Alexandre Sokourov

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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kerala
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Re: Alexandre Sokourov

Message par kerala »

Je n'ai vu qu'Aleksandra de Sokurov et je n'ai pas beaucoup de recule sur ce dernier. Le film est beau, émouvant, bien réalisé, mais comme pour les films de Kusturica le propos politique est plus que limite voir abject... À un moment la grand mère qui rend visite à son petit fils soldat en Tchétchénie explique à ce dernier que les tchétchènes son mauvais et que c'est génétique chez eux. Toujours comme Kusturica, Sokurov à le don de faire passer ce type de réplique sans aucun problème ce qui restera une énigme pour moi...
J'ai beaucoup de mal avec ce type de réalisateur. Tout comme Griffith qui révolutionna le cinéma avec son "Naissance d'une nation", mais aux propos abjects. Il en va de même pour Harlan avec le "Juif Süss" : ignoble.
Ces réalisateurs ont des qualités artistique certes, mais leurs propos font pour moi que je ne peut apprécier leurs films. Ce sont des films de propagandes et je dirais même racistes ce qui est beaucoup plus grave donc à prendre avec des pincettes.
Sokurov, Kusturica, Griffith, Harlan, des artistes qui se font rares, mais malheureusement gerbant.
Le cinéma, ce nouveau petit salarié de nos rêves on peut l'acheter lui, se le procurer pour une heure ou deux, comme un prostitué.

Louis-Ferdinand Céline
Joker
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Re: Alexandre Sokourov

Message par Joker »

kerala a écrit :Je n'ai vu qu'Aleksandra de Sokurov et je n'ai pas beaucoup de recule sur ce dernier. Le film est beau, émouvant, bien réalisé, mais comme pour les films de Kusturica le propos politique est plus que limite voir abject... À un moment la grand mère qui rend visite à son petit fils soldat en Tchétchénie explique à ce dernier que les tchétchènes son mauvais et que c'est génétique chez eux. Toujours comme Kusturica, Sokurov à le don de faire passer ce type de réplique sans aucun problème ce qui restera une énigme pour moi...
J'ai beaucoup de mal avec ce type de réalisateur. Tout comme Griffith qui révolutionna le cinéma avec son "Naissance d'une nation", mais aux propos abjects. Il en va de même pour Harlan avec le "Juif Süss" : ignoble.
Ces réalisateurs ont des qualités artistique certes, mais leurs propos font pour moi que je ne peut apprécier leurs films. Ce sont des films de propagandes et je dirais même racistes ce qui est beaucoup plus grave donc à prendre avec des pincettes.
Sokurov, Kusturica, Griffith, Harlan, des artistes qui se font rares, mais malheureusement gerbant.
Exactement, tu peux y ajouter Cronenberg qui semble au regard de son dernier film, comportant nombre de séquences et répliques racistes, prendre le même détestable chemin.
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Megalomanu
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Re: Alexandre Sokourov

Message par Megalomanu »

Ne confonds pas le point de vue du réalisateur avec ceux des personnages !
Et puis en évoquant cette scène où elle dit que les tchétchènes sont mauvais (je ne m'en souviens plus du tout d'ailleurs), tu occulte la scène magnifique où la grand-mère russe vient discuter de tout et de rien avec une grand-mère tchétchène. "Alexandra" est avant tout un grand film humaniste, d'une pureté rare. La guerre vue par ceux qui ne la font pas, avec leurs doutes, leurs contradictions, leurs idées reçues.
Un des mes films préférés de 2007.
Anorya
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Re: Alexandre Sokourov

Message par Anorya »

