Jacques Demy (1931-1990)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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odelay
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Re: Jacques Demy

Message par odelay »

J'ai du mal à voir comment on peut le trouver ringard. :? Mais bon...
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Alphonse Tram
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Message par Alphonse Tram »

odelay a écrit :J'ai du mal à voir comment on peut le trouver ringard. :? Mais bon...
Peut être à cause des chansons folks façon 60' chantées en plein Moyen-âge ? Perso je trouve cela absolument génial, mais les goûts...
Sinon, je ne vois pas de problèmes particuliers dans la construction du film. Il y a certes peut être quelques raccourcis narratifs sur le personnage du flûtiste (à cause des obligations de Donovan ?), mais du coup, les scènes avec les hommes d'église sont plus développées.
Et comme toi, j'ai beaucoup aimé la photo et les comédiens; pourtant je ne suis pas un super fan de Jacques Demy.


(PS : tu pourrais poster une image ? j'aimerais comparer avec le zone 1)
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- « Il y aura toujours de la souffrance humaine… mais pour moi, il est impossible de continuer avec cette richesse et cette pauvreté ». - Louis ‘Studs’ Terkel (1912-2008) -
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Boubakar
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Re: Jacques Demy

Message par Boubakar »

AtCloseRange a écrit :Voilà qui fait envie.
Le film va-t-il sortir en édition individuelle?
on l'a pourtant dit plusieurs fois, et ça été aussi dit en interview ; il n'y aura aucune sortie unitaire (à cause des ventes qui seraient trop faibles). :idea:
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Roy Neary
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Re: Jacques Demy

Message par Roy Neary »

odelay a écrit :la photo, notamment en intérieur, est très belle (faite par le futur opérateur de "l'Empire contre attaque", dont le nom m'échappe)
Le grand Peter Suschitzky (responsable de la plus belle photo dans toute la double trilogie de George Lucas) et bien sûr un collaborateur fidèle de David Cronenberg depuis Faux-semblants.
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odelay
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Re: Jacques Demy

Message par odelay »

Pour la capture je vais essayer, mais mon programme ne fonctionne pas toujours.
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odelay
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Re: Jacques Demy

Message par odelay »

Trois places pour 26 (88)

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C'est le dernier film de Demy. Il y pensait depuis très longtemps et voulait tourner une version alternative avec Montant et Adjani. Là encore sa mise au placard durant les années 70 a eu raison de ce projet.

Que reste-t-il de ce film qui avait été un échec et qui n'est pas très connu malgré des moyens très importants fournis par Claude Berri ?

Et bien il reste une première grosse demi-heure qui fait très peur (vraiment!) et un reste de film qui apprivoise le spectateur et finit par le conquérir même si le mauvais souvenir du début reste bien ancré dans l'esprit.
Alors quel est le problème de cette première partie? Sans hésitation : La musique et dans une moindre mesure les chorégraphies. Et ça s'est très ambêtant car de la musique il y a bcp au début de ce film. En fait quand je dis "la musique", j'exagère un peu, car ce sont plutôt les arrangements qui sont vraiment immondes : Je ne sais pas si Legrand est responsable ou si c'est qq'un d'autre, mais apparemment ils ont trouvé une boite à rythme dernier modèle 1988 (mais complètement dépassée en 1989) et ils ont appuyé sur tous les boutons en mettant le volume à fond. Du coup, on n'entend presque plus les voix, ni même les mélodies sous les tchack tchack chtoout shlock shlock... Quel gachis! car il se pourrait que sous ces bruits d'un autre âge il y ait de bonnes chansons qui se cachent. Mais là, impossible de le savoir.

