Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (E. Petri)

[Grimmy]

Tu m'étonnes comme je suis d'accord !! D'autant que ma VHS commence à décéder et que le format du film n'est pas respecté...
Petit HS, les ricains ont failli faire un remake. Investigation, réalisé par Andrei Konchalowsky en 1986 avec Al Pacino produit par la Cannon. La chute de l'Empire Golan-Globus stoppa finalement le projet (relancé au début des années 90 avec Christopher Walken puis définitivement abandonné)

[Arca1943]

les ricains ont failli faire un remake.

Nous l'avons échappé belle ! Les industries concurrentes d'Hollywood doivent se ressaisir et refuser de vendre les droits de leurs films.

[Anorya]

Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon (Elio Petri - 1970)

A Rome, le chef de la brigade criminelle est sur le point d'être promu au poste de directeur de la section politique. Persuadé que ses fonctions le placent au-dessus des lois, il égorge sa maîtresse, Augusta Terzi, au cours de leurs joutes amoureuses. Avec un sang-froid parfait, il met tout en oeuvre pour prouver que personne n'aura l'intelligence, ni même l'audace, de le soupçonner et de troubler ainsi la bonne hiérarchie sociale. Il s'ingénie à semer des preuves accablantes, relançant l'enquête quand celle-ci s'égare...

Satire corsée et implacable de la société italienne d'alors, le film d'Elio Petri est exemplaire sur de nombreux points là où parfois d'un autre côté, les ravages du temps commencent à se montrer. Comme Paola Pegoraro Petri, l'épouse du réalisateur, l'évoque dans les bonus du dvd, le film venait juste d'avoir fini son tournage que retentit alors l'attentat de la Piazza Fontana à Milan le 12 décembre 1969, l'un des attentats les plus meurtriers que connu alors l'Italie de ces "années de plomb", faisant 16 morts et 88 blessés. Craignant alors la saisie du film (qui sera effectivement demandée par lettre par les autorités policières !) et qu'il ne puisse sortir, on organise un visionnage privé à une heure tardive où, par chance, on décide finalement de sa sortie en salles.

A l'exubérance presque Art Nouveau de l'appartement de Terzi s'oppose la rigueur moderniste de l'appartement du commissaire incarné par Gian Maria Volonté.

Il faut dire que le film semble anticiper singulièrement les dérives Italiennes à venir entres attentats des groupuscules d'extrême gauche et extrême droite, mouvements étudiants et méthodes brutes de la police et décrit minutieusement le climat politique et social à venir avec une précision clouante à l'instar de cette pièce où pénètre notre commissaire principal, qui regroupe des milliers de dossiers des citoyens avec tables d'écoute. Il semble que Elio Petri et son scénariste Ugo Pirro se soient d'ailleurs inspiré d'un scandale de tables d'écoutes ayant réellement existé vers la fin des années 60.

Rien de tel qu'un bon discours paternaliste à la "Duce" pour revigorer les troupes.
(Impression confirmée dans les bonus du DVD où l'on révèle que dans une scène, Gian Maria Volonté imitait volontairement un geste typique de Mussolini. Glaçant)

Si l'on pourra sans doute trouver les policiers un peu caricaturés (il faut dire qu'ils n'ont pas spécialement le beau rôle dans ce film), il faut louer l'interprétation sans faille de Gian Maria Volonté. Je le savais grand acteur chez d'autres réalisateurs comme Melville (il en impose dans Le Cercle Rouge - 1970) ou Leone (Pour une poignée de dollars (1964) et surtout Et pour quelques dollars de plus (1965) où il joue le personnage de l'Indien), mais là, il crève littéralement l'écran. Son personnage, complexe, est d'une rigueur inquiétante dans sa volonté implacable de faire triompher la loi à tout prix (il connaît même le code pénal par coeur) alors qu'il est le suspect principal. Et plus le film avance, plus le commissaire semble enrager complètement qu'on ne puisse à aucun moment le soupçonner et appliquer la justice. Le fait d'être au dessus des lois, d'être la loi le rendrait presqu' invincible.

