Eric Rohmer (1920-2010)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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NotBillyTheKid
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Re: Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer) 1969

Message par NotBillyTheKid »

Vu pour la première fois il y a un peu plus d'un mois, c'est un drôle de régal. J'aime le cinéma qui ne prend pas le spectateur pour un demeuré. C'est le cas ici. Pour avoir étudié Pascal à la Fac, c'est un régal itou de le lire, bien accompagné (= bonne édition, classique Garnier par exemple). Je poursuis peu à peu, dans l'ordre, ma découverte des contes moraux...
De plus, c'est un drôle de Rohmer, car il emploie, pour une fois, des acteurs "professionnels".. et ça marche très bien ainsi aussi !
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Nomorereasons
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Re: Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer) 1969

Message par Nomorereasons »

NotBillyTheKid a écrit :De plus, c'est un drôle de Rohmer, car il emploie, pour une fois, des acteurs "professionnels".. et ça marche très bien ainsi aussi !
Et attends, je ne suis même pas sûr d'avoir vu Brialy aussi bien dirigé que dans "Le Genou de Claire".
Alligator
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Re: Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer) 1969

Message par Alligator »

yaplusdsaisons a écrit :-la scène du concert, où Trintignant et Vitez se rendent avant tout pour draguer les étudiantes et rechercher les plaisirs du monde (autrement dit, l'ordre de la chair) mais très vite, l'absorption des musiciens face à leur partition touche presque au sublime, voire au sacré.
Ok. Je suis complètement imperméable au sublime et au sacré. Les scènes rituelles me laissent froid. Je baille. Je baillais au temple quand ma grand-mère m'y amenait. Je baille toujours. Indécrottable incroyant. Et pour le cinéma c'est le même phénomène. Je ne touche pas du doigt la beauté du divin. La dernière fois que ça m'est arrivé c'était pour A Canterbury tale.

Autre scène, peut-être un peu moins longue mais dont je n'ai, je pense, pas saisi toute la portée, c'est la scène de messe avec Barrault et Trintignant côte à côte leurs visages paraissant plus hébêtés qu'autre chose, interloqués peut-être? Je dois me tromper encore une fois, ne connaissant pas cette ivresse des mots qui résonnent dans les lieux frais ailleurs que dans une cave de St Emilion.
yaplusdsaisons a écrit :réconcilier les trois ordres dont parle Pascal, tant le charnel et le spirituel -et aussi la stratégie- y sont indissolublement liés dans l'Amour.
Malgré mon inculture pascalienne je suis parvenu grâce à Rohmer à "ressentir" cela. C'est effectivement ce triolisme (charnel, spirituel, stratégie) incongru a priori qui m'a charmé et la manière dont il enserre tendrement les couples Trintignant/Fabian et Trintignant/Barrault. L'ami marxiste étant seulement un medium, un personnage outil. Me semble-t-il.
Dernière modification par Alligator le 26 juin 08, 08:57, modifié 1 fois.
Nomorereasons
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Re: Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer) 1969

Message par Nomorereasons »

