Tout ça pour dire que ce gros nounours débonnaire (qui a commencé en tant qu'acteur au temps du cinéma muet) et que l'on voit apparaître au début de ce film dont je n'ai encore vu que le début méritait son topic car c'était un des artisans les plus consciencieux et sympathique de la Warner même si sa filmographie ne contient rien de transcendant avec même certainement pas mal de déchets. Mais presque tout ce que j'ai pu voir de ce cinéaste, du moins pour la Warner, fleurait le bon divertissement à défaut d'autre chose et j'en ai quelques uns en stock encore à découvrir avec le tout nouveau coffret Doris Day. Honnête réalisateur donv voicii déjà quelques uns de mes anciens avis :
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East Side of Heaven (1939) UNIVERSAL
Par rapport aux deux films précédents du coffret, Bing Crosby trouve enfin l'ocasion d'interpréter un personnage attachant et plein de verve ; avec Mischa Auer et la toujours charmante Joan Blondell, ils forment un trio savoureux et eminnement sympathique qui fonctionne très bien. David Butler y est certainement pour quelque chose leur ayant offert aussi quelques dialogues assez drôles. La première demi-heure les voyant dans leur vie quotidienne est bien enlevée et pleine de fraicheur. A partir de l'arrivée du bébé (Baby Sandy, d'ailleurs très amusant lui aussi au point d'avoir été encore ensuite à plusieurs reprises le 'héros' d'une série de films), ça se traine un peu plus mais ça reste plaisant même si on aurait effectivement pu écourter tout ça. Bref, rien d'inoubliable, loin de là, mais ce film Universal possède bien du charme
If I Had my Way (1940) de David Butler UNIVERSAL
Dans Est Side of Heaven du même David Butler, Bing Crosby se retrouvait avec un bébé sur les bras. Ici, il doit s'occuper d'une jeune adolescente dont le père, ouvrier et collègue du crooner, vient de mourir accidentellement. Après maintes péripéties, il ouvrira un cabaret qui rapportera beaucoup d'argent... Si le film précédant était plaisant, celui-ci l'est encore plus, extrêmement chaleureux, souvent très drôle et rondement mené. Bing Crosby est toujours aussi sympathique, la jeune Gloria Jean avait beaucoup de talent et une voix de femme mature alors qu'elle n'avait que 14 ans, et enfin El Brendel assure la partie comique avec ma foi beaucoup d'allant. En bonus pas mal de chansons très agréables et notamment 'April Played the Fiddle' ainsi qu'une palette de seconds rôles pour la plupart très attachants à commencer par Charles Winninger. Agréable surprise après m'y être ennuyé à sa découverte.
Thank Your Lucky Stars (1943) de David Butler WARNER BROS
1943 : encore un film pour remonter le moral des G.I.'s et des civils avec un panel de stars maison venant faire un petit tour avant de s'en aller. C'est ainsi que nous pouvons voir des acteurs tels Bette Davis, Errol Flynn, Olivia de Havilland, Alexis Smith ou Ida Lupino pousser la chansonnette tant bien que mal. On se délectera de quelques privates jokes, d'une jubilatoire autodérision, d'une apparition savoureuse de Humphrey Bogart, de l'agréable chanson titre par la voix chaude de Dinah Shore, "They're Either Too Young or Too Old" par Bette Davis, "Love Isn't Born (It's Made)", une chanson extrêmement suggestive fredonnée par Ann Sheridan ainsi que du tonique "Ice Cold Katie" par Hattie McDaniel. L'intrigue est certes idiote mais n'est qu'un prétexte pour le lancement de multiples numéros et pour le plaisir de voir quelques stars sous un jour autre. Extrêmement sympathique.
