Le Western américain : Parcours chronologique I 1930-1949

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Phnom&Penh a écrit :
J'ai toujours trouvé ce film très juste psychologiquement et la photo de James Wong Hoe géniale. Pour Walsh, ce n'est pas un Ovni: il aime le théâtre, les personnages tant caractérisés qu'ils sont à la limite de la caricature, les poursuites à cheval et les remakes (il adore refaire les mêmes scènes dix fois et le film commence sur l'une d'elles).

C'est par un critique, hein, j'ai bien compris que tu avais globalement aimé le film :wink: C'est juste une invitation à le revoir, la prochaine fois, en oubliant la psychanalyse. Pour moi, c'est le film "école" sur la tragédie grecque dans le western: point de vue beaucoup plus intéressant et ouvert que le Dr Freud. Niven Busch est un excellent scénariste, et si la mode était alors au film psychanalytique, il a surtout donné le change en faisant un excellent scénario qui pouvait donner l'impression d'aller dans ce sens. Ou peut-être a t-il su, alors que la mode était aux théories freudiennes, en revenir aux origines, au théâtre grec. Cela donne au film un côté un peu didactique, effectivement un peu lourd. Mais je ne crois pas que ce film aurait été un des préférés de Walsh dans sa propre filmographie s'il avait été son Spellbound.
Je suis d'accord avec tout ce que tu dis (et ton apport est passionnant) sauf qu'en regardant les films dans leurs ordres de sortie au cinéma, celui-ci apparait vraiment novateur par cette incursion justement (aussi minime soit-elle à postériori) à travers le trauma d'enfance (et le letimotiv du cauchemar) et que pour Walsh, le ton était quand même assez nouveau quand on le compare avec ce qu'il avait déjà réalisé (bien plus "léger"), la psychologie des personnages étant plus mise en avant que l'action. Alors c'est effectivement une sorte de cliché, surtout aujourd'hui, mais je trouve qu'il y a quand même une part de vérité et que cette scène récurrente participe de la vague de l'époque. Tragédie grecque, dérive de film noir plus que drame freudien, mais on peut quand même penser à ce dernier à mon avis d'autant que 'l'inceste', les sentiments réprimés... peuvent aussi entrer en ligne de compte. En essayant de faire une 'histoire' d'un genre (même si ça semble assez présomptueux et prétentieux), on est obligé de parler de sa réception de l'époque. C'est comme le "sur-western" de Bazin ; c'est aujourd'hui un cliché surtout que c'est un concept franco-français mais il faut bien en parler et expliquer ce que le théoricien voulait dire par là et en quoi il pouvait avor raison même si pour ma part ça me parait à postériori aussi assez dérisoire et finalement peu intéressant :wink:

Quant au retournement de comportement des femmes, je ne leur pardonne tout simplement pas :mrgreen:

Même avis sur Lourcelles mais ne pratiquons nous pas tous à degré divers la mauvaise foi pour défendre nos chouchous ?

Dommage de ne pas avoir le temps de plus développer ce week end ; du boulot de jardinage et de taille m'attend

En revanche, je rêve effectivement de le revoir mais dans de bonnes conditions.
Donc, pour Grimmy et moi, vite un DVD :lol:
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Phnom&Penh
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Phnom&Penh »

Jeremy Fox a écrit :Quant au retournement de comportement des femmes, je ne leur pardonne tout simplement pas
Je me doutais bien qu'il y avait une impression personnelle dans ce jugement subjectif :mrgreen:

Tu as raison sur la place du film dans son époque et on pourrait retourner ce que j'en dis en disant que parler de ce film sans évoquer la psychanalyse est une absurdité.
En fait - mais c'est toujours difficile d'expliquer un sentiment en quelques lignes - je trouve que le scénario est très bien fait en ce que le film est ce qui était souhaité par la Warner et évite d'être ce que d'autres films sont devenus (un Spellbound très lourdaud et vieilli dans son application des théories freudiennes mais par ailleurs pas si mauvais film que ça, il est juste "plombé"). Et s'il l'évite, c'est justement parce qu'il s'inspire finalement beaucoup plus de la grande littérature que de la psychanalyse. Cela aurait pu être un hasard heureux, mais vu le pedigree du scénariste, je pense que c'était voulu.
Je le vois donc plus comme un western "littéraire". Et, à mon avis, c'est ce qui en fait un des favoris de Walsh dans sa propre filmo, lui qui, sans prétentions, aimait la littérature.
Jeremy Fox a écrit :Dommage de ne pas avoir le temps de plus développer ce week end ; du boulot de jardinage et de taille m'attend
Profites en bien, on devrait avoir un temps superbe! :D
"pour cet enfant devenu grand, le cinéma et la femme sont restés deux notions absolument inséparables", Chris Marker

