Light sleeper (Paul Schrader - 1992)
Publié : 24 déc. 04, 11:36

Écrit et réalisé par Paul Schrader
Avec Willem Dafoe, Susan Sarandon, Dana Delavy, David Clennon, Mary Beth Hurt, Victor Garber.
Vu l'autre soir à la Cinématek. Il s'agit là d'un très beau film, un New York by night en compagnie du magnifique Willem Dafoe, dealer en quête de rédemption. Le scénariste de Taxi driver et de La Dernière tentation du Christ s'offre ici un film au rythme cotonneux, aux couleurs chaudes (photographie remarquable de Edward Lachman), à la musique langoureuse (chansons de Michael Been) et aux mouvements de caméra gracieux, porté par le jeu tout en douceur et douleur de son protagoniste. Son portrait est complexe et très subtil. Ce n'est que par petites touches que procède Schrader pour le caractériser lui et son entourage. Il nous immerge immédiatement dans son quotidien (les livraisons de nuit) sans passer par une quelconque scène d'exposition. Il évite ainsi habilement les écueils qui semblaient menacer un tel sujet. On n'est ni dans le drame, ni dans le documentaire. Schrader propose une vision assez neuve du milieu de la drogue. Ici, les voyous des bas quartiers sont relégués loin au second plan. Employé par une Susan Sarandon top glamour et reine du commerce, Dafoe fournit exclusivement des yuppies, depuis l'agent de change ayant perdu pied avec la réalité jusqu'au gros bonnet adepte des soirées louches. Lors de ses tournées nocturnes, Dafoe se retrouve souvent à occuper la place d'une sorte de confesseur, témoin de la déliquescence de la société (la ville croule littéralement sous les ordures suite à une grève des éboueurs). Ses clients se confient à lui comme des pécheurs à un prêtre
Mais lui n'en a que faire, il a appris à se taire. Lorsque Susan Sarandon lui annonce qu'elle compte arrêter son bizness pour se reconvertir dans une activité licite (les produits de beauté), Dafoe se retrouve soudain confronté à sa propre existence. On le suit ainsi dans ses interrogations non formulées (l'homme peut-il s'écarter d'un chemin tout tracé ? tout est-il déjà écrit ?) s'accrocher à ce qui lui apparaît comme un signe de la providence : il croise ainsi deux fois de suite, par hasard, son ex-petite amie (excellente Dana Delavy). Quatre ans plus tôt, tous deux junkies, ils se sont aimés. Aujourd'hui ils sont clean, mais encore brisés par cette histoire. À cela s'ajoute une enquête policière à la suite de l'overdose d'une étudiante.
On le voit, le film offre de nombreuses portes d'entrée, mais sans jamais apparaître lourd, sans sentir l'effort. Je reviens sur le jeu de Dafoe. Plus je repense à ce film, plus je m'aperçois à quel point tout son corps semble exprimer quelque chose de diffus. Il promène sa mélancolie, constate que la mort n'est jamais loin de lui, sans forcément qu'elle soit liée à la drogue. Le film est très sombre, mais sans complaisance. Les dialogues sont brillants et souvent surprenants. Le final est assez déroutant, faisant soudainement exploser la violence qui était jusqu'ici extérieure aux personnages), et se finissant sur une image d'absolution assez osée.
Je me rends compte qu'il n'est pas trop évident de parler de ce film, tant il est plein de petits détails qui en font un objet finalement assez inhabituel et vraiment beau (notamment lors d'une étonnante scène de sexe). Je ne sais pas s'il a rencontré un quelconque succès à sa sortie, mais j'avais envie d'en dire du bien ici.
À noter qu'on y croise Sam Rockwell (Charlie's angels, Les Associés, Confessions of a dangerous mind) bien jeunôt dans un rôle de petit trafiquant.
Willem Dafoe, lui, retrouvera Schrader dans le très beau Affliction (1997) et son dernier opus officiel à ce jour Autofocus (2002).
Ce film a-t-il des amateurs ici ?