Le Couperet (Costa-Gavras - 2005)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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christian
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Message par christian »

Sans parler de "Z" (dispo uniquement en Z1...) et de l'hallucinant "L'aveu" avec Yves Montand - un des films cultes de mon enfance (et aucun DVD !!!) ;-)
gehenne
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Message par gehenne »

Le couperet de Costa-Gravas.





Enfin ! Aurait-on tendance à s’écrier. Enfin, il est permis à José Garcia de s’exprimer dans un rôle réellement dramatique, le laissant libre de démontrer tout le talent qui l’habite, d’illustrer tout son potentiel. Au-delà du degré clownesque qui l’accompagne comme une étiquette depuis le début de sa carrière, se cache un acteur qui possède de réelles qualités pour interpréter un personnage dramatique. On connaissait le Garcia fanfaron et extravagant, cet homme énergique capable d’en user plus d’un, une gueule impressionnante possédant une gouaille absolument effrayante. Mais derrière ce luxe humoriste, pouvait aussi être présent une tristesse maladive, une paranoïa aigue, un être dépressif et psychotique.

Costa-Gravas lui offre son plus beau rôle, lui permet d’exploiter toutes ses ressources. Le film repose essentiellement sur Garcia, il est le moteur du récit, est présent dans toutes les scènes ou presque. Toute l’attention se focalise sur lui, toute la dramaturgie également. Le film vogue sur ses sentiments, son humeur. Le métrage est sombre et nerveux quand il lâche prise, respire quand il reprend ses esprits. Tel un métronome il indique le rythme, la cadence, il imprime la mesure. Le réalisateur parvient à le tempérer, par le scénario et par une direction minutieuse qui ne laisse guère de place à l’improvisation – chose dont on est pourtant coutumier Garcia, et qui parfois a tendance à lui jouer de bien vilains tours.

Le couperet suit ainsi le parcours d’un cadre au chômage depuis trop longtemps, et qui décide, en désespoir de cause d’occire ses concurrents. Le film aurait pu s’en tenir là, aurait du s’en contenter. Par un jeu simple, mais habile de construction, il évite la linéarité mathématique, mais s’encombre d’intrigues annexes qui plombent le récit. Le film devient trop long, se perd dans ces sous intrigues qui n’apportent rien ou presque – toutes les séquences concernant le fils de Garcia sont de trop. Costa-Gravas manque de rigueur en s’éparpillant ainsi, ajoute un suspense éventuel qui n’a pourtant pas lieu d’être. On est frustré de ces pertes de temps alors que l’on pourrait aller à l’essentiel, gagner de la nervosité, de la concision. A noyer ainsi son intrigue dans ces récits secondaires, le réalisateur perd l’attention de ses spectateurs, perd l’anxiété qui pouvait les gagner.

Pourtant, le discours autour du chômage, autour de l’évolution du marché du travail est pertinent. Sans faire dans la fausse morale, sans juger expressément, mais au contraire, en apportant des réalités de notre quotidien, le cinéaste inscrit un peu plus son récit dans la réalité d’une situation bien connue. Bien que situant ses personnages dans une classe aisée, il n’oublie pas que tous les corps de métier sont touchés, du cadre au mécanicien, du jeune au vieux. Le discours n’est pas uniforme. Il évite soigneusement d’enfoncer des portes, joue avec le monde du travail, de l’embauche, sans jamais être caricatural.

Le couperet manque ainsi de nous trancher, stopper dans son élan par des récits secondaires qui ne trouvent pas naturellement leur place au sein du récit. Néanmoins, il permet à un acteur d’éclore dans un rôle inhabituel pour celui-ci. Il gagne aussi à présenter un monde du travail, la situation du chômage et ses répercussions psychologiques avec soin, sans esbroufe et surenchère malhabile. Il évite les écueils les plus importants, mais se perd maladroitement sur des sentiers qu’il n’aurait pas du aborder. La déception est bien présente, le résultat est amer. Au moins, il restera la prestation irréprochable d’un acteur.
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MJ
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Message par MJ »

Ton texte me fait penser à vivement conseiller Violence des Echanges en Milieu Tempéré qui est un tout bon film sur le monde du travail et ses aléas.
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Message par gehenne »

MJ a écrit :Ton texte me fait penser à vivement conseiller Violence des Echanges en Milieu Tempéré qui est un tout bon film sur le monde du travail et ses aléas.
Film que je n'ai pas encore vu, malheureusement. En parlant de comparaison, par moment, le film peut également faire penser à L'adversaire de Nicole Garcia, dans son aptitude à illustrer un personnage qui ment à sa famille et qui ne peut s'empêcher de sombrer un état psychotique tout en surenchérant dans ces actes et mensonges. Le couperet ne va, bien évidemment pas aussi loin dans la démonstration, et l'impact est bien moins fort, mais je trouve le rapprochement entre les deux films assez convaincant...
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MJ
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Message par MJ »

gehenne666 a écrit : Le couperet ne va, bien évidemment pas aussi loin dans la démonstration, et l'impact est bien moins fort, mais je trouve le rapprochement entre les deux films assez convaincant...
Le Nicole me laisse de marbre. Ca ne me choque pas, ça ne m'a pas fait réfléchir, ça ne m'émeut pas -mais bon ça c'est pas le but du film-, tout au plus ça me vole un petit rire.
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Message par gehenne »

