J’avais vu la nouvelle version sortie au cinéma il y a un an et demie environ et je l’avais étonnamment apprécié. La découverte du fame version Alan Parker constitue donc une séance de rattrapage bienvenue. En soit, ça me fait un peu de peine à voir que les principales qualités que j’avais attribué au film de Kevin Tancharoen proviennent de l’œuvre originelle. J’ai ainsi découvert avec un peu de peine qu’une séquence épatante comme celle de la cantine (passage au combien plus intéressant que la danse dans la rue sur la chanson titre soit dit en passant) était issu du Parker et que Tanchaeron n’a que mollement dépoussiéré l’idée. Il en va de même pour tout le discours sur la célébrité et l’exigeant travail artistique que celle-ci appelle. Cela dit, dans une version comme dans l’autre, la pertinence du propos tient plus dans sa capacité à saisir l’énergie de la jeunesse que dans un travail d’écriture très poussé. Les personnages restent prisonniers de conventions et si ils suscitent de l’émotion, c’est surtout grâce au travail accompli sur la direction d’acteur (voir les poignantes confessions liées à la partie enseignement dramatique). Odelay félicitait le travail de narration du film. Je crois que c’est plutôt le montage du film qui est marquant avec sa capacité de jongler entre plusieurs personnages et son utilisation dans sa manière de faire ressentir le chaos de la création artistique (l’ouverture avec les auditions reste ma partie préférée du film). Il y a quelques imperfections dedans (Coco se fait humilier de la pire des manière par un pervers et on la retrouvera sans transition toute pimpante pour le grand final) mais cette capacité à nous placer au plus près de ses personnages est fort attachante. Maintenant faudrait que je rejette un œil au remake bêtement clinquant pour savoir si il tient le coup de la comparaison.
Evita est le genre de film qui fait peur avant même qu’on mette un pied dedans. Tout semble orchestré pour obtenir l’objet le plus balourd qui soit : une adaptation du spectacle d’Andrew Lloyd Webber ("le pire truc qui soit arrivé à la comédie musicale" comme le dit Stewie dans family guy), une Madonna au faite de sa gloire dans un rôle qui lui va comme un gant (celui d’une diva arriviste qui "ne dit pas grand chose mais le crie très fort"), un scénario signé par Oliver Stone, un Antonio Banderas qui semble là pour satisfaire un caprice de la star (ceux qui ont vu in bed with Madonna comprendront), un projet gigantesque de reconstitution avec milliers de figurants et cinémascope. Vu ses capacités à sombrer dans la balourdise la plus crasse sans avoir à gérer une telle ménagerie, Alan Parker allait devoir se surpasser pour réussir à empêcher le navire de couler. En soit, je peux rapidement comprendre ce qui l’a attiré dans l’entreprise. L’expérience est fort similaire à the wall avec son approche conceptuel de raconter son film uniquement par la musique. Outre la prestance dont il fait preuve en matière visuel (l’étalage des moyens à disposition est impressionnant et le directeur de la photographie Darius Khondki n’en loupe pas une miette pour nous en mettre plein la gueule), il fait fonctionner Evita principalement grâce à cette approche où tout passe par le prisme surréaliste de la musique. Cela demande bien sûr d’accepter le style Webber. Pour goûter à quelques magnifiques envolées, il faut ainsi être indulgent face à des variations sorties d'on ne sait où (difficile de ne pas lever les yeux au ciel lors de certaines irruptions rock) et un sens du rythme déplorable (pour ne pas dire inexistant). Je trouve pourtant un caractère hypnotisant au faste boursoufflé de cette production, à l’image de la description typiquement stonienne de l’ambiguë personnage titre (on se demande tout le long si il faut la détester ou l’aimer). Evita est un film qui pousse à bout l’endurance de son spectateur (trop de notes, mon cher Andrew) mais il y a de l’ambition dedans et ça ne peut pas me laisser indifférent.