Mais à un bon tiers du film, on change de direction : d'abord finies les chansons qu'on se met à chanter comme ça "à la comédie musicale", on passe à des numéros musicaux scèniques, finies aussi les boîtes à rythmes débiles, il s'agit là de mettre en musique la vie de Montand sur scène et donc ça devient mille fois plus regardable.
En effet, le sujet du film est le retour de Montand à Marseille pour une représentation d'une comédie musicale retraçant sa vie. Et on s'aperçoit que c'est vraiment ça qui va intéresser Demy. C'est en tout cas ça qu'il va réussir le plus. Si on enlève un tableau très Village People un brin embarrassant, on se retrouve avec des très beaux (et bons) numéros musicaux où la scène s'ouvre à l'infini comme dans "Tous en scène" ou "Singin in the rain" avec très belles idées de mises en scène et surtout un excellente utilisation du scope.
Pour ce qui est des chorégraphies, là où elles étaient complètement démodées dans la première partie (notamment durant "l'interview"), elles deviennent classieuses par la suite. "Evidemment", va-t-on me dire quand on devient "classique" on prend moins de risque. Oui, peut être, mais cette volonté de faire jeune à tout prix quand ce n'est pas du tout sa culture, ça ne peut que mener dans le mur (on l'avait vu avec Parking).

Pour ce qui est de l'histoire, on retrouve un grand nombre de thème chers à Demy, mais celui qui surprend le plus c'est la relation entre Montand et M. May et surtout la façon dont elle est traité qui laisse quand même extrêmement songeur. Ce n'est pas du tout ce qui se passe (après tout, tout peut arriver dans un film), mais plutôt la façon qu'ils ont de réagir à ça. C'est vraiment bizarre...

Sinon M. May se débrouille pas trop mal (même si son chant n'est pas terrible, d'ailleurs à cette époque elle enregistrait qq chansons avec Prince -qu'on voit en poster dans sa chambre- qui ne sortiront jamais) et arrive à suivre les professionels dans les numéros de danse, même si elle ne lève pas aussi bien la jambes qu'eux. Mais le plaisir de comédiens vient surtout de Françoise Fabian. Ses scènes avec Montand font parties des grands moments du film.

3,5/6
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Watkinssien
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Re: Jacques Demy

Message par Watkinssien »

J'ai acheté l'intégrale Jacques Demy, je suis content, car j'aime absolument tout !

Tout ! 8)
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Re: Jacques Demy

Message par Fatalitas »

ben tiens, un bon gros 10/10 à Parking !!!! :mrgreen:
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Re: Jacques Demy

Message par Watkinssien »

Fatalitas a écrit :ben tiens, un bon gros 10/10 à Parking !!!! :mrgreen:
Tout, j'ai dit ! :P
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Re: Jacques Demy

Message par Fatalitas »

Watkinssien a écrit :
Fatalitas a écrit :ben tiens, un bon gros 10/10 à Parking !!!! :mrgreen:
Tout, j'ai dit ! :P
oui, j'avais compris :mrgreen: :wink:
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odelay
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Re: Jacques Demy

Message par odelay »

Dans le coffret il y a un livret qui comporte deux interviews : une de Catherine Deneuve (1990) et une de Jacques Demy (1986).

Dans cette interview, Demy donne une réponse à une question que je posais plus haut dans mon post sur Parking :

Demy : "(...) Pour le rôle, je songeais à David Bowie. Mais impossible de le joindre malgré tous nos efforts. Je voulais qq'un d'habitué à la scène et j'ai demandé à Johnny Hallyday, qui a refusé. J'allais abandonner quand un producteur, qui est vaguement de la famille, me supplie de le faire. Mais il n'y avait toujours pas d'Orphée. Et un joue, il me dit "Pourquoi pas Francis Huster?" Et je n'aurais pas dû accepté.C'est une erreur.

Question : Une erreur de jeunesse?

Demy : Oui, on fait parfois des erreurs. Ce n'est pas le personnage. Et surtout Huster a voulu chanter. Le producteur a signé le chant sans me le dire. Ca a été une catastrophe. J'ai été très choqué par la désinvolture des uns et des autres. Je m'en suis voulu de l'avoir fait. J'airaus dû être plus sévère. Je me suis dit j'arrête, je ne fais plus de cinéma. Ca suffit, ce milieu est trop compliqué."



Voilà qui est quand même rassurant dans un sens. Il a été conscient qu'il allait dans le mur. Parce qu'en voyant le film, on pouvait quand même douter de son jugement artistique.
A un autre moment de l'interview, il parle de sa "cassure" avec Catherine Deneuve pour la préparation d'Une Chambre en ville.