Megalomanu a écrit :Ne confonds pas le point de vue du réalisateur avec ceux des personnages !
Et puis en évoquant cette scène où elle dit que les tchétchènes sont mauvais (je ne m'en souviens plus du tout d'ailleurs), tu occulte la scène magnifique où la grand-mère russe vient discuter de tout et de rien avec une grand-mère tchétchène. "Alexandra" est avant tout un grand film humaniste, d'une pureté rare. La guerre vue par ceux qui ne la font pas, avec leurs doutes, leurs contradictions, leurs idées reçues.
Un des mes films préférés de 2007.
Voilà, tu as bien dit ce qui est aussi mon point de vue.
Non parce qu'imputer un point de vue politique à Sokourov, c'est comme comprendre "le dictateur" de Chaplin dans le mauvais sens. Autant pour Griffith je suis d'accord, autant sur Sokourov non, non et non. Surtout pour un réalisateur qui, comme Tarkovski, fait comprendre "la puissance des faibles", ce qu'ils ressentent et comprennent du monde qui les entoure à travers les films, Mère et fils ou Aleksandra étant de bons exemples.
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kerala
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Re: Alexandre Sokourov

Message par kerala »

Je ne confond pas le point de vu de l'auteur et des personnages. La scène dont toi tu parles fais juste montrer sous couvert d'humanité que la présence russe est plutôt agréable aux tchétchènes. Après il faut voir le film dans son ensemble et le message est clair, il défend et approuve la présence russe en Tchétchénie.
Il en va de même avec Kusturica humaniste au grand cœur qui participe à des meetings politiques de son pays aux discours haineux qui fait passer Le Pen pour un gros bisousnours.
Ces réalisateurs sont doués comme je l’ai dit et Aleksandra aurait aussi été un de mes films 2007 si il ne comportait pas ce message double.
Il y a eu des conférences universitaires qui expliquait ou plutôt décortiquait les messages des films de Kusturica et ce n’est pas joli. Peu de gens comprennent le fond de ces films et c’est ce qui est dangereux car Kusturica est adulé par les extrémistes de son pays.
Sokurov avec son Aleksandra use des mêmes artifices que Kusturica.
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Louis-Ferdinand Céline
kerala
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Re: Alexandre Sokourov

Message par kerala »

Voici une interview de Sokurov et il répond jamais directement comme Kusturica. Ceux qui connaisse un peu la Russie save que Sokurov est pro-poutine, mais jamais dans cette interview il ne le dit.

http://www.afcinema.com/A-propos-d-Alex ... e-par.html
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Louis-Ferdinand Céline
PhilippeN
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Re: Alexandre Sokourov

Message par PhilippeN »

Pour information, Elégie de la traversée est cette semaine visible sur Arte+7 : http://www.arte.tv/fr/videos/024596-000 ... -traversee
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Thaddeus
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Re: Alexandre Sokourov

Message par Thaddeus »

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Mère et fils
Une mère va mourir et son fils l’accompagne. Dans ce poème en mouvement il y a peu de paroles : qu’y aurait-il encore à dire ? Mais il y a une grande douceur dans les gestes prodigués, l’amour qui lie ces deux êtres isolés au bout du monde, la proximité de leurs corps enlacés. La bande-son respire aux forces d’une nature vitale (le ciel, le vent, un orage). La forêt, avec son écorce brune et ses feuillages bruissants, vibre de couleurs chaudes contrastant avec le visage gris de l’agonisante. L’ailleurs passe au loin, une voile sur l’eau, un train qui barre le paysage d’une diagonale essoufflée. Les images travaillées, concaves ou anamorphosées, évoquent le romantisme d’un Friedrich et imposent l’exigence de ce film beau comme une liturgie funèbre. Cependant je l’admire plus qu’il ne me touche. 4/6

Élégie de la traversée
Une homme tente de se souvenir, agence un flux de pensées et de réflexions désordonnées, sa voix off inscrivant la fiction dans l’après d’un évènement indatable. Le commentaire, qui fait succéder des bloc temporels toujours bornés par la coupe du plan, invoque des images étrangères, décolorées, précaires, cotonneuses, brouillées par les flocons de neige striant le paysage, envahies par la brume, rongées par l’obscurité, et dont la spectralité semble comme prélevée aux abords des limbes d’un monde informe, toujours menacé d’effacement. Méditation chuchotée sur le passé, l’angoisse, l’énigme des lieux, la présence-absence des êtres et des choses, l’héritage de la création artistique (la déambulation devant les tableaux annonce L’Arche Russe), ce moyen-métrage dispense une singulière fascination. 4/6

