Van Gogh (Maurice Pialat - 1991)
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Et hop tout pareil !Memento a écrit :+1Jeremy Fox a écrit :Le chef d'oeuvre de Pialat et peut être l'un de mes films français préférés toutes époques confondues.
Un pur moment de grace.
Les films sont à notre civilisation ce que les rêves sont à nos vies individuelles : ils en expriment le mystère et aident à définir la nature de ce que nous sommes et de ce que nous devenons. (Frank Pierson)
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Van Gogh (Maurice Pialat, 1991)
Les derniers jours du peintre Van Gogh venu se faire soigner chez le docteur Gachet à Auvers-sur-Oise. Terribles derniers jours partagés entre une création intensive, des amours malheureuses et surtout le désespoir.
Toujours pas de topic sur ce qui est à mes yeux le plus beau film du cinéma français. A vrai dire je me sens parfaitement incapable d'en parler tant ce film me touche de manière viscérale.
Minelli avait déjà tenté une approche biopic du personnage, porté principalement par une approche très esthétique. Chez Pialat c'est tout le contraire, on travaille au couteau, on remue les plaies, on efface l'oeuvre (les faux tableaux esquisse du résultat à venir, les mêmes tableaux ignorés de tous durant toute la durée du film). Malgré le maniérisme de l'oeuvre, le film n'essaye jamais de "faire joli", ici on rue dans les branquards. Pour le cinéaste l'oeuvre d'art ne se lit qu'à travers le regard du contemporain, elle n'a rien de transcendante, c'est de la matière étalée sur une autre. On en revient un peu à cette idée grecque d'un art qui est une technique.
C'est ce qui rend le film passionant: il bouillonne de souffrance, de colère. On y parle finalement plus de honte et d'incompréhension que d'Art.
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Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce film, l'un des plus beaux. Simplement, et ce n'est ici pas du tout usurpé, un chef-d'oeuvre.
Avec Bresson, Pialat aura été le plus grand cinéaste français. Ni plus, ni moins.
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Re: Van Gogh de Maurice Pialat
Peut-être pas LE pour moi mais il s'en rapproche très très près.MJ a écrit :... ce qui est à mes yeux le plus beau film du cinéma français.
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Re: Van Gogh de Maurice Pialat
L'Argent, le Jour se Lève, Cet Obscur Objet du Désir... ma phrase ne tendait pas à oublier tout ces chef-d'oeuvres. Mais oui, pour moi Van Gogh reste LE film français et n'est pas loin d'être LE film.Jeremy Fox a écrit :Peut-être pas LE pour moi mais il s'en rapproche très très près.
Avec Bad Lieutenant de Ferrara et quelques autres c'est l'un des rares films récents où j'ai l'impression de retrouver les cîmes d'un Bergman, d'un Kubrick ou d'un Hitchcock.
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Je vais aller un peu à contre-courant ici. C'est un très beau film, mais qui m'a également laissé parfois quelque peu perplexe.
Ce que je trouve singulier dans Van Gogh, c'est le peu d'affinités que j'ai perçu entre l'art de Pialat et celui du peintre Van Gogh, bien moins prosaïque que Pialat, bien plus mystique aussi, embrassant (embrasant ?) l'univers entier. Le soin extrême apporté par Pialat à sa mise en scène, que ce soit dans les cadrages, la composition des groupes de personnages, et le chatoiement des couleurs et des ombres, m'ont fait en revanche durablement penser à Auguste Renoir, dont le style, celui par exemple du Déjeuner des Canotiers, imprime une grande partie du film si je me souviens bien. A cette aune, et je ne m'en plains pas, étant sensible à la beauté picturale au cinéma, je trouve le film aussi esthétisant que celui de Minnelli, mais une esthétique impressionniste au lieu du baroque minnellien. Esthétisant au noble sens du terme, comme pouvait l'être le cinéma de Ford, lui aussi directement cité par Pialat (la danse de Fort Apache).
