seb a écrit :il prouve que Scott est bel et bien un auteur et non pas seulement un super-technicien ou artisan de luxe. +
Personnellement, ça me paraît difficile d'en douter. La plupart des films de Scott présentent des idées, des thèmes, des récurrences manifestes, une vision de l'homme et de l'art particulière, une empreinte de l'Histoire, que l'on peut aisément mettre en relation. Leur plastique est reconnaissable entre mille, tout comme leur mise en scène, qui n'a jamais réellement cherché la virtuosité technique ostentatoire, mais plus un sens de la valorisation visuelle fondé sur une ampleur, une rigueur digne d'un peintre, l'essence d'une atmosphère. Mais c'est vrai que, en dépit d'
Alien et
Blade Runner, son œuvre a paradoxalement peu généré d'études analytiques. Alors qu'il y a vraiment de quoi faire, à mon avis. Pour moi, c'est le réalisateur anglais le plus important depuis la mort de David Lean, mais il est victime d'une sorte de statut bâtard (immense technicien, oui, mais grand cinéaste ?), que personnellement je crois teinté de cette fâcheuse manie de certains critiques de toiser le grand cinéma de divertissement.
Je trouve, en ce qui me concerne, que Ridley Scott est un auteur assez passionnant mais dont le principal défaut est qu'il s'abaisse malheureusement à tourner trop souvent des films qui ne lui ressemblent pas et/ou qui ont des histoires médiocres. Pourquoi diable se compromet-il dans des trucs faisandés comme
G.I. Jane ou
American Gangster ? C'est un mystère pour moi. Plutôt que de vouloir essayer tous les genres, des fois on a envie de lui dire de faire un peu plus attention à ce qu'il filme. De ce côté-là, il ne marche pas dans les traces de son maître spirituel, Kubrick, qui lui a toujours pris soin de toucher à tous les genres mais qui prenait (trop) le temps de bien sélectionner ses projets. Scott est un esthète inné qui a besoin de grandes histoires pour laisser parler son sens du formalisme. Il n'est à l'aise que dans des histoires ambitieuses qui lui laissent toute l'opportunité de façonner des univers entiers, qu'ils soient historiques, merveilleux, baroques ou futuristes. Ses films plus "modestes" peuvent être sympathiques, mais c'est quand même quand il assouvit sa soif de grandeur que le réalisateur a donné son meilleur.
En outre, c'est un cinéaste qui a, depuis plusieurs années, tendance à se complaire dans un certain affadissement de son style. Il se laisse plus facilement aller à des tics visuels et musicaux pompiers qui parasitent sa maîtrise esthétique et narrative. Même sa plus grande réussite des années 2000 (à mes yeux),
Kingdom of Heaven, est ponctuellement entaché par ces choix malheureux et qui apparaissent encore plus incompréhensibles car on étudie la grâce miraculeuse de ses premiers films. Il n'y a donc pas réellement de progression vers un perfectionnement stylistique, mais plutôt, exceptées quelques fulgurances, une lente marche vers la banalité, vers l'appauvrissement. Ce qui fait mal quand on vénère ce qu'il a fait dans les années 1980. Cet aspect joue peut-être un rôle dans la perception critique au sujet de l’œuvre de Scott, qui lorsqu'il déçoit, déçoit
amèrement.