Bertrand Tavernier (1941-2021)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Rick Blaine
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Federico a écrit :
Avec Verneuil, de Broca, Truffaut, Godard et quelques autres peut-être aussi. :wink:
Sans oublier en France, le plus doué à mon avis dans l'utilisation du scope, Bruno Dumont.
Un argument supplémentaire pour que je découvre cette auteur dont je ne connais strictement rien.
Akrocine
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Akrocine »

Retrouvez l'interview complète ci-dessous, en streaming ou en téléchargement aux formats HD, Quicktime ou iPod :

http://cinema.jeuxactu.com/interview-dv ... -13476.htm
"Mad Max II c'est presque du Bela Tarr à l'aune des blockbusters actuels" Atclosetherange
riqueuniee
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Re: Bertrand Tavernier

Message par riqueuniee »

Federico a écrit :Je vais sortir un truc idiot mais Le juge et l'assassin est le type même du film qui a les défauts de ses qualités et inversement. C'est un trait assez souvent propre au cinéma de Tavernier, cinéaste talentueux, excellent directeur d'acteurs (sans doute un des meilleurs avec Sautet qu'il admirait je crois beaucoup), cinéphile boulimique et passionné (son DVDblog est une mine !) mais qui parfois emporté par son élan et sa saine vitalité vindicative pèche par des démonstrations un peu appuyées (j'écris ça d'autant plus facilement que je suis souvent d'accord avec ce qu'il veut faire passer).
Le juge et l'assassin est donc un grand film, par moment gâté par des séquences un peu trop démonstrativement lourdes. Je pense à celle de la soupe populaire qui a le même défaut que le final pré-révolutionnaire de Que la fête commence. On les dirait sortie d'un film soviétique des années 20.
Moi, j'aime bien les films soviétiques des années 20.. (enfin, pas tous)...
Plus sérieusement, je trouve ce film remarquable, et je ne lui trouve pas lourdeurs démonstratives , pas plus que dans Que la fête commence
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Re: Bertrand Tavernier

Message par riqueuniee »

ballantrae a écrit :Entièrement d'accord avec toi car tout de même l'horloger..., que la fête commence, coup de torchon, un dimanche à la campagne,Round midnight, La vie et rien d'autre, L'appât, Conan, ça commence aujourd'hui, Laissez passer, Electric mist... ce n'est pas rien!!!
Quant aux inrocks, leurs rétrospectives et top ten se passent de commentaires: ces dernières années, ont été plébiscités pour ne retenir que le pire, twilight, Le dalhia noir, le "film" de Ph Katerine, L'esquive, Tropical malady, Brown bunny... et oui, cela ne ressemble en rien au cinéma défendu par BT!
Et les cahiers ne font guère mieux...
J'aime être déstabilisé par un film entre autres expériences (j'adore Gerry, Bella Tarr, Japon de Reygadas,Sombre de Grandrieux...) mais contrairement à ces professionnels, je fuis les postures car elles ne me sont pas nécessaires professionnellement parlant.Détester BT, dire qu'il fait des téléfilms ORTF(j'ai crû lire cela pour la princesse dans les inrocks...)ne fait que discréditer les poseurs qui profèrent de telles âneries.
Et par ailleurs, BT est un vrai cinéphile lui qui possède une vraie culture cinéphilique, livresque et historique...et j'ai des doutes sur la solidité d'un Kaganski ou d'un Lalanne... ou plutôt , je n'en ai pas !
D'accord globalement aussi. Même si je suis un peu r&servée sur La Princesse de Montpensier, qui m'a semblé un peu moins réussi que ses autres films historiques (notamment à cause de faiblesses dans l'interprétation).
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Jeremy Fox
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Jeremy Fox »

Ce soir sur Arte, le très attachant Une Semaine de Vacances
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Federico »

Jeremy Fox a écrit :Ce soir sur Arte, le très attachant Une Semaine de Vacances
Et avec un Galabru aussi remarquable et complexe que dans Le juge et l'assassin, ce qui n'est pas rien.
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Demi-Lune
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Demi-Lune »

Nestor Almendros a écrit :UNE SEMAINE DE VACANCES (1980)