Dans les premières séquences du film, on voit un producteur des studios Warner demander successivement à Raoul Walsh, Michael Curtiz et à King Vidor de tourner le dernier film de Jack Carson. Ces deux derniers refusant (ils font eux-mêmes une apparition dans leurs propre rôles), on fait la même demande à David Butler qui, apprenant que la vedette sera ce cabotin de Jack Carson, refuse à son tour. Une bien amusante mise en abime que le début de cette comédie musicale puisqu'il en est justement le réalisateur et qu'il a pour star principale, outre Doris Day dont c'est le troisième film, l'acteur Jack Carson qui se moque de lui-même avec un bel entrain. On y croise dans les couloirs des studios dans leurs propres rôles non moins que Joan Crawford, Errol Flynn, Gary Cooper, Jane Wyman, Danny Kaye, Ray Hensdorf, Edward G. Robinson et bien d'autres...
L'apparition de guests stars dans leurs propres rôles et la visite en Technicolor des studios de la Warner sont en fait les meilleures idées du film qui raconte par ailleurs l'histoire toute simple de Jack Carson et Dennis Morgan essayant de faire d'une serveuse d'un restaurant des studios (en l'occurrence Doris Day, seule comédienne à ne pas jouer son propre rôle et pour cause) la star de leur nouveau film. Le scénario est plus une suite de saynètes et de sketchs plus ou moins drôles qu'une intrigue bien écrite. Alors que les deux premiers films de la Miss réalisés par Michael Curtiz étaient d'assez belles réussites dans le domaine du divertissement, cette 'parodie' de David Butler est plus souvent pataude et laborieuse que réellement amusante. On ne s'y ennuie pas car les belles chansons de Jules Styne rythment le film (les meilleurs étant l'excellente chanson-titre, 'At the Cafe Rendezvous', 'There's Nothing Rougher than Love', 'Blame My Absent-Minded Heart' et surtout 'That Was a Big Fat Lie' avec l'imitation de Maurice Chevalier) et que Doris Day possède toujours autant d'entrain et de talent vocal mais l'ensemble reste franchement moyen. On peut donc passer un agréable moment à condition de ne pas trop être difficile mais que ce soit David Butler, Doris Day et Jack Carson, ils ont fait et feront tous mieux par la suite.
No, no, Nanette (Tea for Two) de David Butler 1950 WARNER
Pour obtenir l'argent d'un spectacle pour lequel elle serait la vedette, Nanette fait un pari stupide avec son tuteur (dont elle ne sait pas qu'il vient d'être ruiné lors du Krach de Wall Street) : elle devra dire non à toute demande et question durant 48 heures. Le tuteur espère fortement qu'elle ne pourra pas y arriver car dans le cas contraire, il serait dans l'impossibilité de tenir sa promesse. Il va employer tous les coups bas pour la faire craquer...
Alors oui l'idée de départ est aussi idiote que le pari du film mais tout ceci est évidemment sans conséquence car David Butler réalise un spectacle musical sans autre prétention que de nous divertir ; et pour le coup il y arrive à merveille, Tea for Two étant certainement la plus réjouissante des comédies musicale que Doris Day tournera pour la Warner au cours de la première partie de sa carrière et dans le même temps certainement l'un des films les plus dynamiques de David Butler. Les chansons sont très agréables, les chorégraphies de Leroy Prinz très enlevées quant elles ne sont pas spectaculairement acrobatiques (Gene Nelson se révèle éblouissant de virtuosité lors du numéro 'I want to be happy' au cours duquel il fait des claquettes dans un escalier) et Doris Day n'a jamais prouvé mieux qu'ici qu'elle était aussi excellente danseuse. Le tout se suit sans ennui d'autant que le rythme est très rapide et que les amusants dialogues fusent eux aussi à grande vitesse. Deux mentions spéciales, l'une au 'chaperon' de Doris Day joué par Eve Arden avec son irrésistible humour pince sans rire, la seconde au cabotin Billy De Wolfe que j'ai trouvé particulièrement drôle. A condition de ne pas chercher autre chose que la danse, le rire et les chansons, le tout en Technicolor, on peut passer un excellent moment, ce qui a été mon cas.