Demy : "(...) les choses ont commencé à se gâter quand Deneuve a voulu chanter elle même. Or Catherine ne sait pas chanter du tout et la musique était difficile. (...) On a fait un essai avec Catherine et Gérard Depardieu qui a dit "si Catherine chante, je veux chanter aussi". Un duo catastrophe; je suis quand même frappé du mépris pour les chanteurs, qui passent dix ans au conservatoire (c'est un métier de chanter). Chanter est dur et réclame une forme physique particulière. (...) Catherine a une charmante petite voix qui sort d'elle, mais elle n'est pas chantante et n'a aucune technique.



Version de Catherine Deneuve en 90 :

Deneuve : Sur Une Chambre en Ville, on avait une grande divergence : je lui disais qu'on ne pouvait pas refaire un film musical 20 ans après, avec Gérard Depardieu et moi, qui avions fait bcp de films, nos voix étaient très connues, alors que j'étais une inconnue à l'époque des "Parapluies", Jacques a pris mon désir de chanter pour un désir d'actrice d'exprimer tout. J'essayais de lui expliquer que nous étions trop connu, Gérard et moi, pour faire un fim entièrement doublé musicalement. Et comme la musique n'était pas encore écrite, je lui demandai à ce qu'elle soit écrite pour qu'elle soit chantée par des acteurs. Ou alors que le film soit fait avec d'autres acteurs. C'était ma théorie. et je voulais que vingt ans après les "Parapluies", on fasse autre chose ensemble, j'aimais bcp le sujet du film. Et avant de changer d'avis j'aurais voulu qu'on essaie. Gérard était de mon côté. Et jacques m'en a voulu de l'avoir entrainé dans cette direction. Mais Gérard doutait aussi du côté musique doublée, et il y a eu une soirée très difficile, chez lui, on s'est quittés dans la rue, je sentais que ce n'étais pas seulement un au revoir mais un adieu. C'était fini, un couperet était tombé, terrible, c 'est vrai que quand Jacques se fermait..."
Nestor Almendros
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Re: Jacques Demy (1931-1990)

Message par Nestor Almendros »

Megalomanu (le 11 novembre) a écrit :Les parapluies de Cherbourg - Jacques Demy
Je l'ai découvert il y a quelques jours et j'ai d'abord fait un blocage. Les premières minutes m'ont bien sûr surpris, et puis après, sans pour autant m'ennuyer ou trouver ça insupportable, j'ai comme été bloqué. Comme si la raison m'empêchait d'aimer. Peut être la honte de ne pas trouver ça ridicule, ou peut être la peur de se faire repérer par mon voisin d'à côté (les murs sont pas très épais). :mrgreen:
C'est tellement à des années lumière de ce que j'aime d'habitude ... Je me suis finalement peu à peu abandonné dans le film pour trouver la dernière demi-heure sublime. Vu que je ne savais pas quoi en penser à la fin, j'ai décidé de le revoir hier, cette fois ci sans complexes débiles, et j'ai trouvé le tout vraiment magnifique. La réalisation est de haut vol, la photographie magnifique et la musique de Michel Legrand est très belle. La scène de la gare ainsi que la scène finale sont particulièrement déchirantes. Un grand mélo.
Par contre je vais éviter de trop en parler autour de moi, j'ai pas tellement envie de devenir la risée de mes potes - hé ouais, je suis encore jeune et con :lol:
Mama Grande! (le 26 octobre 2007) a écrit :Les Parapluies de Cherbourg

Le DVD du Monde trainait depuis un certain temps, et je me suis finalement laissé tenté. J'appréhendais pas mal de voir les acteurs chanter leurs dialogues pendant 1h30, c'est sûrement pour cela que j'ai mis autant de temps à le voir. Honte sur moi! C'est en fait une petite bombe. Dans un univers artificiel et rose bonbon, un univers de cinéma de studio, Jacques Demy nous raconte une histoire d'amour qui est tout sauf "de studio". La réalité politique et sociale, le temps et les aléas de la vie, ont finalement plus d'influence que les sentiments des protagonistes. C'est un film triste, où faire d'une ville portuaire pluvieuse un décor de conte de fées est un moyen d'échapper à la mélancolie du temps qui passe et des sentiments qui s'en vont, de la rendre plus supportable. Cette histoire d'amour n'a rien pour faire rêver, que le décor au moins apporte du rêve. Moderne, bourré d'idées, j'ai été captivé par ce film. Je ne tarderai pas à voir Les demoiselles de Rochefort.
Memento (novembre 2005) a écrit :Revu Les parapluies de Cherbourg

