Werner Herzog

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Anorya
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Re: Werner Herzog

Message par Anorya »

Signes de vie (Herzog - 1968).


Vers la fin de la seconde guerre mondiale, Stroszek, jeune soldat en convalescence, est envoyé avec sa femme en Crête dans la ville de Kos. Avec deux autres soldats il est chargé de veiller sur un dépôt de munitions à l'intérieur d'un château. Le temps passe et chacun essaye comme il le peut de faire quelque chose. L'inactivité sous un soleil de plomb règne. Stroszek sombre lentement dans la folie...

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C'est le premier long-métrage d'Herzog mais déjà tout semble à sa place, tout son univers est déjà inscrit en creux et pour un bon moment : l'inaction, la folie, la solitude, la tentation de l'homme de se rebeller contre quelque chose qui le dépasse, le temps qui s'effrite, un filmage documentaire... Pour relier les scènes, la voix-off (qui ressurgira très présente aussi dans Aguirre) qui appuie avec plus de lyrisme désabusé qu'il n'en faut des images pourtant banales. A contrario, quand la voix-off se tait, le silence et les plans contemplatifs envahissent avec magie l'écran livrant parfois de fort belles visions (des rues désertées avec des chèvres qui sortent d'un bus au loin, une plaine immense de milliers de moulins, des poissons dévorant du liège...).

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Ces "signes de vie" qu'offre alors la caméra, c'est aussi ce qu'aperçoit le soldat Stroszek en des plans parfois subjectifs ou suffisamment décalés, souvent au ras du sol. Ce pourrait aussi être toutes les petites activités qui bordent la vie inactive et ennuyeuse des soldats, cloîtrés dans cette forteresse, attendant vainement quelque chose. Loin de la guerre, si elle ressurgit encore, c'est bien chez le héros Herzogien qui se laissera aller à sa folie et à ses rêves de grandeur au point de se perdre dans quelque chose qui le broiera inexorablement. Les images sont fantastiques, dans un noir et blanc doux et parfois contrasté que vient souligner l'ambiance sonore décalée du film, entre guitare mélancolique (ça n'en renforce que plus l'aspect grandiosement pathétique de son anti-héros) et bourdonnement inquiétant.

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Comme dit Emmanuel Carrère dans un bel ouvrage qui était consacré alors au cinéaste en 1982 au moment de Fitzcarraldo (*), Signes de vie nous conte l'histoire d'un homme qui scrute un paysage, et, en filigrane, l'histoire d'un paysage qui s'empare d'un homme. Cette progression souterraine, insensible, procède par cercles concentriques et aussi par l'éclat même de la lumière. Le film est dévoré par la blancheur. On ne saurait pas si bien dire. C'est écrasés sous cette surexposition que lentement, presqu' imperceptiblement, l'inactivité casse le personnage et c'est à la vue de la blancheur totale d'une "armée" de moulins que Stroszek va défaillir et sombrer définitivement jusqu'a sa chute inéluctable. Pourtant, vite expédiée, ce n'aura pas été celle-ci qui aura intéressé le cinéaste mais un homme au faite de sa propre intensité. Stroszek n'a pas fait la guerre finalement, il a choisi de faire une guerre, coupée du monde humain.

Pour un premier film, Herzog livre un travail saisissant et passionnant.

4,5/6.






(*) Werner Herzog, par Emmanuel Carrère, éditions EDILIG, 1982, p.15. Il semble que l'ouvrage ne soit pas réédité actuellement. :|

:arrow: Lire aussi l'excellente chro' du dossier DVDClassik.
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Roy Neary
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Re: Werner Herzog

Message par Roy Neary »

12ème partie de l'Intégrale Werner Herzog est en ligne ! :)

Aujourd'hui, notre chroniqueur vous propose :arrow: Le Pays où rêvent les fourmis vertes (1982) ainsi que deux moyens métrage : La Ballade du petit soldat et Gasherbrum, la montagne lumineuse.
:arrow: Le Pays où rêvent les fourmis vertes & 2 moyens métrages
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Anorya
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Re: Werner Herzog

Message par Anorya »

Nosferatu, fantôme de la nuit (Herzog - 1979).
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Curieusement je préfère la jaquette de la bande originale plutôt que celle du DVD Gaumont même si celle-ci est bien faite.

A wismar, les habitants meurent par centaines : la peste est arrivée sur la ville et avec elle ses morts absurdes. Or, ce qui a propagé l'épidémie n'est autre que le comte Dracula, puissante créature maléfique qui vient de s'installer dans une maison vide de la ville, juste en face des époux Harker. Seule Lucy pourra sans doute arrêter le monstre en se sacrifiant...


