Impression mitigée ; je ne sais pas très bien quoi en penser. D'un côté, une forme affriolante, dans laquelle se mêlent avec bonheur et délice quatre ou cinq couleurs majeures, que Godard et Raoul Coutard font valser tout le long du film, à l'image de cette séquence automobile nocturne où les couleurs se livrent à un ballet d'étoiles filantes sur le pare-brise.
Pierrot le fou, rehaussé par un Scope pleinement géré, est un film incontestablement beau d'un point de vue plastique, lorgnant parfois vers une expérimentation pop singulière (et aussi par moments assez surannée). Le film est bourré d'idées, à la fois visuelles et sonores (jeu sur les monologues qui se complètent, sur les ruptures musicales, etc) et la mise en scène de Godard impressionne par sa fraîcheur, son audace, sa liberté totale qui fait fi de la cohérence et des convenances. Seulement voilà, d'un autre coté l'expérimentation, même fascinante, ne me convainc pas franchement, notamment parce que le trop-plein d'inventivité plastique ne masque pas le propos confus et une histoire finalement peu intéressante à mon goût. Cette cavale, aussi peu passionnante que
La Balade sauvage de Malick dans le même registre, finit par agacer par ses partis pris, même respectables et audacieux. Ode à la liberté, le film reste logiquement cohérent en proposant un scénario d'errance fait de bouts de ficelle, sans véritables liants, sans véritable but ; mais cette logique, au bout d'une demi-heure, devient vite pénible, pénibilité renforcée par des monologues qui donnent souvent l'impression de s'écouter parler, par une Anna Karina empruntée, ou par des scènes défiant l'esprit cartésien qui prêtent à sourire (la séquence "Vietnam" avec Belmondo qui joue au Ricain et Karina peinturlurée qui imite une Viet : what the fuck ?). Si l'absence de logique narrative ou les intrusions comico-grotesques (du genre le nain ou ce dialogue surréaliste avec l'ancien cocu volé par Belmondo) annoncent presque l'univers lynchéen (on pense souvent à
Sailor et Lula), les bulles bucoliques, les séquences inutiles, les palabres interminables et ronflantes, constituent un tout boiteux et éreintant, mais également fulgurant et intriguant. Car il se dégage vraiment quelque chose de ce maelström ensoleillé, vivant et sans dessus-dessous, un charme étrange, insaisissable. C'est d'ailleurs l'adjectif qui traduit le mieux mon ressenti vis-à-vis de cette oeuvre : un film insaisissable. Pas trop ma came, donc, mais si je lui reconnais de nombreuses qualités.
Le Mépris m'avait ébloui,
Pierrot le fou m'a refroidi, qu'attendre de la suite ?