J'ai un gros problème avec ce film : le "parlé-chanté".
Cette nouvelle vision n'a pas estompé cet obstacle majeur qui constitue chez moi un réel blocage.
Bien sûr le film reste une splendeur visuelle, bien sûr Demy est un coloriste hors pair du cinéma français, bien sûr l'histoire est toujours touchante et les acteurs remarquables, mais rien à faire, je ne m'habitue pas aux dialogues chantés de la première à la dernière minute. Je trouve même que cela frôle parfois le ridicule.
Par ailleurs, sur le plan musical, l'intérêt est quasi-nul ("Je vous mets du super ou de l'ordinaire ? Du super s'il vous plaît"). Je préfère une véritable partition chantée qui alterne avec des scènes de dialogues classiques, comme dans Les demoiselles (son chef-d'oeuvre à mon sens, un film que j'adule) ou Peau d'âne.
Après ce film, Demy est revenu à une structure "classique" : dialogues parlés + chant, qui à mon sens sied mieux à la comédie musicale et à ses plus grands chefs-d'oeuvres (West Side Story, Chantons sous la pluie, par exemple).
Ajoutons que ce film ne comporte hélas aucune chorégraphie, contrairement, par exemple, à celles splendides des Demoiselles.
Bref, une certaine frustration en dehors de 2 ou 3 airs (le thème principal de Legrand et aussi un thème de Bossa nova -oublié le titre- repris plusieurs fois). Esthétiquement, ça reste une merveille bien sûr. Je dirais même que seul un Minelli peut soutenir la comparaison en termes d'agencement des couleurs, des décors et des costûmes. Sur ce plan, Demy est un pur génie.
Max Schreck a écrit :Je comprends tes réticences, Memento, sans les partager au contraire. :wink: Ce qui me régale dans ce film, c'est à la fois son côté mélo à faire chialer les chaumières, avec en toile de fond un sujet assez brûlant à l'époque de sa réalisation : la guerre d'Algérie. Demy donne l'impression de ne pas y toucher, or c'est un thème dont il était quasiment interdit de parler.

En ce qui concerne justement la trivialité des paroles (chanter des trucs sur l'essence à servir) c'est également toute la modernité du projet de Demy/Legrand. L'effet est d'autant plus saisissant qu'il s'agit d'ailleurs des toutes premières phrases lachées. Quant aux chorégraphies, elles existent d'une certaine manière puisque chaque déplacement d'acteur et de caméra est forcément rigoureusement minuté et calibré pour coller exactement à la partition. Et ça, c'est un boulot qui est peut-être discret à l'écran mais qui, quand on y pense, ne peut qu'impressionner.

Et puis bon, quand Legrand déchaîne ses violons au milieu et à la fin du film, chez moi les vannes s'ouvrent (en vérité, rien que le superbe générique, pour le coup la seule vraie chorégraphie du film, me colle des frissons).



Maintenant face aux Demoiselles de Rochefort, je ressens les mêmes émotions mais puissance 10. :D


Bartlebooth (juin 2004) a écrit :Les Demoiselles de Rochefort
Deuxième vision, bien plus satisfaisante que la première il y a quelques lustres.
La principale faiblesse du film demeure. Le premier acte, qui occupe la première heure de projection, est si riche, si complet en soi (c'est presque un mini-opéra où tout, des déambulations croisées des personnages aux thèmes musicaux, rime et se répond) que les deux autres en pâtissent en comparaison : le dîner dialogué en alexandrins du deuxième acte aurait gagné à être chanté ; quant à la kermesse du troisième, qui devrait être un des clous du film, elle est franchement piteuse. Demy est décidément plus à l'aise dans les pas de deux ou de trois que dans les grands ensembles.
Cela dit, j'ai été enchanté par la bonne humeur ombrée de mélancolie du film, tout en regrettant que Gene Kelly n'ait qu'un second rôle : car ses apparitions, grâce à son charisme et son sens inné du geste et du timing, impulsent immédiatement un autre dynamisme à la mise en scène.
J'ai surtout été épaté par la drôlerie des paroles, leur mélange de lyrisme candide, d'acrobatie verbale et de trivialité quotidienne qui n'appartiennent qu'à Demy, bien épaulé par la partition de Legrand. La scène de rupture entre Delphine et Guillaume, en particulier, est un tour de force verbal et vocal.

