Ann Harding a écrit :Julien Léonard a écrit :Les scories du muet sont quelquefois encore là...
Je voudrais corriger une erreur d'appréciation que je lis contamment. Les 'scories' dont vous parlez pour les premières années du parlant ne viennent en aucun cas du muet ! Bien au contraire, les dernières années du muet montrent une libération de la caméra et des travellings incroyables. Visuellement, le cinéma est à son apogée. C'est bel et bien l'arrivée du parlant qui fige la caméra. Car les problèmes techniques sont nombreux, outre les caissons insonorisés des caméras, il y a un changement total de pellicule. On passe de l'orthochromatique (insensible au rouge) au panchromatique à cause de la modification des éclairages qui sont maintenant à incandescence (au lieu des lampes à arc bruyantes). Si vous additionnez tous ces facteurs, vous réaliserez que les réalisateurs et techniciens doivent reprendre à zéro leur apprentissage. On ne peut plus éclairer les acteurs comme avant, on ne peut plus bouger la caméra comme avant, on peut plus faire des tirages de copie pour accroitre les contrastes (à cause du son) etc... résultat: les premiers parlants sont assez statiques, mais en plus ils ont un éclairage uniforme au lieu des sublimes ombres et lumières des dernières années du muet.
Non, le muet n'est pas une scorie de l'histoire du cinéma. C'est la période durant laquelle la structure du film, la grammaire du cinéma et la composition visuelle du film se sont formées. Et ils sont restés quasiment inchangés jusqu'à nos jours.
Je ne parlais pas de la technique et de l'esthétique d'ensemble... Je suis tout à fait d'accord avec tout ce que tu dis. Je ne parlais pas de ça.
bruce randylan a écrit :Bah, je pense qu'il voulait plus parler du jeu d'acteur qui est parfois caricatural ( le méchant sorti d'un cartoon )...
Voilà. Merci Bruce !
C'est effectivement cela que je soulignais, et rien d'autre.
Car malgré ma méconnaissance du cinéma muet (à part quelques grands films que j'ai en DVD), et malgré le fait que ma DVDthèque soit spécialisée avant tout dans le cinéma hollywoodien parlant (plus de 1100, rien que pour la période allant de 1930 à 1980), je ne me serais jamais permis de dire ceci du muet, période que je respecte tout de même énormément.
Maintenant, si je reconnais que les premiers pas du parlant furent souvent laborieux (
Dracula de Browning est trop figé, par exemple, contrairement à la modernité assez exceptionnelle de
Nosferatu de Murnau, 9 ans plus tôt), je ne suis pas forcément d'accord avec cette idée d'éclairages uniformes ou de caméras statiques : ce fut le cas au début, c'est vrai (les trois ou quatre premières années, à la rigueur), mais les américains, notamment, ont vite su recréer un style visuel moderne et travaillé (il suffit de regarder certains films de James Whale, de John Ford, de Michael Curtiz ou de Raoul Walsh pour cela... et j'en passe). Que ce soit
Little Caesar en 1931,
Captain Blood en 1935, ou
The invisible man en 1933, ou encore
The bride of Frankenstein en 1935, on peut voir que, peu de temps après l'arrivée du parlant, la technique se re-complexifie énormément à nouveau. Et ce ne sont que des exemples...