Alligator a écrit :
yaplusdsaisons a écrit :-la scène du concert, où Trintignant et Vitez se rendent avant tout pour draguer les étudiantes et rechercher les plaisirs du monde (autrement dit, l'ordre de la chair) mais très vite, l'absorption des musiciens face à leur partition touche presque au sublime, voire au sacré.
Ok. Je suis complètement imperméable au sublime et au sacré.
Hola, je n'ai pas dit que le spectateur devait absolument ressentir le sacré à ce moment, quoiqu'il soit possible d'attribuer un caractère sacré à la musique quels que soient nos rapports avec l'au-delà; mais enfin ce serait faire de Rohmer un tire-larmes ou un père fouettard. Je me suis contenté de mettre cette scène en parallèle avec celle de la messe -là où l'on voit les visages hébétés de Trintignant et Barrault, justement- et qu'on y trouvait le même degré de concentration, voire de contemplation et d'oubli de soi-même de la part des protagonistes, avec peut-être même quelque chose en plus, une énigme comme l'était à lui tout seul le visage impavide de Martin Lassalle dans Pickpocket (ou alors un mystère, dans un langage de croyant).
L'ami marxiste étant seulement un medium, un personnage outil. Me semble-t-il.
Ce personnage incarne "l'âme damnée" du héros principal de quelques contes moraux, à qui le héros "vertueux" finit par damer le pion à la fin de l'histoire -où l'on voit que l'ingénuité n'est peut-être pas toujours aussi ingénue qu'on le croit.
On retrouve cette figure chez le Guillaume de "La Carrière de Suzanne" et dans l'incroyable personnage interprété par Daniel Pommereulle dans "La Collectionneuse", et souvent même ailleurs que dans les Contes Moraux. C'est en effet un personnage outil, mais sans la rivalité duquel l'orgueil de Trintignant n'aurait peut-être pas été si piqué au vif.
Dernière modification par Nomorereasons le 26 juin 08, 09:55, modifié 1 fois.
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Re: Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer) 1969

Message par Strum »

yaplusdsaisons a écrit :Néanmoins, le "pari" qu'il se fit d'épouser Marie-Christine Barrault avant même de lui avoir adressé la parole est tenu; on ne sait trop s'il faut attribuer cela à l'amour-propre ("c'est surtout de l'amour-propre!" objecte Maud) ou à la Grâce: Rohmer une fois de plus nous dévoile avec cruauté toute la dose de vice consubstancielle à l'amour le plus vertueux et chaste.
J'avais vu cela comme une forme d'amour-propre. Trintignant veut se prouver qu'il peut (où que l'on peut) vaincre les contingences en décidant du cours de sa vie. La contingence ou le hasard met Maud sur son chemin. Au lieu d'aller au plus simple et de se laisser porter par les évènements, qu'il pourrait d'ailleurs interpréter comme une sorte de signe divin (mais peut-être voit-il cela comme une épreuve), il refuse de coucher avec elle. Et il se promet alors de ne plus devoir faire face à ce genre de dilemne qui met sa foi peut-être fragile à rude épreuve. Il choisit donc d'épouser Marie-Christine Barrault pour se protéger de futures tentations. Je me souviens d'une scène de plage à la fin du film où il revoit Maud. Il m'avait paru alors qu'il regrettait son choix.
Dernière modification par Strum le 26 juin 08, 12:46, modifié 2 fois.
Alligator
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Re: Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer) 1969

Message par Alligator »

Strum a écrit :Je me souviens d'une scène de plage à la fin du film où il revoit Maud. Il m'avait paru alors qu'il regrettait son choix.
Je ne crois pas. Cette rencontre lui permet surtout d'apprendre que Fabian et Barrault ont eu le même amant. Mais il semble apaisé avec son passé en retournant vers sa femme sur la plage. C'est bien plus elle qui est gênée par ce passé retrouvé.
Dernière modification par Alligator le 26 juin 08, 12:18, modifié 1 fois.
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Re: Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer) 1969

Message par Strum »

Alligator a écrit :Je ne crois pas. Cette rencontre lui permet surtout d'apprendre que Fabian et Barrault ont eu le même amant. Mais il semble apaisé avec son passé en retournant vers sa femme sur la plage. C'est bien plus elle qui est gênée par ce passé retrouvé.
Tes souvenirs de la scène sont bien plus récents que les miens, ayant vu le film il y a longtemps, alors tu as très probablement raison. Mais il est intéressant que mes lointains souvenirs aient été ceux d'un regret.
Dernière modification par Strum le 26 juin 08, 12:38, modifié 1 fois.
Alligator
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Re: Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer) 1969

Message par Alligator »

