Prénom Carmen (Jean-Luc Godard - 1983)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Julien Lepers
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Prénom Carmen (Jean-Luc Godard - 1983)

Message par Julien Lepers »

il est chelou ce film.
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Kevin95
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Message par Kevin95 »

Il est merdique ce film !
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MJ
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Message par MJ »

En même temps il est nul ce topic.
"Personne ici ne prend MJ ou GTO par exemple pour des spectateurs de blockbusters moyennement cultivés." Strum
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Kevin95
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Message par Kevin95 »

MJ a écrit :En même temps il est nul ce topic.
Bah ! c'est du Julien Lepers !
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Message par Arca1943 »

Mise en boîte maison de ce film disponible dans La Sauvegarde du sourire de Fruttero et Lucentini.
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Rupert Pupkin
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Message par Rupert Pupkin »

comment est l'édition double-film des Cahiers du Cinéma par rapport à celle plébiscitée par le site DVDBeaver (= import italien) ??? :

http://www.dvdbeaver.com/film2/DVDRevie ... carmen.htm
NotBillyTheKid
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Message par NotBillyTheKid »

Je ne peux pas te dire par rapport à cette édition italienne, mais j'ai celle des cahiers et la Fox Lorber... Il n'y a pas photo : celle de Fox Lorber est vraiment pourrie et à éviter... Je crois (à vérifier) que le film est aussi dans le second coffret allemand présent sur amazon.de

(et, bien sûr, le film est très bon !)
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Rupert Pupkin
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Message par Rupert Pupkin »

NotBillyTheKid a écrit :Je ne peux pas te dire par rapport à cette édition italienne, mais j'ai celle des cahiers et la Fox Lorber... Il n'y a pas photo : celle de Fox Lorber est vraiment pourrie et à éviter... Je crois (à vérifier) que le film est aussi dans le second coffret allemand présent sur amazon.de

(et, bien sûr, le film est très bon !)
est-ce que l'édition des Cahiers que tu as est proche de celle de Warner (UK)...?

y a une nouvelle édition zone 1 Lion's Gate qui vient de sortir (coffret pas cher du tout) et le grain, couleur, etc... tout change :shock:

je me demande si DVDBeaver ne s'emballe pas trop...


http://www.dvdbeaver.com/film2/DVDRevie ... carmen.htm
Anorya
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard, 1983)

Message par Anorya »

Il est bizarre ce topic, oui. :mrgreen:
Ce serait bien qu'on parle du film avant d'atteindre la page 2 ou 3 je me dis... :fiou:

==========


Prénom Carmen (1983).

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Carmen, une jeune femme, visite son Oncle Jean à l’hôpital pour lui demander qu’il lui prête sa maison à Trouville. Elle le convainc que c’est pour un tournage. En fait, avec ses copains, elle fait un hold-up dans une banque. ça tourne mal et elle s’enfuit avec Joseph un jeune gendarme qui avait essayé de la menotter. Ensemble, ils entament une histoire d’amour. Il est arrêté, jugé puis acquitté « pour passion », Carmen l’entraîne dans un nouveau coup dans un grand hôtel. Avec son oncle Jean qui croit y tourner un film....



Chaque film de Godard semble immanquablement lié à l'histoire personnelle du cinéaste comme de ses conditions de production (sans doute qu'on y reviendra par exemple si je dois évoquer Je vous salue Marie ou les films "Dziga Vertov" --sans doute que NotBillyTheKid en parlera mieux que moi. ;) ). Il y eut la période Anna Karina (1960 à 1966-67) où le cinéaste livre des films liés à sa muse et son grand amour (du moins, celui qui dura le plus longtemps, bien avant Anne-Marie Miéville sa compagne et complice de cinéma actuelle, relation de près de 20 ans dorénavant) et d'autres plus intermédiaires liées à Anne Wiazemski (1967 à 1972) ou ici, Myriem Roussel (1982 à 1984), l'une des deux figures féminines admirables de ce grand film qui reçut le lion d'or (mérité à mon sens) à Venise en 1983. On pourrait même simplifier en disant que cette transposition moderne du Carmen de Bizet (où Godard évite astucieusement de mettre en bande-son l'opéra du compositeur en remplaçant le tout par des compositions de Beethoven façon musique de chambre, bien vu (1)) est un hommage à deux femmes dont les rôles sont ici fort différents. Commençons par Myriem Roussel, ici second rôle, mais qui, secrètement donne une certaine force au cinéaste alors.

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Myriem Roussel, secrète, têtue, forte, déterminée dans son apprentissage à gauche. Maruschka Detmers, drôle, touchante, irritable, chieuse, courageuse, livide, passionnée à droite.