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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Nestor Almendros »

Jeremy Fox a écrit :
pak a écrit :Sinon, j'aimerai bien causer de quelques uns vus récemment, mais sais pas trop si je dois le faire ici, où créer mon topic et risquer de faire doublon, de vexouiller, de raser en ajoutant sur le sujet, etc... Bref, dites-moi où je fais, et je fais... heu...
par exemple et merci beaucoup. Mais s'il s'agit d'un western déjà évoqué ici, tu peux en parler dans ce topic :wink:
ou alors tu retrouves carrément (s'ils existent) les topics consacrés aux films dont tu veux parler...
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Phnom&Penh a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Quant au retournement de comportement des femmes, je ne leur pardonne tout simplement pas
Je me doutais bien qu'il y avait une impression personnelle dans ce jugement subjectif :mrgreen:
Je me mettais à la place de Mitchum et n'aurais pas voulu que la douce et charmante Teresa se transforme en mégère ; c'est plus fort que moi, je ne veux pas y croire :lol:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Grimmy »

cinephage a écrit :
Grimmy a écrit :Jeremy, tu ne mets plus les jaquettes du dvd en fin des articles ?
Tu n'as pas du lire le dernier paragraphe de la critique de Jeremy... :wink:
C'était par rapport à "Du sang sur la piste" et "Le maître de la prairie". Ils n'existent pas en dvd ?
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Cathy
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Cathy »

Le maître de la prairie sort dans les prochains jours dans la collection Fnac !
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Grimmy »

Merci Cathy ! :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Et ne t'inquiète pas, je n'oublie aucune jaquette. Quand il n'y en a pas, c'est que le DVD n'existe pas :wink:

Celle du Kazan à venir, je ne l'avais pas encore trouvé
joe-ernst
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par joe-ernst »

Jeremy Fox a écrit :Celle du Kazan à venir, je ne l'avais pas encore trouvé
La voici : :wink:

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L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
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Jeremy Fox
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Ramrod

Message par Jeremy Fox »

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Femme de feu (Ramrod, 1947) de André de Toth
MGM


Avec Joel McCrea, Veronica Lake, Don DeFore, Donald Crisp, Preston Foster, Arleen Whelan, Lloyd Bridges, Charles Ruggles
Scénario : Jack Moffitt, C. Graham Baker & Cecile Kramer d’après une histoire de Luke Short
Musique : Adolph Deutsch
Photographie : Russel Harlan (Noir et blanc)
Un film produit par Harry Sherman pour Enterprise Productions


Sortie USA : 02 mai 1947

Ramrod est le premier western du cinéaste André De Toth ; au vu de cet essai pourtant très intéressant sur le papier, les spectateurs de l’époque ont du avoir du mal à imaginer que le cinéaste allait devenir un des représentants les plus enthousiasmants du genre quelques années plus tard. Il faudra d’ailleurs ensuite attendre quatre ans avant qu’il en réalise un deuxième, le très remuant Le Cavalier de la mort (Man in the Saddle), qui marquait dans le même temps le début de son excellente collaboration avec Randolph Scott. Né en Hongrie en 1912, fils d’un officier des Hussards, André De Toth entre dans l’industrie cinématographique en 1931. Touche-à-tout, il sera tour à tour scénariste, monteur, acteur puis assistant réalisateur. En 1939, expatrié en Angleterre après avoir assisté à l’invasion de la Pologne, on le voit au générique d’œuvres de Zoltan Korda telles que Le Voleur de Bagdad. Il gagne ensuite les USA où il débute en conduisant des camions avant d’être de nouveau engagé par un autre réfugié, le même Korda qui le place réalisateur de seconde équipe sur Le Livre de la jungle. Il devient cinéaste attitré dès l’année suivante se spécialisant dans les films de genre, aussi à l’aise dans l’aventure, les thrillers ou les films d’espionnage. En 1943, il réalise un film remarquable et sacrément courageux pour l’époque, un des plus puissants pamphlets antinazi qui ait été tourné, None Shall Escape, d’une lucidité telle qu’il prévoyait le procès de Nuremberg.