En résulte une scène formidable où l'unique personne qui l'aurait non pas vu agir, mais ce serait retrouvé sur les lieux même du meurtre décide...

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...non pas de faire éclater la vérité mais de tout garder pour lui et apposer un chantage au commissaire afin de pouvoir se servir de lui pour l'idéologie politique qu'il convoie !

Petri montre clairement qu'en cas de coup dur, l'Homme n'est plus gouverné par des valeurs mais bien des notions d'égo envers sa petite personne. C'est d'ailleurs justement parce qu'il a succombé au petit jeu morbide d'Augusta Terzi que le commissaire se retrouve là, à la croisée des chemins. Cette dernière (l'autre grand personnage du film, joué très justement par la sublime Florinda Bolkan --qui me fait penser à une fille de ma fac, italienne aussi, tiens) le persuadant clairement qu'il était au dessus des lois et pouvait tout se permettre et l'attira vers elle non pas parce qu'elle était attirée par son physique... mais bien son statut de fonctionnaire de la justice. Il faut d'ailleurs voir comment Bolkan est filmée au début de leur relation : dans des poses lascives (elle lui téléphone souvent allongée... Ou dans son bain... Ou assise, le téléphone comme par hasard au creux de son giron, un grand sourire aux lèvres) qui vont elles-même se transformer en mises en scènes amateuristes...

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(cf, les clichés qui reconstituent les divers assassinats)

...et faire évoluer la relation vers ce que l'on sait.

Coquine, va.

Porté par ses acteurs, son propos qui pose une question de morale passionnante et constamment actuelle (que faire quand on détient le pouvoir), son style brut et documentaire (le montage ne fait parfois pas dans la dentelle. J'en veux par exemple une scène de flashback où plutôt qu'utiliser le cliché-type d'une mise en scène aux plans floutés (avec un personnage qui soudain regarde la caméra comme si il était constipé dixit Bergman ), on a plutôt l'impression que la pellicule saute ou clignote entre deux états de temps différents, comme des inserts brusques et impossibles à définir. C'est la première fois que je vois ça), sa fin étrange et ambigüe au possible (citant Kafka) et sa musique fabuleuse d'Ennio Morricone, le film atteint des sommets qui sont pourtant desservis par de rares longueurs et l'ancrage aux lieux et une époque traduite par les décors (parfois très désuets, voire kitsch), les véhicules. Par moments, l'avant-plan de l'image est constamment flou car la mise au point se fait sur le fond même, laissant une certaine frustration. La caméra elle-même tremblote parfois, comme si Petri hésitait, curieusement. On aperçoit même des effets visuels (un voile "de textile fin" semble posé sur la caméra lors des scènes à la plage. J'ai bien failli ne remarquer que ça. Il faut dire que je regarde les dvds sur écran géant donc je repère très vite quand il y a un truc) qui semblent étonnamment visible grâce à la définition que donne le DVD (et je n'ose pas imaginer en blu-ray). Mais celà ne gâche finalement en rien ce grand film.



Au passage je me souviens que Catherine Spaak joue une certaine Anna Terzi dans Le chat à 9 queues (1971) de Dario Argento. Serait-ce une certaine sorte d'hommage discret mon cher Dario ?


5/6.

[Major Tom]

et sa musique fabuleuse d'Ennio Morricone

Ah là là, sublime. Bravo pour ta critique très intéressante. J'aimerais bien revoir ce film, ça fait si longtemps et je ne me souviens même plus de la fin...

[Anorya]

et sa musique fabuleuse d'Ennio Morricone

Ah là là, sublime. Bravo pour ta critique très intéressante. J'aimerais bien revoir ce film, ça fait si longtemps et je ne me souviens même plus de la fin...