Godard repère Myriem Roussel peu avant dans Passion (1982) où alors figurante, il ne peut s'empêcher de filmer les courbes de son corps, son dos, dans les recompositions picturales de grandes peintures que le film délivre avec une beauté sans pareil (d'un point de vue technique, Prénom Carmen est aussi d'une rare beauté fascinante bien souvent grâce au travail formidable de Raoul Coutard à la photographie). Rapidement, il lui donne un rôle plus précis dans Prénom Carmen (elle joue le rôle de Claire, la jeune violoniste du quatuor Prat qui jouera dans l'hotel où Carmen tentera un ultime coup d'éclat) et, même si ce n'est pas le premier rôle, elle entre de plein pied dans l'univers Godard. Le cinéaste, exigeant, s'entiche d'elle et travaille étroitement avec la jeune fille à un projet qui ne verra jamais le jour, L'Homme de ma vie. Anne-Marie Miéville qui était alors depuis quelques années la compagne du cinéaste voit alors d'un très mauvais oeil cette inconnue auquel elle sera vite hostile. Elle n'a pas tort puisque Jean-Luc apparemment semble être tombé dans une sorte de relation très fusionnelle avec la jeune fille. Pour Prénom Carmen, le cinéaste exige que la jeune fille apprenne le violon durant 6 mois dans une concentration extrême (performance qui transpire littéralement l'écran), même si elle a un second rôle de peu d'importance dans le film.


" (...) Par contre, je ne comprenais pas ce que le personnage de Claire amenait au film, qui aurait pu fonctionner sans lui. Mais quand je disais cela, Jean-Luc me faisait des scènes terribles. Ce rôle a donc fini par me peser : Claire était présente d'une mauvaise manière dans le film, uniquement pour que j'y sois. Si j'avais été une bonne comédienne, pourquoi pas, mais je débutais et je trouvais que ma manière de jouer, exactement comme il me le demandait, était artificielle (...)." (2)

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Le film aurait pu s'appeler Passion, part 2, tellement les "ravages" de celle-ci sur l'affect des personnages ressurgit brillamment du film...

Subjectivement, la comédienne est un peu injuste envers elle-même. Dans le film, même si cela pourrait fonctionner d'une manière séparée (ce qu'aurait fait n'importe quel cinéaste basique), Godard fait alterner séances d'apprentissages avec le reste du film, en plusieurs strates temporelles séparées au montage. La musique lie ainsi les divers moments du film mais les personnages sont aussi reliés par leur lien aux autres ou la fiction elle-même : ainsi, les joueurs de violon sont visibles dans le grand hôtel de la fin du film, venus jouer la musique d'un éventuel film de l'oncle Jean et quand elle ne joue pas, Claire essaye de réconforter son fiancé, Joseph (Jacques Bonaffé), en jeune fille timide faisant tout pour le remettre dans le droit chemin à sa sortie de tribunal, en vain. L'histoire trouble de la comédienne avec son mentor et pygmalion Godard atteindra une apogée finale et douloureuse avec le film suivant, Je vous salue Marie...

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L'autre grande figure féminine (les hommes, à part Jacques Bonaffé semblent n'être que des seconds rôles ou des rôles de passage, ce qui n'empêche pas une certaine truculence réjouissante. On est alors surpris de voir le producteur Alain Sarde en vendeur artisanal de VHS, Jean-Pierre Mocky en fou dans un hopital psychiatrique, déclamant constamment "Y'a t'il un français dans la salle ?" (3) :mrgreen: ou Jacques Villeret en accro de la bouffe avec son pot de moutarde dans une station service. C'est le carnaval !), c'est bien évidemment Maruschka Detmers, jeune actrice hollandaise étant venue en France comme jeune fille au pair et voulant entrer dans le cinéma. Débutant par la porte Godard (non, bande d'obsédé, pas de jeux de mots sexuels là-dedans, rhooo), la jeune femme n'a d'ailleurs pas froid aux yeux puisqu'elle assume brillamment les très nombreuses scènes de nudité (et de crûdité --je pense à une séquence avec Bonaffé sous la douche qui se termine au ras du sol de la salle de bain, hem) du film là où Isabelle Adjani, initialement prévue, n'aurait pu, la jeune femme ayant "strictement contingenté ce genre de plans en signant son contrat" (4). Car oui, pour la petite histoire, Adjani devait jouer dans le film de Godard. La jeune actrice, s'imaginait déjà pouvoir tourner avec une légende, elle accepta donc de signer le contrat un premier temps. Arrivée sur le plateau, les désillusions arrivent brutalement et l'actrice s'inquiète du rendu de l'image, déteste Raoul Coutard et finalement craque au vu de cinq heures de rushes : "(...) Je ne tournerai pas avec Godard, il se moque de moi, il me rend moche." Eh oui, le système Godard c'est une épreuve, le spectateur passe par là aussi parfois, ma chère. :mrgreen:

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"Quelle bande d'ordures hein ces jeunes ? Ils ont pas inventés la cigarette, pas le blue-jeans, rien.
_ Ils ont inventés le chômage.
_ Pas vraiment. En tout cas, ils l'ont pas cherché.
" :uhuh:

Et puis il y a la surprise de voir le rôle que se destine Jean-Luc Godard en Oncle Jean, doux cinglé ayant souffert d'une dépression, ancien cinéaste désabusé qui balance répliques cinglantes et souvent très drôles, jouant complètement en décalé ("Tiens, j'ai inventé une caméra, elle joue de la musique") et ne pensant en gros obsédé, qu'a pouvoir sauter son infirmière personnelle, une jeune fille (très mignonne) qui ressemble vaguement à Isild Le Besco (5). Allez, une réplique pour le fun entre l'obsédé qu'est l'oncle Jean et la jeune fille : "Si je vous mets le doigt dans le cul et que vous comptez jusqu'à trente-trois, là j'aurai de la fièvre...". Oui, c'est charmant je sais.



