C'est un superbe western où deux hommes se livrent, dans des paysages de vallons puis de neige, une lutte d'abord psychologique puis physique, dont l'issue conclut le film.
Stewart Granger en tueur de bisons miné par les scrupules est dominé par un sentiment de culpabilité si fort qu'il est au début du film incapable d'agir autrement qu'en fuyant son passé ou en se laissant porter par les évènements. Sa rencontre avec Robert Taylor, tueur sadique chez lequel il peut observer les stigmates de ses propres pulsions de mort, est le début d'une catharsis. En regardant Taylor, il comprend mieux son mal, qu'il voit à un stade plus avancé que le sien, hors de tout contrôle, rebelle à tout argument rationnel. D'ailleurs, parmi les personnages du film, seul Granger comprend son alter ego et ressent pour lui une forme d'empathie.
Le film va au bout de sa logique en montrant un Granger trop faible psychologiquement pour affronter directement sa part d'ombre telle qu'elle est figurée par Taylor. Et c'est à la nature et à ses imprévisibles blizzards qu'il s'en remet pour trancher les liens qui l'unissent à son ennemi. Car c'est cette même nature qui a toujours pansé ses plaies, dont les rudes plaines ont accueilli ses errances où il pouvait enfin s'oublier lui-même, et avec laquelle, croit-il, l'homme a passé des accords immémoriaux continuant de gouverner leurs relations. Pour Granger, la nature est un sanctuaire dont son passé l'a exclu. Et tel un héros conradien voguant sur les océans, mais paralysé à l'idée d'agir lui-même, il attend que la nature l'absout par un signe. Ce signe viendra et sera celui d'un totem emprisonné dans les glaces.
L'interprétation, et notamment Granger, port altier et regard lucide, est de premier ordre.
La Dernière Chasse (Richard Brooks - 1956)
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Re: La Dernière chasse (Richard Brooks, 1956)
Dernière modification par Strum le 25 mars 08, 14:34, modifié 4 fois.
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Re: La Dernière chasse (Richard Brooks, 1956)
Sur ce sujet, il n'est pas possible de remettre en cause ton apport quant aux qualités de ce film, de ce grand film.Strum a écrit :C'est un superbe western où deux hommes se livrent, dans des paysages de vallons puis de neige, une lutte d'abord psychologique puis physique, dont l'issue conclut le film.
... Et tel un héros conradien voguant sur les océans, mais paralysé à l'idée d'agir lui-même, il attend que la nature l'absout par un signe.
L'interprétation, et notamment Granger, port altier et regard lucide, est de premier ordre.
Par contre, la question demeure posée de savoir comment il s'intègre dans l'oeuvre de Brooks...
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Re: La Dernière chasse (Richard Brooks, 1956)
« Tuer est la seule preuve que tu existes »
Concernant ce western extrêmement réaliste une seule question se pose. Les bisons sont ils réellement massacrés tout au long de cette chasse apologique, intarissable besoin d’assumer un alimentaire camouflant l’euphorie exécutif d’un massacre organisé.
La procédure de survie liée à la conquête d’une peau de bête est vite remplacée par une démence de tuer achevée par un orgasme intérieur satisfait souriant, satanique dans une respiration saccadée.
Le manichéisme de deux tireurs est disproportionné de manière parfaite, l’un de plus en plus talonné par le remord est cerné par une lassitude de distribuer la mort sous prétexte de manger.
Le second au contraire entretient par des yeux étincelants de haine un périple sanglant menant vers la folie. Un besoin de dominer par un fusil et une parole irrespectueuse la bête et l’indien.
Ce genre de récit synonyme d’antinomies extrêmes respecte une psychologie élémentaire du pire et du meilleur ceci dans une nature généreuse en viandes dont tout les protagonistes bons ou méchants sont tributaires.
Dans cette contrée foisonnante ou la peau du Buffalo est source de projet c’est un Robert Taylor halluciné qui endosse l’habit négatif d’un esprit ne raisonnant plus.
Le bison blanc malgré une protection mystique est abattu. Le racisme est primaire, irréfléchi, l’homme grisé par la puissance de tuer devient complètement incontrôlable.
