Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen - 2008)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Nicolas Brulebois
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Nicolas Brulebois »

Strum a écrit :3. Si j'ai bien compris ton argumentation pour dire que Woody Allen fait du théatre filmé, elle consiste en ceci : (i) Woody vient du music hall, (ii) Ses films pourraient être transposés en épisodes télés, donc (iii) Allen fait du théatre filmé. Bref, tu te contentes d'affirmer quelque chose sans aucune analyse, et tu confonds de surcroît la cause et l'effet
un cinéma reposant à ce point sur le scénario et les bons mots me parait effectivement avoir un lien avec le théâtre :idea: C'est d'ailleurs pour cette raison que je prise ce dernier film: il est relativement allégé en "mots d'auteur", ces dialogues qui à force de brillant en paraissent parfois artificiels.
Strum a écrit :Il faut savoir. D'une part, tu remets en cause le fait qu'il puisse y avoir des films majeurs, de l'autre tu prétends préférer les réalisations "mineures" d'Allen, ce qui sous-entend qu'il existe bel et bien des films majeurs. Mais j'oubliais, je "déforme tes propos".
tu ne réalises pas que ta notion de liste d'oeuvres "ayant imposé le style Allen" relève de l'arbitraire le plus complet et que la postérité critique n'a pas encore suffisamment le recul pour dresser un tel classement? Il ne te viendrait pas à l'idée que cette fameuse liste de films-définissant-le-style-d'un-auteur varie en fonction des spectateurs et des sensibilités?

Comme le suggère le dénommé Julien: il vaut mieux te laisser sur ton piédestal professoral, on dirait ("je vais te l'expliquer une dernière fois", on croit rêver !).
Phnom&Penh a écrit : Nicolas Brulebois, lui, aime malgré tout un cinéaste qu’il considère comme mineur, et de ce cinéaste mineur, préfère les œuvres mineures, sachant, de plus, qu’il n’a pas les mêmes idées que toi sur les œuvres qu’on pourrait considérer comme majeures. C’est d’ailleurs normal, puisque, si on le lit bien, les œuvres qu’on pourrait trouver majeures de Woody Allen sont entachées de tares qui en font définitivement des œuvres mineures.
C’est une position plus complexe à défendre!
:roll:

Il faut s'entendre sur la définition que je donne à "film mineur": dans mon propos, il s'agit d'une oeuvre à l'ambition discrète, pas forcément affichée.
La visée artistique de Vicky C Barcelona, comédie romantique, est "mineure" par rapport à l'ambition démesurée de Match Point, dans lequel Woody prétendait donner dans la tragédie et dire à gros traits de grandes choses sur le monde.
Personnellement, je n'aime pas trop le "cinéma m'as-tu vu?", les films où l'ambition (qui vire parfois à la prétention) est visible à tous les plans. Je préfère la simplicité, la fluidité, la réussite discrète.
Vicky contre Match Point, Les Rendez-Vous de Paris contre Ma Nuid chez Maud, L'Innocent contre Le Guépard, etc.

Libre à toi de trouver ça risible.
Dernière modification par Nicolas Brulebois le 6 nov. 08, 18:55, modifié 1 fois.
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cinephage
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Message par cinephage »

Nicolas Brulebois a écrit : un cinéma reposant à ce point sur le scénario et les bons mots me parait effectivement avoir un lien avec le théâtre :idea: C'est d'ailleurs pour cette raison que je prise ce dernier film: il est relativement allégé en "mots d'auteur", ces dialogues qui à force de brillant en paraissent parfois artificiels.
Je l'avais déja relevé, mais, avec une critique de ce type, tu évacues une grosse partie du cinéma français (évoquons en vrac Guitry, tous les films reposant en grosse partie sur des dialogues de Janson, Prévert, Audiard, Blier, parmi d'autres), et américain (Hawks, Lubitsch, Wilder, et sans doute Mankiewicz pour les plus frappants). Beaucoup de films reposent "à ce point" sur le scénario et des dialogues brillants (mots d'auteurs ou bons mots) tout en gardant une irréductible part de cinéma en eux.

