L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par Rick Blaine »

Une petite question pour les amateurs du film:

Je viens de me procurer la nouvelle édition DVD du film chez Carlotta, qui propose deux versions:
  • Version Movietone (Format 1.20 - 90mn)
  • Version Tchèque (Format 1.37 - 76 mn)
Laquelle dois-je privilégier pour découvrir le film?
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hansolo
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par hansolo »

Heu ...
J'aurais tendance a répondre la version US; d'après ce que j'ai lu la version tchèque présente de nombreuses prises de vues alternatives.
feb
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par feb »

Avec un film comme l'Aurore, j'aurais envie de te répondre : plus c'est long, mieux c'est :wink:
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Rick Blaine
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par Rick Blaine »

Je vais donc partir sur la version US. Merci.
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tenia
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par tenia »

La version US. C'est celle qui fait foi en terme de copie "universelle".
La copie tchèque est plus une version alternative : des scènes en moins, le reste régulièrement en caméra B. Cela étant, elle est bien mieux conservée en terme de qualité d'image.
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hansolo
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par hansolo »

tenia a écrit :La version US. C'est celle qui fait foi en terme de copie "universelle".
La copie tchèque est plus une version alternative : des scènes en moins, le reste régulièrement en caméra B. Cela étant, elle est bien mieux conservée en terme de qualité d'image.
cela dit, pour avoir découvert le film dans sa version US (dvd Carlotta initial); la copie "universelle" est quand même TRÈS BELLE!
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tenia
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par tenia »

hansolo a écrit :
tenia a écrit :La version US. C'est celle qui fait foi en terme de copie "universelle".
La copie tchèque est plus une version alternative : des scènes en moins, le reste régulièrement en caméra B. Cela étant, elle est bien mieux conservée en terme de qualité d'image.
cela dit, pour avoir découvert le film dans sa version US (dvd Carlotta initial); la copie "universelle" est quand même TRÈS BELLE!
Ah ça, c'est clair. Cela étant, j'ai été extrêmement surpris qu'on puisse faire mieux.
Comme quoi.
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par allen john »

SUNRISE (Friedrich Whilhelm Murnau, 1927)

Tout ayant été dit sur Sunrise, sa poésie, son art consommé de l'image, ses acteurs, que dire de plus? Le film a tellement été analysé, et paradoxalement, étant si imperméable à l'analyse (toute la littérature, intertitres, script, autour du film met systématiquement en valeur le coté intemporel et universel du problème présenté, et bien sur les acteurs ne sont pas dotés de noms), on se garde volontiers de s'aventurer sur ce terrain. Par contre, le plaisir de le voir, y compris après 15 ou 20 visions, reste entier: depuis le début, marqué par un montage tellement de son époque, avec des vues subtilement déformées (ce plan, avec la jeune femme en maillot de bain à droite et ce paquebot à l'angle si aigu me renvoie immanquablement au graphisme publicitaire des années 30, et à Hergé, qui s'y est d'ailleurs illustré), on est capté par des images qui véhiculent des impressions. Et la planification impressionnante du film (Regardez la version Tchèque alternative, entièrement constituée de plans alternatifs: tout y est pourtant, à l'identique ou presque...) laisse quand même à voir une histoire si humaine, et si ressentie, qu'on se laisse totalement embarquer.

L'histoire, ou l'absence d'histoire, est la suivante: un paysan (George O'Brien) qui trompe sa femme (Janet Gaynor) avec une citadine (Margaret Livingston)se laisse persuader par celle-ci de supprimer l'épouse. Lors de la tentative de meurtre, il recule, et la jeune femme s'enfuit. il la rattrappe, ils sont en ville, et vont graduellement retrouver leur amour, et vivre une deuxième lune de miel...

C'est un film des plus visuels, bien sur, avec ces effets incroyables amenés par Karl Struss, mais tout ici vient de Murnau, de sa volonté visionnaire de créer un art visuel total, aidé par des techniciens hors pairs, et des acteurs tout entiers dévoués à sa cause. Comme en allemagne, donc, sauf qu'ici, on me pardonnera ce sophisme, il transcende son art en se trouvant aidé par des acteurs qui lui donnent tout, mais qui sont aussi, à leur façon, géniaux: George O'Brien au service de Ford, c'était encore une belle andouille, un cow-boy un peu matamore qui se retrouvait coincé entre sa petite taille et sa musculature impressionante. On l'aime, mais Ford lui faisait par exemple quitter la scène dans Three bad men, pour laisser la parole aux trois bandits du titre, qui lui volaient la vedette. Ce que Murnau lui demande, c'est d'incarner des émotions, celles deu doute, de la tentation du meurtre, sous couvert de la motivation de la luxure... Il a fallu littéralement lui donner des semelles de plomb pour cela, mais la performance lui appartient en plein, avec ce moment déchirant dans l'église, lorsqu'il réalise qu'il a failli tuer sépouse, et qu'il jette sa tête, en larmes, sur les genoux de Janet Gaynor...

