La Lance brisée (Edward Dmytryk - 1954)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99488
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Message par Jeremy Fox »

Image

La Lance brisée (Broken Lance, 1954) de Edward Dmytryk
20TH CENTURY FOX


Avec Spencer Tracy, Richard Widmark, Robert Wagner, Katy Jurado, Hugh O'Brian, Jean Peters, Earl Holliman
Scénario : Richard Murphy
Musique : Leigh Harline
Photographie : Joseph MacDonald (Technicolor 2.55)
Un film produit par Sol C. Siegel pour la 20th Century Fox


Sortie USA : 25 septembre 1954

Après 15 années derrière la caméra et une vingtaine de longs métrages à son actif, Edward Dmytryk réalise avec La Lance brisée son premier western. Un cinéaste dont l’évolution de carrière demeure assez étrange (et je ne parle pas ici –ou très rapidement pour m’en débarrasser- de son adhésion au parti communiste, de sa mise à l’index par la Commission des Activités Anti-américaines, de son exil en Angleterre ni de ses dénonciations après avoir fait partie de la 'liste des dix' ; comme pour Elia Kazan, il y a désormais prescription et ces 'frasques' extra-cinématographiques ne devraient pas nous concerner lorsque l’on parle de leurs œuvres). Artistiquement parlant donc (après une bonne dizaine de films totalement inconnus), révélé en 1944 par Adieu ma belle (Murder my Sweet), film noir d’un baroquisme plastique assez délirant, on aurait pu croire que le cinéaste allait devenir un des grands formalistes hollywoodiens ; ce qui ne sera en définitive pas du tout le cas, beaucoup de ses films suivants sombrant souvent au contraire dans un académisme un peu pesant et ennuyeux. Il sera la plupart du temps, comme d’ailleurs dans le film qui nous concerne, un bon technicien et le faire-valoir de brillants interprètes (ici, non moins que Spencer Tracy, Jean Peters, Katy Jurado, Robert Wagner et Richard Widmark) mais pas un grand metteur en scène. Ce qui a pour résultat une filmographie pas forcément désagréable mais dont la plupart des titres ont du mal à nous passionner plus avant. Ses œuvres, souvent ambitieuses au départ, manquent pour une grande majorité d’ampleur, de rythme et plus globalement … de vie et de passion. La Lance brisée en est un parfait exemple et représente assez bien le cinéma de Dmytryk avec ses qualités et ses défauts.

Image
Après avoir purgé trois années de prison, le jeune Joe Devereaux (Robert Wagner) est libéré. Avant de faire quoique ce soit, on l’oblige à aller rencontrer ses trois frères, Ben (Richard Widmark), Mike (Hugh O'Brian) et Denny (Earl Holliman) ; ces derniers lui proposent une grosse somme d’argent à condition qu’il quitte la région. Ils ne souhaitent effectivement pas que Joe se mêle des affaires familiales qu’ils se sont mis à gérer à la mort de leur père et préfèrent ‘l’expatrier’. Joe refuse en jetant la liasse de billets dans un crachoir. Le voici chevauchant au sein d’immenses plaines jusqu’à un ranch à l’abandon. Là, sur un mur, un tableau intimidant d’un patriarche qui n’est autre que son père. C’est le début d’un long Flash Back qui va peut-être nous renseigner sur les raisons de l’emprisonnement de Joe ainsi que sur celles de la mort du chef de famille... Riche éleveur de bétail, Matt Devereaux (Spencer Tracy), un veuf tyrannique, dirige son ranch en Arizona avec une poigne de fer. Rude avec ses hommes, impitoyable avec ses trois fils avec qui il entretient des rapports tumultueux, il s'avère au contraire un mari affectueux envers sa seconde épouse (Katy Jurado), la fille d’un chef Comanche, et un père attentif pour son quatrième rejeton, leur fils Joe. Ce dernier est amoureux de Barbara (Jean Peters), la fille du gouverneur ; ce dernier, meilleur ami de Matt, voit pourtant cette idylle d’un mauvais œil sachant Joe métis. Cette amitié branlante et ces tensions familiales sont provisoirement laissées de côté le jour où les déchets d’une mine de cuivre viennent à polluer la rivière où les troupeaux des Devereaux s’abreuvent, décimant quelques bêtes. Une expédition punitive est dirigée contre la mine et ses travailleurs…