J'ai longtemps repoussé le visionnage de ce film, ayant peur de me retrouver face à un énième remake (ma plus grande hantise) qui n'apporterait pas grand chose au mythe de Nosferatu apparu chez Murnau mais grandement inspiré du Dracula de Bram Stocker (un de mes livres de chevet). Mais dans le même temps je me doutais bien que le style d'Herzog, toujours à part, empêcherait clairement une simple reprise sans âme des motifs lié aux suceurs de sang.

Sans être une totale réussite à mes yeux, le film demeure pourtant des plus fascinants, nécessitant d'y revenir régulièrement avant de l'apprécier, la première fois constituant déjà en elle-même quelque chose d'étrange. Parce qu'ici, même si vous avez déjà passés le pont, les fantômes sont depuis longtemps déjà venus à votre rencontre. Ce que je vais dire dans ma chronique risque de faire un peu de redite par rapport à la chronique du film sur le site mais bon...

Déjà, et c'est le plus étonnant, nécessitant du spectateur un petit temps d'adaptation (certains détesteront d'ailleurs le film à cause de ça, la chronique de Classik le disant clairement), le film est un hommage pleinement revendiqué au muet et spécialement au film de 1921. Cela passe par les postures et gestuelles des acteurs qui, tendues, ralenties d'une seconde, opérant un surjeu et créant un décalage, comme si le passé revenait vers nous. Troublant. D'autant plus qu'Herzog cite à de très nombreuses reprises le film de Murnau, reprenant le même plan quand une infime variation n'a pas lieu.

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Puis, il faut souligner aussi plusieurs points importants qui contribuent à l'ambiance si particulière de ce film. Déjà, outre Klaus Kinski, on trouve alors pour la première fois chez le cinéaste, des acteurs connus (Adjani, Bruno Ganz), voire pour le folklore, des comédiens ayant déjà joués chez lui (l'assistant de petite taille à la fin par exemple) quand ce n'est pas des invités de passage qui ajoutent à l'outrance ou au décalage (Roland Topor en fait trop sur ce film je trouve...). Et puis, la dimension sonore ensuite. Comme pour de nombreux autres films d'Herzog on retrouve le groupe Popol Vuh à la musique mais l'utilisation qu'en fait le cinéaste s'avère des plus restreintes. Dans la bande originale (d'une grande beauté), on a près de 14 morceaux tous aussi passionnants oscillant entre folk et transe psychédélique avec des pointes d'ambiant. Pour le film, Herzog ne reprend que 2,3 morceaux tels que le Brüder des Schattens (qui devient un thème principal-leitmotiv réutilisé un peu à outrance mais qui fonctionne parfaitement) ou le Höre, der du wagst (pour les quelques moments de complicité du couple Harker). Certaines textures sonores ressurgissent même d'Aguirre curieusement, ce qui n'est peut-être pas si étonnant quand on y réfléchit.

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Car le film est autant dans la continuité de la filmographie d'Herzog que du romantisme pictural allemand auquel il renvoit. Adjani qui regarde les navires à la fenêtre, comment ne pas y voir un contrechamp de la femme à la fenêtre de Friedrich (le reflet des voiles de navires est particulièrement visible à la fenêtre) ? Le jeune Harker se reposant à flanc de montagne ou de falaise, comment ne pas penser au berger Hias de Coeur de verre qui semble dominer le monde. Et cette brume qui ressort de la solitude de l'homme face à la nature aussi bien chez Friedrich que Herzog... D'autant plus qu'esthétiquement, la photographie du film est aussi belle que celle de Coeur de Verre, créant d'étranges tableaux à l'écran.

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A droite, Femme a la fenêtre, 1822, Caspar David Friedrich. On peut le trouver en évidemment plus grand par ici.


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Jonathan Harker se reposant sur les pentes (à gauche), Hias sur la montagne dans Coeur de Verre (milieu), Moine au bord de la mer -1808,1810- Caspar David Friedrich (à droite).
Pour en voir une meilleure version, plus grande, c'est par ici.

Et puis, outre le fait qu'Herzog s'approprie totalement le matériau d'origine afin de le faire totalement sien (en plus des nombreux détails inhérents au film de 79 qui ne sont pas dans celui de 21, la fin change radicalement en apportant une surprise glaçante), il faut noter que sa vision de la créature (le nosferatu) se charge d'une profonde empathie. Chez le cinéaste traitant de la solitude comme de la folie humaine, on pouvait s'attendre à prendre de pitié le vampire et c'est d'ailleurs ce qui se passe. Ce magistral tour de force nous fait amplement comprendre l'enfermement d'un être au délà des siècles et cette chaleur humaine, cet amour, sentiment ô combien trop humain, qu'il se plaît alors à espérer. Nosferatu devient dès lors une créature pathétique et terriblement bien plus humaine qu'on pouvait s'y attendre au sein de ce film étonnant et passionnant.