Janet Gaynor, chez Borzage, a incarné des personnages souvent plus ambigus qu'il n'y parait: on la classe dans les mêmes catégories que Lilian Gish, mais elle a la tentation de la prostitution dans Street Angel, les circonstances qui auraient pu l'y amener dans Seventh heaven, et le petit bout de jeune femme qu'elle incarne dans le sublime Lucky star a un petit coté garce, qui pourrait là encore dévier dangereusement. C'est donc avec Sunrise qu'elle trouve le rôle de sainte qu'on lui attribue le plus souvent. Mais le recours au beau visage de l'actrice, et la science de Murnau qui sait quoi demander à faire à un acteur ou une actrice, et qui lui donne des choses à faire et un environnement dans lequel faire vivre son personnage (ses fameux décors en trompe l'oeil, si importants dans les scènes d'exposition ici) permettent ici de trouver constamment le juste équilibre, et c'est non pas un type, une femme symbolique, mais une femme qui souffre, qui pardonne, qui aime, et qui revit. Elle est sublime.

Le film est brillament construit, et tant pis pour l'historienne Lotte Eisner, si désireuse de taper sur Murnau, qu'elle met sur le compte du germanisme du metteur en scène le recours à l'humour dans une vingtaine de minutes du film: ces 20 minutes commencent lorsque le couple arrive à la ville, après que le jeune homme ait réussi à rattraper son épouse: ils sont dans une église ou un mariage a lieu. Tout ce qui suivra: danse, fête, vulgarité gentille, et autres ripailles, enfonce le clou de leur amour retrouvé, et ce sont de secondes noces. Du reste, la scène de l'église est certes empreinte de sacré, mais ils sont souvent, tous les deux, tendrement ridicules... Mais on les aime suffisamment pour supporter sans dommage que le film s'abaisse à montrerd es détails aussi triviaux que l'anecdote du cochon saoul. de plus, on trouve aussi un écho de ce ridicule dans la danse paysanne qu'on leur fait interpréter: c'est de la part du public une façon de se moquer gentiment des deux amoureux, plus que de leur rendre hommage, tout en soulignat que leur identité de paysans est inscrite sur leurs visages...

Le film est bien sur entièrement dédié aux turbulences de l'amour, et la fin du film, paroxystique, scrute les visages, et utilise admirablement les ressources du village construit en studio. On a beaucoup glosé sur la fin parait-il plaquée, opposée aux intentions de Murnau et Mayer. Ils avaient carte blanche, ont fini par choisir cette fin, donnant au film un message sur l'amour universel. On peut râler, estimer que le noir Murnau ne pouvait se contenter de celà, rien n'y fera: le film nous apparait complet et parfait précisément parce qu'il donne une résolution positive, et qu'il autorise les deux héros à se retrouver à la fin dans les bras l'un de l'autre, et c'est la grande force de Murnau, Janet Gaynor et George O'Brien de réussir à donner l'impression, alors qu'elle a été secourue à deux doigts de se noyer, et qu'elle est épuisée, que c'est encore son personnage à elle qui mène la barque, que le jeune homme s'en remet à elle, pour l'éternité, et que désormais il ne lui arrivera rien, parce qu'elle est là.

Oui, Sunrise est un beau film.
Pour moi, c'est le plus beau que j'aie vu: mon préféré.

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Père Jules
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par Père Jules »

C'est un très beau papier, d'autant plus beau que, comme tu le dis, tout a déjà été dit sur ce film.
joe-ernst
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par joe-ernst »

allen john a écrit :SUNRISE (Friedrich Whilhelm Murnau, 1927)

Le film est brillament construit, et tant pis pour l'historienne Lotte Eisner, si désireuse de taper sur Murnau, qu'elle met sur le compte du germanisme du metteur en scène le recours à l'humour dans une vingtaine de minutes du film:
Je ne comprends pas cette remarque...
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par someone1600 »

Tout simplement un des plus beaux films que j'ai vu, et dans mon top 5 personnel. Encore un superbe texte allen john. :D
allen john
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par allen john »

joe-ernst a écrit :
allen john a écrit :SUNRISE (Friedrich Whilhelm Murnau, 1927)