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1870 dans une petite ville de l'Utah. Dave Nash (Joel McCrea) travaille pour Walt Shipley (Ian MacDonald), éleveur de moutons en guerre contre Ben Dickason (Charles Ruggles) et Frank Ivey (Preston Foster), deux ranchers puissants et autoritaires qui ne souhaitent pas partager leurs pâturages avec un vulgaire 'Sheepman'. La rivalité entre les deux clans n’est pas si simple à gérer puisque la fille de Ben, Connie (Veronica Lake), s’est amourachée de Walt, l’ennemi de son père, alors que ce dernier lui destinait son partenaire Frank Ivey pour époux. Un soir, humilié par le camp adverse, Walt préfère quitter la partie, abandonnant ses terres et sa ‘fiancée’. Mais Connie, blessée dans son amour-propre, décide de poursuivre le combat ; pour tenir tête à son père et à son promis, elle engage Dave qui, à son tour embauche ami Bill Schell (Don DeFore) pour lui prêter main forte. Alors que Dave avait dans l’idée pour arriver à ses fins de ne pas utiliser la violence, il va néanmoins se retrouver au centre d’un combat sans merci et sans scrupules au cours duquel les deux clans vont s’entredéchirer causant morts sur morts. Même le shérif Jim Crew (Donald Crisp) ne pourra rien y faire…

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En 1947, celui que l’on allait appeler le 4ème borgne d’Hollywood, réalisait un vieux rêve, celui de tourner un western en décors naturels (ici l’Utah) au sein duquel une femme serait le moteur de l’intrigue. C’est John Ford qui devait se charger de mettre en scène cette histoire de Luke Short (plus tard, auteur adapté avec plus de réussite au travers d’autres westerns tels Coroner Creek (Ton heure a sonné) de Ray Enright, Station West (La Cité de la peur) de Sidney Lanfield, Blood on the Moon (Ciel rouge) de Robert Wise ou Ambush (Embuscade) de Sam Wood). Mais préoccupé par le tournage de La Poursuite infernale (My Darling Clementine), Ford suggère à la production (un nouveau studio nommé Enterprise) le nom d’André de Toth à qui il cède la place en lui faisant entièrement confiance ; le jeune cinéaste hérita du casting prévu au départ et d'une intrigue complexe. Il eut aussi la chance de pouvoir faire tourner son épouse d’alors, Veronica Lake, qui n’aura plus d’autres occasions par la suite de jouer dans un western.

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Comme bon nombre de westerns tournés à partir du milieu des années 40, Ramrod a tendance à loucher du côté du film noir en reprenant quelques-uns de ses codes, son atmosphère et, tout à fait logiquement, sa noirceur. L'histoire de départ contenait de très nombreux éléments intéressants notamment dans les relations entre les personnages, et surtout l'amitié liant Dom DeFore et Joel McCrea. Beaucoup d'autres très bonnes intentions que l'on sent tout du long à la vision du film sans que jamais la mayonnaise n'arrive à prendre ; c'est d'autant plus rageant que l'intrigue originale (avec cette femme à la tête d'un des deux camps adverses, une ambigüité chez quasiment tous les personnages...) aurait très bien pu accoucher d'un grand et beau western si l'écriture des trois scénaristes n'avait pas été aussi catastrophique à l'instar des dix premières minutes. Alors que nous en sommes en tout début de film, nous avons la désagréable impression d'en avoir loupé plus de la moitié tellement la mise en place s'avère inutilement obscure, complexe et, pour tout dire, quasiment incompréhensible à la première vision. Les dialogues sont truffés de noms de personnages que nous n'avons pas encore eu le temps de connaître ou même de voir à l'écran ; on se perd ainsi dès le prologue dans les méandres alambiqués d'une intrigue qui est pourtant, à l'étudier de plus prêt, claire comme de l'eau de roche.