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Et au passage...





4/6.
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gnome
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Re: Werner Herzog

Message par gnome »

Belle chronique Anorya. Tu m'as furieusement donné envie de revoir ce film dont finalement, je ne me rappelle plus grand chose tellement la vision est lointaine.
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Anorya
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Re: Werner Herzog

Message par Anorya »

Je ne le considère pas comme un grand film d'Herzog mais son ambiance est assez spéciale, aussi hypnotique que celle d'Aguirre. Il y a clairement quelque chose d'étrange qui plane dans le film... :wink:
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styx
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Re: Werner Herzog

Message par styx »

Le documentaire de Werner Herzog sur la grotte Chauvet, va bientôt apparaître sur les écrans français, j'ai choppé l'info en regardant la chaîne de télé française Public Senat, toute une émission consacrée à la grotte, datant de 35000 ans. La conservatrice a parlé un peu du film de Herzog, elle ne tarissait pas d'éloge sur ce grand artiste, ce qui ne l'a pas empêchée d'imposer des restrictions de tournage très stricts (ça se dit des restrictions très stricts!? :roll:) , ce que Herzog, en passionné du lieu, a naturellement respecté, peu de lumière, et Quatre personnes pas plus sur quatre heures de tournage (à vérifier mais c'est dans le genre), elle a aussi commencer à expliquer comment l'équipe d'Herzog avait modifier la caméra 3D volumineuse (OUI!! c'est de la vrai 3D, ça va être génial!!!!)pour accéder à certains lieux de tournage (camera à l'épaule d'après ce que j'ai cru comprendre...) mais le crétin de présentateur l'a coupée net pensant que ça n'intéresserait personne :evil: et on a vu un extrait, Bon pour moi c'est l'oeuvre d'art absolu de l'humanité, alors j'aurais du mal à expliquer ce que j'ai ressenti, mais bon, je donne l'info des fois que ça sorte par chez vous, et je ne sais pas comment il sera distribué. :)
Dernière modification par styx le 4 juin 11, 17:51, modifié 1 fois.

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Re: Werner Herzog

Message par phylute »

Comme c'est Metropolitan qui le distribue, on peut espérer qu'un certain nombre de copies soient tirées.
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Re: Werner Herzog

Message par Anorya »

phylute a écrit :Comme c'est Metropolitan qui le distribue, on peut espérer qu'un certain nombre de copies soient tirées.
Bonne nouvelle alors car c'est une de mes plus grosses attentes. :)
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Re: Werner Herzog

Message par phylute »

Anorya a écrit :
phylute a écrit :Comme c'est Metropolitan qui le distribue, on peut espérer qu'un certain nombre de copies soient tirées.
Bonne nouvelle alors car c'est une de mes plus grosses attentes. :)
Sortie le 31 août. le truc, c'est trouver une salle plutôt Art et essai équipée en 3D, car pas sûr que ce soit vraiment à l'affiche des multiplexes :?
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Re: Werner Herzog

Message par Anorya »

phylute a écrit :
Anorya a écrit : Bonne nouvelle alors car c'est une de mes plus grosses attentes. :)
Sortie le 31 août. le truc, c'est trouver une salle plutôt Art et essai équipée en 3D, car pas sûr que ce soit vraiment à l'affiche des multiplexes :?
Qui sait ? J'ai vu Pina en 3D au UGC des Halles. Le Herzog pourrait sans doute avoir des chances d'y passer... :o
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Re: Werner Herzog

Message par phylute »

Anorya a écrit :Qui sait ? J'ai vu Pina en 3D au UGC des Halles. Le Herzog pourrait sans doute avoir des chances d'y passer... :o
Oui, c'est vrai. Je me base plus sur mon expérience des multiplexes de province où c'est peut-être moins évident qu'à Paris, mais pourquoi pas ?
En tout cas grosse grosse hâte de découvrir la chose également :D
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Re: Werner Herzog

Message par styx »

