Apocalypse Now (Francis Ford Coppola - 1979)
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Comme l'ont dit harry et Colqhoun, dans Apocalypse Now, le Vietnam est un prétexte, un cadre, pour Coppola, qui s'intéresse au processus de désintégration de la conscience d'hommes d'horizons divers. En ce sens, c'est un film totalement a-politique, a-historique, qui ne se préocuppe pas de représenter le réel, mais qui se prévaut au contraire d'une totale subjectivité, d'un horizon étroit. D'autre part, en raison du choix d'un récit subjectif, Coppola se trouve obligé d'esthétiser la guerre pour montrer en quoi elle peut subjuguer, fasciner l'homme par les images invraisemblables, uniques, de destruction qu'elle donne à voir. C'est en somme un souci d'honnêté, de pédagogie, lié au caractère éminemment subjectif du film, qui cause cette esthétisation de la guerre dans Apocalypse Now (parler de film ethnocentrique tourné par un Européen sur le vietnam, c'est une lapalissade ; évidemment qu'il sera ethnocentrique ; on ne peut faire fi de ses origines). L'usage de la scène des hélicoptères dans Jarhead de Mendes est à cet égard parfaitment approprié. Cela traduit bien ce qui fascine benoitement les soldats.
On peut s'offusquer de ce que Coppola ne souhaite pas donner un tour politique à son film. Mais est-ce qu'une telle réaction est féconde ? Je ne le crois pas. C'est en somme reprocher à Coppola d'avoir fait un autre film que celui qu'on aimerait voir. Il n'y a pas d'idéologie politique douteuse dans Apocalypse Now, puisqu'il n'y a simplement pas d'idéologie politique du tout (à moins de considérer que tout est toujours politique, ce qui me semble une vision singulièrement terre à terre du cinéma). Cela n'intéressait manifestement pas Coppola. C'est un film qui appartient au métaphysique et c'est tant mieux.
On peut s'offusquer de ce que Coppola ne souhaite pas donner un tour politique à son film. Mais est-ce qu'une telle réaction est féconde ? Je ne le crois pas. C'est en somme reprocher à Coppola d'avoir fait un autre film que celui qu'on aimerait voir. Il n'y a pas d'idéologie politique douteuse dans Apocalypse Now, puisqu'il n'y a simplement pas d'idéologie politique du tout (à moins de considérer que tout est toujours politique, ce qui me semble une vision singulièrement terre à terre du cinéma). Cela n'intéressait manifestement pas Coppola. C'est un film qui appartient au métaphysique et c'est tant mieux.
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apocalypse now est le plus grand film de tous les temps et de la terre entière ! c'est lui qui m'a convaincu d'entrer dans l'armée. c'est grace à ça que j'ai pu humecter la douce odeur du napalm au petit matin en dégustant mon café (merci encore peter venkman pour ce moment de bonheur que j'ai pu avoir grace à ton si bon café...) !
ah.... le viet-nam....
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Glauque.rudolf slansky a écrit :apocalypse now est le plus grand film de tous les temps et de la terre entière ! c'est lui qui m'a convaincu d'entrer dans l'armée. c'est grace à ça que j'ai pu humecter la douce odeur du napalm au petit matin en dégustant mon café (merci encore peter venkman pour ce moment de bonheur que j'ai pu avoir grace à ton si bon café...) !
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J'avais découvert Apocalypse now au ciné (je me souviens que c'était sur les Champs et que c'était une reprise avec la version 70mm), je devais avoir 16 ans et ça m'avait mis une grosse claque, même si plein de choses m'avaient échappées...
Je viens de découvrir le version Redux et j'ai beaucoup aimé (à l'exception du score épouvantable qui accompagne la scène des Français). Petit bémol aussi comme certains forumeurs sur le jeu de certains acteurs français. En revanche, la partie avec Roxanne (Aurore Clément) est très importante dans le sens où elle me semble annoncé le monologue final de Kurtz.
La jolie veuve française parle de la dualité de son soldat de mari : "There are two of you. One that kills and one that loves." Et Kurtz plus tard parle des soldats vietnamiens coupeurs de bras en disant : "These men who fought with their hearts, who had families, who had children, who were filled with love … but they had the strength … the strength … to do that".
En fait Kurtz comme Willard (scène très importante où Willard achève une civile dans le sampan) sont dans le mensonge fondateur de toute guerre : on peut faire la guerre proprement.
