Coeur de verre (Werner Herzog - 1976)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Avatar de l’utilisateur
gnome
Iiiiiiil est des nôôôôtres
Messages : 20808
Inscription : 26 déc. 04, 18:31
Localisation : sleeping in the midday sun...

Coeur de verre (Werner Herzog - 1976)

Message par gnome »

Un berger qui a des visions de fin du monde, la fin d’un monde. Un village de verriers rendus quasi fous par la perte de la recette du verre-rubis, la richesse du village, la fin de leur monde.


Image

Film quasi expérimental réalisé par Werner Herzog en 1976, Cœur de verre est une expérience particulière. Le film est avant tout une splendeur visuelle. Herzog y film les paysages ruraux, la verrerie et une nature sauvage, presque fantastique en de longs plans contemplatifs de toute beauté. Mais « faire beau » pour le plaisir de « faire beau » n’est pas dans les plans d’Herzog pas plus que ce rythme contemplatif n’est fortuit. Tout concoure à faire du film une expérience hypnotique ce qui est précisément le but recherché par Herzog qui ne s’en cache pas dans le commentaire audio qui accompagne le film. Celui-ci devait d’ailleurs s’ouvrir par une séance d’hypnose par écran interposé dirigée par Herzog lui-même… Le réalisateur n’en abandonnera néanmoins pas le procédé, puisqu’il fera jouer ses interprètes sous hypnose de façon a rendre au mieux l’état de transe dans laquelle est plongé le village… Procédé audacieux, probablement unique dans l’histoire du cinéma, mais procédé limite car si il donne indéniablement un cachet particulier au film, si dans certaines scènes, cette transe hypnotique crée une ambiance particulière qui sert le film, elle peut à d’autres moments révéler ses limites et déroutera certainement le spectateur non averti. Au final, Cœur de verre est une expérience intéressante qui ne laisse pas indifférent ; qui m’a fasciné et pour tout dire hypnotisé, mais peut tout aussi bien irriter. Une expérience où poésie rime comme souvent avec Herzog avec folie…
A noter que le personnage du berger est inspiré de légendes bavaroises...

8/10

A noter que la musique de Popol vuh est sublime... Et aussi hypnotique que le film...

Image
Image
Avatar de l’utilisateur
Boubakar
Mécène hobbit
Messages : 52249
Inscription : 31 juil. 03, 11:50
Contact :

Message par Boubakar »

Ce n'est pas un des films dispos dans un des coffrets Herzog de chez Opening ?
Avatar de l’utilisateur
gnome
Iiiiiiil est des nôôôôtres
Messages : 20808
Inscription : 26 déc. 04, 18:31
Localisation : sleeping in the midday sun...

Message par gnome »

Si, dans le coffret noir, avec Aguirre.
Image
Anorya
Laughing Ring
Messages : 11846
Inscription : 24 juin 06, 02:21
Localisation : LV426

Re: Coeur de verre - Werner Herzog - 1976

Message par Anorya »

Coeur de Verre (Herzog - 1976)
Image Image
Un village dont l'unique richesse est l'industrie verrière sombre dans la dépression. Mühlbeck, le contremaître de l'usine, vient de décéder, et il était le seul dépositaire du secret du verre-rubis, ce verre d'une étonnante couleur rouge sang. Quelques paysans demandent de l'aide au berger Hias, qui, assis sur le rocher, murmure des prophéties. Plusieurs tentatives de façonner le précieux verre échoueront. Le village semble courir à sa perte et Hias annonce un cataclysme imminent...

Je débute une petite rétrospective personnelle de films d'Herzog totalement dans le désordre en ce moment et qui rejoint plus ou moins les chroniques à venir sur le site (même si je fais tout dans le désordre -- au passage chapeau à msieur Bitoun pour les chros, passionnantes à souhait et le dur labeur qu'il continue :D). L'occasion pour voir ou revoir (comme Aguirre ou L'énigme de Kaspar Hauser) des oeuvres singulières. Car, chaque film d'Herzog est un ovni en soi. Le cinéaste, autodidacte, s'est formé tout seul et entend bien que ce soit une expérience visuelle et sensitive à presque quasiment chaque nouvelle création. Coeur de Verre comme Aguirre ou Fitzcarraldo n'y échappent pas. Ici, il semblerait qu'Herzog ait hypnotisé quasiment tous ses acteurs (sauf un... Encore que dans l'un des meilleurs moments vers la fin, on sent bien qu'Hias est finalement lui aussi comme en transe) afin de les transformer en pantins étranges, désarticulés, aux limites de la folie (tous les films d'Herzog traitent de la folie humaine. Même ses documentaires au fond. Qui serait assez fou pour vivre avec des Grizzlys au péril de sa propre vie ? cf Grizzly man). On obtient un film étrange, à deux à l'heure (même chez Bresson ça va plus vite :shock: :mrgreen: ) avec des acteurs aux teints blafards, transpirant constamment et les yeux injectés de sang (ce qui renforce l'aspect franchement inquiétant). Le film est lui-même parsemé de visions grotesques (surtout dans l'utilisation des "acteurs" qui ont en plus de ces tronches, dignes des tableaux de Brueghel) qui côtoient le sublime (notamment la photographie du film, volontairement conçue pour ressembler à certaines peintures à l'huile du XVIIe siècle, renforçant --en plus de l'utilisation constante des plans fixes-- l'idée de scènes comme autant de tableaux). Evidemment tout n'est pas parfait et le spectateur navigue entre une certaine fascination (les scènes de verrerie formidables et dans la pure veine documentariste d'Herzog. Ceux qui ont voyagé à Murano (*) par exemple près de Venise et observé la fabrication d'objets en verre doivent ressentir la même fascination que moi je pense)parfois baignée d'un peu d'ennui en dépit de moments passionnants typiquement Herzogiens où le récit sort de ses gonds (Hias qui prédit l'avenir finit par décrire des choses qui se dérouleront bien plus tard.... au XXe siècle !).