L’arche russe
En matière de tour de force, cette déambulation dans l’enfilade du musée de l’Hermitage, à Saint-Pétersbourg, se pose bien là : c’est une invitation au rêve, une plongée en apnée dans trois cents ans d’histoire russe. Sokourov abolit le temps en un plan-séquence unique qui parcourt les perspectives infinies de l’impénitente Babel horizontale, et dont les mille figurants font revivre les fastes d’antan. La gracieuse famille du tsar prend le thé, un érudit français commente les ornements raphaéliques, les officiers draguent les jolies dames en crinolines, et tout s’achève par le bal somptueux et spectral de 1913, déployé dans un écrin chryséléphantin piqué de lustres immenses. La philosophie qui le sous-tend est peut-être un peu sommaire, réac et mystico-nostalgique, mais le spectacle a de la gueule. 4/6

Le soleil
Pas facile pour un homme de renoncer à être un dieu. C’est tout l’enjeu posé par cette évocation des jours précédant la capitulation d’Hirohito, en août 1945. Mais à l’ampleur de la fresque Sokourov substitue un rythme fuyant, insaisissable, un éclairage blanchi aux vapeurs du rêve, la dimension miniature d’un huis-clos fixé sur un être chétif, médusé, redescendu malgré lui parmi les mortels. Son sens du désastre s’illustre à travers quelques séquences étonnantes (la vision prophétique du feu nucléaire), mais il y a comme un engourdissement profond qui saisit cette méditation austère sur l’archaïsme d’une civilisation pétrifiée par ses valeurs, l’écroulement du pouvoir, l’effacement et le retrait du divin. Et la sophistication numérique des plans ne parvient guère à sauver le film de l’ennui. 3/6

Alexandra
Tournant à Grozny, sur les lieux mêmes de la guerre en Tchétchénie, le cinéaste procède pourtant d’une démarche elliptique : l’essentiel se déroule dans le campement d’une armée en plein dénuement, autour du personnage-titre en visite chez son émérite petit-fils officier. La traversée de cet univers masculin par une figure maternelle qui rappelle aux soldats leur appartenance à l’espèce humaine est filmée avec une sérénité méditative héritée de cette mélancolie blessée qui nourrit l’auteur dans son rapport au cinéma et à son pays. Mais en faisant pencher la balance, au détour d’un dialogue, du côté de la propagande officielle, en réfutant l’analyse politique et idéologique de la situation, en préférant contempler la Russie éternelle à travers une Mère symbolique, il semble hélas vouloir refuser l’Histoire. 3/6

Faust
Sokourov pratique un cinéma volontiers sarcastique, grinçant, mu par un sens du grotesque noir, traversé ici par une inspiration expressionniste franchement saisissante. Nœuds de chair agglutinés dans les nappes du lavoir, homoncule de glaire, amas organiques à la prégnance presque tactile… Les préoccupations métaphysiques du conte de Goethe se traduisent à travers une plasticité exacerbée, des distorsions permanentes, des formes labiles, des associations monstrueuses entre horreur et beauté, un kaléidoscope magique qui emprunte à Bruegel ou Bosch et frise par instants le cours magistral. L’heure centrale patine comme pas permis mais la dernière partie, déambulation hypnotique parmi les spectres au beau milieu d’un décor lunaire, rattrape pas mal de choses. 4/6


Mon top :

1. Mère et fils (1997)
2. Élégie de la traversée (2001)
3. Faust (2011)
4. L’arche russe (2002)
5. Alexandra (2007)

Cinéma intimidant que celui de Sokourov, de la même famille que ceux d’Angelopoulos ou Béla Tarr, voire Tarkovski, toutes proportions gardées, qui le tenait de son vivant pour l’un des maîtres mondiaux. Il se joue en effet ici quelque chose d’un art absolu, dont le monumentalisme est désamorcé par l’ironie ou la compassion, mais presque trop totalisant pour me séduire et m'emporter complètement.
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