Très ambigüe et très ouverte la fin et c'est aussi ce qui fait tout le sel du film.
Sinon, merci Major.

[homerwell]

J'étais un peu circonspect sur ce film, je n'ai par exemple pas beaucoup apprécié Au nom du peuple italien ou Une vie difficile de Dino Risi auxquels je l'apparentais un peu et tu m'as donné envie de le voir. Bravo pour la chronique

[Demi-Lune]

Beau travail Anorya, pour un film que je regarderai tout prochainement. Pas voulu lire les spoilers, du coup.

[Anorya]

Beau travail Anorya, pour un film que je regarderai tout prochainement. Pas voulu lire les spoilers, du coup.

Bah, toi je sais que tout de suite tu aimeras pas.
Bon, blague à part, les spoilers n'apportent pas grand chose je dirais. Surtout que le film n'est pas une enquête policière (vu qu'on connaît le coupable et... celui qui le recherche !), mais un questionnement sur les arcanes du pouvoir. Comme dit plus haut, le personnage du commissaire incarne la loi et se pourchasse lui-même, il veut à tout prix se punir (car pour l'homme de rigueur qu'il est, la loi ne peut rester impunie), ce qui amène à cette fin ambigüe et ouverte (et que je ne raconterais pas). On pourrait penser un tel personnage schizophrène mais au contraire, c'est celui sans doute qui est le plus lucide vu qu'il occupe les deux cases à la fois. Tout au plus est-il tiraillé entre ses deux statuts. Il y aurait encore beaucoup à dire sur le film mais il vaut mieux que chacun se fasse un avis par lui-même.

J'étais un peu circonspect sur ce film, je n'ai par exemple pas beaucoup apprécié Au nom du peuple italien ou Une vie difficile de Dino Risi auxquels je l'apparentais un peu et tu m'as donné envie de le voir. Bravo pour la chronique

Cela dépend aussi de quel rapport on instaure entre un cinéaste et son pays. Je sais que le cinéma Italien m'attire pour ses particularités, son ironie, un état d'esprit qui n'est pas celui du cinéma russe ou Japonais (que j'apprécie aussi mais plus pour l'aspect hautement technique et esthétique je dirais. Sokourov par exemple, c'est trop froid pour moi mais d'un point de vue technique, je trouve ça hallucinant). Je ne connais pas le cinéma de Risi mais c'est du domaine de la comédie non ?
Peut-être que j'aimerais, peut-être pas... Il faut dire aussi que les cinéastes Italiens que j'apprécie comme Antonioni, Argento ou Fellini sont aussi un peu à part d'une certaine manière. Ce sont plus des auteurs avec leurs propres particularités là où le cinéma de Petri pour ce que j'ai pu en voir est plus le fruit d'un artisanat relativement bien traité (je pense par exemple à "la dixième victime" avec Mastroianni, film policier que j'aimerais voir. Si quelqu'un sait si un dvd zone 2 existe...).
Enfin bon, c'est toujours assez subjectif tout ça...

[Jack Carter]

[ (je pense par exemple à "la dixième victime" avec Mastroianni, film policier que j'aimerais voir. Si quelqu'un sait si un dvd zone 2 existe...)

un zone 2 edité par Studio Canal a existé, mais je crois qu'il est introuvable ou alors à 170 euros sur la marketplace d'Amazon

[Kevin95]

[ (je pense par exemple à "la dixième victime" avec Mastroianni, film policier que j'aimerais voir. Si quelqu'un sait si un dvd zone 2 existe...)

un zone 2 edité par Studio Canal a existé, mais je crois qu'il est introuvable ou alors à 170 euros sur la marketplace d'Amazon

Arrêtez j'en suis dégouté, le film de Pietri est cultissime et les droits naviguent ici ou là sans que personne ne se réveil !