Strum a écrit :
Alligator a écrit :Je ne crois pas. Cette rencontre lui permet surtout d'apprendre que Fabian et Barrault ont eu le même amant. Mais il semble apaisé avec son passé en retournant vers sa femme sur la plage. C'est bien plus elle qui est gênée par ce passé retrouvé.
Tes souvenirs de la scène sont bien plus récents que les miens, ayant vu le film il y a longtemps, alors tu as très probablement raison. Mais il est intéressant que mes lointains souvenirs aient été ceux d'un regret.
C'est juste d'autant plus que pendant la scène je me suis fait la réflexion. La question est posée. Sans doute se la pose-t-il. J'ai juste le sentiment qu'il y répond rapidement, restant sur sa position et son principe passé.
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Re: Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer - 1969)

Message par Nomorereasons »

Cette dernière scène me laisse un goût étrange et équivoque, comme à vous deux. J'ai comme l'impression que Trintignant s'est "résigné" à être heureux et à défendre son couple, le mariage ayant sonné le glas de ce que l'amour a de plus excitant, tandis que Maud erre sans fin.
Strum a écrit :
yaplusdsaisons a écrit :Néanmoins, le "pari" qu'il se fit d'épouser Marie-Christine Barrault avant même de lui avoir adressé la parole est tenu; on ne sait trop s'il faut attribuer cela à l'amour-propre ("c'est surtout de l'amour-propre!" objecte Maud) ou à la Grâce: Rohmer une fois de plus nous dévoile avec cruauté toute la dose de vice consubstancielle à l'amour le plus vertueux et chaste.
J'avais vu cela comme une forme d'amour-propre. Trintignant veut se prouver qu'il peut (où que l'on peut) vaincre les contingences en décidant du cours de sa vie.
Pour moi, s'il y a de l'amour-propre dans la décision de Trintignant, il est peu probable que cette décision ne résulte pas d'un véritable coup de foudre -c'est d'ailleurs ce qui entre autre lui aura donné cette force de persévérance... et d'orgueil.
L'ami marxiste étant seulement un medium, un personnage outil. Me semble-t-il.

Je reviens encore là-dessus car je me suis souvenu dans ses interviews que Rohmer, féru de Pascal, y avait dit avoir lu aussi Marx et avait, sans être marxiste, ce sentiment alors très partagé aux Cahiers de l'Histoire en marche. Ce qui d'une certaine manière rejoint les propos sur le pari pascalien tenus par le personnage d'Antoine Vitez, sorte de double inversé de Trintignant.
Dernière modification par Nomorereasons le 26 juin 08, 14:27, modifié 1 fois.
Nicolas Brulebois
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Re: Votre Top Rohmer

Message par Nicolas Brulebois »

Très beau portrait de l'actrice Rosette (fidèle du cinéaste depuis Catherine de Heilbronn jusqu'aux Amours d'Astrée...), dans le Libé de mercredi dernier, à l'occasion d'un livre qui vient de sortir:

http://www.liberation.fr/transversales/ ... 217.FR.php
LUC LE VAILLANT a écrit :Son père eut bu
Rosette. Personnage féminin chez Rohmer, cette actrice-artiste évoque une enfance à la Zola, marquée par un père alcoolique homérique