Lullaby of Broadway (1951) WARNER
Vaudeville musical conventionnel mais assez amusant dans ses quiproquos. Le film ne brille pas par son scénario, la réalisation est plutôt terne et les chorégraphies pas inoubliables, mais le naturel et la bonne humeur de Doris Day sont communicatifs et, non contente d'être excellente chanteuse, elle se révèle ici superbe danseuse de claquettes. L’on sait que son rêve d’une carrière de danseuse a pris fin à la suite d’un accident de voiture ; on imagine qu’elle aurait aisément pu faire partie des plus grandes dans le domaine quand on la voit évoluer dans l’excellent numéro final qui donne son titre au film. Son partenaire, Gene Nelson, s’il est assez virtuose en tant que danseur, peut difficilement se targuer de l’être en tant que comédien. L’utilisation des seconds rôles est assez pittoresque et efficace même si elle ne brille pas par sa légèreté. Enfin, si l’ensemble n’est guère mémorable, nous pouvons néanmoins nous régaler des standards utilisés au cours du film, quasiment tous déjà présents dans des films des années 30, ici brillamment réorchestrés façon jazz par Ray Heindorf et Howard Jackson, que ce soient Just one of those Things de Cole Porter, You’re Getting to be a Habit with me et le fameux Lullaby of Broadway de Chercheuses d’or 1935 de Harry Warren et Al Dubin, le Zing Went the Strings of my Heart de James F. Hanley, Somebody Loves me de George Gershwin, I Love The Way You Say Goodnight d’Eddie Pola… Un très beau Tracklisting pour une comédie musicale très sympathique.
Calamity Jane (La Blonde du far West) (1953) WARNER BROS
Calamity Jane, très populaire dans sa ville de Deadwood, est un garçon manqué qui n'a pas froid aux yeux, aux manières frustres et très habile au tir. Pour sauver de la faillite le tenancier du saloon local, elle part pour Chicago à la recherche d'une grande chanteuse adulée que les habitants, en manque de présence féminine, rêveraient de voir se produire dans leur petite bourgade. Mais elle ramène sans le savoir sa bonne qui, rêvant de monter sur scène, se fait passer pour celle-ci... Les quiproquos vont aller bon train encore complexifiés par des histoires d'amour dont celle naissante entre Calamity et Wild Bill Hickock... Une comédie musicale vraiment très drôle portée à bout de bras par une Doris Day survoltée qui s'amuse visiblement comme une folle à se comporter et à parler comme un garçon. Son énergie et son abatage sont communicatifs (mais pourra certes en lasser certains) et Howard Keel me semble toujours aussi sympathique ; en tout cas pour ceux qui n'en seraient pas convaincus, ce qui est certain, c'est que ce sont deux chanteurs formidables et ils ont de quoi le prouver ici car les tubes ne manquent pas avec, à placer tout au sommet, les superbes The Black Hills of Dakota et la chanson ayant justement remportée l'Oscar cette année là, Secret Love. Alors c'est évident, ne pas chercher ici quelconque élégance ou finesse, c'est de la grosse artillerie mais extrêmement efficace et la bonne humeur qui parcourt le film devient vite contagieuse.