Image
On le sent au résumé de l’intrigue ; les ambitions de départ étaient très fortes, le scénario cherchant à brasser drame familial, portraits psychologiques, réflexions sur l’écologie et le racisme, tableau d’un début de siècle qui voit se profiler de grands changements dus à la révolution industrielle, les tyranniques Cattle Baron n’ayant plus vraiment lieu d’être... Malheureusement chaque piste intéressante sur quelque sujet que ce soit est vite abandonnée sans que le scénariste ait pris le temps de l’approfondir ; le mélange de tous ces thèmes au sein d’un script manquant de rigueur rend l’ensemble moyennement harmonieux et pas franchement captivant. Si les auteurs avaient eu l’intention de peindre une ample fresque familiale il aurait fallu accorder au film une durée bien plus longue que ces courtes 95 minutes au cours desquelles nous n’avons pas vraiment le temps de nous habituer aux personnages, de nous attacher à l’histoire. Un western trop succinct au vu de ses prétentions et qui se révèle finalement manquer de souffle, de rythme et de passion là où tous ces éléments étaient attendus. Car La Lance brisée marche sur les traces d’autres "mélodrames westerniens familiaux" tels Duel au soleil de King Vidor ou The Furies d’Anthony Mann sans l’intensité dramatique de ces derniers par faute d’un scénario déséquilibré et bavard ainsi que d’une mise en scène bien paresseuse. Il se rapprocherait donc plutôt de Sea of Grass (Le Maître de la prairie) d’Elia Kazan (avec déjà Spencer Tracy interprétant un personnage similaire aux côtés de Katharine Hepburn) ou de Passage interdit (Untamed Frontier) de Hugo Fregonese, en néanmoins un peu plus séduisant que ces deux films dans l’ensemble bien ratés.

Image
Broken Lance est un remake à peine déguisé de La Maison des étrangers (House of Strangers) de Joseph Mankiewicz qui, comme le roman de Joseph Weidman, se déroulait à l’époque contemporaine de son tournage dans le milieu bancaire. Cinq ans plus tard, Richard Murphy (puisque Philip Yordan n’aurait été qu’un prête-nom sur les deux films, chasse aux sorcières oblige) reprend l’argument principal du Mankiewicz, à savoir la sortie de prison d’un homme ayant purgé une peine à la place de son père et sa difficile réinsertion auprès des autres membres de sa famille qu’il estime s’être désolidarisé de lui alors qu’entre temps son père est décédé, pour le transposer au début du siècle dans des décors de western. Après une brillante mise en place, le film se lance dans un flash-back de près d’une heure permettant de connaître les raisons de la situation de départ : pourquoi Joe a-t-il été emprisonné ? Pourquoi ses relations avec ses frères sont-elles aussi tendues ? Pourquoi des indiens viennent-ils l’accueillir aux portes du ranch familial désormais vide de ses habitants ? Puissante séquence que celle qui démarre ce retour arrière, à la limite du fantastique avec cette vision du ranch qu’on dirait hanté, ce tableau imposant du patriarche, le vent s’engouffrant dans ces pièces vides et abandonnées… La mélancolique photographie de Joe MacDonald et la superbe partition de Leigh Harline (pleine de panache et de souffle dans la mouvance d’Alfred Newman, le compositeur numéro 1 de la 20th Century Fox) renforcent cette atmosphère loin d’être inintéressante et même assez prenante. La suite le sera malheureusement un peu moins faute donc à une histoire moyennement bien construite partant dans de nombreuses directions sans jamais vraiment les creuser ni pleinement nous satisfaire.

Image
Le film nous parle du déclin inexorable d’une famille de ranchers suite au virage opéré en ce début du 20ème siècle, l’industrie allant doucement remplacer l’élevage en Arizona, les méthodes de ‘management’ allant devoir s’assouplir pour que la tyrannie cesse de régner au sein de certains domaines. Il aborde rapidement les problèmes de pollution qui découlent des avancées technologiques (ici, la pollution de l’eau due à l’extraction d’un minerai) et effleure celui d’un racisme toujours prégnant alors que les guerres indiennes sont désormais terminées depuis une dizaine d’années. Il nous octroie quelques portraits de personnages assez denses, psychologiquement intéressants, notamment celui qu’interprète Richard Widmark, le même que les scénaristes, à court d’idées, transforment en ‘Bad Guy’ à la toute fin du film dans le probable but de donner au spectateur au moins une séquence d’action qui malheureusement n’avait rien à faire là. Ben, grâce aussi à l’immense talent du comédien, est probablement le protagoniste le plus attachant du film ; un homme qui s’est toujours senti rejeté par un père que de son côté il vénérait. Au moment où on le découvre pour la première fois, son amour filial s’est transformé en profonde rancœur ; ce qui sera à l’origine de séquences à la fois tendues et touchantes entre le père et le fils dont la dernière qui les rassemble dans le ranch et où Ben balance toute son amertume à la tête d’un Matt affaibli. La scène la plus puissante du film confrontant deux acteurs extraordinaires, Richard Widmark et Spencer Tracy ; dommage que ce dernier se soit parfois encore cru dans une comédie de George Cukor (notamment dans la longue séquence du procès), ce qui déstabilise encore plus le film. Les deux acteurs portent néanmoins La Lance brisée sur leurs larges épaules et suffisent à rendre le film tout à fait regardable.