Le film est brillament construit, et tant pis pour l'historienne Lotte Eisner, si désireuse de taper sur Murnau, qu'elle met sur le compte du germanisme du metteur en scène le recours à l'humour dans une vingtaine de minutes du film:
Je ne comprends pas cette remarque...
Bien qu'elle ait signé des ouvrages sur lui, Eisner n'aimait pas Murnau, dont elle fait souvent un tâcheron, un éxécutant sur ses propres films, disant que le génie du Dernier des hommes doit tout à Freund et à Mayer, et rien à Murnau. Elle était très portée sur lang en revanche. Sur le cas de Sunrise, elle reconnait la grandeur du film, mais détestait cette partie légère au milieu. Elle considérait que c'était une tendance de Murnau, et mettait dans cette catégorie le final du Dernier des hommes, le film Les finances du grand duc, et l'intro et la fin de Tartuffe.
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Demi-Lune
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par Demi-Lune »

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J'aurais voulu crier au chef-d’œuvre, et c'était bien parti pour, mais je ne peux m'empêcher d'exprimer des réserves sur l'histoire. Commençons donc par cela, après je pourrai parler des très larges qualités du film. :) Après la perfection de la première demi-heure, mes réticences commencent à partir du moment où le mari suit sa femme à la ville. Alors que tout ce qui venait de précéder se caractérisait par un traitement psychologique relativement subtil et crédible, j'ai trouvé le subit déferlement lacrymal assez lourdingue et les réconciliations trop naïves pour me convaincre au regard du seuil dramatique atteint avec la scène de la barque (l'épouse a quand même le pardon facile). Je suis bien conscient que le propos de Murnau se rapproche de la fable, et que son histoire illustre le triomphe des sentiments les plus purs, mais cet angélisme soudain et béat me paraît jurer, dans la rapidité avec laquelle il intervient, avec la sécheresse du premier acte. Ce n'est pas l'angélisme que je critique (d'ailleurs, le plan où une couronne d'angelots surplombe le couple bienheureux est aussi beau qu'il peut aussi dénoter une certaine ironie de Murnau), car je trouve la démonstration au fond très belle dans son message universel de bonté et d'amour, mais bien la grosseur du trait : le scénario n'est pas toujours des plus subtils. La scène chez le barbier, avec ses effets pseudo-dramatiques autour de la manucure et de la menace du couteau, est pesante mais ce n'est rien à côté des facéties du cochon en liberté. Nul doute que le film ne se serait pas affadi s'il s'en était dispensé. Donc voilà, réserves scénaristiques. Qui me frustrent d'autant plus que le film est, de par la perfection de son expression filmique, de ces classiques inoxydables dont l'évidence vous frappe au visage. Visuellement, c'est magnifique, il y a des idées de mise en scène et de montage à la pelle et le traitement photographique associe magistralement les recherches formelles de l'expressionnisme à une forme de réalisme (dans les séquences citadines) qui m'évoque plus le cinéma russe. La séquence adultérine dans les roseaux, ou l'aurore finale, quelle splendeur bon sang ! La réalisation est magistrale, tout sauf guindée (cf. ces grands travellings à la fête foraine) et le jeu des acteurs est d'autant plus appréciable qu'il ne verse pas dans la théâtralité que le compatriote et rival de Murnau, Lang, obtient souvent à la même époque de ses acteurs masculins. Mention spéciale à Janet Gaynor et sa bouille amusante.
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Major Tom
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par Major Tom »

Peut-être le plus beau film de la planète, je n'arrive pas à m'en délivrer.
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Re: L'Aurore (F. W. Murnau - 1927)

Message par Miss Nobody »

Demi-Lune a écrit : J'aurais voulu crier au chef-d’œuvre, et c'était bien parti pour, mais je ne peux m'empêcher d'exprimer des réserves sur l'histoire.
Avec ma tendance à toujours pinailler, j'avais également émis quelques réserves à la découverte de ce monument. Tout s'est dissipé dès la seconde vision: la magie a totalement pris le pas sur le reste, et notamment sur l'histoire (que j'avais trouvée pas assez subtile une première fois et qui m'a totalement enchantée, par sa naïveté et sa tendresse folle, la deuxième). :D

Je commence à me demander si je ne devrais pas regarder tous les chefs d'oeuvres deux fois, car c'est souvent à la révision que je balaye mes premières réserves. :idea:
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