MJ a écrit : Le Nicole me laisse de marbre. Ca ne me choque pas, ça ne m'a pas fait réfléchir, ça ne m'émeut pas -mais bon ça c'est pas le but du film-, tout au plus ça me vole un petit rire.
C'est un peu la volonté de Garcia que d'offrir une illustration opressante d'un fait divers sordide. L'atmosphère est lourde, pesante, la magnifique partition de Badalamenti accentue parfaitement cette impression. Garcia n'est jamais dans le récit, mais dans le portrait, elle ne raconte pas, elle exprime par les images, Elle cherche à ne procurer aucune émotion particulière.
Là où bon nombre de réalisateurs auraient usé et abusé du côté effrayant de cette histoire, à aucun moment, la réalisatrice ne profite de son sujet - on peut peut-être s'étonner de la présence des interrogatoires, mais c'est bien là le seul faux pas.

De plus, elle joue très bien avec la chronologie de son film pour imposer un trouble, une perte de nos repères, un film à la lisière du fantastique d'influence Lynchienne (la présence de Badalamenti en sus).
C'est très bien dosé, maîtrisé. Un peu longuet - elle a finalement du mal à s'imposer des limites à son tableau, mais j'ai personnellement été choqué, non pas par le film qui se contente d'exposer, mais par l'histoire de cet homme, de ce mensonge, de cette vie fantasmée. Et la seule question qu'il reste : Comment peut-on monter un tel mensonge aussi longtemps ? Ce mec possède une volonté de fer, un mental énorme que cela en devient effrayant, inhumain.

L'histoire vraie de L'adversaire ajoute involontairement une caution supplémentaire que Le couperet ne peut posséder, quand bien même les outils employés sont différents...
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Demi-Lune
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Re: Le Couperet (Costa-Gavras, 2005)

Message par Demi-Lune »

Le Couperet, que j'ai découvert l'autre soir sur Arte, est à mon sens une très belle réussite, et est un film terrifiant à double titre. D'une part, l'amoralité du scénario, mécanique meurtrière à la fois arriviste et désespérée, ainsi que la formidable prestation de José Garcia, vampirisant à lui seul tout le film (comme le soulignait gehenne plus haut, le rythme est calqué selon son état d'esprit du moment), instaurent un malaise d'autant plus prégnant que tout est fait de la part de Costa Gavras pour ancrer son film dans le réalisme, dans la banalité (photo terne, mise en scène discrète, ambiance glaciale, etc.). Dans une société cynique du tout capitalisme, où règnent les réclames publicitaires et dans laquelle l'humain n'entre plus en ligne de compte, on suit les pérégrinations macabres de ce cadre, licencié et désespéré par son incapacité à retrouver un emploi, dont l'absurdité de sa quête (éliminer physiquement les concurrents qui ont le même profil que lui pour le poste qu'il cherche à atteindre) se lit alors comme un écho de l'absurdité du système vénal et carriériste dans lequel il cherche à retrouver sa place. D'autre part, le film est terrifiant car ce qu'il dépeint reste toujours autant d'actualité. Le mal-être au travail, la spirale infernale du chômage, l'angoisse du licenciement qui touche toutes les professions et toutes les tranches d'âges, sont présentés de manière pertinente. Cependant, le cinéaste évite le misérabilisme et si les rebondissements à suspense et la situation professionnelle de Garcia nous le feraient presque prendre en pitié, Costa Gavras, le temps de quelques scènes, adopte un point de vue clair : la monstruosité de Davert se mesure à la hauteur de l'attitude philosophe ou malheureuse quant à leur situation précaire des futures victimes, lors des scènes de face-à-face. Si la représentation sociale et le désespoir latent ne donnent hélas guère matière à sourire, le film me semble être quand même une farce macabre, comme en atteste cet humour noir et absurde qui éclot par moments ou cette scène finale, refermant cyniquement la boucle. Du côté des sous-intrigues, je ne pense pas qu'elles soient inutiles car celle ayant trait au conseiller conjugal alimente la paranoïa de Garcia, et celle ayant trait aux problèmes de son fils alimente le suspense autour de cet étau qui se resserre. Par contre, il est clair qu'elles ralentissent le film et offrent presque des trouées d'oxygène dans cette ambiance clinique et malaisante où José Garcia démontre toute l'étendue de son talent.
jacques 2
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Re: Le Couperet (Costa-Gavras, 2005)

Message par jacques 2 »

Découvert sur "Arte" donc ...

J'ai beaucoup aimé : quelques longueurs peut être mais un thème riche et un Garcia vraiment exceptionnel qui arrive sans effort à faire oublier l'aspect comique qui est celui qui l'a fait connaître du grand public ...

Finalement, j'en conclus que tous les films de Costa Gavras sont plus qu' intéressants et, surtout, ne laissent jamais indifférents en faisant réléchir sans ennuyer : ce n'est pas un mince compliment, je crois ... :wink:
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tenia
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Re: Le Couperet (Costa-Gavras, 2005)

Message par tenia »

A combiner en soirée avec Battle Royale. :mrgreen:
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