Or le film montre bien qu'il il n'y a pas d'espace pour la morale dans la guerre, que le soldat ne peut se comporter comme un homme, que faire la guerre (qu'on soit simple soldat ou général) c'est arrêter d'être vraiement humain, basculer dans l'animalité. Le code d'honneur, les "valeurs" guerrières c'est un mensonge, un mythe. On est très proche de la conclusion d'un autre grand film de guerre, le Patton de Schaffner, dont le scénario est de Coppola. Personnellement, je vois peu de films aussi pacifistes et plus largement aussi politiquement engagés qu'Apocalypse now.
Je viens de découvrir le version Redux et j'ai beaucoup aimé (à l'exception du score épouvantable qui accompagne la scène des Français). Petit bémol aussi comme certains forumeurs sur le jeu de certains acteurs français. En revanche, la partie avec Roxanne (Aurore Clément) est très importante dans le sens où elle me semble annoncé le monologue final de Kurtz.
La jolie veuve française parle de la dualité de son soldat de mari : "There are two of you. One that kills and one that loves." Et Kurtz plus tard parle des soldats vietnamiens coupeurs de bras en disant : "These men who fought with their hearts, who had families, who had children, who were filled with love … but they had the strength … the strength … to do that".
En fait Kurtz comme Willard (scène très importante où Willard achève une civile dans le sampan) sont dans le mensonge fondateur de toute guerre : on peut faire la guerre proprement.
Or le film montre bien qu'il il n'y a pas d'espace pour la morale dans la guerre, que le soldat ne peut se comporter comme un homme, que faire la guerre (qu'on soit simple soldat ou général) c'est arrêter d'être vraiement humain, basculer dans l'animalité. Le code d'honneur, les "valeurs" guerrières c'est un mensonge, un mythe. On est très proche de la conclusion d'un autre grand film de guerre, le Patton de Schaffner, dont le scénario est de Coppola. Personnellement, je vois peu de films aussi pacifistes et plus largement aussi politiquement engagés qu'Apocalypse now.
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Plus qu'un propos sur la guerre, Apocalypse Now parle de la dualité de l'être humain. Ici, la guerre fonctionne comme le liquide révélateur pour photos. Elle dévoile peu à peu l'humain sous sa couche civilisée, elle le transforme en boule d'instinct plutôt qu'en succession de gestes réfléchis. Ici, soit tu survis et tu traverses une douloureuse transformation vers l'homme-animal, soit tu meurs. Il n'y a plus d'alternatives possible. Willard et ses hommes remontent un fleuve, mais remontent aussi aux sources de leur être, pour trouver, finalement, le monstre qui est tapi en chacun d'eux, Kurtz.
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Tout à fait d'accord avec ce que tu écris, sauf quand tu dis qu'il n'y a pas d'alternative. Il y en a au moins deux : la démission (ou la désertion) et le suicide. Et on peut se demander si Willard ne choisit pas la première et Kurtz la seconde.Colqhoun a écrit :Plus qu'un propos sur la guerre, Apocalypse Now parle de la dualité de l'être humain. Ici, la guerre fonctionne comme le liquide révélateur pour photos. Elle dévoile peu à peu l'humain sous sa couche civilisée, elle le transforme en boule d'instinct plutôt qu'en succession de gestes réfléchis. Ici, soit tu survis et tu traverses une douloureuse transformation vers l'homme-animal, soit tu meurs. Il n'y a plus d'alternatives possible. Willard et ses hommes remontent un fleuve, mais remontent aussi aux sources de leur être, pour trouver, finalement, le monstre qui est tapi en chacun d'eux, Kurtz.
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Je ne crois pas que Willard choisisse la première, je crois plutôt qu'il absorbe, qu'il accepte son 2ème être, tandis que Kurtz choisis la mort (sous une forme ou une autre) parce qu'il ne supporte plus cet état.Jihl a écrit :Tout à fait d'accord avec ce que tu écris, sauf quand tu dis qu'il n'y a pas d'alternative. Il y en a au moins deux : la démission (ou la désertion) et le suicide. Et on peut se demander si Willard ne choisit pas la première et Kurtz la seconde.
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Je ne crois pas, Willard est en haut des marches, l'armée de Kurtz attend qu'il prenne la place physique et symbolique de Kurz. Mais que fait-il ? Il dépose son arme et il s'en va. Il ne fait pas bombarder la base de Kurz par l'aviation (ce qu'aurait fait un soldat des Forces Spéciales) et il ne remplace pas Kurtz, ni ne se suicide (ce qu'il aurait fait, s'il était comme Kurtz). Pour moi le scénario est assez clair, il va démissioner ou déserter.Colqhoun a écrit :Oui enfin, c'est surtout Willard qui devient Kurtz, ce dernier lui laissant sa place (tant physique que symbolique).
