Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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riqueuniee
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par riqueuniee »

Ce très beau film, tout en émotion retenue, serait plutôt à déconseiller aux dépressifs (à moins qu'on ne considère que, par rapport au destin des personnages, notre sort est enviable).
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Demi-Lune
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par Demi-Lune »

C'était ironique. :idea:
Cortez The Killer
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par Cortez The Killer »

Demi-Lune a écrit :ImageImageImage

SPOILERS. Ce bon vieux Anorya a cité Bienvenue à Gattaca, et c'est également à cette référence que j'ai souvent pensé en découvrant Never Let Me Go, non dans la manière qu'a le film d'appréhender l'anticipation (le film de Romanek n'est pas futuriste, il épouse un postulat de chronologie alternative), mais dans ce qu'il se pare d'un classicisme à tout épreuve, sans esbroufe, humble écrin à des questionnements existentialistes et à une poignée de destinées qui, les uns comme les autres, se révèleront bouleversants. Le film exploite avec brio l'idée (que je reprends de Cronenberg) de ce qui caractérise l'être humain des autres espèces : sa conscience en sa finitude, et en l'occurrence, découlant de cette intériorisation, de mettre utilement à profit l'existence qui lui a été impartie. Toute l'ironie, bien évidemment, est que cette conscience en cette finitude de l'humain concerne ici des dérivés d'humains, qu'on entoure d'attention à cause de leur tâche salvatrice (donner des organes), mais à qui on refuse la reconnaissance d'une chair, d'une âme, qui en feraient des égaux de ceux qu'ils sont censés soigner, et pour lesquels ils doivent purement et simplement se sacrifier. Protagonistes damnés, modelés dès leur enfance à une issue funeste et inextricable, les clones médicaux de Never Let Me Go paraissent des aïeuls des Nexus-6 de Blade Runner, hantés par l'utopie d'un sursis, d'une rémission, mais ne vivent pas non plus dans l'attente d'un échappatoire ; Cathy, Ruth, Tommy, ont conscience d'exister dans une "éphémérité" qui les rend horriblement dociles, fatalistes - et c'est dans cette "éphémérité" qu'ils expriment entre eux leur propre justification, au-delà de leur mission salvatrice : l'acte d'aimer, de partager, de comprendre son prochain, font d'eux des êtres uniques et irremplaçables, valant autant sinon mieux que les "vrais" humains à qui ils sont soumis. La pureté de leur âme, conception sur laquelle se cristallise la scène la plus atroce du film, explique l'abnégation et le désintéressement de leurs caractères, et rend encore plus affreuse l'ignominie du sort qu'on leur réserve, et la déception glaçante de leur espoir. Du coup, d'un postulat de S-F avec des personnages de clones, Romanek tire en fait un déchirant mélodrame sur le sens de la vie, sur le temps qui file entre les doigts, sur la valeur des petits riens, qui mis bout à bout, donnent une signification à notre existence (le tout sur un scénario fabuleux et franchement malaisant). La puissante charge émotionnelle qu'inspire le film est à mettre au crédit du trio de jeunes comédiens (Keira Knightley, Andrew Garfield, Carey Mulligan), exceptionnel ; il y a une telle émotion retenue dans chacun de leurs gestes, de leurs regards, une telle dignité, une telle maturité, que j'en ai eu les larmes aux yeux (l'expression de Garfield quand il comprend, face à Charlotte Rampling, me restera longtemps en mémoire, tout comme son hurlement final). La pudicité déployée par le réalisateur, qui se fend d'une mise en scène idéalement classique, est en tout point remarquable ; la sensibilité est savamment dosée, rarement surlignée. Tout est affaire de jeu d'acteurs.
Très beau film pour dépressifs !
Je n'avais pas fait le rapprochement avec Blade Runner et effectivement c'est vraiment ça.
Tu as très bien traité la question de "la finitude" pour reprendre ton expression. C'est exactement comme ça que j'ai ressenti le film. Des répliques qui valent mieux que leurs modèles et une capacité à aimer et de partager infiniment supérieur qui leur confère une candeur absolue.
Comme toujours, chronique toujours aussi pertinente et jamais HS. C'est vraiment un plaisir de lire ta prose tous les jours. :)
PS: Je savais que tu allais adorer, c'est pas pour rien que je t'ai venté ses mérites. Le remboursement de la place n'est plus d'actualité donc? :lol:
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par Demi-Lune »

Cortez The Killer a écrit : Comme toujours, chronique toujours aussi pertinente et jamais HS. C'est vraiment un plaisir de lire ta prose tous les jours. :)
Merci. :oops:
PS: Je savais que tu allais adorer, c'est pas pour rien que je t'ai venté ses mérites. Le remboursement de la place n'est plus d'actualité donc? :lol:
Oui, c'est bon... une autre fois, peut-être ? :mrgreen:
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par Tobold »