Les films d'Allen en font définitivement partie : le montage de ses films est dynamique, enlevé, il ne repose pas sur les dialogues. Son découpage (surtout dans sa première période, mais il renoue avec cette tendance depuis Match Point) met en valeur des décors représentatifs de son univers, ou de celui de ses personnages, intérieurs comme extérieurs, et, sous cet aspect, n'a pas grand chose de théatral.
A cela s'ajoute une photographie souvent recherchée (Allen a collaboré avec de très grands opérateurs) : des noir & blanc travaillés de Manhattan, Ombres et brouillard ou Celebrity, pour prendre des films d'époque différente, de la lumière artificielle (jouant sur les couleurs) de Maudite Aphrodite ou Everybody says I love you, ou de l'éclairage plus naturaliste, quoique soumis à de beaux cadrages, d'Annie Hall, ou celle, plus crue, de Maris & Femmes, la forme des films d'Allen est définitivement cinématographique, et intransposable, sans un réel travail d'adaptation, au théâtre. Il serait dommage que l'apparente légèreté formelle de ses derniers films, liés à une envie de retrouver une certaine fraicheur, un certain naturel, mais aussi d'exploiter des décors différents (Allen filme toujours des individus dans un lieu donné, souvent une ville comme New York, mais parfois un espace imaginaire ou reconstruit, un espace qui joue presque le rôle d'un personnage dans le récit) fasse oublier ce travail cinématographique. Cette inscription dans un lieu propre au cinéma d'Allen est intranscriptible au théâtre, qui ne peut circonscrire un décor aussi vaste ou le rendre aussi signifiant que ses personnages.

Enfin, le travail d'Allen sur le son de ses films est loin d'être faible ou inexistant, ou de se limiter à l'énonciation de dialogues brillants. Outre sa connaissance et sa sympathie pour le Jazz, qui lui permet d'offrir une bande musicale souvent intéressante, il joue surtout sur des chevauchement des paroles sur des déplacements (des personnages ou de la caméra), obtenant ainsi des effets de contrepoint ou de soulignage assez discrets, quoique remarquables. Là encore, je ne vois pas comment rendre ce travail au théâtre.

Si le rôle prépondérant de la parole dans le cinéma d'Allen en est une caractéristique, c'est par le travail accompli autour de cette parole, pour la rendre signifiante, la souligner, en indiquer la portée, la faiblesse, la recadrer dans un espace, ou la rendre dérisoire qu'Allen donne à ses films leur véritable puissance. Ce résultat, il l'obtient par le cadrage, un jeu vivifiant sur la bande sonore, l'utilisation d'un visuel photographique adapté au récit et de décors rendus signifiants.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
Nicolas Brulebois
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Re:

Message par Nicolas Brulebois »

cinephage a écrit : Je l'avais déja relevé, mais, avec une critique de ce type, tu évacues une grosse partie du cinéma français (évoquons en vrac Guitry, tous les films reposant en grosse partie sur des dialogues de Janson, Prévert, Audiard, Blier, parmi d'autres),
Je ne l'évacue pas (pourquoi toujours ce vocabulaire expéditif?), mais je le goûte moins, effectivement.
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cinephage
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Re: Re:

Message par cinephage »

Nicolas Brulebois a écrit :
cinephage a écrit : Je l'avais déja relevé, mais, avec une critique de ce type, tu évacues une grosse partie du cinéma français (évoquons en vrac Guitry, tous les films reposant en grosse partie sur des dialogues de Janson, Prévert, Audiard, Blier, parmi d'autres),
Je ne l'évacue pas (pourquoi toujours ce vocabulaire expéditif?), mais je le goûte moins, effectivement.
Par "tu évacues", j'entends que tu ne prêtes pas aux films évoqués le statut d'oeuvres cinématographiques à part entière, en les rattachant à un autre art, le théâtre, dont ils ne seraient qu'un avatar hybride, et en impliquant qu'elles ne sont que ça.

Je crois pour ma part que c'est tout le contraire, le cinéma étant un art bénéficiant d'apports artistiques variés, qui tous viennent l'enrichir, c'est entendu. Mais, lorsque le talent est à l'oeuvre, le tout s'avère largement supérieur à la somme des parties. Et la part qu'emprunte le cinéaste (et ses collaborateurs) aux différents arts, théâtre, photographie, sculpture, musique ou danse, n'est pas rendue telle quelle, dans une version appauvrie de l'original, mais transformée, fusionnée à d'autres éléments, pour donner une oeuvre différente, tant dans son expression que dans sa portée, et, lorsque la fusion a pris, riche de moyens propres à cet art unique.
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Nicolas Brulebois »

cinephage a écrit : Par "tu évacues", j'entends que tu ne prêtes pas aux films évoqués le statut d'oeuvres cinématographiques à part entière, en les rattachant à un autre art, le théâtre, dont ils ne seraient qu'un avatar hybride, et en impliquant qu'elles ne sont que ça
ce n'est pas exactement ça: le rapport d'un cinéaste comme Eric Rohmer au théâtre est indéniable, et cela ne constitue pas une tare à mes yeux.

