Le Nouveau monde (Terrence Malick - 2005)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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MJ
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Message par MJ »

Ouf je suis un âne a écrit :pas faux
Et comme j'idôlatre et le Douanier Rousseau et Terrence Mallick...
"Personne ici ne prend MJ ou GTO par exemple pour des spectateurs de blockbusters moyennement cultivés." Strum
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John Anderton
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Message par John Anderton »

tite bouh a écrit :Malgré quelques passages beaucoup trop rapides à mon goût, j'ai vraiment adoré le film.

Le thème principal est magnifique.

Et la façon qu'a Terrence Malick de filmer la nature est presque bouleversante.

La jeune Q'orianka Kilcher est vraiment très belle et impressionante. J'ai beaucoup aimé le personnage de Christian Bale, très touchant. En revanche Colin Farrell malgré sa très bonne prestation, m'a légérement agaçé.
Pareil, j'ai vraiment du mal avec ce mec-là...
Sinon, la BO est magnifique, et je ne parle pas des images... :shock:
Ceci dit, assez bizarrement, je suis ressorti plus "serein" de LA LIGNE ROUGE... je savais de façon catégorique que je venais de voir un film énorme... avec LE NOUVEAU MONDE, j'ai la désagréable impression d'être passé à côté de certaines choses...
Une chose de sûre, on reconnaît bien Malick dans ce film à voix off multiples, au rythme curieux mêlé à des images d'une beauté fracassante... je crois que ma partie préférée, c'est celle avec Christian Bale.
Ce qu'il y a de plus violent dans le film, c'est finalement son montage : la première partie est bien 'space' dans le genre : ellipses plus ou moins longues qui se succèdent à un rythme effréné, on passe d'ailleurs du coq à l'âne, sans pour autant se perdre dans une narration qui reste assez facile à suivre... la voix off est moins omniprésente que dans LA LIGNE ROUGE, je crois...
Voilà quelques impressions en vrac... j'avoue être un peu bouleversé pour l'instant, les images et les sensations se bousculent...
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

Strum a écrit :Si Le Nouveau Monde est le film qui nous livre le secret du cinéma de Malick, c'est pourtant son premier film un peu décevant (tout en restant dans l'ensemble très beau). C'est un film dont l'ensemble des thèmes et des réflexions sont puisés à la source des écrivains américains panthéistes du début du 19è siècle, Thoreau, Coleridge ou Emerson, qui n'ont eu de cesse dans leurs écrits sur l'Amérique d'opposer la nature bienfaitrice et démiurge du nouveau monde et la civilisation occidentale et son amour de la technologie et de la réussite sociale. Malick filmant Le Nouveau Monde ou Les Moissons du Ciel, c'est, on le découvre ici, Thoreau quittant la civilisation pour vivre en ermite dans les bois et y écrire son superbe Walden.

Plus que le récit d'une histoire d'amour, Le Nouveau Monde est donc le récit de la nature livrée à la civilisation occidentale, le récit de sa fille, Pocahontas, fille du fleuve, telle la Baie d'Or de Tolkien, quittant les eaux vives et l'ombre des frondaisons des bois pour s'éteindre peu à peu au milieu des hommes de la ville. A cette aune, les deux premiers tiers du film baignent dans l'eau lustrale d'une nature régénératrice où John Smith, joué hélas par Colin Farrel, acteur peu à l'aise dans ce registre, renait soudain. La beauté et la sérénité des images y font pardonner les ellipses soudaines dans la narration qui témoignent des difficultés qu'à eu Mallick à raccourcir son film à la demande de New Line. Emporté par le lyrisme du film, le spectateur, hypnotisé, s'endort apaisé dans le giron de la nature maternelle.

Mais dès que Pocahontas se donne à la civilisation par amour pour Smith, passant, croit-elle, d'un absolu ou d'une pureté à une autre, et surtout dès que Smith l'abandonne de manière presque incompréhensible, le film perd sa grâce. Réduite au rang mortel d'une femme comme une autre, engoncée dans une robe qui ne lui va pas, Pocahontas dépérit alors et le film avec elle. Ramené à sa condition d'homme nain, celui de la chute du paradis de la nature selon le courant philosophique dont Malick se fait le porteur, le spectateur se réveille alors et voit les césures du film jusque là tenues pour négligeables. En suivant la logique de son propos jusqu'au bout, ce que l'on ne peut pourtant lui reprocher, Malick condamne la fin de son film à un certain prosaïsme, où surnagent encore, toutefois, quelques sublimes images.

Reste un poème visuel d'une totale liberté, une ôde à la pureté de la nature, plus pure que manichéenne, à la manière de l'Aurore de Murnau, qui brille dans sa première partie de tous les feux de la beauté.
Tu viens de mettre en quelques phrases tout ce que je n'arrivais pas à écrire en sortant du film. :shock: :D
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Trelkovsky
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Message par Trelkovsky »

Pour moi, c'est son meilleur film.
L'aboutissement total des trois autres...