Elle s’était perdue dans les soupentes où jaunissent les souvenirs. Une fille un peu exagérée, restée agrafée aux années 80. Ni une vamp, ni une égérie, juste une figure joviale et jobarde, pimpante et primesautière. Une haute silhouette à bouclettes un peu mouton et à joues rouges briquées comme des pommes made in Normandie. Un côté titi campagnard, une allure plus chéri bibi que «remet ton bibi, ma chérie».
Elle s’appelait Rosette. Elle était de beaucoup de films d’Eric Rohmer, où elle imposait une pétulance pas total raccord avec les atermoiements très phrasés des héroïnes. Elle réalisait ses propres courts métrages, où il était évidemment question des aventures de Rosette, vu qu’elle était plus un personnage à elle toute seule qu’une de ces molles pâtes à modeler qui font les actrices caméléon. Toujours avide de ces individus typés, de Carlos à Clémentine Célarié, la publicité la découpait plus encore selon le pointillé. Et elle se retrouvait à vanter des bonbons, façon Alice, d’un : «Tenez lapin, goûtez-moi ça, c’est le nouveau petit doux de Kréma.»
On est aujourd’hui. Elle a continué à mettre en scène, à jouer. Chez Rohmer, mais aussi chez Rozier, Moullet, Brisseau, Lvovsky ou Oliveira. Elle peint aussi, des portraits très figuratifs, au charme naïf. Et puis, elle vient d’écrire sur son père, ivrogne grandiose et maléfique, rebouteux monstrueux et pathétique. La féerie masque la douleur, le merveilleux vire au cauchemar, mais l’écriture reste tenue, descriptive.
En «vrai», son père se prénomme François. Elle, c’est Françoise. Elle est la septième enfant d’une fratrie de huit, nés en neuf ans. Et, avance-t-elle, fidèle aux comédies et proverbes à l’ancienne: «C’est le septième qui hérite du don.» Le soir, après son ouvrage à l’arsenal de Cherbourg, le père remet d’aplomb les bancroches d’une France paysanne qui croit encore à la magie des mains qui en imposent. Elle dit : «Il avait un don. Les gens venaient mourants et repartaient debout.» En remerciement, il bénéficie de cadeaux de roi mage, faveurs sexuelles et alcools compris. Elle aussi prétend savoir faire. Elle dit: «J’ai remis des choses en place. Deux, trois fois.» Mais elle évite d’en faire usage dans un Hexagone branché sur Doctissimo.fr. Elle dit : «Il y a toute cette histoire de prendre le mal sur soi qui ne me va pas du tout.»
Son père en tire prétexte pour dégoupiller ses bouteilles, en guise d’armes de défense. Comme les peintres, il connaît plusieurs périodes. Rouge vermeil, avant la naissance de Françoise. Il écluse du vin de table, un «velours de l’estomac» à 11 degrés. Puis jaune paille, pendant l’enfance de la gamine. La bouteille de Ricard, 45 degrés, lui fait deux jours de tempête anisée. Brun mordoré, c’est le temps de l’adolescence et du rhum Négrita, 40 degrés de fournaise furibarde. Il a l’alcool agressif et suspicieux. Il injurie sa femme d’un somptueux «figure de peau de fesse» ou d’un paranoïaque : «Tu voudrais bien que je crève, hein salope?» Il corrige ses enfants à la ceinture quand ils chahutent sur les lits, les filles s’improvisant strip-teaseuses en pyjama sous les hourra de la smala. Ou alors il débarque en ours éméché à la patte griffue, pour amocher l’unique boum organisée par le fils aîné qui finira par lui mettre son poing dans le nez.
De François, qui rendit l’âme sur son épaule, elle dit : «Des gens vont le trouver affreux. Pas moi. J’aimais beaucoup mon père avec ses défauts, sa violence, son alcoolisme. Il serait fier de ce livre.» Elle boit peu. Elle dit : «Je me méfie de l’alcool, mais je ne suis pas dans le rejet.» Elle ne fume pas. Nage souvent à la piscine.
Son père est mort, voici trente ans. Sa mère, il y a dix ans. Quand ses deux fils, désormais lycéens dans le privé, étaient gamins, Rosette prenait le train pour Cherbourg. Maintenant, elle descend vers les Cévennes protestantes, d’où est originaire son mari, journaliste.
Dans les faubourgs du port normand, la maison de famille existe toujours. Un des frères l’a retapée. Pendant un moment, pour échapper aux fureurs de l’ogre et aux fariboles du magicien, la nichée s’était réfugiée à la cave. Et ils attendaient les treize éternuements («Toujours treize!») de l’abandonné, qui montait au matin sur sa mobylette et les libérait enfin de leur réclusion volontaire. Désormais, au-dessus de l’atelier du Xe arrondissement où elle loge son petit monde, gîte le cinéaste Gaspard Noé, qui lui aussi peut inquiéter…
Françoise a 20 ans quand elle devient Rosette. Elle fuit Cherbourg. Vend des roses aux terrasses de Saint-Germain. C’est Eric Rohmer qui la rebaptise ainsi. Elle dit : «Eric, je l’ai rencontré à la mort de mon père. Je l’ai vu un peu comme le père idéal. Mais, bon…» Et elle part d’un de ces petits rires de gorge qui ponctuent ses phrases, qui sont comme une manière de congédier l’émotion mais aussi comme une façon de déplacer le curseur, de passer à autre chose et surtout qu’on n’insiste pas. Une amie : «C’est vrai qu’elle est un peu curieuse. Qu’elle est dure à fixer, qu’elle peut se faire flottante, déroutante. C’est son côté artiste.»
Eric Rohmer ne connaissait pas son histoire personnelle. Son mari possédait les grandes lignes, les éléments les moins à charge, et n’avait jamais droit au resassoir du soir. Preuve qu’on peut naître à tout âge, et faire enlever les encombrants par la voirie de l’oubli. Elle dit: «Eric, ça l’a étonné. Il m’avait toujours imaginée dans des rôles de fantaisie.»
Elle sait fort bien qu’elle n’entre pas dans la catégorie des actrices rohmériennes. Elle dit: «Je n’ai pas la gestuelle ou la qualité de voix demandées. Je suis trop carrée pour ça.» Elle ajoute : «J’étais plutôt la mascotte.» Commentaire de son mari : «Au sens de porte-bonheur, alors…»
Elle a toujours aimé s’habiller pour attirer l’œil, pour kidnapper l’attention. Au lycée, elle portait des habits de matelot et une montre à la cheville. Ou alors, elle panachait le rouge et le blanc et on la surnommait «Signal, comme le dentifrice». Elle reconnaît : «J’étais un peu excentrique.» Aux terrasses où elle vendait ses fleurs, elle avait des rubans dans les cheveux, la jupe flashante et le panier d’osier à la saignée du coude. Là, elle est en robe à pois, moins olé olé, plus recentrée.
Elle reste assez sociable, ne s’est pas retranchée du monde. Se sent «plutôt à gauche» mais semble s’en fiche comme d’une guigne. Se dit catholique non pratiquante mais aime entrer dans les églises, pour une fois en phase avec ces petits êtres imaginatifs et impressionnables que sont les actrices.
Elle vient de relire la comtesse de Ségur. Elle aime la Normandie de Maupassant, les «atmosphères vaporeuses» de Modiano et Mes amis d’Emmanuel Bove. Et aussi ce qu’écrivent ses copains, François Jonquet, François-Marie Banier ou Simon Libérati. Avant de filmer l’histoire de son père, elle va parler des autres hommes, ceux de ses 20 ans. Cela pourrait s’appeler Le Roman des amants.
Nomorereasons
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Re: Votre Top Rohmer