« La dernière chasse » Western convaincant sur les désastres occasionnés sur une nature immuable par des humains affamés de sang démontre l’énorme difficulté d’un microcosme de se pourvoir d'un équilibre devant l’offrande naturelle de grands espaces déposant une pitance abondante massacrée plus par plaisir que par nécessité.
Ce cimetière de squelettes foulés par une raison ivre est une accusation terrible contre un abus de pouvoir martyrisant un instinct animal
La prestation de Robert Taylor est magnifique.
Concernant ce western extrêmement réaliste une seule question se pose. Les bisons sont ils réellement massacrés tout au long de cette chasse apologique, intarissable besoin d’assumer un alimentaire camouflant l’euphorie exécutif d’un massacre organisé.
La procédure de survie liée à la conquête d’une peau de bête est vite remplacée par une démence de tuer achevée par un orgasme intérieur satisfait souriant, satanique dans une respiration saccadée.
Le manichéisme de deux tireurs est disproportionné de manière parfaite, l’un de plus en plus talonné par le remord est cerné par une lassitude de distribuer la mort sous prétexte de manger.
Le second au contraire entretient par des yeux étincelants de haine un périple sanglant menant vers la folie. Un besoin de dominer par un fusil et une parole irrespectueuse la bête et l’indien.
Ce genre de récit synonyme d’antinomies extrêmes respecte une psychologie élémentaire du pire et du meilleur ceci dans une nature généreuse en viandes dont tout les protagonistes bons ou méchants sont tributaires.
Dans cette contrée foisonnante ou la peau du Buffalo est source de projet c’est un Robert Taylor halluciné qui endosse l’habit négatif d’un esprit ne raisonnant plus.
Le bison blanc malgré une protection mystique est abattu. Le racisme est primaire, irréfléchi, l’homme grisé par la puissance de tuer devient complètement incontrôlable.
« La dernière chasse » Western convaincant sur les désastres occasionnés sur une nature immuable par des humains affamés de sang démontre l’énorme difficulté d’un microcosme de se pourvoir d'un équilibre devant l’offrande naturelle de grands espaces déposant une pitance abondante massacrée plus par plaisir que par nécessité.
Ce cimetière de squelettes foulés par une raison ivre est une accusation terrible contre un abus de pouvoir martyrisant un instinct animal
La prestation de Robert Taylor est magnifique.
Chaque individu a le devoir de se réaliser par l'esprit dans le contexte historique de son époque.
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Re: La Dernière chasse (Richard Brooks, 1956)
Un western serein et magnifique et une des plus intelligentes réflexions pro-indiennes des années 50 !
Richard Brooks réussit à peindre les oppositions de personnages épais et imprévisibles tout en rendant un vibrant hommage aux cultures originelles d'un pays en pleine mutation.
Robert Taylor est superbe et domine une excellente distribution.
Un grand film !
Richard Brooks réussit à peindre les oppositions de personnages épais et imprévisibles tout en rendant un vibrant hommage aux cultures originelles d'un pays en pleine mutation.
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Re: Notez les films naphtas - Mars 2010
The Last Hunt (Richard Brooks)
J'ai eu peur...
Peur que ce classique adulé par beaucoup notamment sur le forum ne me touche pas, ne me passionne pas des masses. En effet, la première demi-heure est à mes yeux, quelque peu laborieuse, il faut dire je n'y ai pas mis du mien... le sujet de la chasse au bison me fit un peu peur et (surtout) le duo de comédiens avait tout pour me laisser de marbre, les grisâtres Robert Taylor et Stewart Granger (je les imaginai en tout sauf en cowboy). Pourtant j'adore Richard Brooks, donc je m'accroche... tout ceci est peut être dû à une introduction trop rapide car en trois minutes, voilà deux hommes qui ne se connaissent guère (et par la même nous non plus) formant un duo de chasseur et une escapade que prends place alors qu'on découvre à peine la situation.