Je reprends à mon compte la distinction que faisait Bonnitzer critique à propos de l'écriture d'ER: un dialogue "mat", en opposition à un dialogue "brillant".

C'est là que se situe ma réserve: lorsque l'intérêt, la force d'un film est véhiculée essentiellement par ses saillies verbales, qui rappelleraient effectivement un certain théâtre pas forcément à mon goût - une langue trop ouvertement ouvragée et destinée à faire mouche à tout coup, qui aurait du mal à se fondre absolument dans la fluidité réaliste que je recherche au cinéma...

Effectivement, comme tu dis, j'ai perdu toute l'estime que j'avais pour Blier à cause de ça...
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Watkinssien
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Watkinssien »

Nicolas Brulebois a écrit :
C'est là que se situe ma réserve: lorsque l'intérêt, la force d'un film est véhiculée essentiellement par ses saillies verbales, qui rappelleraient effectivement un certain théâtre pas forcément à mon goût - une langue trop ouvertement ouvragée et destinée à faire mouche à tout coup, qui aurait du mal à se fondre absolument dans la fluidité réaliste que je recherche au cinéma...
C'est exactement là où notre goût pour le cinéma de Woody Allen diffère, puisque (et je pense que tu l'auras compris avant) ce qui fait la force de ses films, en ce qui me concerne, ce sont des plans, des ambiances, des instants poétiques, moments que je retrouve dans le cinéma, de manière unique.
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Joe Wilson
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Joe Wilson »

Les dix premières minutes laissaient craindre le pire, voix-off hasardeuse, présentation laborieuse des protagonistes...et pourtant j'ai passé un bon moment. Certes, la forme n'est pas toujours réussie, la voix-off ne parvient jamais à se justifier complètement et le film manque ainsi de respirations, de creux et de rythme.
Mais à partir de l'introduction du personnage de Javier Bardem, j'ai suffisamment été touché par le récit pour prendre du plaisir. L'interprétation est dans l'ensemble très cohérente et le propos, derrière une vitrine clichesque, assez délicat et amer. Il y a sans doute un renoncement à un idéal, mais chacune parvient ainsi à abandonner une volonté de contrôle de soi...elles repartent sans doute pour une vie qu'elle ont déjà connu, mais le regard n'est plus le même. Les errements de Vicky (Rebecca Hall, intense même si elle manque de complexité) révèlent cette douleur dans la perception de soi. Avec la nécessité d'accepter ses antagonismes, de moins masquer ses failles.
Le film est sans doute trop bavard...à l'image des égarements de ses personnages, Allen se laisse un peu absorber par un univers qu'il traite avec amusement et superficialité. Mais il garde en ligne des troubles, des hésitations, des moments de silence et de flottement qui séduisent. Et la magnétisme de Javier Bardem représente un trait d'union particulièrement convaincant.
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Vickie »

Bonjour,

Si cela vous intéresse, voici l'occasion de participer à un petit travail universitaire...
(Je récidive après avoir déjà parlé, sur une autre section du Forum, de mon précédant travail sur la comédie musicale américaine... Si certains l'avaient vu passer, encore merci pour vos réponses sur ce sujet!) :wink:

A présent étudiante en Master 2 d’Etudes Cinématographiques , je travaille sur la réception en France du cinéma de Woody Allen.
J’effectue à cet effet une enquête par questionnaire sur le public du cinéaste new-yorkais.
Si vous êtes un fervent admirateur de Woody Allen ou que, au contraire, son cinéma vous horripile... Votre avis m’intéresse !

Pas besoin d’être un expert : vous avez vu quelques films du cinéaste, vous êtes prêts à vous exprimer.... c’est parfait !

Prenez quelques minutes pour répondre aux questions suivantes, cela me sera d’une aide très précieuse.

Pour télécharger le questionnaire, il vous suffit de cliquer sur le lien suivant:
http://dl.free.fr/jTcxCKyie puis sur "Télécharger ce fichier"
Enregistrez le questionnaire sur votre ordinateur, remplissez-le et renvoyez-le à : woodyallen.enquete@hotmail.fr en mettant DVDCLASSIK comme objet de votre mail.