Message par Nomorereasons »

Un article un peu cornichon
aime entrer dans les églises, pour une fois en phase avec ces petits êtres imaginatifs et impressionnables que sont les actrices.
mais sympa quand même sur cette véritable servante des pièces de Molière.
Cette actrice pour moi véritablement rohmérienne dans le sens où ces films tiennent aussi du vaudeville comique (Rohmer avait dit son admiration pour Courteline)
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Truffaut Chocolat
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Re: Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer) 1969

Message par Truffaut Chocolat »

Alligator a écrit :
Strum a écrit :Je me souviens d'une scène de plage à la fin du film où il revoit Maud. Il m'avait paru alors qu'il regrettait son choix.
Je ne crois pas. Cette rencontre lui permet surtout d'apprendre que Fabian et Barrault ont eu le même amant. Mais il semble apaisé avec son passé en retournant vers sa femme sur la plage. C'est bien plus elle qui est gênée par ce passé retrouvé.
J'ai le même sentiment que Strum (mais le souvenir est lointain, lui aussi)...
La réapparition de Maud, dans un contexte radicalement différent de "La" Nuit, c'est un souvenir qui lui explose au visage et qui, quelque part, le hantera toujours un peu... Alors oui il retourne avec sa femme parce que c'est un homme droit, mais il aura toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête...