Une proposition de cinéma aussi douce à la vision que radicale dans sa conception. Ce qui me frappe, c'est l'absence totale de discours du film. Une oeuvre presque sans sujet... Ce qui peut déstabiliser c'est qu'il ne s'agit pas là d'un film SUR quelque chose mais DANS quelque chose. Et qui élève le débat à un niveau hautement spirituel (pas au sens new age du terme, hein...).
Malick fait table rase de tous discours politiques, voire même philsophiques. C'est le film d'un peintre.
D'un maître à la fois naif et impressionniste (je pensais au douanier Rousseau mais aussi à Gauguin, Friedrich...).
Que le cinéma puisse encore s'élever à un tel niveau me bouleverse.

Malick pendant 2h20 a reussi à me faire oublier Sarkozy...
C'était pas gagné !!!
Je ne suis pas Simone Choule, je suis Trelkovsky...
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Zelda Zonk
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Message par Zelda Zonk »

Trelkovsky a écrit :Pour moi, c'est son meilleur film.
L'aboutissement total des trois autres...

Une proposition de cinéma aussi douce à la vision que radicale dans sa conception. Ce qui me frappe, c'est l'absence totale de discours du film. Une oeuvre presque sans sujet... Ce qui peut déstabiliser c'est qu'il ne s'agit pas là d'un film SUR quelque chose mais DANS quelque chose. Et qui élève le débat à un niveau hautement spirituel (pas au sens new age du terme, hein...).
Malick fait table rase de tous discours politiques, voire même philsophiques. C'est le film d'un peintre. D'un maître à la fois naif et impressionniste (je pensaisau douanier Rousseau mais aussi à Gauguin, Friedrich...).
Que le cinéma puisse encore s'élever à un tel niveau me bouleverse.
Ca fait plaisir :)
J'adhère notamment aux segments en gras.
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Message par Martin Quatermass »

Memento a écrit :
Trelkovsky a écrit :Pour moi, c'est son meilleur film.
L'aboutissement total des trois autres...

Une proposition de cinéma aussi douce à la vision que radicale dans sa conception. Ce qui me frappe, c'est l'absence totale de discours du film. Une oeuvre presque sans sujet... Ce qui peut déstabiliser c'est qu'il ne s'agit pas là d'un film SUR quelque chose mais DANS quelque chose. Et qui élève le débat à un niveau hautement spirituel (pas au sens new age du terme, hein...).
Malick fait table rase de tous discours politiques, voire même philsophiques. C'est le film d'un peintre. D'un maître à la fois naif et impressionniste (je pensaisau douanier Rousseau mais aussi à Gauguin, Friedrich...).
Que le cinéma puisse encore s'élever à un tel niveau me bouleverse.
Ca fait plaisir :)
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Message par kayman »

bravo le Trelko
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Strum
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Message par Strum »

Roy Neary a écrit :Tu viens de mettre en quelques phrases tout ce que je n'arrivais pas à écrire en sortant du film. :shock: :D
Merci Roy! :) C'est la lecture de Thoreau (et de son Walden) qui m'a ouvert les portes du film.
Trelkovsky a écrit :]Malick fait table rase de tous discours politiques, voire même philsophiques.
Pas sûr. C'est un film éminemment philosophique je trouve. Je crois qu'il serait plus juste de dire que Malick, plutôt que de se conduire en professeur de philosophie discourant sur le monde et donc faisant un film disant la philosophie, se conduit en philosophe, filme comme un philosophe, dans le sens étymologique du mot philosophie ("amour de la sagesse"). C'est un film de sage qui réconcilie la philosophie et la sagesse, comme amour du monde et harmonie avec la nature.
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Message par Gounou »

Strum a écrit :
Trelkovsky a écrit :Malick fait table rase de tous discours politiques, voire même philsophiques.
Pas sûr. C'est un film éminemment philosophique je trouve. Je crois qu'il serait plus juste de dire que Malick, plutôt que de se conduire en professeur de philosophie discourant sur le monde et donc faisant un film disant la philosophie, se conduit en philosophe, filme comme un philosophe, dans le sens étymologique du mot philosophie ("amour de la sagesse"). C'est un film de sage qui réconcilie la philosophie et la sagesse, comme amour du monde et harmonie avec la nature.
Dans ce cas, il se passe donc bien d'un discours, non?
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Trelkovsky
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Message par Trelkovsky »

Strum a écrit :
Roy Neary a écrit :Tu viens de mettre en quelques phrases tout ce que je n'arrivais pas à écrire en sortant du film. :shock: :D
Merci Roy! :) C'est la lecture de Thoreau (et de son Walden) qui m'a ouvert les portes du film.
Trelkovsky a écrit :]Malick fait table rase de tous discours politiques, voire même philsophiques.
Pas sûr. C'est un film éminemment philosophique je trouve. Je crois qu'il serait plus juste de dire que Malick, plutôt que de se conduire en professeur de philosophie discourant sur le monde et donc faisant un film disant la philosophie, se conduit en philosophe, filme comme un philosophe, dans le sens étymologique du mot philosophie ("amour de la sagesse"). C'est un film de sage qui réconcilie la philosophie et la sagesse, comme amour du monde et harmonie avec la nature.
Tout à fait.
Je pense par ailleurs que toute oeuvre émanent d'un grand artiste est un acte philosophique en soi. Mais ce que je trouve le plus réussi dans Le Nouveau Monde, c'est, je le répète et ce n'est pas contradictoire avec ce que je dis : l'absence de discours.
C'est juste un acte, un geste de cinéma...