April in Paris (1952) WARNER
Film à la réputation peu flatteuse dans la carrière de Doris Day, il se révèle néanmoins très sympathique tout comme les quatre autres films que David Butler a réalisé avec l'actrice (Tea for Two étant le plus réussi). C'est l'histoire assez cocasse d'une chorus girl nommée Esther Jackson choisie par erreur pour représenter les Etats Unis lors d'un festival artistique à Paris en place de Ethel Barrymore. Elle devra effectuer la traversée de l'Atlantique avec un groupe de haut dignitaires et intellectuels avec qui elle s'ennuiera un peu ; heureusement, un patron de boite de nuit fauché (Claude Dauphin) viendra égayer son voyage et elle tombera amoureuse du probable futur président des USA... Beaucoup de quiproquos en perspective et de situations pouvant prêter à rire ou sourire. Esther 'Dynamite' Jackson n'est autre que Doris Day qui, comme son surnom l'indique dans le film, pète la forme et pétille de vivacité et de bonne humeur. Elle entraîne donc le film sur cette pente et s'il ne contient certes que peu de numéros inoubliables, ne nous ennuie jamais grâce à son constant entrain. Ray Bolger n'est pas un acteur de la classe de Fred Astaire (pressenti au départ) mais un excellent danseur déguingandé (son numéro de danse sur la table des cuisines du paquebot est assez étonnant). Doris Day nous gratifie de la très belle chanson titre et à plusieurs reprises de son talent de danseuse. Le film se termine sur un très bon numéro en duo avec Claude Dauphin, 'That's What Makes Paris Paree'. Un peu cheap niveau esthétique et mise en scène, certaines séquences ont tendance à s'éterniser (celle de la fausse lune de miel et des cabines jumelles), on ne croit guère à la romance entre Day et Bolger mais le tout reste très agréable.
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San Antonio (1945)
L’année 1945 allait se clore sur un western qui a du probablement redonner espoir aux westerners frustrés de ne rien avoir à se mettre sous les dents depuis un bon moment si ce n’est des hybrides de western, des films de série sans intérêt ou des comédies westerniennes ; à cette occasion, David Butler et la Warner allaient remettre le genre sur les rails que les fans s’impatientaient de le voir reprendre. Non pas que San Antonio soit un grand film ni un western mémorable mais il allait redonner un nouveau souffle à un genre moribond. En le voyant, beaucoup ont du penser à Dodge City de Michael Curtiz avec lequel il possède de nombreux points communs à commencer par un titre reprenant le nom d’une ville représentant dans l’inconscient collectif un Far-West coloré et bouillonnant, ce qu’il est effectivement dans ce film à gros budget. Comme son prédécesseur, les équipes de la Warner ont sortis les grands moyens avec mouts figurants (d’après les historiens, la ville de San Antonio recréée par Hollywood était probablement plus vivantes et plus peuplée que dans la réalité), costumes et décors rutilants, Technicolor flamboyant et casting prestigieux dont à nouveau un Errol Flynn toujours aussi charmeur et charismatique. Si la mise en scène de David Butler ne possède évidemment pas le panache et l’élégance de celle de Michael Curtiz, ni le dynamisme et la vigueur de celles d’un Raoul Walsh, le cinéaste accomplit son travail sans génie mais très consciencieusement et le résultat n’est pas désagréable malgré une intrigue on ne peut plus banale.
