Le Western américain : Parcours chronologique I 1930-1949

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

homerwell a écrit :
Wagner a écrit :
Je n'irai pas jusque là mais ce sont des aspects frappants qui sont en effet absents de la vision qu'en a Ford.
J'ai un peu sursauté en lisant cela hier soir. Bien que l'on soit un peu HS, je me permet quand même, j'ai tendance à penser que le cinéma peut montrer le silence, ou même une majesté triste ; La séquence introductive de Aguirre, la colère de dieu (Werner Herzog) ; certains passages de Walkabout (Nicolas Roeg) ou de Paris Texas (Wim Wenders).

Peut être pas avec la plénitude que procure la découverte de Monument Valley (cette merveille reste à découvrir pour moi), mais à coup sûr, la caméra et un bon réalisateur en sont capable ; et peut être mieux que dans d'autres formes d'art.

S'agissant de Ford, c'est sur les visages humains qu'il faut chercher une majesté triste. :wink:
Même Ford a trouvé cette plénitude à travers le silence dans les majestueuses vues en plan d'ensemble de l'avancée des chariots dans Wagonmaster. Même si le film est empli de musique à ras bord, il me semble que lors de ces plans très lointains, il n'y a aucun accompagnement musical. Sauf qu'il ne s'agit pas de Monument Valley. A revoir cependant pour confirmer car ça fait maintenant un bail...
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Gil Westrum »

Je pense que les félicitations et les encouragements ont déjà été légion pour un tel projet, mais je ne peux m'empêcher de venir y poser également une pierre à l'édifice.

Un grand bravo donc au marshall Fox pour sa tâche titanesque. Je crois qu'une fois arrivé au bout, nous aurons là la plus fournie des anthologies francophones du western américain. :shock:
Je pense que Patrick Brion, Bertrand Tavernier et Eddy Mitchell auront largement de quoi être envieux.
Un grand merci pour toutes ces découvertes et redécouvertes. C'est en parcourant ce vaste sujet, que je me rend compte de toute la richesse du genre, qui ne cesse de m'offrir de nouvelles pépites à découvrir. :D
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

:oops:

Que répondre à ça ? Un grand merci en tout cas ; comment ne pas avoir envie de continuer après de tels encouragement ? Et sache que Gil Westrum aura une place de choix au sein de cette anthologie, Coups de feu dans la Sierra faisant partie de mes westerns préférés et Randolph Scott étant probablement l'acteur westernien pour lequel j'ai le plus d'affection 8)
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par feb »

J'en remets une couche :fiou: pour te remercier M. Fox pour le travail accompli depuis la page N°1. Grâce à ce topic, j'évite les mauvaises surprises, j'en apprends beaucoup plus sur le travail des grands noms (réalisateurs & acteurs) et surtout je découvre les westerns importants (ma CB et Amazon te remercient :mrgreen: ). Merci encore !
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Gil Westrum »

Jeremy Fox a écrit :Et sache que Gil Westrum aura une place de choix au sein de cette anthologie, Coups de feu dans la Sierra faisant partie de mes westerns préférés et Randolph Scott étant probablement l'acteur westernien pour lequel j'ai le plus d'affection 8)
Je m'en réjouis d'avance. :D