Et comme j'ai eu raison de m'accrocher, une fois l'intrigue mise en place tout ceci devient fort passionnant. Les deux comédiens prennent possession de leurs personnages et sans doutes interprètent parmi les meilleurs rôles de leurs carrières respectives. La tension y est palpable (très belle scène où Granger ivre, tabasse un saloon en cherchant un certain "Charlie"), Taylor y va à fond dans la pourriture de son personnage (étonnement n'a pas peur de "ternir" sa carrière) et quand au duel final (sic) les images sont instantanément mythiques et restent gravés dans votre mémoire.
Un grand western malgré une introduction maladroite.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: La Dernière chasse (Richard Brooks, 1956)
Le film apparait souvent dans les top Brooks dans son topic dédié, il méritait donc un coup d'oeil. C'est chose faite, et le film est allé plus loin que ce que j'imaginais.
En 56, le western a déjà entamé sa mutation et ça se voit ici. Il y a le sujet, violement à charge, mais aussi la forme, où on est plus vraiment dans le cowboy propre sur lui en toute circonstance de la décénnie précédente (ce n'est pas un reproche). Ici beaucoup de personnages apparaissent sales, mal fringués, mal rasés, se rapprochant sans doute un peu plus de la réalité. La violence y est particulièrement sèche et les coups semblent bien plus donnés, avec des effets (voir ce que prend Jimmy au début du film !). Le jeux est aussi très naturel, et on peut applaudir les prestations exemplaires de Taylor et de Granger, mais aussi de Lloyd Nolan en observateur du duel de la raison contre la haine.
Le sujet donc, est lourdement à charge, et semble-t-il assez inédit pour l'époque. Le film dénnonce, sans détourner les yeux, le massacre des bisons par les blancs* et le racisme anti-indien primaire. Et c'est donc bien, entre autre, d'écologie dont on parle ici aussi, du besoin de domination de l'homme sur la nature, quelqu'en soient les conséquences.
Le film offre plusieurs climax inoubliables: outre la fin bien sur, il y a l'excellent monologue de Woodfoot au début du film; la première chasse de Charlie, avec un Robert Taylor complètement habité, qui transpire la folie et la haine; la bagarre dans le saloon...
Un film fort, puissant, un peu rouleau compressuer, qui m'a laissé épuisé.
Je garde !
* Il est étonnant que le générique explique que les blancs et les indiens ont massacré les bisons, hors le film désaprouve ses propos en montrant que le bison était tout pour l'indien et que ce n'est pas ce qu'ils ont pu utiliser qui a réduit la population.
En 56, le western a déjà entamé sa mutation et ça se voit ici. Il y a le sujet, violement à charge, mais aussi la forme, où on est plus vraiment dans le cowboy propre sur lui en toute circonstance de la décénnie précédente (ce n'est pas un reproche). Ici beaucoup de personnages apparaissent sales, mal fringués, mal rasés, se rapprochant sans doute un peu plus de la réalité. La violence y est particulièrement sèche et les coups semblent bien plus donnés, avec des effets (voir ce que prend Jimmy au début du film !). Le jeux est aussi très naturel, et on peut applaudir les prestations exemplaires de Taylor et de Granger, mais aussi de Lloyd Nolan en observateur du duel de la raison contre la haine.
Le sujet donc, est lourdement à charge, et semble-t-il assez inédit pour l'époque. Le film dénnonce, sans détourner les yeux, le massacre des bisons par les blancs* et le racisme anti-indien primaire. Et c'est donc bien, entre autre, d'écologie dont on parle ici aussi, du besoin de domination de l'homme sur la nature, quelqu'en soient les conséquences.
Le film offre plusieurs climax inoubliables: outre la fin bien sur, il y a l'excellent monologue de Woodfoot au début du film; la première chasse de Charlie, avec un Robert Taylor complètement habité, qui transpire la folie et la haine; la bagarre dans le saloon...
Un film fort, puissant, un peu rouleau compressuer, qui m'a laissé épuisé.
Je garde !
* Il est étonnant que le générique explique que les blancs et les indiens ont massacré les bisons, hors le film désaprouve ses propos en montrant que le bison était tout pour l'indien et que ce n'est pas ce qu'ils ont pu utiliser qui a réduit la population.
- Jeremy Fox
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