Bon j'ai donné l'info à chaud donc je sais même pas la durée du métrage, et j'ai vu en 2D, alors qu'évidemment il y a 35000 ans ces artistes de génies travaillaient en 3D et en perspective :) l'un des intervenant, un scientifique qui travaille sur la grotte depuis des années a dit que c'était la meilleure chose pour rendre l'hommage à ce joyau qu'il lui soit arrivé de voir, bien mieux que les reproductions même bien fichues par "projection" à l'aide de reconstitutions fidèles par ordinateurs sur des supports "en durs", mais cela va de soit, bon c'est vraiment pour ceux qui apprécient l'Art et qui comprennent celui de l'époque, que Herzog n'aie pas pu travailler comme il devait en rêver, doit aussi être pris en compte, mais on connaît le bonhomme et son aptitude avec les contraintes de tournage :D Mais le présentateur de l'émission est vraiment le genre à prendre le téléspectateur pour un con...genre, il demandait si le rouge autour des mains en "négatif" était d'époque :shock: c'est ça, on a appelé Bansky pour mettre un peu de pigment :roll: ce que j'ai vu sur mon écran était déjà du niveau du Guernica de Picasso, alors j'ai vraiment hâte de voir ça sur écran.

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Roy Neary
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Re: Werner Herzog

Message par Roy Neary »

La 13ème partie de l'Intégrale Werner Herzog est en ligne ! :D

Aujourd'hui, notre chroniqueur vous propose Cobra Verde (1987) ainsi que Ennemis intimes (1999).
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Shin Cyberlapinou
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Re: Werner Herzog

Message par Shin Cyberlapinou »

Le texte (en anglais) lu est une "histoire pour enfants pour les adultes" qui a connu un vrai succès aux USA, et je pense que les mômes à Herzog allaient se coucher à l'heure. Toujours.

http://www.youtube.com/watch?v=4sHk75RqEmE

Il y a aussi une version lue par Samuel L. Jackson:

http://www.youtube.com/watch?v=U550Gxh5voY
Tom Peeping
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Re: Werner Herzog

Message par Tom Peeping »

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La grotte des rêves perdus / 2010
Un magnifique documentaire (ou document plus exactement car ce film sera pour nous la seule possibilté de découvrir cette grotte d'Ardèche découverte en 1994 et qui restera pour toujours fermée au public) dans lequel Herzog, on le sent bien, se retient de partir dans ses digressions habituelles, tout ému qu'il est d'avoir eu le privilège unique de filmer dans la grotte Chauvet. Il se laisse bien aller deux ou trois fois à ses excentricités (notamment ici, avec la séquence des crocodiles albinos) mais tout le reste est un hommage sincère et bouleversé aux hommes préhistoriques qui ont peint ce chef-d'oeuvre de l'art pariétal (de l'art tout court, la grotte Chauvet étant un des plus grands trésors de l'Humanité) il y a plus de 30.000 ans. Les images tournées dans la grotte à partir d'une passerelle métallique dont l'équipe ne pouvait pas s'éloigner pour ne pas abîmer les sols sont entrecoupées d'interventions de quelques scientifiques et spécialistes du lieu qui mettent en contexte les peintures de la grotte. C'est la partie la moins intéressante du film car celle qui se rapproche le plus d'un documentaire classique. Mais toutes les scènes filmées dans la caverne dégagent une magie que peu de films réussissent à atteindre. L'idée de génie de Herzog a été d'utiliser la 3D qui, pour une fois (la seule fois jusqu'à présent ?) n'est pas simplement un truc technique au fort potentiel marketing. Le relief que l'on découvre avec les lunettes sur le nez est celui de la grotte elle-même : le travail des artistes préhistoriques, qui utilisèrent avec une créativité stupéfiante les accidents et reliefs de la roche, prend une dimension qu'aucune reproduction photo en 2D ne peut évoquer. J'ai toujours été dubitatif sur l'intérêt de la 3D au cinéma : avec ce film, il m'a au sens propre sauté au yeux. Evidemment, le film n'aura qu'un succès d'estime (il y avait peu de monde dans la salle de Montpransse où je suis allé le voir il y a deux jours alors que le film est en première semaine) mais je le conseille plus que vivement. Herzog face aux artistes anonymes d'il y a 300 siècles, c'est une rencontre à ne pas manquer. Et au-delà du talent d'Herzog, qui imagine (et il a raison) l'art de la grotte Chauvet comme un très lointain proto-cinéma par son utilisation de l'ombre et de la lumière et par certains effets dynamiques des compositions peintes, c'est surtout la découverte des ces peintures uniques au monde (les plus anciennes connues), de ces frises de chevaux, de lions, de rhinocéros qui fait de ce film un intense moment d'émotion. C'est vraiment un beau cadeau pour le spectateur que de lui permettre de s'immerger grâce à ce film sans pareil dans l'abîme de l'art et du temps.
... and Barbara Stanwyck feels the same way !

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