Le film, facile d'accès et doté d'une rare sensualité, est un succès, ce qui fait s'interroger Serge Daney dans Libération sur le type de public qui, après les huades de Sauve qui peut (la vie) il n'y a pas longtemps, peut donc aller voir un Godard. Mystère, mystère, à l'instar de la fascination qu'entretient le film. Mais si tout bonnement on ne pouvait pas pointer au fond que c'est un excellent film, hmm ?

5/6.







======================



(1) Opéra alors tombé dans le domaine public. En 1983, il y aura simultanément plusieurs adaptations de Carmen par de nombreux cinéastes dont Godard mais aussi par exemple Carlos Saura. Il semble que Godard ait voulu éviter toute facilité en ne reprenant pas des airs trop connus si je me souviens bien.

(2) Tiré d'un entretien entre Antoine de Baecque et Myriem Roussel à Paris le 11 juin 2008, repris en filigranne dans Godard, une biographie d' Antoine de Baecque, éditions Grasset, 2010, p.614.

(3) Référence alors à son dernier film de l'époque que Godard avait beaucoup apprécié.

(4) Godard, une biographie d' Antoine de Baecque, éditions Grasset, 2010, p.621.

(5) tiens non, il s'agit en fait de Valérie Dréville. *micro coup de foudre*
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Jordan White
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard, 1983)

Message par Jordan White »

Merci pour cette chronique Anorya.
Le film m'intrigue beaucoup. Je l'ai en DVD et je dois dire que j'ai survolé les cinq premières minutes en entrant pas forcément dedans. Je suis un peu surpris quand tu écris qu'il est facile d'accès, mais sans doute n'étais-je pas dans les meilleures conditions pour le regarder.
Maruschka a eu une carrière vraiment très particulière, et la curiosité m'avait poussé à regarder Le diable dans le corps que j'ai trouvé fort médiocre.
Il y a un film que j'aimerais beaucoup découvrir mais qui est très difficile à voir apparemment (pas de DVD, pas même en import à moins que quelqu'un ait un tuyau ?) c'est La Pirate de Doillon. Il y a eu une rumeur courant un moment donné, à la fin de 2010, disant que Maruschka et Verhoeven pourraient tourner ensemble, au pays, en langue néerlandaise. Mais rien n'a filtré depuis.
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Anorya
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard, 1983)

Message par Anorya »

Jordan White a écrit :Merci pour cette chronique Anorya.
Le film m'intrigue beaucoup. Je l'ai en DVD et je dois dire que j'ai survolé les cinq premières minutes en entrant pas forcément dedans. Je suis un peu surpris quand tu écris qu'il est facile d'accès, mais sans doute n'étais-je pas dans les meilleures conditions pour le regarder.
Maruschka a eu une carrière vraiment très particulière, et la curiosité m'avait poussé à regarder Le diable dans le corps que j'ai trouvé fort médiocre.
Il y a un film que j'aimerais beaucoup découvrir mais qui est très difficile à voir apparemment (pas de DVD, pas même en import à moins que quelqu'un ait un tuyau ?) c'est La Pirate de Doillon. Il y a eu une rumeur courant un moment donné, à la fin de 2010, disant que Maruschka et Verhoeven pourraient tourner ensemble, au pays, en langue néerlandaise. Mais rien n'a filtré depuis.

Merci Jordan.
Ma chronique reste subjective. Si je dois repréciser, je dirais que mis à côté d'une bonne partie de sa filmographie, le film nécessite en effet d'être en forme (on est quand même devant un Godard), mais il n'y a pas non plus un travail aussi poussé vers une certaine cérébralité comme Les Histoire(s) du cinéma où le montage et les visions participent de la poésie de l'objet, certainement plus proche d'une installation d'Art contemporain que d'un véritable documentaire sur l'Histoire et le cinéma (ce qui n'est nullement péjoratif justement, j'aime les Histoire(s) du cinéma pour cet aspect très étrange et assez personnel au cinéaste). Non ici, la fiction reste assez linéaire, il y a juste un montage parallèle entre le casse et l'histoire d'amour passionnée qui se développe et d'un autre côté, la préparation au violon de morceaux de Beethoven. Par contre je concède qu'on ne rentre pas tout de suite dans le film, c'est aussi une impression que j'en ai eu et ensuite, au fil du déroulement, c'était bien mieux.

Il semble qu'il y ait une cassure entre les anciens Godard et ceux des 80's, du moins je le ressens comme ça. Par exemple pour moi, ce film est plus simple d'accès et plus passionnant si je dois le comparer à Sauve qui peut (la vie) et Je vous salue, Marie (vu pas plus tard qu'hier), deux autres films 80's de Godard qui se rejoignent dans un même conglomérat de films de cette période tant par leurs représentations d'un style esthétique que de la femme et de son rapport à son corps comme aux autres. Je m'explique pour le premier par le fait que dans les Godard des 80's et 90's, on a beaucoup de plans de paysages, de la nature, du ciel, ce qui n'était jamais à l'oeuvre auparavant dans les années 60. Avant, Godard filmait le monde urbain, l'architecture, l'Histoire humaine (je repense pour le coup aux plans de statues du Mépris). Avec les 80's, on assiste à une représentation de la nature comme contrepoint aux turpitudes humaines (ce qui peut hélas tourner au cliché agaçant. J'ai eu l'impression que le cinéaste voulait juste uniquement utiliser les plans du ciel, de la lune et du soleil pour "meubler" dans Je vous salue, Marie même si j'ai conscience que c'est une manière de montrer le passage du temps). Les rapports Hommes-femmes changent aussi. Fini les dandys à la Belmondo ou Michel Subor qui déclamaient leur vie blasée avec gouaille et leurs petites amourettes qui viraient tragiquement ou non. Cette fois, et c'est sans doute lié au fait que depuis Anne Wiazemski, Godard a une compagne forte qui va l'accompagner pour une très longue durée et l'inspirer profondément, du coup, et chose nouvelle, les femmes relèvent la tête, prennent des initiatives, l'homme devient lâche ou se place en retrait, ne réagissant pas ou alors en retard.