Mille merci d'avance pour vos réponses! :)
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Colqhoun
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Colqhoun »

Vu hier soir.
Pas tellement emballé.
La première partie est inintéressante au possible. La 2ème, à partir de l'arrivée de Doug, est à peine plus enthousiasmante, mais dans l'ensemble cela reste un film qui m'a laissé totalement indifférent d'un bout à l'autre. C'est une histoire, une ambiance, des personnages qui m'ont autant passionnés qu'un plan de choux-fleurs. Le film se suit sans ennui, les acteurs sont loin d'être mauvais, mais en terme d'intérêt c'est l'encéphalogramme plat. En bref, un film que j'ai déjà quasiment oublié.
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par LéoL »

Enfin vu.
Comme les avis étaient devenus rapidement mitigés mon attente n'était plus aussi grande et finalement je rejoins la majorité des avis à moitié déçu/convaincu.
Pour moi, l'insupportable voix off plombe complètement le film. C'est très étonnant ce choix que je qualifierai d'erreur car si le film à d'autres défauts celui là est récurrent et empêche toute implication émotionnelle dans le film. Au moins, Allen aurait-il pu y prêter sa voix qui eue donné un peu plus de vitalité, d'élan, de je ne sais quoi à un texte souvent d'une banalité affligeante. Car en plus d'empêcher une implication émotionnelle, cette voix off rend le film plat, lisse et vide alors que ce n'est pas forcément le cas.
Cependant, ce que je juge comme étant une grossière erreur est tellement gros qu'il s'agit peut-être d'un parti pris complètement assumé par Allen pour établir deux points de vue/deux lectures totalement différents de l'histoire racontée à savoir une voix off d'une banalité affligeante qui ne fait que retranscrire la superficialité et la fausseté des rapports entre les personnes telle qu'elles sont révélées en public, en société, et de l'autre la réalité des expressions et des sentiments tel qu'ils sont exprimés par les visages, par les images et non plus par le texte. Cela se reflète bien à la fin lorsque la voix off affirme des choses qui semblent complètement en contradiction avec les images. D'un côté avec Vicky qui semble bouleversée et dont cette expérience changera probablement son marriage et de l'autre Christina qui a atteint des limites dans sa vie sentimentale. Cette idée que le film serait plus lisse dans le texte qu'il ne serait à l'image est probablement voulu mais même ainsi je ne trouve pas le film plus profond. Même les sentiments qu'éprouvent les personnages ne me semblent pas originaux mais là je me trompe peut-être.
Sinon, le film tel que je l'ai vécu sur le moment ne m'a pas déplu, au contraire c'est très plaisant. Scarlett n'est jamais aussi éblouissante que chez Woody Allen, je suis béat à chaque fois que je la vois... Les autres acteurs sont aussi très bien. Après il manque l'étincelle, pas grand chose je pense pour que ce soit très bien.
Y a aussi deux effets de style que j'ai pas compris et qui m'ont paru bien moche (le ralenti entre Juan Antonio et Vicky et la transition en diaphragme, je sais pas comment on dit).
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Demi-Lune
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Demi-Lune »

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A la lecture transversale de ce topic, je ne vais pas être très original : Vicky Cristina Barcelona m'apparaît très mineur dans la filmographie d'Allen. Le film ploie sous diverses faiblesses. Inutile de s'attarder sur la pénibilité et la redondance extrême de la voix-off ("Ils burent du bon vin toute la soirée." "Ils allèrent dans une pâtisserie et achetèrent des chocolats". Super.), ce défaut a déjà été bien mis en avant. Plus décevante est cette sorte d'incapacité, de la part d'Allen, à creuser véritablement le potentiel des quelques idées fortes qu'il propose dans cet opus. Peut-être est-ce volontaire, peut-être qu'Allen, sous le soleil estival catalan, cherche ici avant tout la légèreté, même si celle-ci est au final teintée d'amertume. Peut-être d'ailleurs que cela explique la "petitesse" du texte de voix-off, qui retranscrit souvent verbalement le plaisir simple, épicurien, éprouvé sur le moment par les personnages. Il n'empêche que le réalisateur caresse des idées très intéressantes sur l'amour ou sur les caractères, et que leur force potentielle n'est pas, à mon sens, totalement exploitée. Du coup, Vicky Cristina Barcelona est assez frustrant...