Je suis un grand fan de Randolph Scott, mais je ne découvre que très récemment ses meilleurs films, grâce aux sorties en zone 2 des 5 westerns de Budd Boetticher chez Sidonis. Déjà que j'aime beaucoup ses petits westerns de série B de la Columbia (Ville sans loi, Le cavalier de la mort et autres), là c'est vraiment la grosse claque. Quel génie ce Boetticher. En voilà bien un qui, avec Scott, mérite bien plus à être reconnu comme l'un des tout grands du genre et pas seulement auprès des afficionados.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Gil Westrum a écrit : Quel génie ce Boetticher. En voilà bien un qui, avec Scott, mérite bien plus à être reconnu comme l'un des tout grands du genre et pas seulement auprès des afficionados.
En même temps, et même si en ce qui me concerne les westerns de Boetticher constituent les sommets inégalés du genre, je ne sais pas s'ils pourraient plaire à beaucoup d'autre qu'au afficionados justement contrairement à certains films de Daves, Hawks, Wellman ou Mann qui me semblent plus 'universels' et que je conseillerais en priorité pour faire apprécier le genre à des novices. Nous en avons déjà discuté sur un autre topic avec arguments à la clé mais je ne sais plus où. Et merci feb pour la couche supplémentaire et désolé pour ta carte bleue :wink:
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Rick Blaine
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Gil Westrum a écrit :je ne sais pas s'ils pourraient plaire à beaucoup d'autre qu'au afficionados justement contrairement à certains films de Daves, Hawks, Wellman ou Mann qui me semblent plus 'universels' et que je conseillerais en priorité pour faire apprécier le genre à des novices.
Pour rester sur cette parenthèse, je suis entièrement d'accord avec ça, pour des personnes qui n'apprécient pas plus le western que ça, un Mann ou un Daves sont très accessibles, ils débordent largement du genre. Ce n'est pas le cas pour Boetticher, je ne crois pas qu'il puisse être apprécié à sa juste mesure par quelqu'un qui ne connait pas le western, ou n'apprécie pas le genre plus que ça.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Julien Léonard »

Ah, ça se discute... :wink:

Boetticher offre des histoires très humaines, dites "à hauteur d'homme", bref, ses films captent l'essence des personnages (avec cette mise en scène d'une sobriété redoutable), on y voit souvent des drames moraux, des dilemmes. Tout comme Mann, Daves, Ford, Hawks... etc etc... (mais sur un mode différent, évidemment) Boetticher est un peintre des sentiments humains, des situations conflictuelles et des prises de conscience. Au contraire, je trouve que son œuvre westernienne transcende également le genre. Par exemple, ce dont parle Sept hommes à abattre, ce n'est pas uniquement d'une chasse au trésor (si j'ose dire), ça parle d'hommes aux passés douloureux (on est parfois assez proche du film noir), et qui ne savent parfois pas comment se positionner vis-à-vis des situations qu'ils rencontrent. Ce sont des personnalités fragiles, qui parfois se mentent à elles-même (Lee Marvin également, si si !).

On pourrait en parler des heures, mais pour ma part, Boetticher fait largement partie de cette dizaine de cinéastes majeurs du western qui surpassent leur cadre. Un Boetticher, c'est un bon western des familles, rondement mené, mais c'est aussi une fable humaine très moderne. Comme chez Hawks : un western, certes, mais un film qui parle de personnalités en contradiction. Chez ces deux cinéastes, les personnages principaux ne sont pas simples... L'univers de Boetticher est juste un peu plus abrupt, plus épuré, encore moins hollywoodien, et c'est ce qui donne parfois l'impression de films plus terre à terre. Mais ce n'est absolument pas péjoratif, bien au contraire.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Rick Blaine »

Je suis tout à fait d'accord avec toi sur les thématiques abordés, on est très loin de petits western vite fait bien fait, mais j'ai l'impression que formellement, c'est plus difficile à aborder. Ça rejoint d'ailleurs ce que tu dit à la fin du message, l'univers est très abrupt, très épurés, les films sont très resserrés, je ne suis pas sur que ça passe parfaitement bien pour quelqu'un qui connait mal le western.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Julien Léonard a écrit : On pourrait en parler des heures, mais pour ma part, Boetticher fait largement partie de cette dizaine de cinéastes majeurs du western qui surpassent leur cadre. Un Boetticher, c'est un bon western des familles, rondement mené, mais c'est aussi une fable humaine très moderne. Comme chez Hawks : un western, certes, mais un film qui parle de personnalités en contradiction. Chez ces deux cinéastes, les personnages principaux ne sont pas simples... L'univers de Boetticher est juste un peu plus abrupt, plus épuré, encore moins hollywoodien, et c'est ce qui donne parfois l'impression de films plus terre à terre. Mais ce n'est absolument pas péjoratif, bien au contraire.
Entièrement d'accord avec tout ce que tu as dit et c'est justement pour ta conclusion que je pense qu'ils sont moins abordables par des non amateurs.