Et comme pour confirmer ça, il y a, chose très nouvelle chez le cinéaste Suisse, un besoin de représenter le désir, l'érotisme que peut transporter le corps féminin. Auparavant dans les 60's, nous avions juste eu le dos et les fesses de Brigitte Bardot dans le Mépris et sinon quelques fragments du corps d'Anna Karina dans Vivre sa vie (de beaux plans toutefois qui me restent en mémoire, autonomes et beaux chacun à leur manière : la courbe de la chevelure, un cou, une épaule dénudée, une main sur une autre...) par exemple (ou des fragments épars de Macha merill dans Une femme mariée). Si il y avait un couple qui faisait l'amour, c'était pudiquement, un peu habillé et sous les draps comme dans A bout de souffle. Puis dans les années 80, l'érotisme se dévoile, parfois quasiment frontalement...
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...L'image la plus connue, c'est ce ventre féminin, berceau de la vie et de la passion qui orne l'affiche de Je vous salue, Marie. C'est le plus bel exemple, mais les autres films n'en manquent pas. Et puis évidemment le sexe. C'est le sujet essentiel de Sauve qui peut (la vie), sauf que je n'aime pas vraiment ce film, j'ai trouvé que c'était trop complaisant, trop misérabiliste et justement voulu tel quel alors que je ne doute pas qu'il puisse y avoir des prostituées qui exercent aussi leur métier par choix voire par plaisir, ce que le Godard ne montre jamais en bon protestant qu'il est. Il y a peu de représentation du plaisir chez lui, juste des moyens qui peuvent ou non y mener, la prostitution étant un sujet qui l'a mainte fois intéressé (Vivre sa vie, 2 ou 3 choses que je sais d'elle, Sauve qui peut (la vie), Numéro deux...) mais qui, selon moi, n'a jamais été traité complètement chez le cinéaste. C'est aussi un peu le problème de Je vous salue, Marie mais posé d'une manière différente : Comment représenter à l'heure actuelle, un être tel que la Vierge Marie alors qu'il est par définition non-sexué (c'est seulement parce que Marie est une femme qu'elle peut donc enfanter et porter Jesus mais jamais il n'y a d'acte sexuel avec la vierge parce que justement du fait de sa nature, elle est au-dessus des passions charnelles humaines, et ce, même si c'est uniquement dans un but de reproduction) ? C'est surtout dans ce film un moyen pour Godard de représenter Myriem Roussel dans sa nature intime. Pas de foi ou pas tellement, du moins pour moi qui suis habitué à quelque chose de mystique à la Tarkovski, je n'en ai pas eu pour mon argent. Sur le plan du corps de la femme non plus (mais j'y reviendrais si j'ai le temps de chroniquer le film). Pour reprendre Roussel à la vue du film :

"J'ai été perplexe devant le résultat de Je vous salue, Marie, que ce ne soit que ça. J'ai pensé, sur le moment, qu'il y avait beaucoup de gâchis : tout ce travail, tout ce tournage..." (Citation reprise tel quel du Godard, une biographie, d'Antoine de Baecque, éditions Grasset, 2010, p.627)

Prénom Carmen n'échappe pas à ce désir érotique et charnel de représentation de la femme qui titille Jean-Luc depuis son retour au cinéma mais ici, parce qu'il ne surveille pas sa jeune maîtresse et se concentre sur Detmers, ça passe admirablement bien. Et il faut dire que celle-ci est flamboyante, passionnée, lyrique, concentrée à fond dans son rôle, à tel point qu'on a juste l'impression que Godard n'a plus qu'a enregistrer comme si c'était un documentaire, le corps féminin.

Il y a d'ailleurs un texte d'Alberto Moravia écrit dans Libération que De Baecque redonne (et que je relivre aussi, du coup car je le trouve très bien) :

"Une femme nue, les seins dressés et la toison du pubis très dense et très noire, telle est la Carmen de Godard dans sa splendeur. Pendant une dizaine de minutes, nous voyons Joseph, assis à une table, qui parle avec calme à Carmen dont, cependant, ne nous est montrée que la moitié du corps entre la taille et les genoux. Or, Joseph ne semble pas remarquer les poils pubiques, noirs, épais, proéminents qui foisonnent entre les cuisses et le ventre de Carmen. Par ailleurs, le spectateur non plus n'a aucune raison cinématographique de regarder cette fourrure ténébreuse. Le seul qui regarde donc exprès la pilosité de Carmen, c'est le cinéaste. Pourquoi la regarde-t-il ? La durée du regard nous fait penser à une sorte de voyeurisme didactique : Godard est fasciné par le pubis de Carmen et en même temps veut nous dire quelque chose. Quoi ? De toute évidence, que ce triangle de poils noirs et sauvages constitue le centre du film."

