E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Demi-Lune
Bronco Boulet
Messages : 14958
Inscription : 20 août 09, 16:50
Localisation : Retraité de DvdClassik.

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Demi-Lune »

AtCloseRange a écrit :Sauf que la phrase de Spielberg sur Williams, je ne l'ai pas inventée (artistiquement, elle me choque) et elle n'a fait que confirmer après coup ce que je pensais notamment d'ET.
Mais cette citation (que je ne connaissais pas, d'ailleurs) contient une réalité qu'on peut appliquer à des tas de films et de réalisateurs. Le cinéma muet n'obéissait-il pas à la même démarche ? Je ne vois pas vraiment ce qu'elle a de choquant. Car que dit-elle vraiment ? Elle dit que la musique de film sublime les images qui peuvent en elles-mêmes être porteuses d'émotion. Par exemple, qui s'insurge de la fin du Parrain 3, où Coppola rajoute au déchirement vécu par les personnages, et atteignant le paroxysme avec le hurlement de Pacino, la musique bouleversante de Mascagni ? Personne. Parce que tout s'agence de manière symbiotique et que de cette symbiose naît une rare magnificence.
Ce que Spielberg dit ici au sujet de l'impact émotionnel de la musique de Williams (dont l'association est fusionnelle, Williams a souvent dit que Spielberg pensait sa mise en scène en termes musicaux : "Il ne ressent pas comme un échec l'arrivée de l'orchestre dans une scène. Pour lui, il fait partie de la nature du cinéma"), me semble tout autant vrai par exemple de l'association Leone/Morricone où la puissance lyrique et/ou opératique de la musique transporte définitivement les moments où l'émotion est censée se produire. Dans Il était une fois dans l'Ouest que j'ai revu pas plus tard qu'hier, des morceaux bouleversants comme "Jill's America" ou l'envolée des cordes et des chœurs de "Man with an harmonica" sont autant porteurs d'émotion brute que l'est le finale musical d'E.T.. Alors, y a-t-il un "chantage à l'émotion" comme tu dis quand la musique éclate avec le travelling arrière dans Monument Valley, avec le frère pendu ? L'utilisation de la musique chez Leone et Spielberg est assez similaire dans la mesure où la musique fournit des informations-clés au spectateur : elle n'est pas là en simple accompagnement, elle bat le tempo de l'histoire et est partie prenante de la narration. Car si l'on enlève la musique de Morricone, les images de Leone sont belles, très travaillées, mais l'émotion, la puissance, n'est indiscutablement pas la même - et pour cause, puisque la musique fait office de narrateur. C'est pareil pour E.T. où le chagrin d'Elliot de voir partir E.T. est mieux traduit par le crescendo symphonique que par le dialogue, volontairement minimaliste, ou l'intimisme de ces adieux.

Pierre Berthomieu, dans le monumental Hollywood moderne, consacre une longue analyse (pp. 583-588) sur les caractéristiques et la philosophie cinématographiques de la musique de John Williams, qu'il défend avec admiration et conviction ; voici un extrait en lien avec tes critiques :

"Max Steiner rappelait que la musique composée pour l'écran doit se faire remarquer. Il en vantait la valeur musicale et professait que l'oreille devait entendre ce que l'oeil voyait. Le pouvoir de la grande musique parut terrible à beaucoup de cinéastes modernes. Ainsi naquit un nouveau cliché : le manque de confiance dans l'image nourrissait le recours à la musique. La musique de John Williams qui, avec celle de l'immense Jerry Goldsmith, domine le paysage musical cinématographique américain pendant plusieurs décennies hérite en toute conscience de ces débats classiques. Mais, avec Steven Spielberg, il démontre sans difficulté la vacuité du cliché. La musique manipule ? Les autres aspects du cinéma le font-ils moins ? [...] Spielberg a confiance en ses images : aussi peut-il accueillir la voix forte de John Williams. [...] Sa conception musicale a ravivé le symphonisme de Steiner et Korngold, dont il conjugue le lyrisme et le dynamisme, tout en retrouvant probablement une nostalgie du muet et de l'accompagnement constant."
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54631
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Flol »

Et à signaler que dans le cas précis de E.T., il s'était passé quelque chose de particulier concernant la longue séquence finale : Spielberg et son monteur n'arrivaient alors pas du tout à se dépêtrer du montage de cette séquence, ne sachant pas comment y donner le bon rythme, comment y faire naître l'émotion.
Ce qu'a donc fait Spielberg, c'est demander à Williams de composer la musique sans les images, et à l'inverse de ce qui se fait habituellement, ce sont les images qui sont venues se coller à la musique.
En sachant ça, il n'est donc pas étonnant de voir la relation quasi fusionnelle qu'il existe aussi bien entre Williams et Spielberg, qu'entre images et musique.
Strum
n'est pas Flaubert
Messages : 8464
Inscription : 19 nov. 05, 15:35
Contact :

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Strum »

Moi non plus, je ne suis pas choqué par cette citation (qu'on ne trouve pas d'ailleurs dans les "personal quotes" d'imdb pourtant assez exhaustives en général ; d'où vient-elle ?). Spielberg y montre à mon sens simplement, de manière imagée (on peut discuter de la pertinence de l'image, mais il n'est pas écrivain et ce n'est pas son boulot de faire des métaphores), et avec une candeur qui lui est assez coutumière, combien il valorise sa collaboration avec Williams, combien il n'imagine pas son cinéma sans la musique de Williams, et sans la musique tout court.