Les Sept Femmes de Barberousse
Le merveilleux film que voilà, qui n'a pas pris une ride et ne trahit pas l'excellent souvenir que j'en avais. Tout concourt à en faire un petit joyau de la comédie musicale : scénario brodant astucieusement sur Blanche-Neige et les sept nains et l'enlèvement des Sabines, transposé dans l'Oregon de 1880 ; chorégraphies acrobatiques de Michael Kidd, toujours parfaitement intégrées à la narration ; traitement de la couleur ; organisation de l'espace confondante de grâce, de dynamisme et d'aisance, où Stanley Donen, dans ce qui était sa première expérience de ce format, prouve à l'évidence que le CinemaScope n'a pas été inventé seulement pour filmer les serpents et les enterrements, mais aussi sept robustes gaillards convolant avec leurs sept fiancées au cours d'une scène de danse anthologique. Et toute cette vitalité déborde d'une joie de vivre qui vous met le sourire aux lèvres.
Majordome a écrit :Ah! Cette trivialité qui introduit un humour très second degré, qui contraste fort avec l'apparente naiveté du film (ou plutôt qui est là pour nous faire bien comprendre que ce qui peut paraitre 'niais' est bien un jeu avec l'intelligence du spectateur - la description du meurtre de Lola en est un exemple brillant, sans parler du 'dessous qui dépasse' :)). Je suis beaucoup moins dur que toi avec la kermesse et les beaux ballets d'ensemble... même s'ils n'égalent pas celui, fantastique, de la scène d'ouverture sur le pont transbordeur. D'accord avec cette agréable mélancolie qui vient donner de la profondeur au film, qui n'est pas aussi déséquilibré que çà. J'ai l'avantage sur toi d'avoir vu le film un nombre de fois relativement important, et le plaisir augmente à chaque vision.

C'est assez amusant que tu nous parles de ces deux films en même temps, car si l'on doit reconnaitre l'incroyable virtuosité (pour moi çà a frôlé la sidération à la première vision, yeux grand ouverts, regard fixe et bouche pendante de stupéfaction) des ballets... sans doute les plus extraordinaires jamais filmés à l'écran; si le film a effectivement toutes les qualités que tu décris, il n'en reste pas moins que l'écriture (les dialogues et certaines mises en situations) pêche bien souvent et n'est pas toujours aidée par le casting... (je pense notamment au fermier, chef de famille - bof, bof !) et c'est bien dommage car effectivement le scénario exploite astucieusement ces mythes. En terme d'écriture on est vraiment loin de la finesse du Demy ! Mais rien que pour les numéros, le film est à voir, à revoir, et à posséder dans sa DVDthèque (mois de 10€ lors des opérations warner de type 3 pour 2)
Bartlebooth a écrit :C'est très probable ; il en va justement ainsi pour moi pour... Seven Brides :wink: . Et à présent que j'ai le dvd des Demoiselles (merci Le Monde), j'aurai l'occasion de le revoir régulièrement, d'autant que les Bartlebooth junior adorent.

Comme Jeremy, j'aime beaucoup Keel dont la prestance est souveraine, plus encore ici que dans Kiss Me, Kate où il est déjà épatant. Et pour ma part je n'ai pas vu de faiblesse dans le dialogue et les mises en place.