:wink:

Sinon, le diable au corps j'aimerais bien le voir mais j'ai peur d'être déçu. Ce n'est donc pas une priorité pour l'instant pour moi.
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard, 1983)

Message par Jordan White »

Anorya a écrit : Ma chronique reste subjective.
Bien sûr. Je la trouve néanmoins très intéressante.
Si je dois repréciser, je dirais que mis à côté d'une bonne partie de sa filmographie, le film nécessite en effet d'être en forme (on est quand même devant un Godard), mais il n'y a pas non plus un travail aussi poussé vers une certaine cérébralité comme Les Histoire(s) du cinéma où le montage et les visions participent de la poésie de l'objet, certainement plus proche d'une installation d'Art contemporain que d'un véritable documentaire sur l'Histoire et le cinéma (ce qui n'est nullement péjoratif justement, j'aime les Histoire(s) du cinéma pour cet aspect très étrange et assez personnel au cinéaste). Non ici, la fiction reste assez linéaire, il y a juste un montage parallèle entre le casse et l'histoire d'amour passionnée qui se développe et d'un autre côté, la préparation au violon de morceaux de Beethoven. Par contre je concède qu'on ne rentre pas tout de suite dans le film, c'est aussi une impression que j'en ai eu et ensuite, au fil du déroulement, c'était bien mieux.
J'apprends à connaître Godard au fil des découvertes. Je ne me précipite pas pour tout découvrir d'un bloc, années 60 comme 90, voire plus. A l'inverse de ce que j'avais fait avec Rohmer en regardant tous ses films en un mois. J'avais follement accroché à Conte d'Eté et avais eu envie de tout connaître ou presque, parce que je n'ai pas encore vu Le signe du lion et ses derniers films à l'exception de Les amours d'Astrée et Céladon.
Et comme pour confirmer ça, il y a, chose très nouvelle chez le cinéaste Suisse, un besoin de représenter le désir, l'érotisme que peut transporter le corps féminin. Auparavant dans les 60's, nous avions juste eu le dos et les fesses de Brigitte Bardot dans le Mépris et sinon quelques fragments du corps d'Anna Karina dans Vivre sa vie (de beaux plans toutefois qui me restent en mémoire, autonomes et beaux chacun à leur manière : la courbe de la chevelure, un cou, une épaule dénudée, une main sur une autre...) par exemple

Les plans de Bardot sont parmi les plus érotiques qu'il m'ait été donné de voir. Ceux de Karina dans Vivre sa vie sont splendides.
Ce que je veux dire c'est que ce n'est pas parce qu'un cinéaste dévoile peu qu'il ne dit pas grand chose. Et dans Le Mépris comme dans Vivre sa vie, sans aucune vulgarité, il propose un regard osé et audacieux par rapport aux moeurs de l'époque et anticipe le mouvement féministe des années 70.

Sinon, le diable au corps j'aimerais bien le voir mais j'ai peur d'être déçu.

Si tu as peur d'être déçu, tu risque de l'être.
Le film ne m'a vraiment pas convaincu du tout, trop de longueurs, une réalisation très plate. Maruschka y est très belle, très nature, mais la réputation sulfureuse (et pas uniquement pour sa scène -très brève- de pipe) est à mon sens usurpée : il n'y a rien de très scandaleux ou de troublant alors qu'il s'agit paradoxalement d'un film d'initiation.
Ce n'est donc pas une priorité pour l'instant pour moi.[/justify]

Je pense très honnêtement que ça peut attendre, et que lorsque tu en auras envie, découvre-le.
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard, 1983)

Message par NotBillyTheKid »

Jordan White a écrit :
Anorya a écrit :Et comme pour confirmer ça, il y a, chose très nouvelle chez le cinéaste Suisse, un besoin de représenter le désir, l'érotisme que peut transporter le corps féminin. Auparavant dans les 60's, nous avions juste eu le dos et les fesses de Brigitte Bardot dans le Mépris et sinon quelques fragments du corps d'Anna Karina dans Vivre sa vie (de beaux plans toutefois qui me restent en mémoire, autonomes et beaux chacun à leur manière : la courbe de la chevelure, un cou, une épaule dénudée, une main sur une autre...) par exemple

Les plans de Bardot sont parmi les plus érotiques qu'il m'ait été donné de voir. Ceux de Karina dans Vivre sa vie sont splendides.
Ce que je veux dire c'est que ce n'est pas parce qu'un cinéaste dévoile peu qu'il ne dit pas grand chose. Et dans Le Mépris comme dans Vivre sa vie, sans aucune vulgarité, il propose un regard osé et audacieux par rapport aux mœurs de l'époque et anticipe le mouvement féministe des années 70.
Comme tu le rajoutes justement, Anorya, Une Femme mariée était aussi sur cette tonalité, c'est un des Godard les plus sensuels.