Image
Car sinon, pourquoi avoir choisi une fratrie composée de quatre membres alors que les personnages joués par Earl Holliman et Hugh O’Brian sont totalement sacrifiés par le scénariste, ne servant absolument à rien au sein de l’intrigue ? Pourquoi une aussi bonne actrice que Jean Peters se voit-elle attribuer un personnage aussi intéressant mais à ce point sous-exploité ? Idem pour Katy Jurado qui, bien que touchante, n’a pas la place qu’elle aurait mérité. Quant à Robert Wagner, on lui a surement collé l’étiquette d’acteur fade par le seul fait d’être un beau gosse (c'est monnaie courante ; jalousie ?) car il s’avère loin d’être mauvais même si manquant un peu de charisme. Mais, pour en revenir au personnage archétypal de l’intransigeant Cattle Baron superbement joué par Spencer Tracy (même s'il se laisse aller à 'surjouer' à deux ou trois reprises), il faut dire que son écriture est en revanche vraiment riche. A la fois haïssable et touchant, Matt Devereaux est le second protagoniste intéressant (car complexe) de ce film. Il est le représentant d’un monde finissant à l’orée du 20ème siècle, d’une caste tendant à disparaitre, celle des riches propriétaires tenant une région sous leur coupe et se croyant au dessus de lois par le fait de tirer les ficelles de tous les membres de l’administration locale qui n'osent pas lui opposer quelconque résistance. Un homme ambigu et très critiquable par certains de ses comportements, capable d’accès de violence incontrôlables tout en étant doux et aimant avec son épouse indienne qu’il protège du racisme ambiant, donnant le bon exemple des relations amicales qu’il faut désormais entretenir avec la nation indienne. D’ailleurs, la plupart de ses hommes sont issus de la tribu de sa femme (un élément assez original du scénario). Incapable de comprendre ni même d’écouter ses fils issus d’un premier mariage, il est au contraire prêt à tout accepter du fils de sa seconde épouse ; ce qui provoque des jalousies et de violentes confrontations entre les demi-frères.

Image
Si l’ensemble manque de rigueur, on trouve au cours du film de superbes séquences qui en font malgré tout un western tout à fait honorable : celle pleine de piquant (c’est le cas de le dire même au sens propre) du repas entre tous les membres de la famille Devereaux et celle du gouverneur ; le bannissement des trois fils ; l’arrivée des hommes de main (indiens) aux abords de la cité minière ; la scène d'affrontement entre Spencer Tracy et le gouverneur à propos de l’incapacité de ce dernier à faire fi de la race de celui qui aurait voulu devenir son futur gendre et au cours de laquelle Matt est dépité de voir qu’une si forte amitié puisse se briser pour cette raison ; le face à face déjà cité, d’une grande intensité, au cours duquel Widmark opère le clash définitif d’avec son père pourtant diminué et incapable de pouvoir se défendre… Et puis, même si la mise en scène s’avère assez quelconque, il faut louer la science du cadrage et la superbe utilisation du cinémascope que ce soit en extérieurs (les paysages ressemblent souvent à des tableaux) ou en intérieurs avec de superbes placements de personnages à l’intérieur du large rectangle. Grâce donc surtout à de magnifiques images et à une très bonne interprétation d'ensemble, ce western aux résonances humanistes et sociales reste tout à fait honorable quoique bien trop sage. On aurait aimé que ce regard lucide et un peu mélancolique sur les évolutions historiques et les changements de l’époque (non pas seulement industriels mais aussi dans les mentalités) ait accouché d’un film plus ample et passionnant, que ces thèmes n’aient été abordées qu’en filigrane. On se contentera de ces multiples pistes lancées mais peu creusées. Pour amateurs surtout de drames familiaux, les westernophiles pouvant se sentir un peu lésés. C'est surtout qu'au vu des intentions, on pouvait prétendre à tout autre chose de bien plus puissant. Une fois cela dit, le film est loin d'être déplaisant.
someone1600
Euphémiste
Messages : 8853
Inscription : 14 avr. 05, 20:28
Localisation : Québec