La deuxième singularité de Van Gogh, c'est ce refus absolu du psychologisme et de la subjectivité. Tout le film demeure externe à Van Gogh, servi par un Dutronc éthylique et transparent, dont le jeu neutre sert les visées de Pialat, si bien qu'à la fin du film, il nous est impossible de savoir qui est Van Gogh, ce que représentait son art, ce qu'il pensait de son art à part la conscience qu'il avait de ses déficiences techniques. Le film se serait appelé Van Borg, que cela ne lui aurait pas porté préjudice outre mesure. Il m'a semblé que c'était l'environnement de Van Gogh qui intéressait Pialat plus que Van Gogh lui-même ; sans doute, à son corps défendant, parce que Pialat ne croyait pas possible de pénétrer à l'intérieur du crane de Van Gogh, s'assignant alors une mission plus modeste et peut-être, selon lui, plus honnête intellectuellement consistant à décrire ce qui entourait Van Gogh pour s'en approcher le plus possible (en citant donc curieusement Renoir plutôt que Van Gogh lui-même), sauf à supposer que Pialat ne cherchait pas à s'approcher de Van Gogh. Et passé cet obstacle, on butte encore sur l'interprétation un peu monocorde de Dutronc, dont le visage lisse ne souffre aucune anfractuosité où l'on pourrait s'accrocher.
On peut dès lors projeter sur ce Van Gogh ce que l'on veut, admirer ce parti-pris tenu jusqu'au bout comme tu le fais MJ, ou rester un peu à distance, quoique toujours admiratif, comme je me suis surpris à faire.
Ce que je trouve singulier dans Van Gogh, c'est le peu d'affinités que j'ai perçu entre l'art de Pialat et celui du peintre Van Gogh, bien moins prosaïque que Pialat, bien plus mystique aussi, embrassant (embrasant ?) l'univers entier. Le soin extrême apporté par Pialat à sa mise en scène, que ce soit dans les cadrages, la composition des groupes de personnages, et le chatoiement des couleurs et des ombres, m'ont fait en revanche durablement penser à Auguste Renoir, dont le style, celui par exemple du Déjeuner des Canotiers, imprime une grande partie du film si je me souviens bien. A cette aune, et je ne m'en plains pas, étant sensible à la beauté picturale au cinéma, je trouve le film aussi esthétisant que celui de Minnelli, mais une esthétique impressionniste au lieu du baroque minnellien. Esthétisant au noble sens du terme, comme pouvait l'être le cinéma de Ford, lui aussi directement cité par Pialat (la danse de Fort Apache).
La deuxième singularité de Van Gogh, c'est ce refus absolu du psychologisme et de la subjectivité. Tout le film demeure externe à Van Gogh, servi par un Dutronc éthylique et transparent, dont le jeu neutre sert les visées de Pialat, si bien qu'à la fin du film, il nous est impossible de savoir qui est Van Gogh, ce que représentait son art, ce qu'il pensait de son art à part la conscience qu'il avait de ses déficiences techniques. Le film se serait appelé Van Borg, que cela ne lui aurait pas porté préjudice outre mesure. Il m'a semblé que c'était l'environnement de Van Gogh qui intéressait Pialat plus que Van Gogh lui-même ; sans doute, à son corps défendant, parce que Pialat ne croyait pas possible de pénétrer à l'intérieur du crane de Van Gogh, s'assignant alors une mission plus modeste et peut-être, selon lui, plus honnête intellectuellement consistant à décrire ce qui entourait Van Gogh pour s'en approcher le plus possible (en citant donc curieusement Renoir plutôt que Van Gogh lui-même), sauf à supposer que Pialat ne cherchait pas à s'approcher de Van Gogh. Et passé cet obstacle, on butte encore sur l'interprétation un peu monocorde de Dutronc, dont le visage lisse ne souffre aucune anfractuosité où l'on pourrait s'accrocher.
On peut dès lors projeter sur ce Van Gogh ce que l'on veut, admirer ce parti-pris tenu jusqu'au bout comme tu le fais MJ, ou rester un peu à distance, quoique toujours admiratif, comme je me suis surpris à faire.