EDIT : Je n'avais pas lu que Rick Blaine avait répondu la même chose juste au-dessus
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Julien Léonard »

7 hommes à abattre est l'un des premiers westerns que j'ai montré à ma moitié, elle a adoré et le film figure encore dans son top western (malgré les innombrables concurrents vus depuis). Cela dit, je l'avais prévenu. Et puis, elle est prof, alors elle n'est pas normale de toute façon... :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Ne reste plus qu'à attendre son entrée sur scène dans ce topic pour y revenir ; pas avant 1952 et son excellent Cimarron Kid. Ca nous mène grosso modo au milieu de l'année prochaine. :mrgreen:
villag
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par villag »

Jeremy Fox a écrit :
Gil Westrum a écrit : Quel génie ce Boetticher. En voilà bien un qui, avec Scott, mérite bien plus à être reconnu comme l'un des tout grands du genre et pas seulement auprès des afficionados.
En même temps, et même si en ce qui me concerne les westerns de Boetticher constituent les sommets inégalés du genre, je ne sais pas s'ils pourraient plaire à beaucoup d'autre qu'au afficionados justement contrairement à certains films de Daves, Hawks, Wellman ou Mann qui me semblent plus 'universels' et que je conseillerais en priorité pour faire apprécier le genre à des novices. Nous en avons déjà discuté sur un autre topic avec arguments à la clé mais je ne sais plus où. Et merci feb pour la couche supplémentaire et désolé pour ta carte bleue :wink:
J'aime moi aussi beaucoup ce realisateur; il n'a ni le lyrisme d'un Ford ou d'un Curtiz, il n'a pas non plus ce coté flamboyant que l'on trouve souvent chez Walsh; non, lui, avance d'une seule traite , de A jusqu'a Z sans fioriture, sans graisse superflue; on pourrait y voir comme de la sècheresse alors qu'il n'y a qu'une totale sobriété, l'essentiel poussé à la perfection; j'aime beaucoup....! Et puis, pas besoin de le reabiliter, je pense que, partout dans le monde nous sommes nombreux à l'estimer !
Dernière modification par villag le 7 nov. 10, 09:44, modifié 1 fois.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Julien Léonard »

Bon, bon, bon, ben moi j'avoue que je suis impatient de lire ce que Jeremy va nous pondre sur La rivière d'argent ! :mrgreen:

Voilà un film un peu zappé par l’histoire du western, et pourtant excellent. Et comme il n'y a guère de travaux à son sujet (mis à part notre Patrick Brion national), j'attends les paroles de notre westernfan number one.
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Jeremy Fox
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Silver River

Message par Jeremy Fox »

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La Rivière d'Argent (Silver River, 1948) de Raoul Walsh
WARNER


Sortie USA : 18 mai 1948

« Que d’injustices ! Pourtant je ne suis pas aigri mais reconnaissant. C’est une leçon : j’ai désobéi et on me chasse. J’obéirai dorénavant mais à mes lois. Dès maintenant, c’est moi qui mènerai la danse ! ». Cette phrase qu’on aurait pu croire sortie de la bouche du ‘Bad Guy’ de n'importe quel western précédent est en fait prononcée par le personnage joué par Errol Flynn, qui en fera son mode de vie et de pensée. Son Mike McComb est en effet un anti-héros, l’un des protagonistes les plus noirs interprétés par l’acteur australien dans ce Citizen Kane du western ; mais ce serait avoir oublié son précédent rôle dans Saboteur sans Gloire (Uncertain Glory) du même Walsh, un criminel athée ayant échappé à la guillotine durant la Seconde Guerre Mondiale. Silver River marque la dernière collaboration d’Errol Flynn avec son deuxième réalisateur de prédilection après Michael Curtiz, Raoul Walsh, avec qui il avait déjà tourné dans La Charge Fantastique (They Died with their Boots on), Gentleman Jim ou Aventures en Birmanie (Objective Burma) pour ne citer que les chefs-d’œuvre. Il narre l’ascension et la déchéance d’un homme devenu ambitieux, égoïste et intriguant après qu’il ait été radié de l’armée pour un fait héroïque que les autorités ont jugé être un acte de trahison.

