SPOILERS. Toujours aussi génial, ce
Loup-garou de Londres... C'est à mes yeux l'un des tous meilleurs films fantastiques des années 1980. La bonne idée de Landis, c'est de ne pas avoir sacrifié sa verve humoristique sur l'autel du film d'horreur. Les producteurs du film trouvaient d'ailleurs le scénario (écrit au début des années 1970) trop effrayant pour être une comédie et trop drôle pour être un film d'horreur, signe que le matériau de Landis était inventif et culotté. Le résultat, hybride, fonctionne totalement sans que l'une ou l'autre facette ne tire la couverture vers elle. On ne sait jamais vraiment sur quel pied danser, ce que va nous réserver la suite, ce qui ménage une attente angoissée tout à fait délectable. Landis se montre à la hauteur de cette tension lancinante en délivrant des idées insolites et particulièrement efficaces : après une première partie lugubre dans une lande nocturne qui renvoie à Conan Doyle,
Le Loup-garou de Londres baigne dans une "inquiétante étrangeté" générant un léger malaise renforcé par les trouées d'humour noir. L'absurdité décalée des rêves (les loups-garous nazis), qui se double d'une violence graphique dérangeante, les visites du meilleur ami déchiqueté et qui pourrit un peu plus à chaque fois, mais reste assez indifférent à son apparence et chambre son pote (Griffin Dunne très drôle, bien avant
After Hours), plongent le film dans un trouble inquiétant - l'impression d'être dans un cauchemar, mais de ne pas ne être tout à fait sûr.
Le cinéaste prend son temps sans jamais ennuyer, trace une histoire d'amour assez émouvante et convaincante, mais qui dans le même temps ne permet pas au spectateur de baisser sa garde, puisqu'il sait que ces moments apaisés ne sont que le préalable d'un destin inéluctable et épouvantable. Aussi, les scènes d'intimité entre David et Alex, le côté victorieux et complice du "Moondance" de Van Morrison lors de la scène d'amour, revêtent un caractère assez tragique, car cette amorce de romance sincère est inévitablement condamnée. Landis creuse d'ailleurs ce décalage iconoclaste en superposant les voix langoureuses et douces de crooners en fond sonore, sur des choses atroces à l'image (le tendre
Blue Moon de Sam Cooke pendant la transformation physique) ou des paysages sur lesquels pèsent une indicible menace (le
Blue Moon de Bobby Vinton durant l'ouverture - à croire que Vinton est un bon vecteur d'étrangeté, cf.
Blue Velvet). Réussite du scénario, donc, réussite du mariage des genres, idées appropriées et percutantes, et bien sûr, réussite des trucages, que l'on doit au grand Rick Baker. Les maquillages sont excellents (difficile de ne pas avoir les yeux rivés sur les bouts de barbaque pendouillant du cou de Griffin Dunne). Toujours dans cette démarche iconoclaste, Landis et Baker filment la transformation lycanthrope toutes lumières allumées, conférant à la scène un réalisme terrifiant, une plausibilité magnifiée par la qualité des effets mécaniques, et douloureuse pour le spectateur, la souffrance du personnage étant totale. Moins longue que celle de
Hurlements, cette scène est un des grands moments du ciné fantastique des années 1980. Grand moment aussi que cette séquence dans un cinéma érotique, où le côté halluciné de la situation se dispute à une drôlerie noire irrésistible. Et grand moment que ce grand carambolage sur Piccadilly Circus.
Culte.