"If I weren't a director, I would want to be a film composer." a-t-il aussi dit.
jacques 2
Régisseur
Messages : 3172
Inscription : 17 mai 10, 17:25
Localisation : Liège (en Wallonie)

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par jacques 2 »

Tous ces arguments et explications sont belles et bonnes voire très intelligentes et raisonnées : mais cela n'empêchera pas le ressenti de certains ...
Et heureusement, aurais je envie de dire : on tend déjà assez comme cela à l'uniformisation sans devoir tous aimer les mêmes choses ...
La sincérité, je la ressens davantage dans un mélo de Sirk, entre autres exemples ...
Alors oui, le cinéma est toujours une - plutôt noble - manipulation à laquelle nous adorons souvent nous abandonner ...

Sauf que, dans le cas qui nous occupe, les ficelles sont tellement grosses à mes yeux qu'elles m'amènent à me cabrer ...

Mais je n'ai pas découvert ET étant enfant et cela doit compter pour beaucoup évidemment : un enfant n'intellectualise pas, il ressent et, à ce titre, le film est évidemment inoubliable pour beaucoup d'ex-têtes blondes ...
Et c'est très bien ainsi ... :wink:
Cortez The Killer
Accessoiriste
Messages : 1541
Inscription : 11 mars 10, 11:01
Localisation : Quelque part dans Bedford Falls

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Cortez The Killer »

Strum a écrit :Moi non plus, je ne suis pas choqué par cette citation (qu'on ne trouve pas d'ailleurs dans les "personal quotes" d'imdb pourtant assez exhaustives en général ; d'où vient-elle ?). Spielberg y montre à mon sens simplement, de manière imagée (on peut discuter de la pertinence de l'image, mais il n'est pas écrivain et ce n'est pas son boulot de faire des métaphores), et avec une candeur qui lui est assez coutumière, combien il valorise sa collaboration avec Williams, combien il n'imagine pas son cinéma sans la musique de Williams, et sans la musique tout court.

"If I weren't a director, I would want to be a film composer." a-t-il aussi dit.
La citation en question provient de la "bible" conçu par Tavernier et Coursodon "50 ans de cinéma américain" :wink:
Strum
n'est pas Flaubert
Messages : 8464
Inscription : 19 nov. 05, 15:35
Contact :

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Strum »

Cortez The Killer a écrit :La citation en question provient de la "bible" conçu par Tavernier et Coursodon "50 ans de cinéma américain" :wink:
Merci. :)
Strum
n'est pas Flaubert
Messages : 8464
Inscription : 19 nov. 05, 15:35
Contact :

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Strum »

Et pour ceux qui n'ont pas les oreilles défrisées par Williams : :mrgreen:



Avatar de l’utilisateur
Demi-Lune
Bronco Boulet
Messages : 14958
Inscription : 20 août 09, 16:50
Localisation : Retraité de DvdClassik.

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Demi-Lune »

Ce morceau à la harpe est également magnifique :

someone1600
Euphémiste
Messages : 8853
Inscription : 14 avr. 05, 20:28
Localisation : Québec

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par someone1600 »

Ca donne envie de regarder ET. :D
jacques 2
Régisseur
Messages : 3172
Inscription : 17 mai 10, 17:25
Localisation : Liège (en Wallonie)

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par jacques 2 »

Ou pas ... :mrgreen: :fiou:
Beck
Mytho Boy sans spoiler
Messages : 5016
Inscription : 23 févr. 07, 11:54
Localisation : alif-lam-mim

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Beck »

jacques 2 a écrit :Ou pas ... :mrgreen: :fiou:
+1

ouais j'aime bien ce type.
Image
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54631
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Flol »

Demi-Lune a écrit :Ce morceau à la harpe est également magnifique :

Aaahhh ce "Friendship Theme"...une merveille absolue.
Comment peut-on dire que la musique de Williams est envahissante après avoir entendu ça ? :o
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99496
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Jeremy Fox »

Tiens, je n'avais encore pas dit que j'avais découvert ce film en salles le jour de sa sortie (j'avais 15 ans), que j'en étais ressorti émerveillé, les yeux embués (comme les 3/4 de la salle ; je crois n'avoir jamais revu ça) et que, le redécouvrant 25 ans après sur DVD, j'ai ressenti exactement la même émotion, la splendide musique de John Williams y étant aussi pour quelquechose.
Avatar de l’utilisateur
Evènementiel mon Chablis !
Messages : 11574
Inscription : 23 janv. 04, 22:36
Localisation : Dans un fût de chêne

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par »

Jeremy Fox a écrit :Tiens, je n'avais encore pas dit que j'avais découvert ce film en salles le jour de sa sortie (j'avais 15 ans), que j'en étais ressorti émerveillé, les yeux embués (comme les 3/4 de la salle ; je crois n'avoir jamais revu ça) et que, le redécouvrant 25 ans après sur DVD, j'ai ressenti exactement la même émotion, la splendide musique de John Williams y étant aussi pour quelquechose.
J'en avais 11 (j'avais fait semblant de ne pas avoir pleuré alors que mes parents étaient en larmes), et j'ai patiemment attendu sa première diffusion sur Canal en 1990 à 23 h 00 (première mondiale à la télé me semble-t-il) pour le revoir, du moins la dernière demi-heure : j'étais allé voir Le Parrain 3 ce soir-là à la séance de 21 h 00. Mauvais calcul question timing.
J'ai pleuré deux fois dans la même soirée.
Avatar de l’utilisateur
hansolo
Howard Hughes
Messages : 16025
Inscription : 7 avr. 05, 11:08
Localisation : In a carbonite block

Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par hansolo »

E.T. l'extraterrestre - Comparaison VF1982 et VF2002


Ca se passe de commentaires ...
- What do you do if the envelope is too big for the slot?
- Well, if you fold 'em, they fire you. I usually throw 'em out.

Le grand saut - Joel & Ethan Coen (1994)
Répondre