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Les points que tu soulèves Strum soint loin d'être des aberrations. C'est vrai que contrairement au Minelli, l'esthétique du film ne tient pas du tout de Van Gogh... lui-même en total décalage avec ses contemporains. L'homme est un visionaire parce qu'il pressent la gloire à venir. Son art ne peut que l'éloigner du monde qui l'entoure, tiraillé entre le doute et le refus d'une inertie, alors qu'il sent que quelque chose est en train de se passer. "Je préfére peindre les yeux des hommes que les cathédrales, car il y a quelque chose qu'il n'y a pas dans les cathédrales, même si elles sont majestueuses et qu'elles en imposent" écrivait-il dans ses lettres à son frère. Cette essence de Van Gogh, sur le fond comme sur la forme, Pialat l'a pleinement saisi.
Oui Pialat refuse la psychologisation, mais de loin pas la réflexion. On existe toujours par rapport aux autres, cela il l'a très bien compris. Ce qui l'intéresse ce n'est pas le regard que l'on a aujourd'hui sur ce peintre mais celui qu'avait ses contemporains. Celui que Van Gogh a vécut en tant que sujet, mort il est objet de culture. Le cinéaste refuse d'aller dans la "boîte noire" mais il y est en réalité pleinement dès le début. Car l'univers de Van Gogh est Van Gogh.
Au contraire d'un sentiment d'extériorité je trouve l'immersion totale. Immersion dans un personnage seul, blessé et qui ne croit pas en lui-même. Tout ce qu'il y a au fond d'intéressant dans la personne. Le reste nous est venu par son oeuvre. Peut-être que ce qui dérange c'est que Pialat refuse la sacralisation de l'aaaartiste, la portée aux nues de l'acte de création. Ici on enfante dans la douleur et on travaille à la sueur de son front. Même dans les sombres régions de l'esprit.
C'est le gros reproche fait au film par ses détracteurs: prendre un artiste pour ne pas s'y intéresser, et donc l'insulter. A noter que la plupart de ses "ennemis" se référent à la vie "réelle" de l'artiste pour attaquer le film.Strum a écrit :La deuxième singularité de Van Gogh, c'est ce refus absolu du psychologisme et de la subjectivité. Tout le film demeure externe à Van Gogh, servi par un Dutronc éthylique et transparent, dont le jeu neutre sert les visées de Pialat, si bien qu'à la fin du film, il nous est impossible de savoir qui est Van Gogh, ce que représentait son art, ce qu'il pensait de son art à part la conscience qu'il avait de ses déficiences techniques. Le film se serait appelé Van Borg, que cela ne lui aurait pas porté préjudice outre mesure.
Oui Pialat refuse la psychologisation, mais de loin pas la réflexion. On existe toujours par rapport aux autres, cela il l'a très bien compris. Ce qui l'intéresse ce n'est pas le regard que l'on a aujourd'hui sur ce peintre mais celui qu'avait ses contemporains. Celui que Van Gogh a vécut en tant que sujet, mort il est objet de culture. Le cinéaste refuse d'aller dans la "boîte noire" mais il y est en réalité pleinement dès le début. Car l'univers de Van Gogh est Van Gogh.
Au contraire d'un sentiment d'extériorité je trouve l'immersion totale. Immersion dans un personnage seul, blessé et qui ne croit pas en lui-même. Tout ce qu'il y a au fond d'intéressant dans la personne. Le reste nous est venu par son oeuvre. Peut-être que ce qui dérange c'est que Pialat refuse la sacralisation de l'aaaartiste, la portée aux nues de l'acte de création. Ici on enfante dans la douleur et on travaille à la sueur de son front. Même dans les sombres régions de l'esprit.
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Tu es trop bon.MJ a écrit :Les points que tu soulèves Strum soint loin d'être des aberrations.