[cinephage]

Si tu veux absolument le voir, j'ai vu que le film passait en salle sur Paris, à l'occasion d'un cycle Mastroianni.

[homerwell]

J'étais un peu circonspect sur ce film, je n'ai par exemple pas beaucoup apprécié Au nom du peuple italien ou Une vie difficile de Dino Risi auxquels je l'apparentais un peu et tu m'as donné envie de le voir. Bravo pour la chronique

Cela dépend aussi de quel rapport on instaure entre un cinéaste et son pays. Je sais que le cinéma Italien m'attire pour ses particularités, son ironie, un état d'esprit qui n'est pas celui du cinéma russe ou Japonais (que j'apprécie aussi mais plus pour l'aspect hautement technique et esthétique je dirais. Sokourov par exemple, c'est trop froid pour moi mais d'un point de vue technique, je trouve ça hallucinant).

Je ne peux pas encore avoir une vision générale du cinéma Italien qui me permette de dire pourquoi je l'aime ou pas. Mais il y a un certain nombre d'individualités que j'aime pratiquement sans réserve : Visconti, Fellini, De Sica et Rosi dans une moindre mesure.

Je ne connais pas le cinéma de Risi mais c'est du domaine de la comédie non ?

Ce que j'en connais oui, une comédie au service d'une dénonciation de la société et de ses travers, mais avec un trait forcé. Si je suis d'accord avec l'intention, ça ne m'empêche pas de trouver le discours assez lourd et ennuyeux.

[Nestor Almendros]

Si tu veux absolument le voir, j'ai vu que le film passait en salle sur Paris, à l'occasion d'un cycle Mastroianni.

à l'Action Ecoles (Paris 5e) pour être précis...

[wontolla]

[ (je pense par exemple à "la dixième victime" avec Mastroianni, film policier que j'aimerais voir. Si quelqu'un sait si un dvd zone 2 existe...)

un zone 2 edité par Studio Canal a existé, mais je crois qu'il est introuvable ou alors à 170 euros sur la marketplace d'Amazon

De fait, introuvable et dans la collection "Les films inclassables" de Studio Canal.
Sorti en DVD5 en 2004.
Je l'ai découvert dans une brocante et l'ai acheté malgré l'absence de jaquette.
Film surprenant, et de fait, "inclassable" (plutôt SF que policier, à mon estime).
L'aspect "science-fiction" a fortement vieilli (l'ordinateur avec des cartes perforées et une "voix" saccadée, par exemple).
Un surprenant Marcello Mastroianni décoloré en blond!


Le film est en VO italienne (mais attention il y a des parties en anglais, notamment les 8/9 premières minutes) sous-titrée en français.
Il y a également une VF (que je n'ai jamais visionnée).
Le film dure environ 88 minutes.

Charles

[Anorya]

Si tu veux absolument le voir, j'ai vu que le film passait en salle sur Paris, à l'occasion d'un cycle Mastroianni.

à l'Action Ecoles (Paris 5e) pour être précis...

*prend des notes*

Ce que j'en connais oui, une comédie au service d'une dénonciation de la société et de ses travers, mais avec un trait forcé. Si je suis d'accord avec l'intention, ça ne m'empêche pas de trouver le discours assez lourd et ennuyeux.

Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon n'est nullement ennuyeux en tout cas.

De fait, introuvable et dans la collection "Les films inclassables" de Studio Canal.
Sorti en DVD5 en 2004.
Je l'ai découvert dans une brocante et l'ai acheté malgré l'absence de jaquette.
Film surprenant, et de fait, "inclassable" (plutôt SF que policier, à mon estime).
L'aspect "science-fiction" a fortement vieilli (l'ordinateur avec des cartes perforées et une "voix" saccadée, par exemple).
Un surprenant Marcello Mastroianni décoloré en blond!

Et presque limite habillé comme Bullitt pour ce que j'ai pu en voir sur des photos.
Raaah, tu me donnes encore plus envie de le voir.