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Le manque de rigueur du scénario se poursuivra tout du long, le résultat étant la quasi impossibilité de s'attacher à des personnages peu étoffés et à ce qui leur arrive. Au travers de cette ronde ininterrompue de violence et de morts, il y avait pourtant matière à se retrouver devant un second Duel au soleil. Jugez plutôt ! Connie est une femme ayant assistée toute sa vie à la faiblesse d'un père dominé par celui qu'il lui destine pour époux. Quand l'homme qu'elle aime abandonne la lutte pour les terres et la vie de couple, elle ne se démonte pas et entre en guerre contre le clan de son père. "From now on, I'm going to make a life of my own. And, being a woman, I won't have to use guns." Cela devient pour elle une obsession que de gagner ce combat quitte à faire tuer des innocents et, pour arriver à ses fins, sans avoir peur d'utiliser ses charmes auprès du plus grand nombre. Ce qui ne l'empêche pas de temps à autre d'avoir des problèmes de conscience. Sur le papier, un personnage bougrement riche et intéressant comme la plupart de ceux qui gravitent autour d'ailleurs : le shérif (Charles Ruggles, plus habitué à tourner dans des comédies), le 'Ramrod' (l'intendant) interprété par Joel McCrea, son ami par Don DeFore ou encore l'adversaire que joue l'excellent Preston Foster. Malheureusement à l'écran, les personnages ne brillent pas par leur charisme, pas plus que les comédiens du coup.

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Veronica Lake n'est guère convaincante avec quasiment une expression de visage unique tout au long du film ; en tout cas, nous sommes loin de la femme de feu annoncée par le titre français. Au sein de ce casting pourtant prestigieux, seul Don DeFore tire son épingle du jeu et arrive à nous émouvoir. La séquence de sa mort est d'ailleurs un superbe moment de mise en scène ; dommage que la traque qui a précédé ait été interminable sans que ce ne soit justifié, la séquence dans son ensemble n'étant pas plus importante qu'une autre. Toujours ce manque de rigueur du scénario qui fait se suivre avec à coups hachés des séquences trop distendues ou trop brèves, le tout accompagné d'une musique envahissante, de dialogues opaques et de beaux extérieurs naturels pas forcément bien mis en valeurs. Un western qui avait tout pour plaire mais qui se révèle au final assez terne et sans âme. Nous y trouvons néanmoins quelques fabuleuses séquences comme le splendide premier plan, long travelling savant, figure de style qui deviendra la marque de fabrique du cinéaste. Et puis, superbe photographie de Russel Harlan ! N'empêche que la déception a été à la hauteur de l'attente.

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Mais tout le monde n’est pas de cet avis, bien au contraire ; Martin Scorsese ou Bertrand Tavernier ne tarissent pas d’éloges à son égard. Le premier le considère même comme étant "un western cynique et macabre, qui conserve une fraîcheur étonnante". En lisant ceci, j'ai l'impression de ne pas avoir vu le même film (visionné deux fois de suite) mais le mieux est de vous faire votre propre opinion afin de savoir dans quel camp vous allez vous ranger car l'édition de ce film est quand même une sacré aubaine pour tous les amateurs de westerns qui attendaient depuis très longtemps de pouvoir enfin découvrir ce Ramrod devenu très rare avant sa 'résurrection' fin 2011 au festival Lumière.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par someone1600 »

En tout cas, il a l'air bien intéressant le dernier film dont tu as parlé. :D
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

someone1600 a écrit :En tout cas, il a l'air bien intéressant le dernier film dont tu as parlé. :D
Le suivant, western de Walsh totalement oublié celui-ci, est un modèle de divertissement ; mon avis avant la fin de la semaine. Je rêverais d'un DVD pour ce Cheyenne incompréhensiblement laissé de côté et pourtant assez jouissif.
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Jeremy Fox
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Cheyenne

Message par Jeremy Fox »

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Cheyenne (1947) de Raoul Walsh
WARNER