J'aime bien l'idée de l' "épreuve" que décrit Strum. Pour moi tout le film tourne autour de ça...
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Re: Votre Top Rohmer

Message par 7swans »

J'aime beaucoup (9/10):

1 Conte d'Eté
2 Pauline à la Plage

Insupportable :

3 Conte D'hiver (1/10)...

Je ne vais essayer de ne pas me laisser abattre par cette nauséeuse découverte que représente ce Conte D'hiver-...
Point.
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Re: Eric Rohmer

Message par Alligator »

Je me permets d'élargir le topic de Ma nuit chez Maud en topic sur Eric Rohmer parce que ça ne fait de mal à personne et que j'en ai la possibilité technique étant l'auteur du post topic originel, na!


La Boulangère de Monceau (Eric Rohmer, 1963) :

Image
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Histoire d'un marivaudage dans les années 60, un peu guindé, un peu cruel, mais très bien filmé, façon documentaire, avec un montage serré, vif et élégant à la fois. Le commentaire du personnage donne en effet plus de réalisme à son histoire marquée par une sincérité sans faille qui fait alors songer à un journal intime en images.
Barbet Schroeder avec ses épaules de déménageur envahit l'écran, sa taille impose au cadre une masse que son visage trop impassible n'arrive pas à faire oublier. Une tranche de vie courte et fleurant bon l'authenticité.


***************

Présentation ou Charlotte et son steak (Eric Rohmer, 1960) :

Image
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Godard sans lunettes et sans vergogne appâte et ferre une jeune femme, Charlotte. Il quémande un baiser. On est en 1960, on ne demande pas à baiser ouvertement, l'article indéfini est encore obligatoire au cinéma. Elle se donne le temps de casser la croûte avec un bon steack avant de se décider à passer à la casserole ou pas. Et le jeune Godard parvient à ses fins. La scénette est drôle. Ses arguments et la conversation ne sont pas des plus fins et sensés. Toujours est-il qu'il l'a pécho le saligaud. En fait, on assiste à la mise à mour, à l'achèvement de tout un travail sentimental (le couple vient de se séparer d'une autre jeune femme dont la présence était censée rendre Charlotte jalouse). Dans une histoire de drague, Rohmer nous invite juste à en suivre l'étape finale. C'est court mais bon.
Nomorereasons
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Re: Eric Rohmer

Message par Nomorereasons »

Alligator a écrit :Je me permets d'élargir le topic de Ma nuit chez Maud en topic sur Eric Rohmer parce que ça ne fait de mal à personne et que j'en ai la possibilité technique étant l'auteur du post topic originel, na!
Les plaignants seront écartelés.

La Boulangère de Monceau (Eric Rohmer, 1963) :


_______________

Histoire d'un marivaudage dans les années 60, un peu guindé, un peu cruel, mais très bien filmé, façon documentaire, avec un montage serré, vif et élégant à la fois. Le commentaire du personnage donne en effet plus de réalisme à son histoire marquée par une sincérité sans faille qui fait alors songer à un journal intime en images.
Barbet Schroeder avec ses épaules de déménageur envahit l'écran, sa taille impose au cadre une masse que son visage trop impassible n'arrive pas à faire oublier. Une tranche de vie courte et fleurant bon l'authenticité.
Pas tout-à-fait d'accord: la "sincérité" est tout de même celle d'un Conte Moral; le héros plie sa morale aux évènements et à son gré. D'autre part, c'est la mode de cette époque qui était guindée, en revanche ce film est effectivement d'une cruauté terrible:
"... car non seulement la petite boulangère n'entrait pas dans mes catégories, mais en plus je tenais à me venger de ce qu'elle puisse croire un instant qu'elle m'ait plu". Pour moi ce film est un grand grand chef-d'oeuvre.
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