Une oeuvre austère, exigeante et intéressante.

4/6.


edit du 6 avril 2010 : (*) Murano est une des îles de la lagune de Venise, spécialisée dans l'industrie du verre et où le travail est entièrement artisanal. Je conseille fortement la visite aux amoureux de Venise comme aux curieux ou... aux passionnés d'Herzog, of course ! ;)
Dernière modification par Anorya le 7 avr. 14, 17:54, modifié 3 fois.
Image
Jericho
Cadreur
Messages : 4436
Inscription : 25 nov. 06, 10:14

Re: Coeur de verre (Werner Herzog, 1976)

Message par Jericho »

La question que je me pose surtout: c'est à partir de quel date que les films sont considérés comme des "Classiques naphtalinés" ?!
Image
Avatar de l’utilisateur
cinephage
C'est du harfang
Messages : 23872
Inscription : 13 oct. 05, 17:50

Re: Coeur de verre (Werner Herzog, 1976)

Message par cinephage »

Jericho a écrit :La question que je me pose surtout: c'est à partir de quel date que les films sont considérés comme des "Classiques naphtalinés" ?!
Dans l'index du forum, on lit :
Classiques naphtalinés
Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980...
:wink:
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
Jericho
Cadreur
Messages : 4436
Inscription : 25 nov. 06, 10:14

Re: Coeur de verre (Werner Herzog - 1976)

Message par Jericho »

Ok merci, ça me facilitera des recherches ultérieures !
Image
Avatar de l’utilisateur
Demi-Lune
Bronco Boulet
Messages : 14958
Inscription : 20 août 09, 16:50
Localisation : Retraité de DvdClassik.

Re: Coeur de verre (Werner Herzog - 1976)

Message par Demi-Lune »

Image Image Image Image Image
Ami amateur d'expériences cinématographiques hors des sentiers battus, ce film est pour toi.
Viens-y quand même paré.
Herzog expérimente le jeu sous hypnose pour raconter l'histoire d'une bourgade perdue au fin fond de la Bavière au XVIIIe siècle, détentrice d'un savoir-faire particulier dans la verrerie : le Verre-Rubis. La mort du maître-artisan emporte avec elle celle de son secret de fabrication, au grand dam des villageois, qui ne tournent pas rond et viennent chercher l'aide d'un berger oracle. L'intrigue tient sur une ligne, ce n'est pas ce qui motive le cinéaste. Il faut vraiment prendre le film comme une porte ouverte vers l'inconnu au risque de s'y faire chier sévère. Si on accepte ça, la proposition s'avère obsédante et unique comme tous les meilleurs Herzog. Cœur de verre conjugue l'intérêt esthétique du cinéaste pour le mouvement romantique allemand (avant Nosferatu, c'est l'esprit des toiles de Friedrich qui est convoqué) ainsi que son souci de pousser les limites du filmable. Le pari ici, c'est de tout soustraire (au risque d'être abstrait ou hermétique) pour mieux plonger le spectateur dans un état second, comme les acteurs. Force est de reconnaître que la torpeur est au rendez-vous, reste à savoir selon les sensibilités si elle sera inquiète et fascinée ou si elle sera le prélude à un bon gros dodo. Quoi qu'il en soit, il me semble difficile de balayer le film du revers de la main. L'état d'hypnose dans lequel sont maintenus les acteurs (de vraies belles gueules, l'un finira d'ailleurs dans Le nom de la rose) crée le malaise tout comme cet enveloppement de la Nature, à la fois proche et mystique. En suggérant la folie rampante chez ces villageois, il y a quelques trucs quand même bien dérangeants comme cette scène de veillée nocturne à la harpe où le valet blafard, les yeux instables, remet mécaniquement un tableau qui vient de tomber (!) tandis que la servante crie on ne sait trop pourquoi. Okay. La musique de Popol Vuh est à nouveau idéale pour nous embarquer dans un autre monde. Le prologue, sorte de préfiguration de celui de Koyaanisqatsi, est magnifique. Ça n'a certes pas l'aboutissement d'un Aguirre ou d'un Nosferatu, faute de choses à quoi se raccrocher, mais le film fait son chemin en tête.
Répondre