Sortie USA : 06 juin 1947


A peine trois mois après Pursued, le nom de Raoul Walsh faisait à nouveau son apparition sur les écrans de cinéma au générique d’un autre western certes, mais cette fois totalement différent ; ceux pour qui le genre se doit d’être avant tout un divertissement et qui croyaient que le cinéaste avait perdu son sens de l’humour, sa pétulance et sa vigueur allaient être rassurés. En effet même s’il ne possède pas les ambitions de son prédécesseur, Cheyenne ne mérite pas l’oubli dans lequel il est irrémédiablement tombé, passé sous silence dans la plupart des ouvrages consacrés au genre, omis par Walsh lui-même dans son autobiographie voire même fortement mésestimé : Phil Hardy écrira tout simplement à son propos « The Least of Walsh’s Many Westerns ». Sans vouloir trop m’avancer dans le futur, en ce qui me concerne, il n’en est rien ! Dans le domaine des films n’ayant pour objectif que de distraire à chaque seconde, Cheyenne (sorti également sous le titre Wyoming Kid) pourrait même être considéré comme un modèle. Mélangeant allègrement western, comédie et enquête policière, il ne nous laisse pas souffler un instant pour notre plus grand plaisir tellement cette mayonnaise à priori indigeste se révèle avoir parfaitement pris.

Wyoming, 1967. James Wylie (Dennis Morgan), un joueur professionnel recherché à Carson City, est appréhendé par le détective Yancey (Barton MacLane) qui lui propose de ne pas le livrer aux autorités judiciaires s’il l’aide à capturer un bandit insaisissable qui se fait surnommer ‘ le poète’ et qui pille la plupart des diligences de la Wells Fargo. N’ayant pas trop le choix, James Wylie se rend à Cheyenne où il semble que le hors-la-loi s’est réfugié. Il fait le voyage avec deux femmes, Ann Kincaid (Jane Wyman) et la chanteuse de cabaret Emily Carson (Janis Paige) ; en cours de route, la diligence est attaquée par la bande de Sundance Kid (Arthur Kennedy) mais les bandits n’y trouvent qu’un coffre vide contenant cependant un poème signé de leur principal concurrent dans la région. Ils ne s’en formalisent pas trop puisque le poète leur a suggéré par écrit de pouvoir faire leurs prochain coup ensemble et de partager le butin. Arrivé à destination, Wylie commence son enquête et découvre que la jolie Ann qui lui avait tapé dans l’œil durant le voyage n’est autre que la jeune épouse du mystérieux outlaw ; pour s’infiltrer dans la bande de Sundance Kid et faire réagir ‘le poète’, il se fait passer à leur yeux pour le mystérieux voleur et donc pour le mari d’Ann. C’est le début de quiproquos en pagaille et de situations bien emberlificotées d’autant qu’Ann joue le jeu dans le but de donner le temps à son véritable conjoint de se sauver puisqu’elle le sait désormais sur le point d’être démasqué par ce charmant ‘joueur-espion’...

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Une histoire assez compliquée à raconter mettant sur les devants de la scène des personnages et situations assez cocasses et originales, un ‘gambler’ au passé douteux à qui on a fait du chantage pour qu’il accepte de se charger de découvrir l’identité d’un mystérieux braqueur de diligences qui signe ses crimes par des poèmes en rimes, deux femmes dont l’une est l’épouse du poète-outlaw, l’autre sur le point d’épouser ce même homme, deux chefs de bande à la fois concurrents et associés… A lire tout ceci, on peut raisonnablement penser que le scénario doit être un embrouillamini pas possible et moi-même ne suis déjà plus certain de ma rappeler l’enchaînements des éléments de l’intrigue ! Mais le principal est que durant le visionnage du film, rien ne soit confus, tout soit au contraire clair comme de l’eau de roche ; bref, une très belle réussite des scénaristes Alan Le May et Thames Williamson qui vont au bout de leur histoire sans jamais faire lâcher prise aux spectateurs. N’attendez cependant aucune notation psychologique ni considérations de quelque ordre que ce soit, politiques, sociales, historiques ou autres ; « That’s Entertainment » semble avoir été le mot d’ordre de Walsh peut-être pour se changer de la tension dramatique intense qui parcourait son précédent western. Deux chansons par Janice Paige, des situations proches de la comédie américaine de l’époque (les séquences de la baignoire et de la ‘seconde’ nuit de noces n’auraient pas dépareillé dans l’une d’entre elles), des dialogues à double sens aux sous-entendu sexuels assez salaces, des scènes d’action d’une efficacité redoutable, des méchants très méchants certains avec le physique de l’emploi, des retournements de situations incessants, des quiproquos à la pelle… tout a été mis en place pour faire passer au spectateur 90 minutes de pure détente et le résultat est à la hauteur des espérances : savoureux !