Par exemple, les portraits de Vicky et de Cristina sont prometteurs. D'une part, on a une jeune femme déstabilisée par rapport à ses valeurs confortables et la perspective rassurante d'une vie toute tracée, et qui se retrouve à la croisée des chemins. D'autre part, on a une jeune artiste ambivalente entre son affichage décomplexé et son cancer secret de l'insatisfaction, son refus du "commun" l'enferme dans une quête faussement consistante. Mais je trouve que ces deux trajectoires, dans le film, ne libèrent pas complètement la fièvre qu'on aurait pu attendre. Ces personnages auraient pu être magnifiques, passionnants, ils sont juste plaisants. Quand ils deviennent vraiment intéressants, quand on commence à voir poindre leurs fissures ou leurs nuances, Allen saute souvent de suite vers une scène à l'intérêt moindre avec la musique à la guitare qui va bien, il fait retomber le soufflé. Il m'a semblé qu'Allen se préoccupait moins de ses personnages qu'à l'accoutumée, ou, plus exactement, qu'il était moins soigneux à leur égard. Je ne saurais pas exactement l'expliquer, mais il y a quelque chose qui, pour moi, ne fonctionne pas dans l'architecture des relations entre personnages. On sent du potentiel, mais il n'explose pas. Je pense en fait qu'il y a peut-être trop de personnages connexes, trop d'étirements superflus, qui diluent le cœur dramatique du film, à savoir, le triangle amoureux et la perte de repères des deux amies américaines. L'entrée du personnage volcanique de Penelope Cruz en est, à mon sens, assez symptomatique. Je ressens ce personnage comme une digression, d'autant qu'il est souvent caricatural (mon Dieu, la scène du pistolet...). Et pourtant, l'idée qu'il porte - celui d'un amour irrépressible mais impossible en pratique, et qui ne peut exister qu'avec l'interface sublimant d'une troisième personne - est extrêmement forte, je trouve ! Mais même là, Allen égrène ses idées, sans les pousser plus que ça. Il survole.
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Pour autant, Vicky Cristina Barcelona reste un film très sympathique. Je regrette ce certain manque d'approfondissement véritable, mais d'un autre côté, cette "dédramatisation" (on est loin d'autres films très psychologiques et intenses, et c'est vraisemblablement conscient) permet au film d'être d'une légèreté parfois euphorisante. Allen compose une sorte de conte gentiment et ouvertement cliché, qu'il tempère ensuite dans la seconde partie. C'est une œuvre mue peut-être moins par l'amour des personnages que celui des acteurs. C'est un temple édifié à leurs visages, à leur charisme. Rebecca Hall, Scarlett Johansson, Javier Bardem, Penelope Cruz, tous bouffent l'écran et compensent les lacunes d'écriture. On sent chez Allen un véritable bonheur, se suffisant presque à lui-même, à glamouriser ces femmes et cet homme, dans une Espagne romantique et solaire. En résulte un film chaleureux, insouciant, qui fait presque de sa superficialité un atout. Comme disait ed, on n'est pas loin du roman-photo. C'est un peu vain et ennuyeux, mais pas désagréable.
Alligator a écrit :Revenons sur le fond, cela semble plus important en ce qui concerne ce film. Plus important, c'est vite dit parce que l'histoire et les interrogations auxquelles nos protagonistes sont confrontées ne sont pas d'une grande profondeur. Elles sont jeunes et perdues. Le portrait subreptice abordé par le personnage joué par Clarkson vient contredire cela de manière pas vraiment convaincante d'ailleurs. Ces femmes paraissent simplement confondues par leur manque d'originalité. Attachées à leurs histoire d'amour plus par conditionnement culturel et social que par la vérité et la force de leurs engagements, on a l'impression d'avoir affaire à des petites filles se rendant compte que le conte de fées est cruel, mais surtout irréel. Que la fête est finie. Pourtant, elles finissent sans révolte à accepter cela. La vérité n'est qu'une passade, la passion qu'un doux moment. Renversement de valeur d'une horrible placidité.
Finalement, les espagnols paraissent les seuls vivants dans cette histoire, les seuls adultes, les seuls amoureux.
C'est tout à fait ça.
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen - 2008)

Message par Père Jules »

Vu hier. Je ne suis déjà pas fana de Woody Allen à la base mais là, franchement, je me suis emmerdé. C'est bancal, pas bien écrit (le recours à la voix-off est insupportable), pas intéressant... Heureusement, Scarlett Johansson n'est que sexe.
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen - 2008)

Message par Demi-Lune »

Père Jules a écrit :Heureusement, Scarlett Johansson n'est que sexe.
:D
Penelope n'est pas moisie non plus.
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen - 2008)

Message par Père Jules »

Je n'aime pas du tout.
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen - 2008)

Message par Demi-Lune »

Grand fou.
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