Message par someone1600 »

Merci Jeremy. :wink:
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99488
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Message par Jeremy Fox »

someone1600 a écrit :Merci Jeremy. :wink:
Et The Proud Ones a une VF enregistrée récemment donc inécoutable pour ma part. La dernière caravane et le Fleischer possèdent la VF d'origine
someone1600
Euphémiste
Messages : 8853
Inscription : 14 avr. 05, 20:28
Localisation : Québec

Message par someone1600 »

Je pense bien les regarder en VO de toute facon. :roll:
mynameisfedo
Bernanonos
Messages : 5811
Inscription : 8 févr. 05, 16:18

Message par mynameisfedo »

effectivement, le coup du "je traduis une phrase sur 2 pour les sous-titres" est très malvenu pour ceux qui ne pigent que dalle à l'anglais.

autrement, le film est très fort et n'a pas pris une ride! 8)
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99488
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Message par Jeremy Fox »

Drame familial et psychologique assez dense et aux personnages assez bien écrits et tous intéressants. Dommage que la mise en scène de Dmytryk manque d'ampleur et de souffle même si l'utilisation du cinémascope est vraiment très réussie. Grâce aussi à de magnifiques images et à l'interprétation d'ensemble, un western tout à fait honorable mais qui reste bien trop sage. Avec une telle histoire mélodramatique, il aurait fallu plus de dynamisme derrière la caméra.
someone1600
Euphémiste
Messages : 8853
Inscription : 14 avr. 05, 20:28
Localisation : Québec

Message par someone1600 »

J'ai bien aimé moi aussi. Pas extraordinaire, mais bon tout de meme. :wink:
Avatar de l’utilisateur
zybine
Doublure lumière
Messages : 399
Inscription : 11 mai 05, 19:27
Contact :

Message par zybine »

Dans le cadre des promos de fin d'année, il y aura un coffret (enfin, un piètre carton avec les 4 dvd dedans, j'imagine) de La Flèche brisée / Le Jardin du Diable / L'Homme aux colts D'or / La Lance Brisée

Annoncé à 39,99 € sur Amazon pour le 8 novembre
Jihl
Doublure lumière
Messages : 584
Inscription : 4 mars 06, 23:06
Localisation : Louis Restaurant

Message par Jihl »

Je viens de découvrir le film dans une bonne copie (DVD Zone 1) qui rend justice au cinemascope. Deuxième Dmytryck en deux jour (hier c'était Le bal des maudits) et encore un bon moment de passé. Histoire bien construite (long flashback après une bonne mise en place), personnages fouillés, peu de scènes d'action : ce sont les mots qui servent d'armes dans ce western.
Quelques très belles scènes (une scène de repas "fordienne", la scène d'affrontement entre Spencer Tracy et le gouverneur, la scène entre Tracy et Widmarck), un casting solide et homogène mais aussi une fin moyenne (affrontement Widmark/Wagner en trop) et c'est vrai parfois une mise en scène un peu paresseuse.
Au total celà reste quand même du bon boulot.
Nestor Almendros
Déçu
Messages : 24313
Inscription : 12 oct. 04, 00:42
Localisation : dans les archives de Classik

Re: Edward Dmytryk (1908-1999)

Message par Nestor Almendros »

J'en profite pour replacer mon bref avis posté le 19 avril 2006

LA LANCE BRISEE d'Edward Dmytryk

Un bon western, qui s'apparente toutefois plus au drame. Son intrigue principale repose sur un conflit familial, un patriarche autoritaire et ses enfants ambitieux, avec le racisme en toile de fond. C'est bien mené, Tracy en impose, campant un personnage charismatique, impressionnant mais qui parfois apparait beaucoup plus criticable dans certains de ses comportements, ce qui n'est pas si habituel pour un tel personnage, plutôt rangé du coté des "bons". Richard Widmark s'efface devant Tracy, mais on le remarque, il est bien là. Petit bémol sur sa dernière scène (je parle de Widmark!) qui m'a semblée mise là à défaut d'avoir trouvé un vrai dénouement original.
Spoiler (cliquez pour afficher)
en effet à ce moment là, Robert Wagner (et non "Roger" comme indiqué sur la jaquette :fiou: ) veut s'en aller, le film peut se terminer, sauf qu'il manque une conclusion au personnage "méchant" de Widmark. Par paresse, les scénaristes ont choisi le châtiment, profitant du même coup pour mettre une scène d'action...
Si tous les masters de la Fox (et des autres aussi d'ailleurs) étaient d'aussi bonnes qualités ce serait le paradis, mais on serait blasés et jamais surpris non? C'est une splendeur de redécouvrir des classiques dans de telles conditions. Absolument rien à critiquer. La compression est très discrète, je m'attendais à bien pire.

