Dans un peep show, un homme assassine une prostituée. Flash-backs et auditions présentes visent à éclaircir les circonstances ayant poussé cet homme à la folie.
Avec Bergman aux commandes, on se doute qu'un pitch "dans la tête d'un psychopathe" ne va pas donner des films comme
Angst ou
Maniac. Le meurtre en lui-même est éludé par un hors-champ, et il ne sera plus question tout du long d'aucune autre forme de violence que psychologique. En ce sens, on est donc en parfait territoire bergmanien.
On pourrait sommairement situer
De la vie des marionnettes au croisement thématique de
Persona, auquel il reprend les questionnements liés à l'instabilité identitaire, mais aussi - et curieusement - de
Scènes de la vie conjugale pour la peinture d'un dépérissement de couple. Celui-ci fournira l'alibi psychologique au passage à l'acte. La relation pathétique qui unit le mari (hanté de toutes sortes de pulsions déviantes) à son épouse infidèle et cruelle, est pour Bergman l'occasion de revisiter certains questionnements sur la domination et l'humiliation.
En étant méchant, je pourrais dire qu'il tombe définitivement le masque avec ce film, en se laissant emporter par toute la misanthropie qui guette souvent son œuvre. C'est noir et glacial à en crever, anti-humain au possible, tous les personnages sont détestables et sont mus par des rapports tordus, vicieux, minables, insincères... C'est le film d'un artiste qui plonge tête baissée dans la bile noire et le mépris qu'il a accumulés envers le monde (se souvenir qu'il s'agit d'un téléfilm allemand suite à son exil de Suède), c'est terrible. Et pour moi insupportable, même, tant cette vision de la médiocrité humaine pue la complaisance et l'arrogance. LVT s'est retrouvé au pilori pour moins que ça, sérieux. Et puis que dire de cette explicitation psychanalytique foireuse à faire passer la fin de
Psychose pour un chef-d’œuvre de subtilité, où la victime a le même prénom que l'épouse honnie, où le psy décrète que le trauma vient de la petite enfance (la mère castratrice, un grand classique) et que c'est un homosexuel refoulé (!), et où le meurtrier s'endort dans sa cellule avec un nounours en peluche !
Impayable. Pour moi, Bergman s'est vraiment perdu avec ce film certes obsédant sur la forme mais totalement à côté de la plaque sur le fond.
Je ne résiste pas à l'envie de mentionner cette scène qui résume tout.
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Respect, Ingmar.
Et qu'on ne vienne pas me sortir l'exemple du règlement de comptes entre Bibi Andersson et son mari dans Scènes. La crudité et la cruauté des dialogues ne manifestaient pas un tel degré d'auto-satisfaction haineuse. Ce fou rire de la nana qui prend son pied à raconter ça devant les deux minables... pouah.