Plus je repense à Seven Brides, et plus je suis soufflé par le naturel renversant avec lequel le chant et la danse naissent toujours comme spontanément des situations. Voir par exemple la scène d'hiver où les frères chantent leur solitude d'hommes des bois tout en bûchant en mesure.
Tout est millimétré, mais on ne sent jamais l'effort, les heures de travail derrière pour arriver à cette aisance.
C'est précisément là, dans cette souplesse des enchaînements du joué au chanté-dansé (qui fait les grands musicals) que le bât blesse par moments chez Demy, même si les deux films ne sont évidemment pas comparables (si j'en ai parlé en même temps, c'est pure coïncidence de visionnage). La fusion parfaite du lyrisme rêveur, du trivial et du tragique, il me semble que Demy l'a accomplie dans les sublimes Lola et Une chambre en ville, qui restent mes deux préférés de lui.
Judyline (février 2007) a écrit :Les demoiselles de Rochefort (1967) de Jacques Demy
9/10

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Je l’ai vu ! Je l’ai vu ! Et waaaaah : c’est de la dynamite sur pellicule, ce truc-là !

Aaaah oui, je suis enthousiasmée (c’est le moins que l’on puisse dire). ‘Les demoiselles’ est un film magique, où tout respire le bonheur et la joie de vivre, l’amour et la bonne humeur. Un film qui fait voir la vie en rose, en bleu, en jaune… Un film qui fait danser et chanter et qui donne l’envie de demander son café en rimes ou en chant le matin…

En plus de toutes ses qualités, il offre un condensé de ce que j’aime: un clin d’œil aux comédies musicales américaines de l’âge d’or avec Gene Kelly ; une touche de ‘West Side story’ avec George Chakiris ; un peu de nostalgie française avec Danielle Darrieux ; une dose d’humour et de romantisme ; le charme des chansons et des danses (ballets ou claquettes). Et puis, il y a nos deux ‘sœurs jumelles, nées sous le signe des gémeaux’ avec leurs manières bien à elles et leurs chapeaux rose-bonbon et jaune-poussin.

Bref, ‘les demoiselles de Rochefort’, c’est un peu de poésie dans la maison, un peu de rêve dans la journée… Les couleurs, les décors et les chansons traversent l’écran pour donner un véritable coup de fouet au moral. Mon capital ‘bonne humeur’ a bien dû grimper de 10 points en seulement deux heures !

PS: Ratatouille, j'espère que tu vas le regarder prochainement, car je suis vraiment curieuse de savoir ce que tu en pensera!
PS: Miss Nobody, si tu as encore ce genre de film à me recommander, je suis preneuse!!! :wink:
Max Schreck a écrit :
Memento a écrit :
Pour ma part, un des plus grands films français, tous genres confondus, ni plus ni moins.
Je chéris ce film à un point qu'il m'est difficile de l'exprimer en quelques mots.
Et oui, effectivement, dans le genre "film anti-dépresseur" (si si, ça existe), il est pour moi indétronable.
Et il faut noter que tout n'est pas entièrement porté vers la joie. Un peu comme dans les Parapluies de Cherbourg, Demy compose une étrange alchimie où la douleur se mêle au bonheur. C'est peut-être moins marqué ici, mais derrière les couleurs explosives et l'atmosphère de fête foraine, je trouve qu'il y a un peu de désenchantement avec ces amours contrariés par les obstacles d'un hasard un peu sadique.
La fin, par tout ce qu'elle laisse d'ouvert, me fait immanquablement fondre en larmes. Juste parce que je trouve ça beau et grand.
Strum a écrit :Les Demoiselles est également un de mes films français préférés. Une exceptionnelle réussite où l'harmonie entre la mise en scène et la musique confine à la perfection. Sinon, plus que de désenchantement, je parlerais d'une touche de mélancolie: un nouveau départ (et le film est plein de départs et retrouvailles en tous genre), implique toujours que l'on quitte une ville, des amis, une vie. Et la musique de Legrand exprime cette idée avec une vigueur et un lyrisme qui dévastent tout sur leur passage dans la chanson de Solange au piano. Elle traduit les épanchements de l'âme, les états d'esprit passagers, les humeurs changeantes des personnages qui peuvent (comme nous) passer de la tristesse au bonheur en un rien de temps.
Ernst Preston Wilder a écrit :Concernant les Demoiselles de Rochefort, je pense que Demy est parti avec le désir de rendre hommage à la comédie musicale américaine ce qui est bien, mais qu'au final il a fait un film avec beaucoup d'enthousiasme, mais qui a un côté amateur qui gache un peu le tableau.