Cortez The Killer a écrit :
Demi-Lune a écrit : Protagonistes damnés, modelés dès leur enfance à une issue funeste et inextricable, les clones médicaux de Never Let Me Go paraissent des aïeuls des Nexus-6 de Blade Runner, hantés par l'utopie d'un sursis, d'une rémission, mais ne vivent pas non plus dans l'attente d'un échappatoire !
Je n'avais pas fait le rapprochement avec Blade Runner et effectivement c'est vraiment ça.
La caractéristique essentielle des nexus-6 est le manque d'empathie (mesuré par le test mené Deckard), ce qu'on ne retrouve pas chez les clones de Never let me go.
La comparaison me semble un peu inapropriée du coup.
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Demi-Lune
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par Demi-Lune »

Tobold a écrit :La comparaison me semble un peu inapropriée du coup.
Manque d'empathie ? C'est ce qui est arbitrairement déterminé par les humains qui ont façonné ces Réplicants, avec le test de Voight-Kampff utilisé comme instrument (et preuve) infaillible.... or Blade Runner, me semble-t-il, démontre que les Réplicants sont foncièrement capables d'exprimer de sentiments empathiques (Roy Batty qui fait le choix de sauver Deckard en "retenant" son agonie prochaine, Rachel qui tente de comprendre la motivation de Deckard et qui tombe amoureuse de lui, Pris qui s'intéresse à J.-F. Sebastian...). Ces choix ne me paraissent pas résulter d'une stratégie mécanique, ils dénotent la possibilité d'une humanité (le fameux "Je pense, donc je suis" cartésien évoqué par Pris), qui, à l'instar des clones de Never Let Me Go, est refusée par ceux qui les ont créés - et pour cause, puisque leur condition se résume à une servilité (sacrificielle dans le film de Romanek) dont le seul espoir d'échappatoire est l'obsession d'un sursis de vie. La comparaison ne me semble donc pas inappropriée.
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par AtCloseRange »

En ce qui me concerne, un film amorphe et résigné comme ses protagonistes.
Je ne sais pas ce que vaut le roman mais en l'état, j'ai vu un film plein de trous au déroulement aussi prévisible que le destin de ses personnages.
Quant au cheminement des personnages, il m'est particulièrement opaque.
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par AtCloseRange »

Demi-Lune a écrit : puisque leur condition se résume à une servilité (sacrificielle dans le film de Romanek) dont le seul espoir d'échappatoire est l'obsession d'un sursis de vie.
Bah non, justement, si c'était une obsession, ça n'aurait pas été une envie rattrapée juste en fin de vie. Au moment où ils apprennent qu'il y aurait peut-être cette possibilité, ça ne leur fait quasiment ni chaud ni froid.
Là est vraiment la limite du film.
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Demi-Lune
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par Demi-Lune »

AtCloseRange a écrit :
Demi-Lune a écrit : puisque leur condition se résume à une servilité (sacrificielle dans le film de Romanek) dont le seul espoir d'échappatoire est l'obsession d'un sursis de vie.
Bah non, justement, si c'était une obsession, ça n'aurait pas été une envie rattrapée juste en fin de vie. Au moment où ils apprennent qu'il y aurait peut-être cette possibilité, ça ne leur fait quasiment ni chaud ni froid.
Là est vraiment la limite du film.
Là, je parle de Blade Runner ; quant à ce qui le sépare de Never Let Me Go (le fait que les clones ne soient pas non plus dans l'attente obsédante d'un échappatoire), je te renvois à mon commentaire détaillé.
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par AtCloseRange »

Demi-Lune a écrit :
AtCloseRange a écrit : Bah non, justement, si c'était une obsession, ça n'aurait pas été une envie rattrapée juste en fin de vie. Au moment où ils apprennent qu'il y aurait peut-être cette possibilité, ça ne leur fait quasiment ni chaud ni froid.
Là est vraiment la limite du film.
Là, je parle de Blade Runner ; quant à ce qui le sépare de Never Let Me Go (le fait que les clones ne soient pas non plus dans l'attente obsédante d'un échappatoire), je te renvois à mon commentaire détaillé.
Mon constat reste le même, le cri de Garfield devient sans véritable sens compte tenu de leur comportement tout le long du film (ne nous renvoyant qu'à sa crise de nerf à Hailsham).
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par Demi-Lune »

AtCloseRange a écrit :Mon constat reste le même, le cri de Garfield devient sans véritable sens compte tenu de leur comportement tout le long du film (ne nous renvoyant qu'à sa crise de nerf à Hailsham).
Je comprends ton idée, mais tu me sembles bien cartésien et rigide pour le coup. Tout le long du film, nous accompagnons les destinées de gens qui sont condamnés, à la manière de malades souffrant d'un cancer ou d'une tumeur incurable. Toute leur éphémère existence est bâtie sur la certitude - inculquée durant des années dans leurs établissements autoritaires, puis dans leur mode de vie en vase clos - qu'ils ne vivent que dans l'accomplissement d'une tâche précise, en l'occurrence leur sacrifice. Mais voici que survient la possibilité d'une rémission, une utopie à laquelle ils ne peuvent que se raccrocher au stade où ils en sont dans leur brève existence. C'est comme si on disait à un malade condamné qu'il y allait peut-être bientôt y avoir un nouveau traitement à son mal. Il a vécu longtemps dans la certitude que ses jours étaient comptés, mais on peut raisonnablement imaginer que cette possibilité qui s'ouvre à lui, à ce stade, va lui redonner un certain espoir.
Quand le couple de jeunes évoque la rumeur du sursis au restaurant, les trois personnages principaux y restent effectivement plutôt indifférents. Mais c'est parce qu'ils ont, alors, la quasi certitude que ce n'est qu'une rumeur, justement. Ce n'est qu'à partir du moment où Ruth fait sa repentance et donne un contact tangible à Cathy et Tommy dans cette voie, que l'espoir de rémission prend vie chez Tommy. En tant qu'accompagnante, Cathy a une expérience de la mort qui la rend effectivement plus détachée, plus réaliste, plus fataliste.
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par AtCloseRange »