Seulement, la différence vient, évidemment d'un changement de mœurs cinématographiques (après les premiers émois du jeune cinéaste devant la sensualité des films de Bergman, les rares à montrer un bout de chair dans des films de qualité), mais aussi d'un autre changement. Dans les 60's, Godard, fan du collage, héritier de cette théorisation du collage par Aragon à propos de Picasso, dévoile le corps en travaillant dans la tradition du "blason", en découpant le corps en parties. (ici, pour plus de détails).
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Comme il l'a fait avec les thèmes, les auteurs et les cultures, Godard inscrit la littérature dans ses films en employant, en adaptant des genres littéraires à son cinéma. En effet, les genres cinématographiques se sont créés indépendamment de la littérature. La plupart sont déterminés par leur milieu, leur "décor" dirait Godard. Ainsi, dans les westerns, les polars ou les films de guerre, le style, très codifié, est imposé par l'univers décrit. Echappent à ce "conditionnement" par le décor, des genres tels que la pure comédie (notamment les "slapsticks"), le fantastique ou la comédie musicale. Ensuite, les films qui ne sont pas typiquement des "films de genres" se classent souvent en trois catégories très floues et très larges : la comédie (le film est "léger" et finit bien), la comédie dramatique (soit le sujet est grave mais le film se clôt sur une happy-end, soit il est léger mais finît mal) et le drame (tout va mal). Par conséquent, au cinéma, le style est rarement à l'origine du genre.

Godard utilise alors quelquefois, sur tout le film ou seulement sur quelques séquences, des genres littéraires qu'il adapte en genres cinématographiques, bien souvent inédits. Le genre littéraire est avant tout une question de "forme", fréquemment associée à des thèmes traditionnels. Un de ces genres adoptés par Godard qui a inspiré le plus de commentaires de la part des critiques, est le "blason".

Le blason était un genre littéraire du XVème et XVIème siècles surtout représenté par l'oeuvre collective initiée par Marot, Blasons anatomiques du corps féminin (1535-1550). M. Fontaine précise :



"En tout état de cause, le propos du blason est la description ; son mode : l'énumération des qualités ou vices, sous forme de litanie ou de liste - ou, à défaut, d'apostrophes régulières à l'objet considéré - dont le ressassement crée la présence, ou précise le contour."



C'est avec les descriptions du corps féminin que le genre trouve sa dimension véritable. Sous l'autorité de Marot, les poètes concourent à louer la beauté féminine dans un poème, en détaillant, chacun, une partie du corps. Cette description de l'ensemble par les parties ne pouvait que s'intégrer à l'esthétique godardienne. La fragmentation - et en particulier celle des corps - est récurrente chez le cinéaste, elle peut être rapprochée, entre autres, du travail de Picasso, de David Hockney ou de Man Ray qui morcellent le corps ou en isolent des parties. Cette utilisation du blason appartient à sa recherche d'une description totale du monde, de la globalité par l'addition, le "+", le "et". Il "atomise" le corps féminin pour y chercher la vie, isoler ce "et", qui assemble les parties. Il se livre à un travail de dissection, et l'on peut dire, en paraphrasant Apollinaire à propos de Picasso, que Godard "étudie un objet comme un chirurgien dissèque un cadavre". L'"atomisation" devient "anatomie". Le Dictionnaire des littératures de langue française note à propos du mot "anatomique" dans le titre de l'oeuvre majeure du genre :



"Qui, des poètes ou de l'imprimeur, a pris conscience que leurs vers rivalisaient avec l'un des domaines les plus florissants de la médecine : l'anatomie, dont le but est précisément de diviser par ordre les parties du corps pour mieux les décrire ?"



Mieux décrire les parties, certes, mais afin de mieux décrire le tout, l'ensemble. Le plus bel exemple de ces blasons godardiens est la séquence d'ouverture du Mépris, où Camille, nue sur un lit, demande à Paul s'il l'aime :



"Camille : - Tu vois mes pieds dans la glace ?

Paul : - Oui.

Camille : - Tu les trouves jolis ?

Paul : - Oui, très.

Camille : - Et me chevilles, tu les aimes ?

Paul : - Oui.

Camille : - Tu les aimes mes genoux, aussi ?

Paul : - Oui, j'aime beaucoup tes genoux.

Camille : - Et mes cuisses ?

Paul : - Aussi.

Camille : - Tu vois mon derrière dans la glace ?

Paul : - Oui.

Camille : - Tu les trouves jolies mes fesses ?

Paul : - Oui... très. (...)

Camille : - Et mes seins, tu les aimes ?

Paul : - Oui, énormément. (...)

Camille : Qu'est-ce que tu préfères : mes seins, ou la pointe de mes seins ?

Paul : - J'sais pas. C'est pareil.

Camille : - Et mes épaules, tu les aimes ?

Paul : - Oui.

Camille : - Moi j'trouve qu'elles sont pas assez rondes... Et mes bras ?

Paul : - Oui.

Camille : - Et mon visage ?

Paul : - Aussi.

Camille : - Tout ? Ma bouche, mes yeux, mon nez, mes oreilles ?

Paul : - Oui, tout.

Camille : - Donc tu m'aimes totalement !

Paul : - Oui. Je t'aime totalement, tendrement, tragiquement.

Camille : - Moi aussi, Paul."



Aimer toutes les parties du corps de la belle, c'est donc l'aimer "totalement". Même en amour, c'est toujours un "total" qui est recherché à travers une addition. Apprenti sorcier, anatomiste, Godard démonte tout pour comprendre les mécanismes de la vie, son "système".