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pat61 a écrit :Dans un bouquin paru il y a plus de 25 ans, peu de temps après la sortie du film, bouquin intitulé Le chewing-gum des yeux, Ignacio Ramonet (qui n'était pas directeur du Monde diplomatique à l'époque), tout en reconnaissant bien volontiers que ce film était un film d'auteur, (comme ceux d'Orson Welles), n'avait pas mâché ses mot. Je cite en particulier un extrait qui parle du personnage joué par Robert Duvall (pour le reste, se reporter à la réédition du livre : Propagandes silencieuses, en poche Folio actuel n° 98) :David Locke a écrit :Bonsoir à tous!
Cependant, pour en revenir au sujet qui nous intéresse - Apocalypse Now, titre fort à propos - je trouve finalement légitime de se poser des questions devant la quasi-unanimité qui entoure ce film (ou n'importe quelle oeuvre soit dit en passant).
<< ... le colonel de cavalerie ne peut que fasciner tous les militaristes. Il est décrit comme possédant toutes les vertus mythiques de l'officier de droite rêvé : intrépide jusqu'à la témérité, bon juge du courage de l'ennemi, vénéré par ses hommes, excellent stratège, et... toujours victorieux. Rarement le cinéma, même le plus réactionnaire, aura proposé un portrait de militaire mythique, charismatique, aussi droitier et aussi flatteur. >>
Quelques pages avant, il analysait la scène d'attaque avec les hélicoptères en soulignant (un point que j'avais remarqué en voyant le film à sa sortie, et pourtant j'étais étudiant peu cultivé en cinéma à l'époque) que << toute la séquence est tournée du point de vue des attaquants.>>
Cette analyse de Apocalypse Now n'est qu'une incise dans un chapitre traitant des rapports de Hollywood et de la guerre du Vietnam.
Il se trouve que je viens de remettre la main sur le bouquin de Ramonet et désolé Ignacio, mais t'as rien compris au film ! Au moins quatre contre-sens en trois pages de critique et le tout réédité en Folio junior
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C'est bien le problème de la lecture politique systématique du cinéma américain.Jihl a écrit :pat61 a écrit :
Dans un bouquin paru il y a plus de 25 ans, peu de temps après la sortie du film, bouquin intitulé Le chewing-gum des yeux, Ignacio Ramonet (qui n'était pas directeur du Monde diplomatique à l'époque), tout en reconnaissant bien volontiers que ce film était un film d'auteur, (comme ceux d'Orson Welles), n'avait pas mâché ses mot. Je cite en particulier un extrait qui parle du personnage joué par Robert Duvall (pour le reste, se reporter à la réédition du livre : Propagandes silencieuses, en poche Folio actuel n° 98) :
<< ... le colonel de cavalerie ne peut que fasciner tous les militaristes. Il est décrit comme possédant toutes les vertus mythiques de l'officier de droite rêvé : intrépide jusqu'à la témérité, bon juge du courage de l'ennemi, vénéré par ses hommes, excellent stratège, et... toujours victorieux. Rarement le cinéma, même le plus réactionnaire, aura proposé un portrait de militaire mythique, charismatique, aussi droitier et aussi flatteur. >>
Quelques pages avant, il analysait la scène d'attaque avec les hélicoptères en soulignant (un point que j'avais remarqué en voyant le film à sa sortie, et pourtant j'étais étudiant peu cultivé en cinéma à l'époque) que << toute la séquence est tournée du point de vue des attaquants.>>
Cette analyse de Apocalypse Now n'est qu'une incise dans un chapitre traitant des rapports de Hollywood et de la guerre du Vietnam.
Il se trouve que je viens de remettre la main sur le bouquin de Ramonet et désolé Ignacio, mais t'as rien compris au film ! Au moins quatre contre-sens en trois pages de critique et le tout réédité en Folio junior
- Alphonse Tram
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Je viens de revoir la version originale. J'ai lu le livre, et finalement je préfère l'adaptation cinéma, surtout la première moitié.
(Hey, vous imaginez le film à venir en hd ? )
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Souhaits : Alphabétiques - Par éditeurs
- « Il y aura toujours de la souffrance humaine… mais pour moi, il est impossible de continuer avec cette richesse et cette pauvreté ». - Louis ‘Studs’ Terkel (1912-2008) -
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