamment à la "rencontre" avec Samantha dans la salle d'attente qui est simple et belle, à l'utilisation des portes et des objets du décor dans dans la cuisine du restaurant ou à la façon dont le gamin apprivoise Samantha en tournant autour d'elle puis autour de sa voiture avec son vélo.

Pour moi, les chefs-d'oeuvre des Dardenne restent La promesse, Le fils et Le silence de Lorna et ce denier film ne parvient pas à ces sommets d'intensité.

Je soumets à présent aux forumeurs la question suivante : pourquoi faut-il que le personnage de Samantha soit si mal fringué ? Les soutifs bleus apparents ou les tops léopards pour montrer le côté prolo (voire populo), ça fait un peu cliché, non ? Je n'avais pas vu ça depuis les Groseille de la Vie est un long fleuve tranquille (j'exagère un peu, j'avoue...)
Je m'étais fait la même remarque à propos des personnages de L'enfant (la fille en minijupe par -10°, et le chapeau de Jérémy Régnier) mais ça pouvait encore se justifier parce que le couple était en fait deux gamins attardés.
"I scream, you scream, we all scream for ice cream..."
Momo la crevette
Et la tendresse... bordel ?
Et la tendresse... bordel ?
Messages : 15006
Inscription : 13 avr. 03, 22:03
Localisation : En train de se faire un grec avec Tuesday... Pauvre Nikos !

Re: Les frères Dardenne

Message par Momo la crevette »

santiago a écrit :Personnellement, j'ai moins marché (normal pour un film qui privilégie les deux roues)

Ca, c'est la classe : s'obliger à ne pas apprécier un film pour pouvoir sortir un bon mot ! 8)
styx a écrit :Je comprends pas grand chose à vos salades, mais vous avez l'air bien sur de vous, donc zetes plus à même hein de parler, de sacrés rigolos que vous faites en fait, merde ça rime lourd là, je vais éditer. mdr
L'alcool, c'est mal.
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6143
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: Les frères Dardenne

Message par Thaddeus »

Image


La promesse
Les frères Dardenne s’imposent d’emblée comme des réalisateurs majeurs en affirmant une sensibilité héritée de certains grands maîtres européens, depuis le réalisme social de Rossellini jusqu’aux préoccupations plus morales, voire spirituelles, d’un Bresson. Dans un cadre pas franchement folichon (l’exploitation des immigrés clandestins miséreux, grand refoulé social du capitalisme), les cinéastes captent le surgissement d’une conscience, le cheminement d’une pensée vers la lumière, à travers l’histoire d’une émancipation filiale douloureuse qui transcende magistralement le naturalisme du style. Et voilà comment, partant du documentaire, le film s’achève sur un plan fixe où la femme noire et le gamin blond, réunis par la vérité, s’en vont vers un avenir incertain. 5/6

Rosetta
Plus radical, plus viscéral peut-être, ce parcours d’une guerrière des temps modernes, sacrifiée sur l’autel d’une horreur économique cannibale, accentue le principe de mouvement et de prise à vif mis au point par l’opus précédent. Il affirme l’éruption d’un cinéma de l’échographie et de la protestation, l’ardeur d’un regard qui traverse les apparences pour les révéler à elles-mêmes. Rivés aux bottes de son héroïne fiévreuse, bloc de conviction muette au métabolisme primaire qui avance, prend des coups, en redonne, poussée par un instinct de survie enragé, les Dardenne enrichissent d’un chapitre terrible, exempt de tout misérabilisme, leur portrait d’une société sans âme, mais dont la violence est toujours contrebalancée par la conviction humaniste du propos. 5/6

Le fils
Comme toujours pas de musique, peu de paroles, mais le bruit des pas et des souffles, le poids des gestes et des corps. Polo bordeaux, bleu de travail, regard captif derrière les verres de ses lunettes, le grand Olivier Gourmet trouve un rôle proche de celui de La Promesse, mais parcourt un chemin symétrique, un itinéraire moral inversé. Il y est charpentier, ployant sur le poids de poutres qu’il porte tel un calvaire, miné par un événement tragique dont il tente de se remettre. La confrontation avec ce fils de substitution, responsable également de la tragédie qu’il subit, est racontée par les Dardenne comme un retour lent, difficile mais sûr, vers la lumière, le pardon, la paix intérieure. Une fois de plus, l’humilité magnifique des réalisateurs, leur constat de transmission, leur foi en l’humanité, me touchent droit au cœur. 5/6
Top 10 Année 2002