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A condition de ne pas attendre à ce que le film vous bouleverse ou vous touche profondément (ce n’est pas le but recherché), le contentement devrait être au rendez-vous d’autant que le mélange des genres est réussi et que les interprètes se prêtent au jeu avec un plaisir évident. Rarement Dennis Morgan avait été aussi convaincant au point qu’il arrive même à nous faire oublier que son rôle avait été au départ prévu pour Errol Flynn ; Arthur Kennedy, déjà partenaire de Dennis Morgan dans Bad Men of Missouri dans lequel ils jouaient tous deux les frères Younger, est un parfait et menaçant ‘Bad Guy’ dont les éclairs de violence sont redoutables ; Bruce Bennett possède la classe adéquate pour interpréter ce mystérieux voleur poète ; Janis Paige, tout comme Dennis Morgan plus habituée des comédies musicales, s’avère bien fringante et Jane Wyman, dans la peau d’un personnage ambigüe, prouvait son immense talent après avoir loupé de peu l’Oscar pour son rôle de la mère de Jody dans The Yearling de Clarence Brown. On pourrait aussi dire un mot de très bons seconds couteaux tels John Ridgely, Tom Tyler, Bob Steele ou encore Alan Hale dans la peau du personnage truculent du shérif couard.


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Un scénario bien enlevé, un casting parfaitement choisi, de superbes extérieurs filmés en Arizona et magnifiquement photographiés par Sidney Hickox, un Max Steiner inspiré dans le mélange des tons mais aussi une mise en scène de Raoul Walsh d’une efficacité à toute épreuve donnant à son film un rythme aussi trépidant que son intrigue. Il n’y a qu’à regarder ses scènes d’action pour s’en persuader. Lors des poursuites à cheval, le cinéaste se place devant les cavaliers (sans aucun stock-shot ni transparences) penchant un peu sa caméra et laissant les chevaux au grand galop le déborder par le côté, ce qui donne un dynamisme étonnant à ces séquences mouvementées. Content de retrouver le Walsh truculent, nerveux (l’échange de coups de feu dans la cabane abandonnée est d’une étonnante et sèche violence) et bon enfant. Certes pas aussi génial que de nombreux précédents chefs-d’œuvre du cinéaste mais à ne cependant pas négliger ; une œuvre certes mineure mais fichtrement réjouissante que je rapprocherais de The Desperadoes de Charles Vidor pour ceux qui l'auraient vu. Encore une belle réussite du scénariste-producteur Robert Buckner qui nous avait déjà ravi avec les films du duo Michael Curtiz/Errol Flynn. Un DVD s’il vous plait messieurs les éditeurs ! A savoir enfin que la copie régulièrement diffusée sur TCM est de très bonne qualité ; rien à voir avec les images trouvées sur le net et incluses ici mais plus proche de la première photo d'exploitation intégrée avant le pitch.
Julien Léonard
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Julien Léonard »

Ah, je ne le connais pas celui-là ! Ton avis donne envie, et en même temps il ne m'étonne pas : Walsh, c'est le metteur en scène qui ne me déçoit jamais (c'est comme ça que je le qualifie). Bon, peut-être qu'un jour, si je visionne un peu sa période Paramount, aurais-je des déceptions... Mais pour le moment, nada !

Bref, tu m'a donné l'eau à la bouche. :)
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Major Dundee
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Major Dundee »

C'est vrai qu'il est bien sympa ce "Cheyenne" de Walsh, encore une fois superbement analysé par Jeremy :roll:
Par contre le prochain "Gunfighters" de Waggner, je ne le connais pas.
Charles Boyer (faisant la cour) à Michèle Morgan dans Maxime.

- Ah, si j'avais trente ans de moins !
- J'aurais cinq ans... Ce serait du joli !


Henri Jeanson
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