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Durant la Guerre de Sécession, alors que la bataille de Gettysburg fait rage, de peur que le million de dollars en billets de banque dont il a la charge tombe aux mains des Sudistes qui le poursuive, le capitaine Mike McComb (Errol Flynn) prend la décision de mettre le feu au chariot qui le contient. Pensant avoir accompli un acte héroïque, cette action lui vaut au contraire d’être conduit devant une cour martiale, dégradé puis renvoyé de l’armée. Il décide désormais de n’obéir qu’à ses propres lois et de ne plus se laisser marcher sur les pieds, porté par ses ambitions démesurées. Après avoir volé une coquette somme à Sweeney (Batton McLane), le tenancier malhonnête d’un tripot ‘roulant’ avec l’armée, avec son loyal ami Pistol Porter (Tom d’Andrea), il se rend dans l’Ouest où il ouvre sa propre maison de jeu à Silver City. Il s’éprend de Georgia Moore (Ann Sheridan) dont l’époux, Stanley (Bruce Bennett), détient les mines d’argent de la région. Un vil chantage lui en fait devenir le principal actionnaire. John Plato Beck (Thomas Mitchell), son homme d’affaire en même temps que son 'Jiminy Cricket', commence à voir d’un mauvais oeil la manière dont Mike mène ses négoces ; il est outré quand Mike ‘oublie’ de prévenir son rival qu’un grand danger le guette s’il se rend sur le territoire des Soshones pour y prospecter. Et en effet, on le retrouve tué par les Indiens quelques jours plus tard. Alors qu’il a épousé la veuve et que sa puissance ne cesse de croître, il se fait construire un vrai palais en plein désert mais on commence dans son entourage à le comparer au roi David ayant envoyé son rival à la mort pour s’approprier Bethsabée. Son empire commence à vaciller, ses amis à l’abandonner après que Plato ait avoué ses malversations en public…

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« Un homme est seul quand il dépend des autres ; ce n’est pas mon cas. » On devine en lisant l’intrigue et ces quelques phrases l’ambition du film de Walsh, l’envie de dépeindre sans concession l’ascension d’un individualiste forcené à l’ambition personnelle démesurée pour mieux critiquer la férocité du capitalisme naissant, les escroqueries boursières et autres malversations mises en branle pour satisfaire aux intérêts personnels et pouvant conduire jusqu’au meurtre. Un ‘western financier’ d’une grande modernité mais qui ne tient malheureusement pas toutes ses promesses faute à un scénario décousu et sans ampleur et à une mise en scène sans grande envergure. Raoul Walsh nous prouve pourtant qu’il n’avait rien perdu de son dynamisme à travers les deux séquences épiques encadrant le film, le prologue avec la ‘chevauchée-poursuite’ du chariot par les confédérés et surtout l’épilogue qui voit se retourner l’ensemble des mineurs contre ceux qui les poussaient à la révolte pour mieux s’emparer de leurs biens. Deux scènes au cours desquelles le cinéaste montre sa maîtrise du montage, du rythme et de sa formidable gestion d’un nombre imposant de figurants et des mouvements de foule. Dommage qu’entre temps, personne n’arrive plus avant à nous passionner, pas plus le scénariste que le metteur en scène ou de nombreux comédiens.