1877, les grands ranchers texans ont presque tous fui au Mexique, ruinés par les vols de leurs troupeaux ; les hors-la-loi ont désormais mis le grappin sur les villes du Sud-ouest de l’État sans qu’ils soient soupçonnés de quoi que ce soit ni inquiétés par les autorités militaires qui stationnent sur place. Quelques irréductibles ont quand même l’intention de ne pas se laisser faire même si on leur fait peser une menace de mort si jamais ils leur prend l’idée de repointer le bout de leur nez. C’est le cas de Clay Hardin(Errol Flynn) qui s’est rendu au Mexique sachant y trouver la preuve contre l’actuel ‘dirigeant’ de la ville de San Antonio, le teigneux Roy Stuart (Paul Kelly), en cheville avec le gérant du saloon, l’élégant Legare (Victor Francen). Le carnet que Clay ramène pour le présenter aux autorités juridiques décrit toutes les manœuvres frauduleuses que Roy a ourdi pour vendre du bétail ne lui appartenant pas et avec lequel il a construit sa fortune. Autant dire que Clay est attendu au tournant par tous ceux (et ils sont nombreux) que ces preuves feraient tomber. Il n’en arrive pas moins en diligence à San Antonio en compagnie de Jeanne Starr (Alexis Smith), une chanteuse devant se produire dans l’établissement du partenaire véreux de Roy. Là, il se retrouve presque seul contre tous, les habitants de la ville ayant tous plus ou moins tirés profit des vols de bétail. Il a néanmoins à ses côtés son meilleur ami et ‘ange gardien’ Charlie Bell (John Litel) ainsi qu’une poignée d’anciens éleveurs qui sont prêts à lutter pour récupérer leurs biens. Legare qui a surpris Charlie en possession du fameux carnet compromettant pour Roy Stuart, pensant qu’avec il pourrait facilement faire chanter son complice, abat l’ami de Clay pour le lui voler. Clay qui vient dans le même temps de se faire tirer dessus alors qu’il était en train de flirter avec Mlle Starr, va tout mettre en œuvre pour en finir au plus vite avec la racaille qui domine la ville mais il va avoir fort à faire d’autant plus que la cavalerie qui était là pour éviter tout débordement, est obligée de quitter les lieux pour aller s’occuper de pacifier les territoires indiens…
Entre quelques chansons, une homérique bagarre essaimant pas mal de cadavres, beaucoup de coups de feu, une pincée de trahisons, quelques traits d’humour et un soupçon de romance, Errol Flynn va s’amouracher de la chanteuse de cabaret, faire éclater le peu reluisante vérité, venger son partenaire, abattre les bandits et enfin convoler en juste noce avec Alexis Smith qui s’avère être, pour son plus grand plaisir, texane comme lui. Dévoiler tous ses éléments de l’intrigue n’est pas franchement gênant car qui aurait sincèrement pensé qu’il en aurait été autrement ? Beaucoup de clichés certes mais nous aurions tort de faire la fine bouche car ils font néanmoins partie intégrante des éléments attendus par tout un chacun, notamment les fans du western classique hollywoodien. Et puis, comme l’a très bien dit Jean-Louis Rieupeyrout dans sa ‘grande histoire du western’, justement à propos de ce film, mais qui pourrait s’appliquer parfaitement à une centaine d’autres : « Regretter la présence des clichés tant dans les situations que dans les personnages eut été étouffer la graine qui dota le genre de ses rameaux les plus vigoureux. »
Une intrigue sans surprise mais un arrière fond historique assez intéressant même si la situation catastrophique des texans vers 1877 fut précédemment déjà venue sur le tapis à deux ou trois reprises. Avant 1877, les texans conduisaient leurs troupeaux par la Chisholm Trail (la fameuse piste de Chisum) pour aller fournir en viande les états du Nord qui étaient en manque ; tout fonctionnait à merveille jusqu’à ce que les voleurs de bétail, se rendant compte de la facilité à isoler les bêtes dispersées sur d’aussi grandes étendues (les plus proches voisins de chacun des ranchers se trouvant à des distances d’au minimum 30 km), ne se gênèrent plus pour décimer les troupeaux, les faisant passer au Mexique, suivre l’autre rive du Rio Grande pour les revendre ensuite beaucoup plus loin. Les grands éleveurs virent leur fortune fondre au soleil faute de bêtes à corne à vendre et il leur fut presque impossible de prouver légalement les vols d’autant que régnait encore là-bas la loi du plus fort. Beaucoup traversèrent la frontière mexicaine pour essayer de se refaire une santé d’autant qu’ils étaient en grand danger en restant dans un Texas dominé par les hommes d’affaires véreux et sans scrupules. Background passionnant pour un scénario qui aurait mérité de s’y appesantir mais qui a préféré s’en tenir aux conventions ; ce n’aurait pas été un problème si l’écriture des pourtant excellents Alan Le May et W.R. Burnett avait été plus rigoureuse à l’image des scripts de Robert Buckner pour la trilogie Flynn-Curtiz. Dommage que ce même Buckner n’ait été que producteur sur San Antonio car le scénario de ce dernier pêche un peu par un rythme irrégulier et plusieurs coups de mou surtout dans sa deuxième moitié. Dommage aussi que les relations entre Victor Francen et Paul Kelly, les deux Bad-Guy associés par intérêts mais qui se détestent cordialement, n’aient pas été creusées. Pour le reste il demeure assez efficace avec quelques punchlines assez piquantes tel ce dialogue entre Alexis Smith et Errol Flynn, la chanteuse un peu agacée par le sans gêne du rancher
« Est-ce une coutume de l’Ouest d’imposer sa présence ?