En effet, on ne peut pas s'improviser du jour au lendemain chanteur ou danseur, et quelque soit la bonne volonté, le play back mal maitrisé ou bien les gestes de danses on ne peut plus approximatifs, montrent qu'à l'époque, les acteurs français n'avaient pas de grandes entraînements en chant et danse.

Je tiendrais à part la sublime Danielle Darrieux, qui à mon sens, doit être l'une des seules actrices à ne pas être doublée, et bien sur Gene Kelly. Il est d'ailleurs visible dans les pas de danse entre lui et Françoise Dorléac, qu'il y un véritable abîme entre les deux. Bon certes, n'importe qui serait maladroit à côté de Kelly, mais à ce point...

Au final, eh bien pourtant on apprécie ce film malgré ses défauts, car un amateur enthousiaste vaut mieux qu'un professionnel blasé... Et puis il y a la regrettée Françoise Dorléac.
Strum a écrit :Peu importe que Deneuve et Dorléac ne dansent pas comme Chakiris, Grover et Kelly. Leur beauté grâcile, leur naturel, compense tout. Leurs maladresses mêmes sont un plaisir pour les yeux. La mise en scène de Demy, toute en grâce et en inventivité, n'a certainement pas à rougir de ses glorieux modèles, au contraire. Enfin, il y a un ton dans ce film, d'une totale liberté, qui n'appartient qu'à lui. Je préfère sans hésiter Les Demoiselles à un Band Wagon, en ce qui me concerne.
Judyline a écrit :
AtCloseRange a écrit :J'irais même jusqu'à dire que je préfère Les Demoiselles de Rochefort à toutes les comédies musicales américaines.
Bien que j'ai réellement adoré 'Les demoiselles de Rochefort', je n'irais pas jusqu'à le préférer aux chef-d'oeuvres que sont à mes yeux 'Chantons sous la pluie' ou 'West Side story'. Disons que 'Les demoiselles...' me procure autant de bonheur que par exemple 'Le magicien d'Oz', 'Un jour à New York' ou encore 'Escale à Hollywood'.

Miss Nobody (le 25 février 2008) a écrit :Image
La baie des anges
« La baie des anges », c’est une histoire d’amour et de jeux, l’amour du jeu et le jeu de l’amour, une histoire simple et belle où seul les bonheurs, aussi infimes puissent-ils être, comptent, et où l’argent s’envole, va, viens et finalement n’est rien. Sur un thème on-ne-peut-plus romantique de Legrand, Jeanne Moreau, blonde comme une Marilyn, divine et fatale à la fois, hante les casinos à la recherche de plaisirs éphémères et mène une vie dissolue dans une insouciance presque admirable. Sa passion du jeu, dévorante et fascinante –à son image en somme-, est superbement retranscrite. On retrouve évidemment la patte de Legrand, dans sa manière de magnifier des petits riens, des histoires anodines, mais aussi à travers son personnage masculin, un peu frêle, un peu banal, amoureux mélancolique d’une femme bien trop brûlante pour lui. Le final semble un peu surfait mais on ne peut pourtant s’empêcher de l’apprécier. Je crois que je suis amoureuse de Jacques Demy.