Derrière La Ligne Rouge, il y avait encore l'idée de message.
Pas ici.

Très peu de cinéastes sont parvenus à cette forme pure de cinéma, déléstée de tous "vouloir dire"...
Kubrick, Bergman, Hitchcock... les plus grands quoi.
Je ne suis pas Simone Choule, je suis Trelkovsky...
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Message par Strum »

Gounou, Malick ne fait pas table rase de tous discours philosophique, puisqu'il adhère à une philosophie, et donc à un discours philosophique. Ensuite, effectivement, son film ne discourt pas sur la philosophie, il est philosophique. C'est le mot table rase qui a motivé mon intervention.

Edit: je viens de voir ton post, Trelko. Je suis d'accord, c'est un "geste de cinéma". :)
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Message par Gounou »

Oui, c'est bien comme cela que je l'entendais.
Et c'est probablement ce qui rend le film si unique, à mes yeux. Plus abstrait, plus pur encore que The Thin Red Line.
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Message par Zelda Zonk »

Personnellement, je préfère ce dernier film à La ligne rouge également, en partie aussi pour son absence de discours, même si le message dans La ligne rouge reste beaucoup moins appuyé que dans la plupart des films de guerre actuels, et si c'est bien l'abstraction qui l'emporte au bout du compte.
Mais bon, y'a aussi Les moissons du ciel, un film immense, peut-être moins beau formellement que ce dernier opus (quoique ça se discute), mais je trouve plus abouti au niveau du scénario et de sa structure (pas de moments creux dans ce film).
Il est d'ailleurs étonnant de constater les similitudes entre ces deux oeuvres. Au-delà du contexte historique (qui n'est ici qu'un pretexte secondaire), ce sont finalement les deux mêmes histoires que Malick nous conte.
Stalker
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Message par Stalker »

GROS SPOILERS

Je ne suis pas tout à fait d'accord pour dire que ce film ne contient pas de discours. C'est quand même du cinéma SUR quelque-chose, je trouve. :wink: Il y a bien sûr dans ce film une indéniable dimension contemplative (quelle splendeur !) mais elle est au service d'un propos (ou alors est-ce juste l'interprétation que j'en fais ?).

Je pense que le thême principal du film est illustré par la métaphore de l'arbre qui abandonne ses branches mortes mais continue à puiser dans ses racines pour continuer à grandir et à s'élever. C'est ce qu'explique la gouvernante anglaise à "Rebecca" et c'est ce sur quoi revient Malick dans le plan final, forte contre-plongée sur ces arbres qui s'élancent vers la lumière.

Cet arbre, c'est l'histoire de Pocahontas. Ou comment accepter de tourner le dos à ses orignes et au paradis perdu, celui de l'enfance et des utopies (l'idéal indien : pas de notion de propriété ni de jalousie, l'amour éternel...), sans pour autant les renier, pour continuer à s'élever et à vivre vers l'avenir (le film se clôt sur une mort, mais surtout une naissance). Tout ce désenchantement - même s'il est longuement amorcé dans la phase centrale du film, avec Christian Bale - nous tombe dessus comme un brouillard étouffant quand Rebecca arrive dans la grisaille anglaise. Ses illusions restantes, celles de l'amour éternel (sa notion à elle du mariage - cf. les deux dialogues clefs avec Christian Bale) s'évanouissent quand elle rencontre à nouveau John Smith et se rend compte qu'elle poursuivait un fantôme... Hé oui, la branche est morte et pourrie, alors autant la couper et aller de l'avant...

Malick semble abandonner rapidement l'histoire globale pour se concentrer sur les parcours individuels, mais je pense que c'est à travers ce parcours initiatique individuel qu'il raconte une histoire globale et universelle, celle du "progrès", de la civilisation, celle de l'homme tenaillé entre ses idéaux et la réalité.
Alors, est-ce le discours de Malick ou alors l'interprétation que je fais d'un geste philophique, comme vous dites, peu importe finalement, c'est en tous cas ce que tire de ce film à tête reposée.

J'ai trouvé Le Nouveau Monde parfois un peu bancal dans son rythme et sa construction (contraintes au montage ?), ce qui l'empêche à mon avis d'atteindre le niveau de perfection des meilleurs Kubrick, mais ses fulgurences terrassantes et sa richesse thématique, qui laisse le champ libre aux interprétations, en font un film très précieux.
Trelkovsky
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Message par Trelkovsky »

Belle interpretation Stalker, en tout cas. :wink:

Au fait : Christian Bale, quel putain d'acteur de sa mère !
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