Ah si: petit bémol aux sous-titres qui ont tendance à résumer plusieurs phrases en une, et ça a comme conséquence d'entendre parler les acteurs pendant plusieurs secondes sans que cela soit traduit. Et j'ai horreur de ça, heureusement que je comprends l'anglais... :|
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
angel with dirty face
Six RIP Under
Messages : 4655
Inscription : 7 mars 07, 22:23

Re: La Lance brisée (Edward Dmytryk - 1954)

Message par angel with dirty face »

Mon avis qui date du dimanche 30 Mars 2008...

Attention spoiler!
angel with dirty face a écrit :J'ai profité de mon cycle* pour revoir Broken Lance (La Lance Brisée, 1954) d'Edward Dmytryk et j'avoue que je suis toujours aussi ennuyé par la fin (La scène de la mort de Ben Devereaux (Richard Widmark) ne me semble pas assez travaillée). J'ai l'impression que les auteurs se sont permis des facilités au niveau du scénario pour cette scène. Cependant, ça ne nuit pas au film qui reste un somptueux western (dans son ensemble) construit comme tragédie grecque avec une distribution non négligeable : Spencer Tracy, Robert Wagner qui crève l'écran, Jean Peters et Richard Widmark.
Image
Ma grande satisfaction se trouve dans les bonus que j'ai failli éviter parce que Bertrand Tavernier a parfois tendance à me gaver... Pour ceux de Broken Lance, ce n'est pas le cas puisque le réalisateur de Coup De Torchon nous éclaire sur un point qui m'a toujours intrigué au sujet du scénario de ce western: Sa similitude avec un autre film, House Of Strangers (La Maison Des Etrangers, 1949) de Joseph L. Mankiewicz. Il en profite aussi pour nous faire un petit topo sur le scénariste et producteur Philip Yordan. Je recommande vivement cette interview à ceux qui possèdent le DVD**.
* Cycle Richard Widmark
** DVD zone 2 (édité en France par Sidonis)
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18486
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Notez les films naphtas : Septembre 2010

Message par Profondo Rosso »

La Lance Brisée de Edward Dmytryk (1954)

Image

Riche éleveur, Matt Devereaux dirige avec une poigne de fer un véritable empire en Arizona, secondé par ses quatre fils, Ben, Mike, Danny et Joe. L'ainé, Ben, a fini par haïr son père, dont la seule affection va à son cadet Joe qu'il a eu avec sa seconde femme, fille d'un chef comanche. Tandis que Joe se fiance avec Barbara, la fille du gouverneur, un incident se produit: les déchets de la mine de cuivre de l'endroit polluent la rivière et empoisonnent quelques bêtes. Matt dirige une expédition punitive à la mine et saccage les installations..

La lance Briséeest le remake du film de Mankiewicz La Maison des Etrangers transposé d'une époque contemporaine à un cadre de western pour un puissant drame familial. Les thèmes classiques du genre se mêle admirablement au récit plus intime. La figure imposante du personnage de Spencer Tracy s'imprègne bien avant son apparition effective à l'écran, par symbole (ce portrait le magnifiant) et l'antagonisme régnant entre les quatre frères et plus particulièrement l'aîné (Richard Widmark) et le benjamin (Robert Wagner) né d'une indienne. Tracy est un propriétaire qui s'est élevé à la force du poignet par la violence, que son intransigeance et sa dureté rendent dépassé à l'ère moderne et qui surtout l'éloigne de ses fils au caractère faible hormis Robert Wagner. Le problème racial et la jalousie se créent par se dernier fils modèle et métis seul à même de succéder à son père. Robert Wagner même si très convaincant est un peu lisse en bon fils mais occasionnent quelques réflexion intéressante quant à son rapport aux autres personnage, l'amitié (l'avocat qui ne souhaite pas le voir fréquenter sa fille) et les liens fraternels ne pouvant dépasser le racisme. A l'opposé, Richard Widmark transcende ce qui aurait pu être un méchant basique en exprimant toute la détresse de ce fils méprisé qui a tout sacrifié et qui voit son héritage lui échappé. Les confrontations entre lui et Spencer Tracy où il se fait malmener puis se venge face à un père diminué sont d'une grande intensité et noirceur (au point de voir dans le film une variation western du "Roi Lear" comme le souligne Tavernier en bonus) le clou étant atteint lors de la magnifique scène de mort de Tracy. Spencer Tracy est assez incroyable, produit de l'Ouest à l'attitude discutable mais à la sincérité qui le rendent plus attachant qu'un Widmark plus aigri. Dmytryk donne ainsi toute sa mesure dans sa direction d'acteurs, sa mise en scène plus mesurée n'offrant de moments visuellement marquants que par intermittence tel l'esprit de tracy qui semble presque posséder la vieille demeure avant que ne s'amorce le flashback.En dépit d'une ultime confrontation pas forcément utile (et amenée pour compenser un relatif manque d'action alors que tout devrait s'arrêter une fois Wagner apaisé) un superbe western donc. 5/6
Avatar de l’utilisateur
monk
Décorateur
Messages : 3803
Inscription : 21 juin 05, 09:55
Contact :