Redécouvert cette oeuvre pessimiste d'un Tavernier déjà penché sur les crises de notre société et en particulier sur le problème éducatif (thème qu'il retrouvera 20 ans plus tard avec l'excellent CA COMMENCE AUJOURD'HUI). Il décrit le mal-être d'une jeune prof de collège, une jeune femme en pleine dépression existentielle. Le personnage de Laurence (Nathalie Baye) ne se reconnait plus dans le système et porte un regard réellement désabusé sur la jeunesse qu'elle cotoie quotidiennement.
Le film est un peu le portrait d'une profession qui doit se reconstruire, trouver une parade aux mutations de la jeunesse. Il est encore question (car c'est toujours d'actualité) de savoir comment capter l'attention d'élèves qui ont du mal à se concentrer longtemps, et déjà attirés par la télévision. On ne peut que s'interroger devant Laurence qui questionne ses élèves sur le programme tv de la veille qu'ils ont forcément dû regarder. On attire en nivellant par le bas, en trouvant le seul détail (peu exigeant, donc efficace) qui leur parlera. Cela fait peur...
Si les tourments intérieurs de la jeune femme son montrés avec beaucoup de délicatesse, les causes sont en même temps très abstraites. Et le film est finalement plus "efficace", parce que plus concret, quand il évoque les problèmes éducatifs de l'époque. Plus que par le malaise d'une profession, j'ai été davantage intéressé par les réflexions de Tavernier sur le sujet éducatif.
Par exemple, le prof n'est plus la figure respectée d'antant, qui est bousculée depuis les soubresauts de 68. Les programmes changent continuellement, souvent dans l'expérimentation, les élèves deviennent ainsi des cobayes et surtout les cours deviennent du gavage d'informations. On leur remplit la tête sans leur donner le moyen de digérer tout cela suffisamment (Laurence souligne souvent "leur manque d'imagination", leurs rédactions remplies de lieux communs). Il y a cette jeune élève, touchante, qui apparait plusieurs fois dans le film (lequel se termine d'ailleurs sur elle). Elle incarne l'insuccès d'un système qui prend en compte la globalité des élèves sans s'intéresser aux cas particuliers: les plus faibles, ceux qui comme elle ont du mal à comprendre facilement les cours, sont systématiquement laissés de côté au profit d'un marathon imperturbable. Le personnage de Galabru est un rescapé des failles de ce système, car c'est un ancien cancre qui a survécu à une éducation trop rigide et qui rappelle à Laurence ses souvenirs finalement intemporels.
Ce qui est troublant, c'est le discours toujours très actuel de ce film qui a pourtant (déjà) 30 ans. L'impression amère qui s'en dégage n'en est que plus forte: les conditions se sont aggravées et les solutions toujours pas à l'horizon... Ainsi, le final se garde-t-il bien de tout triomphalisme: Laurence retrouve suffisamment de force et de motivation pour revenir à sa passion (l'éducation). Mais le système, lui, n'a pas changé d'un pouce.
Je suis flemmard sur ce coup-là, alors je cite le commentaire dans lequel je me retrouve le plus.
Nestor a parfaitement mis en avant la subtilité et (douloureuse) pertinence du sous-texte sur l'état de l'enseignement scolaire en France, qui plus de 30 ans plus tard, revêt toujours sa force et sa vérité. Même si l'issue du film entrouvre un certain espoir, sinon optimiste, du moins volontariste (le personnage de Nathalie Baye s'accroche à son métier car l'interdépendance qui se crée dans l'action de professer lui donne un but dans sa vie), le constat global tiré par Tavernier demeure amer et sinistre, entre ces profs tétanisés par leurs états d'âme et bousculés par des réformes aberrantes, ces classes ingérables et dénuées de toute envie d'apprendre, ces élèves en difficulté que le système, inadapté, digère inexorablement, etc. Plusieurs personnages y font parfois référence au détour d'un dialogue, et c'est effectivement un regard des plus critiques sur les conséquences à terme de mai 68 sur le système éducatif français qui est porté ici. Mais Une semaine de vacances m'a également plu pour la délicatesse de son portrait de femme, à la croisée des chemins, victime d'un mal-être et d'une crise de foi professorale sur lesquels elle a du mal à mettre des mots, mais qui m'ont personnellement touchés pour les échos profonds qu'ils entretiennent avec une angoisse et un malaise que je connais bien. Tavernier a l'intelligence de ne pas faire passer le sous-texte social en force au détriment de son personnage principal, que l'on suit tout du long avec sympathie grâce à la très bonne prestation de Nathalie Baye. Et puis, question mise en scène, c'est carrément d'un autre standing que Holy Lola. Plans-séquences foisonnants, cadrages soignés, utilisation merveilleuse du Scope, photographie extrêmement travaillée dans ses contrastes et ses couleurs chaudes, c'est du tout bon !
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Flol »

Demi-Lune a écrit :Et puis, question mise en scène, c'est carrément d'un autre standing que Holy Lola. Plans-séquences foisonnants, cadrages soignés, utilisation merveilleuse du Scope, photographie extrêmement travaillée dans ses contrastes et ses couleurs chaudes, c'est du tout bon !
Quitte à me répéter...mais tu vas vraiment t'en prendre plein la gueule devant Un Dimanche à la Campagne ! :o
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Demi-Lune
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Demi-Lune »

Ratatouille a écrit :
Demi-Lune a écrit :Et puis, question mise en scène, c'est carrément d'un autre standing que Holy Lola. Plans-séquences foisonnants, cadrages soignés, utilisation merveilleuse du Scope, photographie extrêmement travaillée dans ses contrastes et ses couleurs chaudes, c'est du tout bon !
Quitte à me répéter...mais tu vas vraiment t'en prendre plein la gueule devant Un Dimanche à la Campagne ! :o
Figure-toi qu'il passe bientôt sur Arte ! J'ai mon billet de réservation ! :o
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Dunn »