Après avoir aussi donné l'exemple de la séquence d'ouverture du Mépris, l'ouvrage de Bergala, Deniel et Le boutte, Une encyclopédie du nu au cinéma, propose une définition du blason cinématographique :



"Blason : (...) Au cinéma : art de choisir, de découper et disposer du corps. Chaque cinéaste, qu'il le veuille ou non, construit de plan en plan, de film en film, un blason du corps qui lui est propre et qui dessine à son insu le portrait le plus intime de son désir de cinéaste. Pour tout cinéaste, ce blason est à la fois poème du corps de l'autre et étendard de son art poétique"



Cette séquence du Mépris est bien un "étendard" de l'art poétique du cinéaste, mais c'est aussi un poème, chaque réplique fait de ce dialogue une litanie, les formules s'y répètent comme une incantation de l'amour, contre le mépris. Il n'y a pas de réelle description (ni orale, ni picturale) des parties du corps de B.B., seule l'appréciation est donnée. L'évocation par la parole seule suffit à créer l'image. Godard auto-citera cette séquence en la présentant sur un téléviseur dans Tout va bien.

D'autres blasons émaillent l'oeuvre de Godard. Dans A bout de souffle, Michel parle de Patricia en ces termes :

"Hélas ! Hélas ! Hélas ! J'aime une fille qui a une très jolie nuque, de très jolis seins, une très jolie voix, de très jolis poignets, un très joli front, de très jolis genoux, mais qui est lâche."



Patricia elle-même propose à Michel de choisir entre les différentes parties de son corps, comme le jury des Blasons anatomiques du corps féminin (ce fût le poème sur le sourcil qui l'emporta) :



"Tu aimes mieux mes yeux, ma bouche ou mes épaules ? Si tu devais choisir..."



Michel, lui , préfère des parties du corps plus originales :



"Montre tes doigts de pied... C'est très important les doigts de pied chez une femme. Rigole pas."



Mais c'est son sourire qu'il semble préférer, avec toutefois un angle de vue précis :



"Ton sourire, quand on le voit de profil, c'est ce que tu as de mieux. Ca c'est toi !"



Dans Une femme est une femme, Emile aime Angéla... et les différentes parties de son corps :



"Je n'aime que toi, tes yeux, ton cou, tes épaules, ta taille."



Une femme mariée contient différents plans du corps de Charlotte à qui Robert fait ces quelques remarques :



"Tu as de jolis sourcils"



"Tu devrais faire comme dans les films italiens, t'as vu ? les femmes ne se rasent pas sous les bras"



"J'aime tes dents"...



Dans Pierrot le fou, c'est Ferdinand qui parle de lui-même en prenant conscience de la fragmentation de son corps :



"J'ai une machine pour voir qui s'appelle les yeux, pour entendre les oreilles, parler la bouche. J'ai l'impression que c'est des machines séparées, y a pas d'unité. On devrait avoir l'impression d'être unique, j'ai l'impression d'être plusieurs"



Paul (J.P. Léaud), dans Masculin-Féminin, à qui Madeleine (C. Goya) demande "Y a rien d'autre [que la tendresse] qui vous intéresse chez moi ?", répond : "Si, tout : les cheveux, les yeux, la bouche, les mains, les..."

Comme Pierrot le fou, 2 ou 3 choses que je sais d'elle évoque cette impression d'atomisation de la personnalité :



"Quand je rêve, j'ai l'impression de m'éparpiller en mille morceaux"



Mais, nous l'avons remarqué, le blason est plus évoqué qu'employé. Il n'y a pas de description précise des détails physiques, juste l'affirmation de leur existence par l'énumération, à mi-chemin entre le blason et l'inventaire "à la Prévert" (qu'il utilisera notamment dans la séquence du bar de Made in U.S.A., et dans les différentes bandes-annonces qu'il créa pour ses films).
Dans les 80's, il n'est plus dans cette optique du blason, à mon avis, mais dans la représentation du corps, dans le travail de l'icone (cf Passion, Je vous salue Marie...).
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard, 1983)

Message par Anorya »

NotBillyTheKid a écrit : Comme tu le rajoutes justement, Anorya, Une Femme mariée était aussi sur cette tonalité, c'est un des Godard les plus sensuels.

Seulement, la différence vient, évidemment d'un changement de mœurs cinématographiques (après les premiers émois du jeune cinéaste devant la sensualité des films de Bergman, les rares à montrer un bout de chair dans des films de qualité), mais aussi d'un autre changement. Dans les 60's, Godard, fan du collage, héritier de cette théorisation du collage par Aragon à propos de Picasso, dévoile le corps en travaillant dans la tradition du "blason", en découpant le corps en parties. (ici, pour plus de détails).
(...)
Dans les 80's, il n'est plus dans cette optique du blason, à mon avis, mais dans la représentation du corps, dans le travail de l'icone (cf Passion, Je vous salue Marie...).
Très intéressant, je comprends mieux cette notion de Blason que même Antoine de Baecque dans sa biographie du cinéaste recite à propos du mépris p.243,244 tout en rappelant quand même que c'était prévu dans le cahier des charges (si je revois le Mépris dans mon parcours Godardien actuel, j'en reparlerais peut-être). Un argument donc fort vendeur et intéressant que Godard avec son audace et son inventivité détourne à son style personnel.