Le problème, c'est que je ne comprends à aucun moment leur résignation (qui est d'ailleurs cinématographiquement et surtout narrativement une vraie impasse).
Si j'ajoute à ça les trous et facilités dans la narration: l'embauche d'une enseignante à qui a l'air de totalement débarquer (et la révélation qui s'ensuit - qui n'a d'ailleurs aucun impact dramatiquement parlant), le coup du magazine porno (pour chercher son modèle, WTF???).
A la limite, ce qui me choque le plus, c'est que justement le film veut nous montrer d'une certaine façon qu'ils ont plus humains que les humains.
Sauf qu'aucun humain confronté à cette situation (quelque soit son lavage de cerveau) ne se résignerait à ce point.
Dans The Island, c'est compréhensible puisqu'ils sont effectivement entre eux, qu'on leur ment et qu'en plus, ils n'ont pas conscience d'être des clones.
Ici, ils le savent, ils ont le droit d'avoir des contacts avec des humains normaux et rien ne se passe...
Je suis sans doute cartésien mais tout le formatage fait dès l'enfance (encore moins quand la révélation s'est faite précocement sans préparation et en dehors des "clous" du programme) ne me semble pas pouvoir justifier un tel renoncement.
A partir de là, le film ne peut pas fonctionner pour moi.
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par riqueuniee »

En fait, pour toi, c'est l'histoire qui ne fonctionne pas, puisque c'est tiré d'un roman et que c'est une adaptation fidèle.
Je trouve au contraire cette résignation, ou plutôt cette absence de révolte très touchante. Ca peut perturber le spectateur habitué à voir (dans ce type de films de SF/anticipation) des personnages qui se révoltent contre un destin tout tracé. Il y a là une sorte de fatalisme qui nous dérange.
Le film, par ailleurs, ne fait jamais vraiment allusion aux réactions des humains face à ce "programme des donneurs" (ni même à qui il s'adresse : aux modèles ? à une catégorie sociale (ou d'âge) donne ?). C'est dérangeant aussi.
Il faut , je pense, ne pas se montrer trop cartésien (de toute façon, ce n'est pas un film "réaliste") et accepter ce postulat de départ. Sinon, en effet, l'histoire ne fonctionne pas.
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par AtCloseRange »

riqueuniee a écrit :En fait, pour toi, c'est l'histoire qui ne fonctionne pas, puisque c'est tiré d'un roman et que c'est une adaptation fidèle.
Je trouve au contraire cette résignation, ou plutôt cette absence de révolte très touchante. Ca peut perturber le spectateur habitué à voir (dans ce type de films de SF/anticipation) des personnages qui se révoltent contre un destin tout tracé. Il y a là une sorte de fatalisme qui nous dérange.
Le film, par ailleurs, ne fait jamais vraiment allusion aux réactions des humains face à ce "programme des donneurs" (ni même à qui il s'adresse : aux modèles ? à une catégorie sociale (ou d'âge) donne ?). C'est dérangeant aussi.
Il faut , je pense, ne pas se montrer trop cartésien (de toute façon, ce n'est pas un film "réaliste") et accepter ce postulat de départ. Sinon, en effet, l'histoire ne fonctionne pas.
Parce que ce fatalisme est posé comme une donnée qu'on est sensé accepter telle quel et à aucun moment justifiée par ce qu'on voit à l'écran.
Cortez dit qu'on leur a appris qu'on leur a inculqué que leur mission était plus grande que leur vie sauf qe ça n'est pas dans le film.
Que ce soit un film fantastique j'ai besoin de croire à la façon de réagir et d'interagir des personnages, à une vérité psychologique.
Là, c'est une donnée imopsée d'entrée sans justification et sans éléments suffisamment probants pour justifier cette apathie.
Ce n'est pas perturbant, c'est juste une faiblesse (et je le répète, une impasse) narrative de mon point de vue.

Et ça ne veut pas frocément dire que je penserais la même chose du roman. L'adpatation peut être fidèle tout en supprimant des scènes essentielles pour comprendre les personnages sans que ça nuise à l'intrigue (qui est de toute façon plutôt menue).
D'après nobody smith, les aspects les plus fantastiques et notamment éthiques ont été réduits, ceci expliquant peut-être cela.
riqueuniee
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Re: Never let me go (Mark Romanek - 2010)

Message par riqueuniee »

Le fait est que le roman ne m'avait pas vraiment touchée , le film m'a bouleversée.
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