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Comme Citizen Kane avec lequel je l’ai comparé peut-être abusivement au début de ce texte, l’intrigue de cette ‘grandeur et décadence’ file à 100 à l’heure mais contrairement au chef-d’œuvre d’Orson Welles, Silver River manque de cohérence interne, de fluidité dans la narration, plus construit comme une succession d’épisodes sans véritable progression dramatique que comme l’ample fresque qu’il aurait semblé vouloir être. On suit tout ceci avec détachement, sans se sentir très concerné par ce qui se déroule sous nos yeux, sans ressentir quelconque empathie pour les différents protagonistes de cette course à l’argent. Le film est bavard et manque singulièrement de souffle ; Raoul Walsh peine souvent à le faire décoller tout comme Errol Flynn qui, à 39 ans, bien que toujours talentueux, semble très fatigué, ayant perdu une partie de sa verve et de son dynamisme. Le cinéaste a bien réussi à ce que son acteur principal ne boive plus durant le tournage mais il n’arrive cependant pas à lui faire retrouver son irrésistible entrain, son impétuosité et son panache habituel. Alors évidemment qu’un tel personnage, d’une complexité, d’une richesse et d’une ambiguïté qu’on ne saurait remettre en cause, n’en était pas obligatoirement pourvu mais, dans le même registre, son criminel de Saboteur sans Gloire, quoique aussi cynique et à priori antipathique, nous était bien plus attachant que ce Mike McComb qui se révèle parfois être une fascinante figure d’antihéros mais dont on a bien du mal à croire à sa tentative de rachat moral, son revirement final amenant l’un des Happy End les plus improbables vus jusqu’ici dans un western de prestige. L’amertume et le désenchantement qui irradiaient le film (sans émotion cependant) se transforment en une leçon de morale assez pénible : un élément du scénario à l’image du film, bien bancal.

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Mais nous aurions du dès le départ le prévoir à l’écoute du score composé par Max Steiner, l’un de ses plus faiblards, aussi décharné que l’ensemble du film, Sid Hickox n’accomplissant lui non plus pas de miracles en tant que chef opérateur, Walsh ayant par dessus le marché multiplié les transparences malvenues à chaque fois qu’Errol Flynn et Ann Sheridan sont réunis à l’écran en extérieurs. D’ailleurs, autant le couple était crédible dans l’excellent L’Ange des Ténèbres (Edge of Darkness) de Lewis Milestone, autant il est difficile d’être convaincu par celui qu’ils forme ici, l’actrice mal maquillée se révélant assez limitée, n’arrivant jamais à nous faire oublier Olivia de Havilland. Alors évidemment qu’il y a de belles choses ici et là, de très beaux plans comme ceux en plongée sur le saloon, de jolies scènes bien dialoguées, un évident sens du rythme, quelques réflexions bien senties, de l’intelligence dans les propos, un Thomas Mitchell franchement bon dans son rôle d’avocat philosophe, sentencieux et alcoolique, véritable conscience de son patron qui lui l’a enterrée depuis bien longtemps…mais l’ensemble ne s’avère jamais vraiment passionnant et l’on se surprend souvent à trouver le temps un peu long.

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Et pour chipoter encore, comment expliquer cette étonnante faute de goût, ce mouvement de caméra allant du visage d’Errol Flynn à celui de Bruce Bennett avec un zoom avant esthétiquement très laid, ou encore comment ne pas trouver pesant la parabole de David et Bethsabée rabâchée à tout bout de champs ? Etre aussi tiède à propos d’un film qui ne mérite pas tant qu’on s’acharne dessus n’est néanmoins pas très honnête de ma part. Ce n’est pas tous les jours que l’on voyait une telle intrigue et l'incursion de la politique à l’intérieur d’un western, Errol Flynn et Thomas Mitchell s’en tiraient plutôt bien (personne ne sort en revanche du lot en ce qui concerne les seconds rôles et surtout pas le fadasse Tom d’Andrea), la critique des magouilles financières et la remise en cause du capitalisme (la visite du président Grant et ses idées de grandeur reprises par Mike, en gros « travailler plus pour gagner plus », vous rappellent certainement une pénible situation actuelle) étaient plutôt bienvenues… Dommage seulement qu’à l’arrivée, nous (je plutôt) ne nous soyons pas sentis plus concernés par l’histoire et que nous n’ayons pas été plus touchés par ce personnage haut en couleur, orgueilleux et sans scrupules mais qui dans la solitude dans laquelle il était tombé aurait pu nous boulverser ou tout du moins nous le faire prendre en pitié. Pas mauvais, loin de là, mais frustrant surtout au vu des chefs-d'oeuvres précédents et manquant singulièrement de vie et de chair à mon goût. Son Cheyenne de 1947 (qui aurait d'ailleurs du être interpréter par Errol Flynn), dont on ne parle quasiment jamais, était bien plus enthousiasmant quoique plus conventionnel.
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