- Oui madame, c’est ainsi qu’il fut colonisé. »
David Butler qui ne s’était guère fait remarquer jusqu’ici signe pour son premier western un film de bonne facture avec quelques fulgurances dont on se demande si elles ne sont pas dues à Raoul Walsh qui aurait mis la main à la pâte pour quelques séquences. On se souviendra de cette image d’un cavalier en clair-obscur devant une superbe et immense toile peinte représentant un paysage au crépuscule ou cette superbe scène de ‘duel’ commençant en plan américain sur le tueur interprété par Tom Tyler allant pour dégainer dans le but d’abattre Errol Flynn. On entend une détonation et sans que la caméra ne bouge on aperçoit une grimace sur le visage du bandit ; s’ensuit un travelling arrière passant à côté d’Errol Flynn et s’arrêtant derrière son dos. On comprend alors qu’il a été plus rapide que son adversaire et on voit après quelques seconde en fond de plan son adversaire tomber la face en avant, mort ! On retiendra aussi le final qui débute par une épique bataille rangée entre cow-boys, un étonnant carnage dans un saloon dévasté par les armes à feu et les cadavres et qui se continue par la course-poursuite entre Errol Flynn et Paul Kelly qui aboutit dans les ruines du fort Alamo avec une fois encore une superbe toile peinte de l’intérieur du bâtiment avec la lune se reflétant par l’ouverture béante du toit inexistant. Les autres scènes d’action comportent trop de transparences peu esthétiques pour réellement nous enthousiasmer.
Mais la sympathie procurée par ce film au somptueux Technicolor provient surtout de son interprétation ; même s’il faut pouvoir supporter le cabotinage de S.Z. Sakall (souvent très drôle dans les comédies musicales maison, notamment celles avec Doris Day) et de Florence Bates, la voluptueuse Alexis Smith s’avère très à l’aise en lieu et place d’Olivia de Havilland et sa vivacité fait plaisir à voir ; elle chante également plutôt bien (la séquence musicale ‘Some Sunday Morning’ est assez exquise et annonce les très bonnes comédies musicales que réalisera David Butler dans les années 50, genre dans lequel il s’avèrera le plus à l’aise) ce qui n’est pas pour nous déplaire. On comprend en tout cas aisément pourquoi tous les personnages principaux tournent autour. John Litel dans le rôle de l’ami d’Errol Flynn est parfait tout comme ce dernier toujours aussi charmant et charmeur, bravache et vigoureux. Un personnage héroïque et séducteur non dénué d’ironie comme l’acteur les affectionnait et dans la peau desquels il a toujours excellé. Quant au duo Paul Kelly/Victor Francen, même s’il est loin d’être honteux, j’aurais rêvé de voir réuni en lieu et place Brian Donlevy et Albert Dekker. Un dernier mot sur un score robuste de Max Steiner qui reprend à l’occasion le thème principal de la partition qu’il avait composé pour Dodge City ; ce qui boucle la boucle et qui entérine le fait que San Antonio fera obligatoirement fortement penser au film de Curtiz même s’il n’y a pas photo quant à savoir lequel des deux demeurera le plus marquant. Conventionnel, sans surprises d'aucune sorte mais loin d'être désagréable !