Pour les 80's, je pense aussi que l'époque à changé et les envies du cinéaste aussi, ça doit jouer aussi, en plus de l'iconisation du corps féminin. Parce qu'elle n'est pas effective à mon sens dans un film comme Sauve qui peut (la vie), mais en même temps ce n'est pas non plus le propos du film cela dit.
Jordan Araki a écrit :
Anne Orya a écrit :Si je dois repréciser, je dirais que mis à côté d'une bonne partie de sa filmographie, le film nécessite en effet d'être en forme (on est quand même devant un Godard), mais il n'y a pas non plus un travail aussi poussé vers une certaine cérébralité comme Les Histoire(s) du cinéma où le montage et les visions participent de la poésie de l'objet, certainement plus proche d'une installation d'Art contemporain que d'un véritable documentaire sur l'Histoire et le cinéma (ce qui n'est nullement péjoratif justement, j'aime les Histoire(s) du cinéma pour cet aspect très étrange et assez personnel au cinéaste). Non ici, la fiction reste assez linéaire, il y a juste un montage parallèle entre le casse et l'histoire d'amour passionnée qui se développe et d'un autre côté, la préparation au violon de morceaux de Beethoven. Par contre je concède qu'on ne rentre pas tout de suite dans le film, c'est aussi une impression que j'en ai eu et ensuite, au fil du déroulement, c'était bien mieux.
J'apprends à connaître Godard au fil des découvertes. Je ne me précipite pas pour tout découvrir d'un bloc, années 60 comme 90, voire plus. A l'inverse de ce que j'avais fait avec Rohmer en regardant tous ses films en un mois. J'avais follement accroché à Conte d'Eté et avais eu envie de tout connaître ou presque, parce que je n'ai pas encore vu Le signe du lion et ses derniers films à l'exception de Les amours d'Astrée et Céladon.

J'avoue que je découvre un peu tout Godard mais pas forcément dans un certain ordre. Si lundi j'ai vu Je vous salue, Marie, hier c'était 2 ou 3 choses que je sais d'elle. 2 époques et deux visions différentes. Je rejoue donc un peu ce que tu as eu avec Rohmer mais sans avoir spécialement accroché à un film. Ce sont plutôt la passion d'Antoine de Baecque dans ses ouvrages consacrés au cinéma et à la Nouvelle Vague qui m'ont donnés envie d'aller plus loin (je regarde les films et je lis en même temps sur le cinéaste). J'ai des hauts et des bas chez Godard et curieusement, même si je trouve certaines séquences formidables, je n'apprécie pas forcément tout le film dans son entier, sans doute pour des raisons d'homogénéisation.
White Jordan a écrit :
Ann O'Nyme a écrit :Et comme pour confirmer ça, il y a, chose très nouvelle chez le cinéaste Suisse, un besoin de représenter le désir, l'érotisme que peut transporter le corps féminin. Auparavant dans les 60's, nous avions juste eu le dos et les fesses de Brigitte Bardot dans le Mépris et sinon quelques fragments du corps d'Anna Karina dans Vivre sa vie (de beaux plans toutefois qui me restent en mémoire, autonomes et beaux chacun à leur manière : la courbe de la chevelure, un cou, une épaule dénudée, une main sur une autre...) par exemple

Les plans de Bardot sont parmi les plus érotiques qu'il m'ait été donné de voir. Ceux de Karina dans Vivre sa vie sont splendides.
Ce que je veux dire c'est que ce n'est pas parce qu'un cinéaste dévoile peu qu'il ne dit pas grand chose. Et dans Le Mépris comme dans Vivre sa vie, sans aucune vulgarité, il propose un regard osé et audacieux par rapport aux moeurs de l'époque et anticipe le mouvement féministe des années 70.
Oui ces plans sont magnifiques.
Même ceux de Macha Merrill dans Une femme mariée, c'est grandiose, même si on ne voit souvent que des blasons (je dirais plus fragments pour ma part). Et je suis tout à fait d'accord avec toi sur le fait qu'un cinéaste peut dire beaucoup en dévoilant peu. C'est ce que je ressens pour certains films de Bresson où une sensualité se dégage à mon sens de nombreux plans, même si ils témoignent encore moins du corps féminin que ne peut le faire Godard. :)

Jordan Yh a écrit :
Anorexie a écrit :Sinon, le diable au corps j'aimerais bien le voir mais j'ai peur d'être déçu.

Si tu as peur d'être déçu, tu risque de l'être.
Le film ne m'a vraiment pas convaincu du tout, trop de longueurs, une réalisation très plate. Maruschka y est très belle, très nature, mais la réputation sulfureuse (et pas uniquement pour sa scène -très brève- de pipe) est à mon sens usurpée : il n'y a rien de très scandaleux ou de troublant alors qu'il s'agit paradoxalement d'un film d'initiation.
Anorrryyyarg a écrit :Ce n'est donc pas une priorité pour l'instant pour moi.[/justify]

Je pense très honnêtement que ça peut attendre, et que lorsque tu en auras envie, découvre-le.

Bon je comptais justement le voir un jour ce fameux diable au corps pour cette scène, du coup je suis sérieusement refroidi. J'attendrais donc. Merci Jordan.
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riqueuniee
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Re: Prénom Carmen (Jean-Luc Godard - 1983)

Message par riqueuniee »

Avant l'opéra,il y eut la nouvelle de Mérime. Il est donc tout à fait possible d'adapter cette histoire sans se reférer à la musique de Bizet. Le livret de l'opéra est d'ailleurs assez proche de la nouvelle de Mérimée.
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