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Lola
Ce qui caractérise avant tout Demy, c’est sa manière bien à lui de sublimer le quotidien, avec ses petites tragédies et ses grandes histoires d’amour, en parant les villes de cette atmosphère si particulière et si douce, emprunte d’un romantisme mélancolique unique. Et si dans ce premier film, Lola finit dans les bras de son grand amour tant attendu, Roland Cassard lui, repart las et solitaire vers un avenir incertain (qui sera en fait celui des « Parapluies de Cherbourg », où il aimera cette fois une femme moins patiente). La vie selon Demy n’est faite que de marins et de femmes seules, de grandes amours, de guerre, d’absence, d’attente, de départs et de retrouvailles… Les histoires s’entremêlent, différentes et semblables à la fois, et c’est avec les mêmes ingrédients que Cécile, si jeune et déjà presque femme, renouvelle l’éternelle recette. L’univers de Demy, bien que très ancré dans son époque et toujours un peu surfait, n’est jamais figé… et c’est sans doute aussi pour cela que plus de 40 ans plus tard, et malgré ses petits défauts, on succombe encore et toujours au charme un peu désuet de « Lola » et de ses autres films.
Max Schreck (août 2006) a écrit :Lola, Jacques Demy, 1961
Revenant de Nantes, j'étais dans la parfaite humeur pour découvrir enfin ce film et, encore une fois, la poésie unique de Demy m'a laissé bouleversé. On est là devant ce que la Nouvelle vague a pu donner de meilleur. Une intrigue un peu lâche mais rendue constamment passionnante et allègre par la liberté de ton de ses dialogues, des personnages toujours vrais et pourtant en décalage avec le réel. J'ai vraiment adoré ce Roland Cassard, antihéros prêt à tout mais bon à rien qui traîne son ennui dans le rues de Nantes et qui va tenter de s'accrocher à un amour perdu. On le retrouvera plus tard dans Les Parapluies de Cherbourg ayant enfin fait fortune dans le trafic de diamant. L'univers de Demy me touche par sa façon de raconter des histoires d'amour un peu tristes. Et puis la musique de Legrand, et puis la voix d'Anouk Aimée.
Miss Nobody (31 décembre 2005) a écrit :Image
Peau d'âne (J.Demy). Film (et conte) culte de mes jeunes années, j'ai revu hier "Peau d'âne" avec toujours autant de joie et de plaisir. Jacques Demy réalise ici une adaptation magnifique du conte (j'aime particulièrement le moment ou Prince et Princesse se roulent dans l'herbe, s'empiffrent de nourriture, boivent dans le même verre et fument le cigare, une vision merveilleuse du paradis) à mettre sous tous les yeux, petits et grands, c'est enchanteur. Les délicieuses chansons de Legrand ont bercé mon sommeil: comme il est doux de retomber en enfance. 8/10
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Boubakar
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Re: Jacques Demy (1931-1990)

Message par Boubakar »

Après le sublime Lola, je viens de découvrir le très beau La baie des anges, avec Jeanne Moreau, dans un look "à la Marylin". Dommage que le rôle masculin soit si fade et que la fin soit un peu bâclé. :?
Mais, pour le moment, ce sont de très belles découvertes, où régnait l'esprit de la Nouvelle Vague (au niveau de la photo, en particulier, ça me fait beaucoup penser à du Godard).
Mais c'est néanmoins un très bon film sur la folie du jeu.
Tom Peeping
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Re: Jacques Demy (1931-1990)

Message par Tom Peeping »

Boubakar a écrit :je viens de découvrir le très beau La baie des anges
Avec son sublime générique de début, la traveling arrière à toute vitesse sur la Promenade des Anglais qui s'éloigne de Jeanne Moreau sur la partition lyrique de Michel Legrand. Une des plus belles ouvertures de toute l'histoire du cinéma pour moi.
... and Barbara Stanwyck feels the same way !

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Boubakar
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Re: Jacques Demy (1931-1990)

Message par Boubakar »

Ma découverte régulière du coffret Demy se poursuit par de belles revisions ;

Les parapluies de Cherbourg (1963)

Après l'avoir vu il y a quelques années, sans grand enthousiasme, j'ai beaucoup plus apprécié, le côté "parlé-chanté" ne m'ayant pas du tout dérangée cette fois-ci, certainement grâce à la vision des films de Christophe Honoré (plusieurs plans des Chansons d'amour sont des repiquages à l'identique de ce qu'avait fait Demy) qui m'a "préparé" à cette nouvelle vision.
Mais en disant que j'ai apprécié, j'ai carrément adoré, le film étant plus sombre que son ambiance guillerette le laisse penser, et parle en fond de la guerre d'Algérie, et de la difficulté de ces soldats à revenir dans la réalité.
Catherine Deneuve y est merveilleuse, mais tout le casting y est idéal pour donner au film une ambiance guillerette, bizarrement en contre-point de ce qui peut se passer à l'écran.
Et cette scène finale, sous la neige, y est absolument magnifique, s'achevant un peu comme dans un conte.
Le prochain film à venir risque de me faire grimper aux rideaux tellement j'en suis fan ! :lol:
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