Comme Demi-Lune, beaucoup aimé ce Tavernier, pour les mêmes raisons, je rajouterai juste que le personnage de Lanvin apporte une chaleur et un humour dans ce film au final assez pessimiste (et finalement très avance sur son temps, on imagine plein de profs dépressifs maintenant), son personnage est touchant, attachant et apporte le peu qu'il peut et l'envie d'aider Laurence, très jolie personnage interpretèe par Baye (magnifiquement filmé notamment ce plan au dos nue dans son lit )...
Et merci Arte de me faire découvrir les premiers Tavernier (les derniers je les ai tous vu au cinéma même Holy Hola que j'aime malgrè ses quelques défauts)...vivement "un dimanche à la campagne".
Joe Wilson
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Joe Wilson »

Un dimanche à la campagne

Un film qui emporte par la beauté de sa lumière, par la délicatesse avec laquelle Tavernier consacre un univers pictural et musical.
Dans leur légèreté, certaines séquences diffusent un enchantement, l'émotion simple d'un présent que l'on voudrait toujours prolonger. Puis chaque protagoniste se heurte à l'angoisse de la mort, à la vision floue et incertaine d'une finitude. Tavernier intériorise cette fragilité, qui s'impose au-delà des rigueurs, des apparences d'une famille de 1912.
La méditation d'une pensée et la tendresse parfois maladroite des paroles provoquent un mouvement permanent, saisi par la précision et la fluidité de la mise en scène. Et lorsque ces deux univers se confondent, l'équilibre atteint (lors de la scène de la guinguette entre Sabine Azéma et Louis Ducreux) semble presque miraculeux.
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Dunn »

Je regarde cela cet aprés midi :)
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Demi-Lune »

Je dois avouer, à regret, ne pas avoir accroché à ce film. C'est talentueux, délicat et aérien, gentiment épicurien - voire malickien - et authentique (le film est très sensitif dans ce qu'il communique au spectateur, comme une madeleine proustienne, tout un flot de souvenirs vaporeux et agréables de l'enfance en vacances : le soleil dans les arbres, l'air qui caresse les visages durant la sieste, la lumière filtrée par les stores, etc). C'est incontestablement bien filmé et photographié, c'est bien interprété, mais ça m'a aussi beaucoup ennuyé, je ne parviens pas à m'y intéresser. Comme du Malick, en fait. Il n'y a pas à proprement parler d'histoire, et je reste circonspect sur les interventions de la voix-off dont l'utilité dramatique me paraît relative (exemple : Irène qui voit dans les lignes de la main de sa nièce qu'elle ne vivra pas longtemps... qu'est-ce que ça vient faire là ? quelle est l'importance de la révélation de cette information dans l'histoire ? Même si je me doute que cette révélation participe au final du message épicurien du film, cette faculté chiromancienne d'Irène me paraît, dans cette séquence, fragilement amenée). Tout ce que Tavernier est parvenu à me faire partager, c'est l'insondable ennui qui plane sur ces visites dominicales durant lesquelles il ne se passe strictement rien, qui ne me rappellent que trop bien celui qui guette quand je rends moi-même visite à mes grands-parents à la campagne. Je suis tout de même embêté par le cas d'Un dimanche à la campagne car si je n'y ai pas accroché, je ne peux nier, paradoxalement, que le film est une réussite, dans sa simplicité, son humilité, sa sagesse, son hédonisme, son humanisme (intéressant portrait en filigrane d'un père vieillissant sentant la mort s'approcher et de sa fille chérie mais trop rare), ce flottement permanent qui est la cause de mon ennui mais qui traduit cependant à merveille cette lenteur catatonique, cette paix intérieure, qui peut nous envelopper quand on se ressource en famille dans un cadre naturel.
Je suis vraiment embêté. Comme pour les Malick, en fait.
Joe Wilson
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Re: Bertrand Tavernier

Message par Joe Wilson »

La scène dont tu parles est un éclat de lucidité (comme pour quasiment toutes les interventions de la voix-off), même si elle imprime une sensation qui nous était déjà familière...car très vite, la petite fille apparait comme une représentation de la mort (et le contraste avec les joies et la naiveté de l'enfance est d'autant plus forte).
Pour le reste, je n'ai pas du tout perçu le film comme épicurien : même si l'on peut percevoir un apaisement, c'est l'angoisse qui touche chaque personnage, la difficulté à exprimer ce que l'on ressent face à nos proches.
Et la sobriété de la mise en scène, impressionniste et pointilliste, me semble très éloignée d'un Malick. Mais cela reste de la part de Tavernier une proposition risquée (on aurait pu très vite tomber dans un livre d'images désincarné) et audacieuse.
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julien
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Re: Bertrand Tavernier

Message par julien »

Pour ma part, j'ai toujours préféré le Tavernier réaliste et Célinien (l'Horloger de St Paul, L627, Coup de Torchon) que le Tavernier rétro-universitaire (Que la fête Commence, Un Dimanche à la Campagne, La Princesse de Montpensier and co.)
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"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
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