Ce que tu dis s'agissant du regard des contemporains de Van Gogh et de la démythification de l'artiste par Pialat est tout à fait juste. Pialat traite Van Gogh comme un artisan quelconque et non comme le porteur d'une grâce divine parce qu'il souhaite que nous le voyions au travers du regard de ses contemporains. Quelque part, il rejoint là aussi Ford, qui clamait à qui voulait l'entendre qu'il était un artisan (seulement, il y a chez Ford un lyrisme et une poésie qu'il n'y a pas chez Pialat). On peut cependant se demander si Pialat en tenant ce discours pense à Van Gogh, ou davantage à lui et à sa conception générale de l'artiste, Van Gogh servant alors de porteur d'eau ou de symbole, si bien que Pialat tout autant que ceux qui nimbent Van Gogh d'une auréole aujourd'hui projeterait sur Van Gogh sa propre conception de l'artiste maudit.MJ a écrit :On existe toujours par rapport aux autres, cela il l'a très bien compris. Ce qui l'intéresse ce n'est pas le regard que l'on a aujourd'hui sur ce peintre mais celui qu'avait ses contemporains. Celui que Van Gogh a vécut en tant que sujet, mort il est objet de culture....Peut-être que ce qui dérange c'est que Pialat refuse la sacralisation de l'aaaartiste, la portée aux nues de l'acte de création. Ici on enfante dans la douleur et on travaille à la sueur de son front. Même dans les sombres régions de l'esprit.
Quoiqu'il en soit, ce refus apparent chez Pialat du regard rétrospectif et ce souhait du réalisme rendent parfois ce beau film assez ingrat pour le spectateur. Tu me rétorqueras sans doute que c'est là que réside sa valeur.
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On essaye d'être gentil avec les gens et voilà ce que ça donne, du sarcasme bon marché. Ma bonté me perdraStrum a écrit :Tu es trop bon.
Tu le fais si bien tout seul.Strum a écrit :Tu me rétorqueras sans doute que c'est là que réside sa valeur.
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Essayé plusieurs fois, je n'y arrive pas.
Si parfois un comédien interiorise un personnage, cela vaut aussi parfois pour un cinéaste, Pialat étant un de ceux qui incarnent le mieux cette idée amha. Seulement voilà, là où la retenue, la pudeur font parfois exploser telle une évidence tout ce qui était caché, secret, ici, tout me laisse perplexe. Comme si cela sonnait faux, artificiel. Pire: comme si c'était joué (même sentiment avec Nous ne vieillirons pas ensemble). Lorsqu'on découvre un film ou un artiste, on a parfois l'impression de le rencontrer, d'échanger avec lui. Aussi, face à quelqu'un qui faisait des films aussi personnels et habités, on peut se sentir totalement étranger et c'est le cas avec Pialat. Fin bref, tout cela est bien subjectif et ne fait pas avancer le schmilblik, car il est évident que Van Gogh est un film passionnant pour des tas de raisons. Mais la forme me laisse totalement sur le carreau.
Si parfois un comédien interiorise un personnage, cela vaut aussi parfois pour un cinéaste, Pialat étant un de ceux qui incarnent le mieux cette idée amha. Seulement voilà, là où la retenue, la pudeur font parfois exploser telle une évidence tout ce qui était caché, secret, ici, tout me laisse perplexe. Comme si cela sonnait faux, artificiel. Pire: comme si c'était joué (même sentiment avec Nous ne vieillirons pas ensemble). Lorsqu'on découvre un film ou un artiste, on a parfois l'impression de le rencontrer, d'échanger avec lui. Aussi, face à quelqu'un qui faisait des films aussi personnels et habités, on peut se sentir totalement étranger et c'est le cas avec Pialat. Fin bref, tout cela est bien subjectif et ne fait pas avancer le schmilblik, car il est évident que Van Gogh est un film passionnant pour des tas de raisons. Mais la forme me laisse totalement sur le carreau.
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Dans un monde idéal, Van Gogh aurait dû être à Alexandra London (qui joue la fille du Docteur Gachet) ce qu'A Nos Amours a été pour Sandrine Bonnaire: le révélateur d'un talent formidable et l'ouverture vers une "carrière" conséquente.
Je ne comprends pas qu'elle ait si peu tourné ensuite. A mon sens, c'est un véritable gâchis, tant sa prestation était inoubliable.
Je ne comprends pas qu'elle ait si peu tourné ensuite. A mon sens, c'est un véritable gâchis, tant sa prestation était inoubliable.