L’enfant
L’enchaînement des films traduit une évolution et une cohérence sans faille, où les mêmes sujets sont approfondis sans êtres ressassés. Jadis fils de Gourmet, Jérémie Rénier est cette fois un jeune père immature, ignorant que toutes les choses n’ont pas toute la même valeur. Ce qui lui résiste et finira par le faire sortir du cercle infernal, c’est la jeune femme, dont il est amoureux comme seuls les enfants savent l’être, et qui, en se révoltant, enclenche le processus d’une rédemption. Les Dardenne filment son parcours tel un thriller haletant, agençant chaque incident comme autant d’étapes vers la prise de conscience individuelle. Au-delà de sa dimension sociale, ce cinéma a valeur de fable bienveillante, optimiste et généreuse, qui atteint son pic d’émotion lors de la bouleversante réconciliation finale, au parloir. 5/6
Top 10 Année 2005

Le silence de Lorna
Autour d’une immigrée clandestine prise au piège de ses calculs et de la mafia de Liège, les cinéastes dressent un nouvel état des lieux du monde contemporain et reconduisent le même regard altruiste et engagé, la même rigueur intellectuelle. Leur démarche intègre le parcours des personnages dans un cadre d’une grande précision documentaire mais bascule à la faveur d’une incroyable ellipse dans l’inconnu et l’imprévisible, en tordant le tracé rédempteur auquel ils sont souvent attachés. Soit une heure et demie de suspense bien tendu qui démontre qu'avec un dispositif minimaliste, une dramatisation implacable et l'élément moral qui vient perturber l'odieuse machinerie, les Dardenne parviennent à scotcher sans relâcher la pression une minute. Toujours aussi fort et émouvant. 5/6
Top 10 Année 2008

Le gamin au vélo
Jamais le cinéma des auteurs ne s’était autant ouvert à la lumière, au calme, à la sérénité. Évidemment tout est relatif : la quête affective de son petit protagoniste, boule d’énergie butée dans la grande tradition des héros dardenniens, ne va pas sans violence larvée, sans douleur et détresse éperdues. Mais cette fois elle est moins inféodée à la rage vive qui présidait aux films précédents, comme si la présence de Cécile de France la couvait de sa sollicitude et de sa protection. Son blondeur mordorée incline vers la douceur estivale d’un pique-nique improvisé, de quelques rires, d’un échange de sandwiches sous l’ombre d’un arbre. Et devant le portrait de ce gamin qui se cherche, s’égare, finit par trouver le chemin de sa vie, on est pas loin d’affirmer que, ça y est, les frères sont devenus lyriques. 5/6

Deux jours, une nuit
Ne pas s’arrêter au principe, qui pourrait cumuler les handicaps d’un argumentaire manichéen contre les méfaits du Capital. Car on le sait : les auteurs ne goûtent pas à l’idée simpliste et au raccourci typologique. L’aventure de Sandra (magnifique Marion Cotillard), cette combattante d’aujourd’hui à laquelle on s’attache comme à une bouée de survie, bouleverse parce qu’elle met en jeu des comportements universels de solidarité ou de détresse, de honte ou de repentance, de courage ou d’abnégation. Elle dessine un mouvement à la fois individuel et collectif, révèle la dignité d’une prise de conscience politique, la persévérance d’un amour qui soutient, relève, encourage, et favorise l’expression d’un héroïsme prosaïque mais admirable, jusqu’à la plus belle et logique des conclusions. L’Humanisme avec un grand H. 5/6
Top 10 Année 2014

La fille inconnue
À défaut de se renouveler, les Dardenne creusent à nouveau les questions de la culpabilité et du rachat et continuent de diagnostiquer un monde invisible, rejeté en marge de la représentation dominante. Une ferveur sèche et contrôlée a remplacé la fébrilité d’autrefois, qui pourrait générer l’impression d’un déroulé programmatique s’ils ne s’en affranchissaient en recourant à un personnage envisagé comme une force de résolution sans idéal, emporté par un élan moral que rendent transparent les nécessités de l’action, et délestant chacun, par la confession, d’une faute qui le ronge sans savoir qu’il la partage avec tous les autres. Même avec un film mineur (en regard des précédents), ce cinéma intime et politique reste plus stimulant, plus avisé, plus touchant que bien d’autres autopromus "engagés". 4/6