Re: La Lance brisée (Edward Dmytryk - 1954)

Message par monk »

Belle cohordination avec Jeremy Fox ces derniers temps puisque j'ai vu le film sans avoir fait attention que ce serait le prochain dans ses chroniques ! :mrgreen:

Pour ma part, j'ai beaucoup aimé, pour pas mal de raisons...
J'ai aimé l'environnement, cette période charnière pre-révolution indistrielle, la fin d'une époque et le début d'une autre où on parle pétrol, troupeaux à 5 chiffres, bassurances et batiments en dur. Ce n'est pas très exploité, mais ça pose un décors plus qu'un sujet. Cette sous exploitation ne m'a pas géné, ça sous entendait suffisement pour ne pas avoir à en dire plus.
C'est une fresque familliale assez forte et l'histoire est bonne, solide, mais effectivement le film est trop court par rapport aux ambitions affichées. J'ai trouvé les personnages très bien décrits et interessants, même si les deux cadets du premier mariage ne sont là que pour faire masse et faire une connerie qui aidera à définir le père, et que les rôles féminins sont peu présents. Mais là encore, ça ne m'a pas trop choqué dans le sens où c'est vraiment l'histoire du trio père / ainé / cadet à un tournant de leur histoire familliale et de l'Histoire tout court.
Pour ce qui est de la mise en scène, j'avoue qu'il s'agit là de mon premier Dmytryck, je ne savsias donc pas à quoi m'attendre, et je n'attendais rien de particulier. Pas de grosse déception pour moi, j'ai trouvé que le travail était bien fait, sans excès ni surprises, que le scope était souvent bien exploité (mais pas un truc de tous les instants non plus). Le mot "paraisse" ne m'est pas venu à l'esprit, mais "sublime" non plus. Un truc tout à fait correct et bien emballé donc.
La seule déception pour moi (aussi) est cette confrontation finale dont vous avez déjà tous parlé plus tôt. J'aurais vraiment aimé de Wagner s'en aille comme ça et que la morale ne soit pas particulièrement sauvée, ça aurait rajouté un peu d'ambiguité et de réalisme à l'histoire. En même tsmpe, cette confrontation, je l'ai trouvée pas mal en soit, ça ne m'a pas gaché le film pour autant donc.
Un bon film, quand même tout à fait solide, bien que trop court pour son sujet. Encore que...au moins ça ne traine pas :mrgreen:

Sinon, ce n'était pas mon DVD. Les sous titres aléatoires m'ont vraiment énervé, est ce que le problème est rêglé sur le BR ? C'est un achat furtur possible du coup...
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24075
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: La Lance brisée (Edward Dmytryk - 1954)

Message par Rick Blaine »

monk a écrit : Sinon, ce n'était pas mon DVD. Les sous titres aléatoires m'ont vraiment énervé, est ce que le problème est rêglé sur le BR ? C'est un achat furtur possible du coup...
Je n'ai aucun souvenir de ce problème sur mon DVD.

Et un film que j'avais bien aimé dans mon souvenir, notamment pour ses personnages et son casting.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99488
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: La Lance brisée (Edward Dmytryk - 1954)

Message par Jeremy Fox »

Quelle coÏncidence mais notre ressenti est assez semblable même si je semble avoir été un peu plus sévère. Faut dire qu'après Dwan et Fregonese, on redescend de quelques crans. :wink:
Répondre