Le jeune Ahmed
En se confrontant au radicalisme islamique, les auteurs renouent avec leur veine la plus sèche et dénudée et analysent au gré d’une charpente grattée jusqu’à l’os non pas les mécanismes de l’embrigadement (aucune explication sociale ou psychologique n’y est donnée) mais ses conséquences irréparables. Si leur cinéma oscille d’ordinaire entre le pôle lumineux de la transcendance et celui beaucoup plus sombre du fatalisme, alors ce chapitre relève clairement du second en éludant le cheminement spirituel d’un être sans repères au profit de la froide succession de ses actes, de la soumission à la logique aveugle et toxique qui les motive. Bloc d’opacité qui le rend courageux dans son principe mais rigide dans son exécution, en manque de l’investissement affectif apte à lui insuffler une vraie force dramatique. 4/6


Mon top :

1. L’enfant (2005)
2. Deux jours, une nuit (2014)
3. Le fils (2002)
4. Le silence de Lorna (2008)
5. Le gamin au vélo (2011)


Top difficile à établir tant tout se vaut dans l’excellence ; à vrai dire je les aime tous autant. Très loin des clichés qui n’en finissent pas de leur coller à la peau (misérabilisme, déprime sociologique, vérisme glauque et j’en passe), les frères Dardenne comptent parmi les plus grands cinéastes contemporains. L’originalité fiévreuse de leur expression, la bienveillance et l’optimisme du regard qu’ils portent sur les personnages, leurs préoccupations morales, sociales et mêmes spirituelles me sont très chères.
Dernière modification par Thaddeus le 23 nov. 23, 16:11, modifié 10 fois.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99485
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Les frères Dardenne

Message par Jeremy Fox »

Si à priori ces réalisateurs avaient tout pour me plaire, je dois avouer m'être ennuyé à mourir à quasiment tous leurs films vus, c'est à dire leurs trois premiers (surtout Rosetta et Le Fils que j'aurais bien voulu finir en accéléré). J'ai décidé d'arrêter pour l'instant même si Le Gamin au vélo me semble être moins sombre. Je retenterais quand même dans quelques années.
jacques 2
Régisseur
Messages : 3172
Inscription : 17 mai 10, 17:25
Localisation : Liège (en Wallonie)

Re: Les frères Dardenne

Message par jacques 2 »

Stark a écrit :[L’enfant
L’enchaînement des films traduit une cohérence sans faille, une évolution qui approfondit les mêmes sujets sans jamais se répéter. Jadis fils de Gourmet, Jérémie Rénier est ici un jeune père immature. Là encore, les Dardenne filment son parcours tel un thriller innervé par un suspense haletant, avec autant de précision que de bienveillance, agençant chaque incident comme autant d’étapes vers la responsabilité et la prise de conscience individuelle. Bien au-delà de sa dimension sociale, ce cinéma-là a valeur de conte, de fable optimiste et généreuse, qui atteint son pic d’émotion lors de la bouleversante réconciliation finale, au parloir. 5/6
Mon Dardenne préféré ...
Comme quoi on peut apprécier des choses différentes : ici, on est dans un cinéma social, voire militant (ce qui n'a rien de péjoratif) mais sans faire de racolage politique qui ne se juge pas à la même aune ... qu'un film de QT, par exemple

Dans le contexte d'un tel film, la moindre scène de violence - morale ou physique - prend un relief extraordinaire ...

Rassure toi, Stark, je ne veux pas reparler ici de QT mais de niveaux de cinéma (sans que cela soit péjoratif pour l'un ou l'autre)

En outre, je connais fort bien - professionnellement parlant - le cadre social dans lequel évoluent ici les héros des frères Dardenne ...

"L'enfant " est à mes yeux un pur chef d'oeuvre d'un cinéma humaniste car tout sauf caricatural ...
Et ce n'est pas du chauvinisme belge mais un constat : ces cinéastes sont uniques et je suis fier qu'ils soient de mon pays et même de ma région :)
Répondre